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** Des Mées à Malijai… par les Pénitents


Je retrouve Yves Provence pour une randonnée dans un lieu largement touristique : les Pénitents des Mées ; comme il n’y a plus de place pour se garer devant le camping, nous allons jusqu’au Carré des Pins, en amont du camping. Sur le parking, un guide de pays Claude Dominici, nous questionne sur notre future randonnée ; lui ayant parlé du tunnel qui passe sous les rochers, il nous dissuade de l’emprunter pour ne pas déranger les chauves-souris. Ceux de notre groupe qui le connaissent, n’ont jamais rencontré de chauve-souris ; l’association des Amis des Mées inclut cette option dans le Sentier des rochers ; de plus, je n’ai trouvé aucun arrêté préfectoral de protection des chauve-souris aux Mées. Il reste donc au programme !

Une synthèse de tout ce qu’il faut savoir, par Claude M.

Le départ carré des pinsmur-barrage photo foulonjmNous passons d’abord par le mur-barrage construit pour dévier le torrent de la Combe vers le tunnel d’évacuation tout proche ; première cache : en fait la dernière de la série posée par Ti’Mars… à l’occasion de l’event d’automne 2014 des Geocacheurs de Provence et de Partout.
GDP04-54 : Les Pénitents des Mées – P10/10, par Ti’Mars…

Le long du ravin de la CombePanneaux indicateurs de randonnéeLe sentier va grimper continuellement, d’abord le long du ravin de la Combe jusqu’à la citerne où nous faisons la première pause calories ; puis dans la forêt domaniale des Pénitents pour atteindre finalement San Peyre à 722m d’altitude ; nous délaissons les ruines sans grand intérêt ; ce n’est pas fini : la montée continue, suit la frontière entre les communes des Mées et Malijai pour atteindre finalement un sommet sans nom à 782m d’altitude : c’est là que, bien alignés comme de bons élèves, nous pique-niquerons face à la montagne de Lure (à gauche au premier plan sur la photo, sans son antenne), celle de la Baume et le sommet de Gache que l’on reconnait à son décroché en marche d’escalier. Comme à l’accoutumée, les bonnes choses se partagent tandis que le rhum arrangé accentue la bonne humeur, n’est-ce pas B. que je ne nommerai pas ?…

Panoramique au point culminant

Fleurs bleues aphyllanthes de MontpellierGenêts odorantsUne longue ligne de crête en descente, entre le ravin de la Coquesse et celui de Reynier, nous attend après le repas ; nous sommes dans un environnement de galets roulants, les risques de chute existent ; je n’ai qu’un bâton de randonnée et il ne me suffira pas pour éviter le dérapage. Des bouquets de fleurs bleues, aphyllanthes de Montpellier, des genêts au parfum entêtant égaient un peu cette uniforme forêt de chênes.

Le canal au loin la montagne de la BaumeDans une petite clairière, une image de carte Le canal et les Pénitents au loinpostale apparaît : ciel bleu, le ruban régulier du canal EDF, la Durance dont le suivi du mince filet bleu vous mènera jusqu’à la montagne de la Baume près de Sisteron, le barrage de l’Escale. A la fin de la descente, nous retrouvons le soleil aux bien nommées Costes Chaudes puis une piste plate qui nous mène au  bord du canal, avec vue de face sur le château de Malijai, connu pour ses gypseries de style Louis XV-Louis XVI, et pour le passage de Napoléon 1er à son retour de l’Ile d’Elbe en 1815.

Le château de MalijaiCe château, construit entre 1635 et 1643, fut acheté en 1766 par la famille Noguier et restauré vers 1770 pour devenir tel qu’il est actuellement. En 1982, il devient propriété de la commune et abrite aujourd’hui la mairie. […] D’un plan rectangulaire, il possède deux tours rondes en éteignoir qui sont recouvertes de tuiles vernissées. Extrait de la malle aux trésors

Le sentier le long du canalAu loin les Pénitents et une archeNous longeons le canal sur plusieurs kilomètres ; là où il rencontre le canal EDF, des canards prennent leur bain ; là où le pont traverse le canal, nous apercevons enfin les Pénitents au loin ; plus nous avançons, plus les Pénitents se rapprochent jusqu’à devenir de gigantesques silhouettes. le canal s'enfonce sous terreLa commune des Mées s’étend le rebord occidental du plateau de Valensole, dont le poudingue1 forme les curieuses formations géologiques appelées Pénitents. Le canal de la Durance dut s’enfoncer sous la terre pour ne pas passer sur ce site classé : caché sous les arbres, nous le voyons s’enfoncer sous le chemin.

Deux pénitents derrière les arbresle poudingueLes Pénitents des Mées forment un alignement long d’environ 1 km de long ; la falaise la plus haute atteint 150 m. La première mesure a été prise par des jeunes Méens en 1913 qui pensent à dérouler une corde de haut en bas du rocher. Mais où ont-ils trouvé une corde assez longue ? Après réflexion, ils se rendent au moulin à huile pour y récupérer de vieux escourtins2 qu’ils dévident : les cordes sont nouées bout à bout. Ils tirent au sort l’équipe qui grimpera au sommet du rocher. La corde est déroulée ; au signal de l’équipe d’en bas qui a réceptionné la corde, elle est coupée et l’équipe du haut redescend ; elle est étalée au sol et mesurée : ce Pénitent mesure 104m. Une bonne évaluation pour une méthode empirique !
La première mesure de la hauteur des Pénitents

J’ai tenté de comprendre leur formation d’un point de vue géologique.

Traces des strates horizontales-10 M années : la faille de la Durance, accident tectonique majeur, se manifeste à nouveau. La zone orientale s’enfonce formant une large dépression dans laquelle vont se déverser les eaux des rivières ; puissantes, alimentées par des phénomènes climatiques violents, elles transportent de grosses quantités de matériaux (galets, sables, argiles, calcaires) qu’elles amènent dans la dépression où ils s’accumulent pour former l’énorme dépôt des conglomérats de Valensole.
Au pied des Pénitents-8 M années : le massif Estérel-Corso-Sarde s’effondre ; les rivières de Basse-Provence, qui coulaient vers le plateau de Valensole, coulent vers la Mer Méditerranée qui occupe les terres affaissées. Le remplissage va se poursuivre pendant encore 5 ou 6 millions d’années : c’est dans ces bancs de poudingues2, d’une épaisseur décroissante du Nord (800 m aux Mées) au Sud (250 à 300 m à Gréoux), que les Pénitents se sont constitués ; les couches successives de galets plus ou moins grossiers ont de fréquentes variations de faciès et d’épaisseurs et se repèrent Un Pénitent sur fond de ciel bleupar les traces horizontales marquées sur les faces des Pénitents ; puis l’érosion les a sculptés en colonnes à la faveur de fissures verticales.
– 7.5M années : la mer se retire définitivement de la Provence.
– 3 M années : le comblement de la dépression s’arrête.
– 2 M années : la Durance a creusé son lit actuel.

On les appelle les Pénitents des Mées en raison de leur silhouette : d’après la légende, ils représentent les moines de la Montagne de Lure, cagoulés et honteux, qui ont été pétrifiés par saint Donat, au temps des invasions sarrasines, pour s’être épris de belles jeunes femmes Mauresques qu’un seigneur avait ramenées d’une croisade.
La légende des Pénitents (une des versions)

GDP04-52 : Les Pénitents des Mées – P8/10, Ti’Mars…

GDP04-53 : Les Pénitents des Mées – P9/10, Ti’Mars…

Entrée de la baumeNous nous arrêtons devant la baume d’Engarret où autrefois coulait une source naturelle. Cette fontaine s’est arrêtée de couler après le percement de la mine vers 1784. La grotte de la Font d’Engarret et la baume Chaudière étaient assignées comme lieu de quarantaine à ceux qui présentaient quelque soupçon de contagion de la peste.

grotte croix ©jp-petit.orgUn pénitent envahi par le lierreAprès le pont, l’un d’entre nous attire notre attention sur une cavité à l’accès extrêmement difficile, dans laquelle deux poutres entrecroisées forment la croix des rochers. En vain d’anciens Méens ont essayé de détacher ces pièces en y tirant des milliers de coups de fusils à balles. En extraire un morceau permettrait de la dater. Les informations que Claude nous restitue lui ont été communiquées par l’association des Amis des Mées, association qui partage en ligne toutes ses recherches historiques ; je leur adresse toutes mes félicitations.
La croix des rochers

schéma dessiné par le grimpeurLe Dimanche 25 août 1968, Yves T. voit arriver dans son jardin quatre ou cinq jeunes gens avec des sacs, des cordes, des piolets. Ils partent voir le site [de la croix]. L’un d’eux descend en rappel dans la gorge proche de la croix mais il ne peut pas aller très loin. Ils reviennent la semaine suivante.
A neuf heures ils commencent la descente dans la gorge proche de la croix et lorsqu’ils atteignent son niveau, Claude D. crée une voie horizontale pour la rejoindre, mais la pluie les oblige à reporter l’expédition au lendemain ; finalement, il verra : deux poutres en bois s’entrecroisant à quelques 70 cm du fond de la niche, […] Ce sont deux tiges droites de 3 à 4 mètres de long paraissant avoir appartenu à de jeunes arbres. […] Rien ne relie ces deux poutres […]. La niche minée par les infiltrations aqueuses présente quant à elle, […] une sorte de galerie surplombant une ancienne plateforme à l’horizontale des rochers pouvant correspondre à une ancienne vire taillée dans la roche.

Le 10 juin 1994, d’autres grimpeurs mieux équipés se rendent discrètement près de la croix, en prélèvent des échantillons mais ne font parvenir aucune conclusion : l’énigme subsiste.
17 août 2015 : dans une conférence tenue aux Mées, Bruno Paul, docteur en chimie, récupère le morceau et l’analyse en 2014. La croix daterait de la fin du VIIIè siècle ! Reste à expliquer comment elle y a été placée à 65 m d’altitude…

Le tunnel, sous les PénitentsPlace maintenant au passage dans le tunnel, surnommé la galerie de la mine ; elle passe sous les Pénitents transversalement. Longue de 200 m environ, elle est totalement dans le noir (lampe torche obligatoire), un peu glissante au départ et encombrée de galets.
Au vu des difficultés pour le creuser, le tunnel a été attaqué par le nord puis par le sud pour établir ensuite la jonction entre les deux, un peu à la manière des romains. Il y eut deux blessés graves dont un décéda peu de temps après.

Depuis le XIVè siècle, on connaît les soucis et les désastres que les eaux capricieuses et tumultueuses du torrent [de la Combe] ont causé à nos ancêtres. Le 25 août 1719 le désastre s’abat sur la cité, de l’eau jusqu’aux étages des maisons riveraines, deux mètres de boue et de graviers dans les rues adjacentes, des hommes, des enfants entraînés par les flots, la campagne saccagée, les chemins et les canaux emportés. […] l’idée de dévier le torrent prit forme de plus en plus. La solution paraissait radicale, une forte digue à angle droit avec son lit et un tunnel sous le rocher pour évacuer les eaux.
L’assemblée des Etats de Provence adopta le projet en 1780 et accorda la somme de 30 000 livres. les travaux […] dureront quatre ans. Malgré les accidents, les difficultés financières et matérielles, « les anti-trous », les travaux se poursuivirent sans relâche. Il ne restait plus qu’à construire un lit artificiel qui conduirait le torrent vers la Durance. […] Mais voilà que la 15 juin 1875 la Combe rugit de nouveau, la ville et la campagne sont dévastées. Dès septembre 1876 le conseil municipal décide la construction d’une digue en amont de la première, plus haute et plus robuste et il demande la création d’un périmètre de reboisement dans le bassin de réception et supérieur du torrent.
Ce sont donc les arbres qui ont finalement terrassé l’ennemi dévastateur.

La galerie de la mine, Association des Amis des Mées
Il y a 200 ans la mine, Association des Amis des Mées

Un saint dans une nicheAlternative au tunnel : passage dans le vieux village ; les plus gros galets ont été utilisés pour construire des murs et des maisons parfois accolées aux parois des rochers. Une construction durable en galets, voilà qui m’étonnera toujours. Dans le bloc de poudingue qui borde la rue du Rocher, une niche a été grossièrement aménagée et sous-titrée Saint-Quentin protecteur des marseillais veille sur la rue du rocher : trouvez l’erreur…

Mur de galets dans la vieille villeUn ancien bucheron devait habiter là autrefoisDe l’époque médiévale et jusqu’au XVIè siècle, le village s’est développé depuis la chapelle Saint-Sépulcre en des rangées concentriques d’habitations s’enroulant sur le flanc du rocher puis à sa base […] et cernées par un rempart, avec ses portes et ses tours, qui enserrait le tout. Extrait du bulletin des Amis des Mées, 2008

Une des portes de l'enceinteLa première de ces portes et la plus haute, s’appelait porte de Bédouine, du nom d’une ancienne famille distinguée de ce pays. Une autre est encore visible, tandis qu’une troisième évoquée par Esmieu n’a pas encore été repérée.

Note historique et statistique de la ville des Mées, J.J. Esmieu, Digne J.A. Farjon, 1803. Consultable en ligne.

C'est la sortie !En amont du terrain de camping où nous sommes garés, nous retrouvons les installations construites au XVIIIè siècle pour maîtriser les crues du torrent de la Combe : les murs des deux barrages et la sortie de la galerie de la mine.

Ce n’est pas le parcours classique mais un parcours riche en légendes et anecdotes historiques, avec un passage réservé aux aventuriers. Attention ! Un seul sentier permet de traverser cette barre rocheuse sans danger. Les autres passages sont très dangereux à cause des chutes de pierres fréquentes : l’érosion fonctionne toujours ! Le sentier des Rochers

Photos de J.M. Foulon sur les Mées

les mées par le tunnel de la mineImage de l’itinéraire 14km200, 386m dénivelée (+868, -868), 4h30 déplacement (6h au total)

11Poudingue : roche sédimentaire détritique consolidée composée d’éléments arrondis de diamètre supérieur à 2 mm.
2escourtin : cabas dans lequel on pressure la pâte des olives ; dans le contexte, il s’agit sûrement de la fibre végétale dure (jute) qui servait à fabriquer ces cabas
3Malijai : de mal et gaso, gaffo gué, mauvais gué

©copyright randomania.fr

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2 réflexions au sujet de « ** Des Mées à Malijai… par les Pénitents »

  1. Les pénitents… Souvenir d’enfance : j’y suis allée avec ma grand-mère lorsque j’étais gamine. Lorsqu’on sait que j’appelais ma grand-mère Mé et non Mémé, on comprend l’importance que le lieu a pris ce jour là 😉

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