Après deux semaines sans bouger à cause de la pénurie d’essence dans les pompes, je reprends la marche vers un petit village que j’ai découvert il y a quelques années (voir Montjustin, village fortifié autrefois, village d’artistes aujourd’hui). Mais cette fois, je pars de Céreste où j’espère voir les fouilles du pont romain, premiers vestiges de la pile fortuitement mise au jour par une crue du torrent de l’Aiguebelle au cours de l’hiver 1998/1999. Nous passons devant la chapelle Notre-Dame de Piété ; au-dessus de la niche de la façade, une coquille Saint-Jacques rappelle sans doute que nous sommes sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle à Rome.
La météo aujourd’hui à cet endroit :
Direction du vent et température ressentie
Le GR4/GR9 est bien balisé rouge-blanc. Quelque peu envahi par la végétation, il longe d’abord les villas, traverse des sous-bois puis s’élève sur les crêtes. Au sud, près de la route, quelques fermes isolées près de l’Aiguebelle au pied des collines. Nous marchons sur le socle calcaire et la marche est un peu moins agréable. Nous ne découvrirons les premières maisons de Montjustin qu’à la dernière minute.
La commune de Montjustin, commune du parc naturel régional du Luberon, ne compte que 53 habitants (recensement 2006) ; presque toutes les maisons sont fermées en cette fin d’octobre. Juste après l’entrée du village, signalée par un panneau sens interdit où les chiens doivent être tenus en laisse, un puits qui a conservé sa vieille manivelle fixée sur une roue qui permettait de remonter l’eau sans effort. Après le premier virage, un escalier de pierre nous invite à monter dans la forteresse protégée par une tour ronde et un long mur d’enceinte restauré, sans doute le château de Luzerne. Les rues étroites tournent et retournent, découvrant de nouvelles maisons de pierres. Rien de moderne : le village est resté authentique. Nous nous posons souvent la question de la violation de la propriété privée : aucun portail, aucune interdiction, nous circulons dans les jardins ou sur les places fleuries, sans distinguer ce qui est public de ce qui est privé, découvrant là une fontaine, un cadran solaire ou une statue bi-céphale.
Jean Ailhaud, né le 6 janvier 1675 à Lourmarin, […] acquit alors de la maison de Brancas les domaines importants de Castellet, de Vitrolles et de Montjustin et fut pourvu en 1745 de la charge anoblissante de secrétaire du Roi. […] Il en eut deux fils, Jean Gaspard, qui continua la descendance, et Louis, qui fut évêque de Carpentras. Jean Gaspard Ailhaud, Sgr de Castellet, de Vitrolles et de Montjustin, embrassa comme son père la profession de médecin. Ses deux fils, Jean Gaspard et Louis Théophile Gaspard, furent les auteurs de deux rameaux. L’auteur du second rameau, Louis-Théophile-Gaspard Ailhaud de Luzerne, né en 1756, épousa Mlle Mercier, dont il eut deux fils. Extrait du site de Gilles Dubois
Par un escalier le long du bâtiment affecté aux toilettes (bien entretenues !), nous atteignons la mairie qui a posé sur sa façade l’affiche des deux otages français en Afghanistan. Nous nous rendons au cimetière en suivant le sentier (PR jaune : Céreste par la plaine) où deux artistes célèbres ont été enterrés. Nous contemplons les crêtes du Luberon, la plaine de Reillanne et d’Apt, le Ventoux au lointain.
A peine visible sous les frondaisons, le cimetière éloigné du village, semble abandonné. Nous ne voyons aucune croix, aucun monument de marbre. La tombe du célèbre photographe Henri Cartier-Bresson, est simplement plantée de pieds de lavandes et massif de bruyère, avec un jeune olivier protecteur à son pied. Un contraste saisissant avec la célébrité de l’homme. http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Cartier-Bresson
« En fin de compte, la photo en soi ne m´intéresse absolument pas. La seule chose que je veux, c´est retenir une fraction de seconde de réalité ». Pour Cartier-Bresson, l’image naît d’un instant, sous l’œil attentif du photographe qui déclenche spontanément. Légende vivante de la photographie, il témoigne de l’histoire d’un siècle au travers d’images prises sur le vif, instinctives et parfois prémonitoires. l’Express
Centenaire de la naissance de H. Cartier-Bresson Fondation HCB
En face de la tombe Cartier Bresson, je retrouve celle de Lucien Jacques, ami de Giono, tout aussi modeste aux épitaphes gravées sur un morceau de bois et un éclat d’ardoise.
Lucien Jacques passera les six dernières années de sa vie à Gréoux-les-Bains […] Son état de santé ne l’empêche pas de créer et d’exposer encore. En 1960, Il va participer au tournage de Crésus , le film de Giono, devenant décorateur et accessoiriste de film, bien que fatigué par sa maladie. Le cancer l’emportera à l’hôpital de Nice le 11 avril 1961. Lucien Jacques sera enterré à Montjustin le 13 avril 1961.
Le nom de la troisième tombe ne me dit rien. C’est au retour que je trouverai des informations sur la famille Fioro.
Installé là depuis 1947, sur les conseils de Jean Giono (le père de Giono et sa grand-mère étaient frère et soeur), Serge Fiorio y a toujours mené une vie où peinture et paysannerie se sont entremêlées. À 99 ans en septembre prochain, l’homme garde une belle vivacité d’esprit, et c’est un moment exceptionnel de pouvoir remonter le temps avec une telle « machine humaine » en marche. La Provence, 31 juillet 2010 Serge Fioro
Ayant changé à la dernière minute le lieu de la balade, nous n’avons pas pris les coordonnées de Via Domitia 2 : Montjustin, cache adoptée par estoublon [archivée en 2014] et faisant partie d’une série imaginée par bob_13 intitulée « Via Domitia ». Nous entamons donc le retour par la plaine. Avant d’y parvenir, il nous faudra traverser une forêt clairsemée de pins et de chênes qui semblent bien maigres. Quelques champignons oranges ont trouvé leur bonheur dans ce sous-bois humide. Quand nous le quittons, c’est pour trouver une plaine avec la Bastide Neuve à gauche et un troupeau de moutons qui semble emprisonné dans un carré, à droite. Le grand champ de lavandes a perdu ses couleurs vives d’été. Après le Long Roux, le sentier rejoint le GR.
A Céreste, la voie romaine rejoignait la grande voie des alpes cottiennes de Sisteron à Apt. Histoire de Sainte Tulle… : patronne de la commune qui porte ce nom…, suivie de fragments historiques sur la Provence, Robert, Louis-Joseph-Marie (1771-1850), Repos (Digne), 1843. C’est donc à l’ancienne Catuiaca, non loin du pont dénommé « roman » ou « romain »1, sur la rivière d’Aiguebelle, que passait la Via Domitia, rejoint par le chemin militaire venant de Montfuron via Montjustin. Le vrai pont romain a fait l’objet de relevés archéologiques (voir le radier2, photo de gauche). Il a malheureusement été détruit en 1847 pour construire le pont actuel.
J’interroge les habitants. Deux femmes sont persuadées qu’il a été recouvert après les fouilles : les habitants avaient été invités à parcourir le sentier avant qu’il ne soit recouvert. J’arrête une autre personne qui interroge sa mère travaillant à l’office du tourisme. Quelle chance ! l’information sera fiable. Elle me confirme son emplacement sous l’actuel pont sur l’Aiguebelle, et qu’il a été enseveli en août 2010. Heureusement, vous pouvez voir les travaux dans ce diaporama de Jean-Paul Mise à jour des vestiges du Pont romain de Céreste. Le relais routier de Catviacia (site : le long de la via domitia) n’a pas encore été trouvé à Céreste.
Via Domitia #3 : Céreste, cache faisant partie d’une série imaginée par bob_13 intitulée « Via Domitia ».
J’ai eu le même plaisir que la première fois à (re) découvrir Montjustin. Le parcours est suffisamment varié pour ne pas être ennuyeux. Et terminer à l’hostellerie d’Aiguebelle n’a fait que prolonger ce plaisir.
Image de l’itinéraire Céreste Montjustin par les crêtes et la plaine, 9km820, 2h35, 272m dénivelée
2Le pont-radier permet la traversée de la rivière aux hommes et aux charrettes. En règle générale, le radier est une plate-forme stable sur laquelle repose les piles du pont, pour lutter contre l’érosion de l’eau.
©copyright randomania.fr
bravo la communauté des randonneurs et vive la montagne!
Je confirme (avec beaucoup de retard)
Les vestiges du pont romain de Cereste ont été recouvert d’un textile imputrescible puis la terre a été remise en place. Le tout, quelques jours après que j’ai pris les photos. Je viens de rajouter 2 agrandissements du panneau prés du pont de la Baou. Hélas, le soleil a fait son œuvre et les textes sont très délavés!
Ce weekend, il y a eu les fêtes du millénaire du prieuré de Carluc, c’est en rajoutant des photos que j’ai vu votre demande!
Bravo! Excellent site et intéressant!
Le mystère du pont « roman » ou « romain » de la carte IGN est enfin résolu! l’actuel pont n’est ni l’un ni l’autre. Bravo Nicole pour cette enquête.
Cordialement,
Bob_13