Je retrouve Yves après plusieurs semaines d’interruption ; il nous emmène dans les Alpes-de-Haute-Provence, un département que j’apprécie particulièrement. Départ du parking près du moulin – direction qu’il faut suivre – en surplomb du pont de Mane, sur le GR653D – la voie d’Arles des pèlerins de Compostelle – où nous arrivons les dernières, Majo, Domi et moi, contrairement à nos habitudes.
La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie
Les photos de Yves Provence, les photos de Daniel, mes photos, les photos de Domi
Sur le chemin de Chateauneuf, Daniel qui a l’œil aiguisé, au milieu des bois touffus, me désignent deux cabanes de pierre sèche dont on ne voit que le sommet du toit pointu. Au carrefour avec le chemin des Craux1, un chêne large étend ses branches fièrement vers le ciel : un arbre pour sylvothérapie ! Bientôt ce sont les montagnes enneigées vers l’est qui nous offrent leur spectacle : Cheval Blanc, Cucuyon et Couard sur un plan plus proche. Le sentier passe à travers champs, parfois protégé par de petits bosquets d’arbres. Dans une fenêtre triangulaire formée par quelques branches d’arbres, une coupole de l’observatoire de Saint-Michel surgit. Le chemin des Treilles coupe le ravin de l’Eté sur un pont complètement envahi de lierre. Arrivés au panneau Petit Sauvan, les traces de pas des chevaux sont nombreux : le centre équestre n’est pas loin. S’il y a un petit Sauvan, c’est qu’il y a un grand, le château de Sauvan, le petit Trianon de Provence, juste de l’autre côté de la route.
Nous sommes devant la carrière de Porchères qui, je le reconnais, est assez impressionnante par sa hauteur et… les nombreux tags colorés, parfois bien réussis. Son exploitation est arrêtée depuis plus de 30 ans.
En regardant bien on détecte deux périodes d’extraction :
- une époque lointaine où on extrayait la pierre à la main : le front de taille ancien porte des traces de la lame de l’escoudo2 utilisée ici ;
- une époque moderne (1966 remise en exploitation par les carrières réunies, Lacoste, Vaucluse) où cela se faisait avec une haveuse3 sans forcément respecter le pendage des couches : certains blocs se sont donc fendus en oblique faisant perdre une bonne moitié de leur volume. La tentative d’exploitation souterraine a échoué.
Une cathédrale d’images sauvages, réinvestie par les jeunes qui y déversent des décibels selon l’expression de Gabriel Conte, Le pays de Forcalquier, son lac, sa mer cinq itinéraires géologiques, C’est-à-dire Editions, 2010
Ces carrières de molasse du miocène appelée pierre de Mane, à grains grossiers, jaune pâle devenant gris foncé à l’air libre sont formées de débris d’organismes comme des coquillages. Monuments construits en pierre de Mane : le Prieuré de Salagon notamment lors de la reprise de l’exploitation en 1966, la cathédrale de Forcalquier et la chapelle de la Visitation, le chemin de fer Apt-Volx aujourd’hui désaffecté, les enrochements pour le barrage de la Laye ; je pourrais ajouter l’autel sculpté dédié à Mars retrouvé à 600 m à l’est du château de Sauvan (Carte archéologique de la Gaule : 04. Alpes-de-Haute-Provence, Géraldine Bérard, Guy Barruol, 1997) ce qui prouverait que les carrières étaient exploitées dans l’antiquité. D’un point de vue quantitatif le potentiel demeure. Selon Schéma départemental des carrières, BRGM, BRGM, 2000
Laurent Vallon, maître maçon de Mane, bien connu des Aixois, a été l’architecte des plus beaux hôtels du XVIIIe en pierre du Midi.
Nous revenons sur le chemin du jas de Porchères ; le linteau d’une cabane de pierre sèche, cabane pas trop typique de celles de Mane, semble bien fragile. Entre deux fils électriques, la chapelle et au-dessus une ligne de montagnes enneigées dont la crête de Geruen (à droite sur la photo) que je reconnais à ses festons blancs. L’environnement ressemble à celui des Mourres avec des bancs de marnes grises.
Nous traversons la prairie hors sentier pour atteindre la chapelle Saint-Jean de Fuzils dont le nom viendrait des pierres à feu (fusils) que l’on trouvait ici.
Pour en savoir (beaucoup) plus La chapelle Saint-Jean de Fuzils
Devant l’esplanade ensoleillée, le mur de pierre nous accueille le temps du pique-nique. Beaucoup proposent un dessert partagé et Yves distribue le traditionnel rhum arrangé.
Bientôt une dame sort de sa maison juste à côté et nous propose de visiter la chapelle dont la toute première construction pourrait dater du VIIIe siècle. La gardienne des lieux est fière d’évoquer sa restauration par une association, et fière du passage de nombreux pèlerins ; elle racontera sa rencontre mémorable avec Paco dans un long récit qui sent la sincérité.
Continuer la lecture de Mane, au pays de la pierre et des chapelles rurales