--- Saisie d'un commentaire en bas de page ---

Boucle des vestiges militaires à Cavalas, Martigues


Sur une idée d’André, nous découvrons le site militaire de Cavallas à Martigues ; bien que n’ayant pas de connaissance dans le domaine militaire et son vocabulaire technique, je reconnais que ce site complexe et vaste m’a impressionnée : beaucoup de vestiges militaires allemands de la Kriegsmarine répartis le long de la crête entre le vallon de Cavalas et celui de la Brègue, avec vue sur la Méditerranée au sud et le port de Lavéra à l’ouest. Nous avons stationné sur le chemin qui mène à la déchetterie, le long de la route de la Couronne.

L’album photo

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

L’office de tourisme de Martigues propose une boucle de randonnée des vestiges militaires balisée de bleu que le quotidien La Marseillaise décrit ainsi :

Plusieurs centaines de fortifications, bunkers, blockhaus, casemates, murs,… ont été construits par l’armée allemande pour bâtir, dès l’occupation de la zone libre, le 11 novembre 1942, une réplique du mur de l’Atlantique [südwall] sur toute la façade méditerranéenne française. Ce dispositif de défense côtière, réponse au débarquement allié en Afrique du Nord, n’a pas empêché celui de Provence, le 15 août 1944. La Marseillaise, 21 juillet 2019

Un peu d’histoire résumée essentiellement en rassemblant quelques informations du document de Frédéric Saffroy, Mission d’identification et d’historique des vestiges militaires de la zone littorale : historique de la défense des côtes (1888-1945) à Martigues, Ville de Martigues, 2007. Cette étude avait été commandée par Paul Lombard, maire de Martigues de 1969 à 2009 dont nous venons d’apprendre la mort le 7 juin 2020.

  • Juin 1940 : bombardement de Marseille ; l’Italie déclare la guerre à la France ; les Allemands entrent dans Paris ; Pétain demande l’armistice. De Gaulle s’envole pour Londres.
  • Novembre 1942 : prise de contrôle de la côte méditerranéenne par les allemands ; désarmement de l’Armée française d’armistice ; à ce moment là, Cavalas possède 5 canons 21 cm 39/40.
  • Février 1943-avril 1944 : la région de Martigues appartient au secteur occupé par la 338e division d’infanterie, créée en urgence, commandée par Josef Folttmann  puis  en janvier 1944 par le général René de l’Homme de Courbière1. Sur la carte d’occupation de la côte en août 1944, on voit qu’elle est déployée essentiellement sous la ligne de chemin fer, c’est à dire sur des positions françaises réutilisées. Le régiment de grenadiers 758 de cette division installe son PC à la Couronne. Les unités statiques sont dotées de pièces de toutes origines et calibres variés. Le dispositif s’étoffe au fur et à mesure de l’avancement de la progression alliée.
  • Jusqu’en septembre 1943, le haut commandement de la Wehrmacht pense qu’il n’y a pas de danger immédiat.
  • A partir de fin 1943, réquisition de main-d’oeuvre dans la commune de Martigues pour la construction de plateformes d’artillerie, soutes à munitions, tobrouks, etc.
  • Février et mai 1944 : visites d’inspection du général Erwin Rommel, chargé par Hitler de la défense des côtes.
  • Juillet 1944 : au 25 juillet 1944, 3 officiers dont le Kommandeur, l’Oberleutnant, 35 sous-officiers et 213 marins arment la batterie
  • Août 1944 : la 338e division envoie un de ses régiments au nord, d’autres sur Arles.
  • 17 août : ordre de retraite des armées allemandes ; 20 août : la 338e passe le Rhône. Martigues est libérée le 21.

Nous montons sur la crête par une large boucle vers le sud passant non loin de l’ancien moulin de Jérôme Verland meunier en 1830. De chaque côté du chemin, des installations militaires. Au  loin, d’imposants porte-containers sortent ou entrent dans le golf de Fos.

Flak2

La position est très fortement défendue par une bonne densité de flak2 visant à réduire l’efficacité des opérations aériennes hostiles. Au sol, on utilise des canons de différentes tailles installées dans des cuves ; un accès par des marches peut mener aux soutes et abris souterrains. Le forum sudwall Martigues Cavalas, en donne une description technique dontdeux pièces hippomobiles assurant la défense rapprochée du site.
Les Batteries côtières en France Volume 2, A. CHAZETTE, Ed. Histoire Et Fortifications, 2004

Par exemple, le Flak 38 d’un calibre de 20 mm, peut tirer 180 à 220 coups par min.

Poste d’observation

Beaucoup de vestiges sont incomplets, souvent camouflés sous les pierres blanches locales. Le poste d’observation MG à créneaux abritait sans doute une mitrailleuse.

Abris

Intrigués par un escalier qui descend dans une tranchée côté sud, nous découvrons un abri à double entrée, avec ses soutes à munitions. Au départ de la cuve à canon, une longue tranchée relie l’abri à la plateforme taillée dans la roche à flanc de falaise en contrebas du plateau au nord. On voit la tranchée sur la carte aérienne de l’IGN mais on ne peut accéder à cet abri qu’à partir de la piste du vallon de Cavalas en contre-bas d’où l’ont voit bien également la pente du monte-charge.

Trous d’hommes

Les nombreux trous d’hommes sont des positions de défense. Attention de ne pas tomber dedans ! Il en existe plusieurs sortes, plus ou moins sophistiqués : du simple trou creusé dans le sol au trou bétonné rectangulaire et recouvert par une chape en béton en passant par un trou protégé par une petite muraille en pierre ou plus grand pour une arme automatique.

André aimerait retrouver la villa qui camouflait le poste de direction de tir situé en avant des canons (Schneider ?) et qui commandait leurs feux. Nous la cherchons du côté de l’antenne et la trouvons sans mal à côté d’une tour qui pourrait être un faux puits…

Poste de Direction de Tir spécial

Le poste de direction de tir (PDT en abrégé) est  un bunker depuis lequel est calculée et commandée la direction du tir d’un canon ; c’est un type à deux étages, camouflé en villa. Du second étage, il ne reste que des piliers garnis de cailloux blancs. Une fausse terrasse de tomettes rouges cache l’étage inférieur et masque l’embrasure d’observation au niveau du sol. La villa est entourée d’un mur de pierres d’où nous avons vue sur la mer.

N’ayant pas trouvé trace d’habitation sur les cartes anciennes, j’en déduis qu’elle a été construite de toutes pièces ; ne respectant pas les règles des constructions normalisées – les regelbauten – il est classé en tant que construction spéciale  ou SonderKonstruktion (SK).

Nous y entrons ; nous avons l’impression d’un lieu habité avec chaises, canapé et déchets divers.

Casemates ou bunkers H683

A l’extrémité ouest de la crête, au sud de la piste, d’immenses tas de pierres vaguement circulaires attirent notre regard. Qu’y a-t-il derrière ? à travers une végétation dense et piquante, nous grimpons sur le premier mur écroulé.  D’en haut, nous constations un espace vide, vidé plutôt de son bunker et de son canon. Nous ne voyons pas d’entrée, cela ressemble à un mur d’enceinte. Grâce au forum sudwall et quelques photos, j’ai compris qu’il s’agissait d’un bunker camouflé autrefois sous des pierres dont les couloirs d’entrée se trouvent au nord, à l’avant, dans un espace de part et d’autre du canon et à  l’extrémité, une soute à munitions toujours creusée vers l’extérieur avec entrée perpendiculaire au couloir. Seule la cuve IV ne présente pas ces couloirs et ces soutes. Forum sudwall, capu rossu
Pour une emprise de 21 mètres sur 16 et une hauteur de 8 mètres, il faut compter 2000 m3 de béton et 100 tonnes d’acier. Université de Caen.

Il fournit une protection forte contre le feu ennemi et l’artillerie lourde. Les allemands définissent un plan-type pour les casemates avec des recommandations de construction qui l’accompagnent : l’idée est de trouver le compromis entre camouflage et la mission de l’ouvrage :

Pour des raisons techniques de tir, le poste doit être au plus haut sur le sol, comme il est souhaitable, pour des raisons de camouflage, qu’il soit dissimulé dans un mouvement de terrain adéquat, pour qu’il ne soit pas reconnaissable depuis la mer. La bunker archéologie : principes et études de cas sur le littoral du Nord-Pas-de-Calais (BUNKER OF SAMPLES ARCHEOLOGY: ON THE NORD-PAS-DE-CALAIS PRINCIPLES AND STUDIES COAST), Philippe LANOY-RATEL, Bulletin de l’Association de Géographes Français, Année 2004

Nous irons en voir trois sur les 5, pas tous situés à la même altitude, mais en pente descendante ; l’une des casemates n’a jamais été terminée, l’excavation n’est pas évidée et le sol n’est pas bétonné. La construction aurait-elle été interrompue suite à la visite de Rommel (hypothèse de F. Saffroy) ?

Avec ces 5 canons de calibre 21 cm K39/40 – portée de tir 33 km, obus de 135 kg, cadence de 3 coups toutes les 2 min, poids de la pièce en position de tir 39800 kg, firme Skoda-Werke, Pilsen – la batterie de Cavalas est la plus puissante de la zone Fos-Martigues. Elle représente le stade ultime de l’artillerie lourde allemande dont les deux premières versions n’ont été produites qu’à 48 exemplaires.

champ de coquelicotsNous poursuivons le chemin de crête en tournant à gauche avant la ligne de chemin de chemin de fer, vers le vallon de la Brègue. Une descente particulièrement caillouteuse et donc risquée pour ma cheville à peine remise de son entorse, nous amène sous quelques pins, près d’un champ d’oliviers où nous prenons notre pique-nique. C’est l’heure du rosé frais : merci André !

La route en plein soleil descend vers Carro ; nous la quittons pour un sentier à peine visible mais balisé de bleu qui traverse la carrière des Auffans, servant à la restauration des monuments historiques. C’est une des nombreuses carrières de Martigues dont certaines, au bord de l’eau, sont antiques. Vers la fin du XIXe s. seules les carrières des Auffans et des Arqueirons sont actives en plaine.

Après la traversée des carrières, André repère un amandier, le premier arbre à fleurir après l’hiver, qui produit un fruit charnu à noyau ; pierre contre pierre, il en extrait la chair tendre que je préfère aux amandes sèches.
ail faux poireauEt comme la nature offre de nombreux bienfaits, j’ai même goûté le soir même l’ail sauvage faux-poireau (allium ampeloprasum) reconnaissable à son ombelle bleue et ses fleurs en forme de cloche de couleur.  Une odeur de poireau mais un goût d’ail prononcé !

Un coup d’œil au loin côté gauche un peu sous la crête : maintenant que nous l’avons vu de près, le P.D.T. est reconnaissable grâce à ses piliers qui émergent du sol.

Nous passons devant la tour ronde du moulin pour rejoindre la voiture garée en contre-bas.

Une randonnée avec moins de nature que d’habitude et que j’ai bien du mal à expliquer aux randonneurs non avertis ; le forum sudwall, abondant en informations fiables et de qualité sur le mur de la Méditerranée, ne m’a pas toujours permis d’y voir clair : informations éparses, destinées aux érudits spécialistes, photos indisponibles ou non sous-titrées, sigles pas toujours explicités. J’ai donc pu faire des erreurs et j’espère avoir un retour des spécialistes, soit par mail, soit en ajoutant un commentaire sous la photo concernée.

Image de l’itinéraire optimisé pour ne pas faire d’aller-retours inutiles 6km300, 89m dénivelée (+320, -320), 2h20 déplacement (4h au total avec visite et pique-nique)
Télécharger la route au format .gpx


1de l’Homme de Courbière : issu d’une famille de huguenots français ayant quitté la France à l’époque de la révocation de l’Edit de Nantes

2flak : batterie anti-aérienne

 

©copyright randomania.fr

Partager sur FacebookPartager par mail

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *