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Echappée belle au pays de la lavande


Mi-juillet : la récolte de la lavande a presque partout déjà eu lieu avec deux à trois semaines d’avance. La rando-bistrot organisée sur ce thème par Provence Authentic, petite agence attentive à ses clients, gardera-t-elle son charme ? c’est la grande inconnue. Marie et moi avons rendez-vous avec Daniel Villanova (de l’association Ventoux-Passion-Nature) devant le bistrot de pays de Saint-Trinit (84) ; je connais ce guide : avec lui, en 2011, sur le thème de la pierre sèche à partir de Monieux, j’avais pu voir un bout du mur de la peste, un aiguier et la ferme de Lauzemolan. J’avais été impressionnée par la qualité de sa prestation.
Saint-Trinit dédié à la Sainte-Trinité, n’a pas de rempart ni d’enceinte mais une sorte de prieuré-fortin où un moine s’était installé. Il n’a pas souffert des exactions de Raymond de Turenne, ni des guerres de religion… sauf Lesdiguières le 1er avril 1591.

Lien vers l’album des photos

Allure sportive et cheveux ras, chapeau sur la tête, accompagné de sa chienne Ilka, Daniel nous accueille avec simplicité et bonne humeur, expose le programme de la journée, et donne le signal du départ. Ce matin : marche, cet après-midi : visite guidée d’une exploitation de lavande et lavandin dans la Drôme toute proche.
Nous démarrons au nord du village, en passant devant la petite église de la Sainte-Trinité.

les restaurations l’ont […] recoiffée d’un campanile […], un haut donjon carré chapeauté d’une pyramide de lauzes elle-même surmontée d’un clocheton pointu, une abside pentagonale qui ose à peine afficher sa saillie par rapport au donjon, une nef […] ; quelques raffinements l’enluminent: des pilastres aux angles, et une baie enchâssée dans une niche à colonnettes.
Le donjon et l’abside (XIIe) ont été complétés en 1580 par un chemin de ronde et des guérites qui firent s’effondrer la voûte ; on la reconstruisit en 1652. Les ouvertures sont rares mais leur qualité compense : la baie axiale et la baie principale son encadrées de colonnettes et surlignées d’un arc cintré. […] Terres de Sault d’Albion et de Banon, P. Ollivier-Elliott, Edisud, 1996

Rapidement, dès la sortie du village, le Ventoux se pointe à l’horizon. Premier champ de petit épeautre (ou engrain) : cette céréale rustique proche du blé, cultivée au proche Orient depuis bien avant J.-C. est remise à la mode dans les années 1990. Elle a une faible teneur en gluten, contient pas mal d’acides aminés, des sels minéraux, des fibres mais son rendement est faible. Elle côtoie ici les champs de lavande avec lesquels elle est en rotation comme avec diverses légumineuses (pois chiches, lentilles). Le petit épeautre se fête à Monieux en septembre. Comment le cuire

Après le petit sous-bois, le paysage s’ouvre sur des collines en damier coloré puis sur les champs de lavande. Inévitablement la question de la différence entre lavande et lavandin se pose.

Le lavandin est un hybride naturel issu d’un croisement entre la lavande dite « fine » et la lavande « Aspic ». II est stérile donc l’homme le multiplie par bouturage. Son essence a un rendement quantitatif 4 à 5 fois plus élevé mais son huile essentielle est plus camphrée et plus acre. Il pousse à n’importe quelle altitude.
La Lavande « fine » se reproduit par graine ou par boutures ; ainsi il est possible d’en trouver à l’état sauvage. Elle pousse en altitude (plus de 600 m).

Extérieurement, si on a les deux sous les yeux c’est assez facile : l’épi de la lavande est fin, de couleur « lavande » avec une tige de 30 à 40 cm. L’épi du lavandin est plus gros, pointu et de couleur violette avec des tiges plus longues de 60 à 80 cm.

Ici point de comparaison possible puisque nous n’avons pas les deux sous les yeux ; alors Daniel nous parle de botanique. La lavande fine possède une seule fleur sur chaque tige ; le lavandin a un épi central et deux ramifications. J’éviterai de vous parler de la lavande aspic qui, elle aussi, a plusieurs ramifications mais est peu utilisée en France.

Dans le vallon de Guillon, les couleurs des champs de lavande ravissent les yeux. Les abeilles affairées bourdonnent : nous nous approchons avec précaution.

Nous rejoignons le PR qui monte doucement le coteau de Rousseau ; Surprenant ! à la débauche de couleurs et aux grosses touffes de lavande, succèdent de jeunes plants de lavandin qui ont été bouturés. La parcelle a été préparée un an avant la plantation. Quelques ruches sont à l’abri sous les arbres.

Après la ferme de la Bernarde, dont le gite est installé au milieu des champs de lavande, nous empruntons le chemin d’exploitation de la vaste plaine de Buche. Dès qu’un promeneur aperçoit au loin le Ventoux, l’origine de son nom revient sur la discussion. C’est le vent, extrêmement présent au sommet, qui est le plus souvent cité. Pourtant, quelques toponymistes en proposent une autre : une forme ancienne Vinturi, d’une racine pré-indo-européenne ven, vin pour un relief bien marqué. C’est l’avis de C. Rostaing et R. Brunet mais pas celui de Mistral.

Au loin le château de la Gabelle à Ferrassières et au bout de la piste la ferme de Labadie ; sous la forme La Badis, elle est déjà signalée sur la carte de Cassini en 1775 : elle peut donc dater de la fin du XVIIe ou début XVIIIe ; certaines parties, dont la toiture, sont endommagées.

Le château de la Gabelle c’est une grosse ferme flanquée d’un pigeonnier dans un écrin de tilleuls géants. Ancien château érigé par Charles Dupuy-Montbrun durant les guerres de religion pour combattre les catholiques, il en fit une forteresse. Au XVIIIe, la forteresse change de propriétaire puis à nouveau au milieu du XIXe : l’acheteur découvrit dans les greniers une série de tapisseries d’Aubusson et de Flandres dont la vente remboursa l’acquisition du domaine. Insuffisamment entretenu, la Gabelle périclita ; la dernière tour servit de pigeonnier (1580 boulins). En sortant de l’indivision, un des copropriétaires  entreprit son sauvetage. Selon P. Ollivier-Elliott

Notre boucle tourne vers le sud, traverse la D 950, retrouve le PR aux Fayuns1. Un arbre magnifique prend toute la place, sur le chemin et sur la photo. Puis un autre tout seul dans un champ : pour l’ombre ou pour combler et signaler un affaissement de terrain ?
A l’entrée du bois, Daniel s’arrête. Près du pin d’Autriche, il évoque les chenilles processionnaires très urticantes et dangereuses pour les chiens ; il parle du genévrier cade, arbuste de nos garrigues dont les cônes sont comestibles quand ils sont frais ; le genièvre, boisson alcoolisée spécialité de la région du Nord et de la Belgique, est fabriquée à partir de ses fruits ; puis dans un tronc mort au sol, il pointe les petits trous laissés par les insectes xylophages2Ces espèces contribuent à la qualité du sol forestier, […] et à la régénération naturelle des forêts.

Le toit de l’église apparait bientôt derrière les arbres, à côté de la calotte blanche du Géant de Provence.

Nous nous attablons au bistrot de pays, déjà bien rempli ; le service s’en ressent mais la qualité sera au rendez-vous : des produits frais, de subtiles saveurs qui nous donneront envie de revenir. Une petite boutique de produits locaux complète le concept de bistrot de pays. Et pour le groupe qui a réservé, quelques exceptions au menu du jour seront proposées…

C’est dur de repartir, même en voiture, après un si bon repas mais Nathalie Busi, lavandicultrice et chef d’entreprise de Ho! Bouquet De Lavande, nous attend à Ferrassières dans la Drôme provençale. Petit bout de femme dynamique et pleine d’humour, elle demande à sa fille de nous faire une démonstration de coupe de bouquet à la faucille et confectionne un bouquet de 80 g qu’elle pèsera, juste pour nous prouver qu’elle a le compas dans l’œil. Sur des espaliers, les bouquets sèchent. Elle les exporte en grande quantité vers la Chine.
Pour les huiles essentielles et les fleurs mondées, les lavandes sont coupées, séchées au soleil pendant 48 h puis battues.
Une courte vidéo et des panneaux pédagogiques récapitulent les opérations : bouturage, plantation, entretien, récolte, transformation.

Un petit alambic distille la lavande sous nos yeux. Elle nous initie alors, dans le bon ordre, à l’art de sentir et identifier les différentes essences de lavande. Le vainqueur c’est la lavande fine, incontestablement.
Comme elle fabrique et vend ses propres produits, nous aurons tous quelque chose à acheter à des prix plus que raisonnables.

Judicieuse association entre la marche et la visite guidée instructive et conviviale, cette balade peut être parcourue en toutes saisons même si c’est début juillet qu’elle prend tout son sens. Daniel est capable d’aborder tous les sujets et de répondre à toutes les questions : histoire, flore, faune, etc. Merci Daniel !

Image de l’itinéraire pédestre du matin 6km900, 2h déplacement (5h au total avec explications et repas), 100 m dénivelée (+100, -100).
L’image inclut le déplacement en voiture à Ferrassières.

Télécharger l’itinéraire de la journée au format .gpx jusqu’à Ferrassières 11km environ. Ajouter le retour à Saint-Trinit 3km700 si vous vous rendez à Ferrassières à pied.

1fayuns : faut-il y voir une analogie avec le vieux provençal faian, qui désigne le fayard (hêtre) ?
2Un xylophage est un organisme vivant dont le régime alimentaire est composé principalement d’aubier, mais aussi de bois parfait. Ces animaux, à l’état larvaire ou adulte, mangent les branches, les troncs ou les racines des arbres morts ou vivants. Selon wikipedia

©copyright randomania.fr

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Une réflexion sur « Echappée belle au pays de la lavande »

  1. Un petit coucou Nicole,
    pour te remercier de ta description toujours de grande qualité avec à chaque fois de l’histoire, du terroir et de la nature (faune, flore etc).
    Pour le mont Ventoux je suis plus catégorique (hahahahaha) pour moi c’est Appellations du mont Ventoux viens de Vinturi puis de Ventosus 🙂
    Origines du nom.
    2e s. Le nom Venturi / Vinturi du latin Vintur est présent sur 3 inscriptions votives à un dieu celte.
    10e s. Mons Ventosus apparaît et sera utilisé par Pétrarque au 14e s.
    L’expression populaire Mont Venteux se développe après Pétrarque sur la base du vent qui souffle violemment sur le site.
    En fait l’étymologie celte ne signifierait pas venteux, qualificatif que bien peu avait expérimenté au sommet avant Pétrarque, mais « La montagne qui se voit de loin » ce que chacun pouvait observer et dire.
    La racine celte Vin- (Montagne Sainte-Victoire, Venasque, Vence, Ventabren, Venterol…) désigne un site élevé, une montagne.
    Le suffixe -tur exprime une idée de distance
    Pour la différence lavande lavandin attention la lavande Aspic à aussi 3 tiges de floraison, tu n’a pas écouté hahahahaha. Aller je branche mais j’ai apris pleins de chose sur saint-Trinit, le château de la gabelle etc. Ho que non Daniel ne sait pas tout pas mal de connaissances hétérogènes, mais beaucpup de boulot pour chaque rando :). Biz et encore merci
    [ndlr] Merci Daniel pour ce long commentaire explicatif !

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