Il y a bien longtemps qu’estoublon m’encourageait à faire cette randonnée ; alors, un week-end, j’ai décidé de me rendre à par le train des chemins de fer de Provence qui fait arrêt à Annot. Allure paisible, paysages traversés sauvages, horaires ajustés pour pouvoir faire un aller-retour sur la journée. L’originalité de ce train c’est que pour les petits arrêts facultatifs, il suffit de faire signe au conducteur pour qu’il s’arrête. Le plus souvent, ce sont des randonneurs ou des touristes qui l’utilisent. J’ai passé la nuit à Digne-les-Bains à l’hôtel Saint-Michel et quitté l’hôtel au petit matin, pour prendre le train de 7h29. Arrivée 1h30 plus tard environ, j’entame la randonnée par le sentier des oratoires, dans le sens contraire de celui indiqué dans Les Alpes de Haute-Provence à pied, De l’Ubaye au Verdon et au Luberon, FFR/ADRI, FFR/ADRI, 2002
Chemins de fer de Provence, histoire du train des pignes avec les origines possibles de ce surnom
A peine après avoir quitté la gare, je traverse les rails de chemin de fer. Je commence par la promenade de Sigumanna, vers la chapelle de Vers-la-Ville et ses jardins suspendus. Des oratoires sûrement très anciens, construits en moellons de grès taillés à l’aiguille avec bossages en relief, ponctuent le trajet ; certains de ces édifices portent le nom des familles ayant participé aux travaux de restauration. Située au milieu des maisons, l’église de Notre Dame de Vers-la-Ville, située à l’emplacement primitif du village, remonte au 12è siècle. Accolée au rocher, une maison qui fut peut-être un ermitage. Une citerne taillée dans la pierre, des entailles dans les rochers, des traces d’aménagement sous les abris, sont bien la preuve que le lieu était habité depuis longtemps. Le chemin qui passe derrière la chapelle n’est pas évident à trouver.
Dans le quartier des Espaluns, l’eau est abondante ; les pentes rocheuses suintent abondamment, le sentier n’est qu’un ruisseau ; un peu plus loin, les roches portent la marque des vagues. Datant de 40 à 38 millions d’années, il dénote d’un milieu littoral agité d’où la mer s’est ensuite retirée.
Plusieurs arbres sont tombés en chemin ; je fais un petit détour pour le point de vue annnoncé. Progressivement, sous le couvert végétal, j’entre dans la zone des blocs cyclopéens, aux formes bizarres qu’on dirait tout récemment arrivés dans le secteur. L’étude des pierres, des grès et des conglomérats a montré que ce matériel a été transporté depuis l’ensemble Corse-Sardaigne. Le terme de ‘grès d’Annot’ ne s’applique pas qu’aux grès de ce village mais à tout un modèle géologique du massif de l’Argentera et du Mercantour.
D’un point de vue géologique, c’est le mode de dépôt de cette formation […] qui en fait sa spécificité, et en particulier le fait qu’elle ait été déposée par des courants de gravité, c’est à dire des glissements, des coulées boueuses ou sableuses, et des turbidites1 (avalanches de sables et d’argiles), pièges à eau où ont été trouvées de nombreuses sources. Extrait de Philippe Audra La région d’Annot. Relief, structure géologique et géomorphologie
‘Annot à blocs’ a donné rendez-vous les 19 et 20 mai pour un grand rassemblement d’escalade sur blocs naturels. De cette manifestation, il reste une pancarte clouée sur un arbre. Et si, comme moi, la curiosité vous incite à quitter le sentier balisé, vous aurez sans doute du mal à le retrouver sans GPS.
Aux Portettes, j’accepte le détour proposé par un petit panneau indicateur qui nous emmène sur la surface pentue d’un immense bloc dominant la vallée. Il ne permet de voir que la montagne d’en face. Je reprends le sentier, passe près d’un habitat troglodytique moderne et sous de nombreux abris sous roche.
J’arrive enfin dans le secteur de la chambre du Roi, étroit goulet protecteur, son jardin secret et son banc de pierre. Un roi ? non, selon la légende, plutôt un grand seigneur.
Il se vit octroyer une grotte à l’entrée d’un cirque rocheux naturel, dont l’étroit passage permet, au moyen de branches et de roches, de le dissimuler aux envahisseurs.
Nos hôtes vécurent ainsi quelques temps sous notre ciel, avant qu’un traître ne vînt dévoiler la cachette à quelque émissaire hérétique. Le lendemain, les infidèles découvrirent le royal repaire et mirent à mort le prince, sa tendre compagne et toute leur Cour.
Ils n’eurent que le temps d’achever leur forfait, qu’ils s’éparpillèrent dans Sigummana, pour y pourfendre les malheureux habitants. C’est alors que la peste se déclara dans les rangs des Sarrasins ; ceux d’entre eux qui n’étaient pas encore atteints se seraient enfuis avant de mettre leur projet à exécution.
C’est par les nuits de pleine lune que l’âme du serviteur félon vient, par punition de Dieu, errer dans les ruines et les rochers de la montagne, jetant aux échos de lourds sanglots de repentir et de remords. L’étrange vision lumineuse disparaît au lever du jour.
La légende de la chambre du roy et l’histoire d’Annot bien documentée
Autour de la chambre du Roi, ce ne sont que blocs de grès très hauts, qui se penchent les uns contre les autres, formant des arches ou des failles comblées de petits blocs rocheux. On se demande comment ils se maintiennent. Les assemblages hasardeux rivalisent entre eux. Impressionnant !
Après ce passage marquant dans lequel les voix résonnent comme dans une église, je descends sur un sentier sableux parfois un peu glissant mais fort agréable dans une forêt de châtaigniers. Le sentier passe derrière la gare. Je vois arriver un train pour Entrevaux à ce moment là. Vu l’heure de retour pour Digne, j’aurai même le temps de visiter le village.
7km600, 332m dénivelée, 3h (4h30 avec la visite du village)
Une balade qui mériterait d’être refaite dans l’autre sens : je suis persuadée que je découvrirai d’autres choses que je n’avais pas remarquées la première fois.
Les geocacheurs trouveront en chemin : les oubliettes d’Annot, la chambre du Roy, les boites à lettres troglodytes, de dlfif. Au jour de la publication de ma note, ces caches n’ont toujours pas été trouvées…
1Turbidites : Couches de sédiments détritiques déposées par un courant turbiditique, c’est à dire une masse d’eau contenant des matériaux en suspension qui augmentent ainsi sa densité et lui permet de s’écouler par gravité, ce qui s’assimile à une avalanche sous-aquatique.
2hermerincus : foxyfive, dans son commentaire, souligne l’invraisemblance du contexte historique ; ce seigneur vivait en 1042 et les sarrasins ont été chassés de Provence par Guillaume le libérateur en 973…
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Originaire des abords très proches d’Annot, j’ai bien ri en lisant la legende(!) de la chambre du roi qui me semble directement tirée des aventures du roi Arthur ou autre histoire celto bretonne… Loin, bien loin de l’esprit de Provence…. Problème historique ermerincus ou hermerincus vivait en 1042 et les sarrasins ont été chassés de Provence par guillaume le libérateur en 973. Moi on m’a raconté simplement que si la chambre du roi portait ce nom c’est tout simplement quelqu’un qui s’est exclamé un jour la trouvant belle et grande : » tè vé on dirait la chambre d’un roi . » cela me paraît beaucoup plus crédible pour qui connaît la Provence… À votre service…