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De Saint-Michel l’Observatoire à Lincel par le bois d’Audibert


Plusieurs mois se sont écoulés depuis notre dernière randonnée avec Yves Provence et le fidèle Daniel. Aujourd’hui, Dominique et moi les retrouvons, avec un groupe dont les membres se connaissent ; bonne humeur dès le matin après les consignes préalables auxquelles il tient, comme l’exactitude à l’heure du rendez-vous.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Yves me laisse le temps de loguer la cache du moulin à huile de Saint-Michel, dit « moulin à sang », celui de l’animal qui sue sang et eau, comme dit l’expression.

L’animal tourne autour de la cuve, entrainant la cuve qui va broyer les olives. Les scourtins sont remplis avec cette pâte et placés sous une presse. L’huile décante dans différents bacs remplis d’eau ; elle sera recueillie en surface.

Moulin à huile de St-Michel,  tatibanon

Nous passons devant :

  • l’église basse Saint-Pierre des XIVe et XVe et son campanile provençal – il y a bien une église haute  Saint-Michel du XIIe, privée et accolée à un prieuré ;
  • la fontaine à quatre canons porte une statue d’inspiration antique fabriquée par les fonderies d’art du Val d’Osne ; Yves a identifié L’Automne, serpe à la main et grappe de raisin ;
    La fontaine sur le site de waymarking, YvesProvence ;
  • le panneau d’information sur la porte d’Ardène (pas vu de porte…) du nom des propriétaires du prieuré d’Ardène qui accueillit autrefois les pauvres puis les pèlerins. Lire Saint-Michel par les Craux ;
  • le lavoir du Barri dans lequel il est interdit de laver le linge des malades : le lavoir de la Marceline, un peu à l’extérieur, était affecté pour le linge des contagieux. Lire La boucle de Porchères. Les bugadières posaient leurs genoux sur une caisse à laver. Le lavoir est équipé d’un étendoir et d’une cheminée pour produire de l’eau chaude.

Nous quittons le cœur du village pour un sentier qui domine les coupoles de l’observatoire astronomique de Haute-Provence. Au loin la carrière de la Roche Amère, à la forme caractéristique en triangle, se détache des nuages et des brumes du matin.  Au premier carrefour, un aller-retour nous mène sur la colline jusqu’à la table d’orientation (un sentier plus court depuis le village y mène également). Vue sur les toits et l’église, la montagne de Lure chère à Giono depuis son enfance.

Giono et la montagne de Lure. Son père : Je vais te donner 5 frs et tu vas faire le voyage le plus long que tu pourras. Giono (11 ans environ) choisit Lure, prend la diligence pour Banon où il s’arrête pour la nuit. Il rencontre des maquignons qui l’invitent à les accompagner jusqu’à la foire de Séderon, au nord de Lure. Emerveillé Giono franchit la montagne de Lure, juché sur une mule. Il rentre par la vallée du Jabron puis par le train de Sisteron à Manosque. Le voyage initiatique est ainsi réalisé. Anecdote citée dans 15 balades littéraires à la rencontre de Jean Giono, Jean-Louis Caribou, François-Xavier Emery, Le Bec en l’air, 2012

La table d’orientation, tatibanon

Jusqu’à la Crous dou Roure1, que l’IGN a renommé Croix du Chêne, le sentier est plutôt facile et lisible. Nous traversons la route mais prenons le mauvais sentier ; revenus au carrefour Yves nous entraine sur une sente de sangliers, à peine visible dans les bois de chênes, et qui se termine en descente raide et caillouteuse telle que je les déteste. Pas de chute cette fois mais j’arrive dernière du groupe… Sur la droite, il y avait bien une variante un peu peu plus longue mais était-elle meilleure ?
C’est ensuite un long sentier dans le bois d’Audibert, dont le tracé n’a pas changé depuis des siècles, j’ai vérifié sur le cadastre napoléonien. En contre-bas, les ruines du moulin Rignol (c’était celui d’Audibert autrefois), sur le Largue mais il faudrait descendre et remonter : ce ne sera pas pour aujourd’hui.
Pas âme qui vive sur ce sentier terreux du bois d’Audibert ; une végétation touffue, des feuillages rouges, de la tranquillité, et impossible de se perdre. A chaque passage de ravin, une descente et une remontée.
En dehors du sous-bois, sur des rochers accueillants, aura lieu la pause pique-nique (photo Yves Provence : les personnes qui ne souhaitent pas figurer sur la photo peuvent me le signaler). Oserai-je l’avouer ? j’ai adoré retrouver le goût du rhum arrangé d’Yves
Nous coupons le ravin de Valvinière puis entamons notre descente non balisée jusqu’à Champ Pourcel pour franchir le ravin de la Tuverenche. Depuis le haut du cirque de strates calcaires d’une vingtaine de mètres de haut, une ou deux cascades ont laissé des traces de leur chute.

Pour éviter une propriété privée nous cheminons sur un sentier en prairie jusqu’au dernier ravin (du Grand Bois ?) qui nous a laissé des pierres percées comme seul témoignage du passage de l’eau (Merci Daniel qui a l’œil observateur).
A l’approche du village, après avoir longé des murs en pierre sèche bien humides, nous arrivons à la croix du chemin de Sainte-Madeleine à Lincel.

Léglise Marie-Madeleine garde un style roman tardif ; son toit est couvert de lauzes, original pour une église. De chaque côté d’un étroit vitrail, le vieux cadran solaire illisible, et de l’autre l’horloge moderne aux chiffres et aiguilles noirs. L’abbé Féraud nous apprend dans son livre Histoire et Statistiques du Département des Basses Alpes que le comte Claude Mathieu de Gardanne y est décédé en 1818 : c’est pour cela qu’un cénotaphe a été installé dans la travée de droite.

Un dessin de 1584 sur le frontispice du livre de raison2 du seigneur Antoine de Laincel représente l’église avec une tour-clocher indépendante ; pas d’ouverture de la nef côté sud. D’importants travaux d’époque moderne ont donc bien eu lieu.
L’époque faste culmine entre 1227 et 1330, sous les épiscopat des évêques de Gap, Geoffroi de Laincel (1285-1316) et Bertand de Laincel, son neveu (1316-1318), tous deux chanoines au chapitre Saint-Sauveur d’Aix.

Sur la place une petite fontaine à la coquille, symbole du chemin de Compostelle (GR653).  A côté, un lavoir restauré en 2007 à l’emplacement des édifices (lavoir, fontaine, abreuvoir) qui ont succédé à ceux de la Grande Fontaine, seule source d’eau jusque fin XIXe.

Le linge était lavé dans le torrent du Largue : une demie heure de marche sous le poids du linge humide ; les récipients d’eau étaient portés à dos d’homme : 800 m à pied.

Pensez-y en quittant les dernières maisons de pierre du village et en suivant le chemin muletier qui mène à la Grande Fontaine. Sur le côté de la route, une formation géologique qui ressemble à celle des Mourres d’origine sablo-gréseuse sous les strates calcaires.

Le vicomte Louis Alfred de Gardanne, héritier des terres de Lincel depuis ses  grand-parents Claude Mathieu de Gardanne et Anne Croze de Laincel, offre à la commune des terres pour agrandir et soutenir le chemin menant à la Grande Fontaine bien loin du village ; aussi, début XXe, la municipalité lance une étude pour amener l’eau de la Grande Fontaine jusqu’à la place de l’église ; trop coûteux.
Le lavoir de la Grande Fontaine ne sert plus et n’est plus entretenu ; les herbes folles poussent un peu partout derrière un énorme figuier. Le bâti a été restauré à l’ancienne (regardez la corde sous les tuiles…). La commune a finalement cherché une nouvelle source à conduire jusque sur la place de l’église.
Elle [la commune] songe alors à la source de Turelenche qui appartient à Joseph Granon qui en demande un prix exorbitant. Exaspéré, le maire entame une procédure d’expropriation. L’adduction d’eau a coûté le double du montant prévu : la municipalité finance une partie, complète par un emprunt, reçoit une subvention du Pari Mutuel. Le 27 juillet 1913, c’est l’inauguration de la nouvelle fontaine et du lavoir. L’eau au robinet ce sera 40 ans plus tard.
Chemin du puits qui mène à un ancien puits… Arrivés au hameau des Combettes3 protégé par un long mur de pierre sèche derrière lequel un haut mur en ruine ne permet pas de savoir qu’on y restaure une maison.
Ne ratez pas la vue surplombant le village de Saint-Michel avec la montagne de Lure en fond. On voit même, aux jumelles de préférence, le moulin restauré sur la colline d’en face.
Dans un pré, un parapente tente le décollage. Le moteur est en train de pré-chauffer. Quelques minutes plus tard il décolle et passe au dessus de nos têtes en vrombissant. Sur la D105 un coup d’œil sur la ferme du Claus et son pigeonnier intégré à l’habitation.
Après le thé proposé par Yves, le groupe se retrouve au bar autour d’une boisson fraîche ; Domi se renseigne pour trouver du fromage de Banon : rien à Saint-Michel mais le serveur nous conseille La fromagerie de Christophe, 20 rue de la Frache à Pierrevert (fb @lafromageriedechristophe). Pas de fromage de Banon mais plusieurs étagères de fromages de toutes sortes, vache, brebis, chèvre, certains au parfum insolite. Facile de trouver son bonheur.
Une randonnée en pleine nature au cours de laquelle nous n’avons rencontré aucun randonneur, peu de parties balisées, avec du petit patrimoine à découvrir dans deux villages traversés. Avec les liens vers d’autres randonnées locales de mon blog, il est facile d’ajouter des variantes.
Image de l’itinéraire 13km500 124m dénivelée (+268, -268), 4h25 déplacement (6h45 au total avec arrêt pique-nique et visites). La variante courte pour la table d’orientation est en bleu clair.
Télécharger la trace
1roure = en provençal chêne
2livre de raison : registre de comptabilité domestique comportant également des notations à caractère familial ou local
3Combettes : sans doute de combe (torrent) donc ici petite combe

©copyright randomania.fr

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