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*** Les gorges de Saint-Pierre


Pour visiter ces gorges, il a fallu partir tôt, très tôt ; mais Yves en a tellement parlé avec enthousiasme que j’ai estimé qu’elles en valaient la peine : rendez-vous est pris avec Michel à 6h50 sur le parking du Pont de l’Arc. Le VerdonNous sommes arrivés bien à l’heure, vers 9h15, près du pont sur le Verdon à Beauvezer. Le Touring Club de France, dans son bulletin de mars 1919, recommandait déjà la visite des gorges de Saint-Pierre !

Les gorges de Saint-Pierre site de Yves Provence, avec un superbe diaporama
Les gorges de Saint-Pierre, site de Yves Provence, version courte de cette randonnée 2015
Mes photos

panoramique vertical entrée des gorges

Beauvezer est la seule commune du Haut-Verdon qui a connu un essor formidable avec les draperies, tradition issue du Moyen-Age. En 1857 : les fabriques des Basses-Alpes occupent 400 ouvriers dont 145 à Beauvezer (Engelfred de Blieux & Cie, Giraud, Roux, Trotabas frères) ; en 1879 il n’y a plus que 45 ouvriers dans 5 fabriques. Des Alpes françaises : étude géographique, Germaine Veyret-VernerArthaud, 1948

Comme souvent dans les villages reculés, les légendes vont bon train comme celle des revenants ou des feux du Roufleiran. Pour une petite frayeur, rendez-vous au quartier Rioufleiran au nord de Beauvezer…

A Villars-Colmars et à Beauvezer, on se souviendra longtemps encore, et non sans quelque frisson, des Revenants ou des Feux du Roufleiran. Vers l’an 1780, dit la tradition, des feux extraordinaires se montraient entre le vallon de Notre-Dame et le vallon du Roufleiran ; ils effrayaient les gens de la région qui n’osaient plus s’aventurer dans ce quartier sinistre. Un prêtre de Beauvezer, plus courageux, voulut aller se rendre compte du phénomène. A son retour, il était en proie à la plus vive émotion, sa figure était bouleversée ; mais il fut impossible de lui faire raconter ce qu’il avait vu; il avait juré, disait-il, de ne jamais le révéler.
[…] plusieurs […] entendirent sortir de ces flammes, qui paraissaient douées d’intelligence, des voix menaçantes leur rappelant des devoirs volontairement méconnus, des messes, par exemple, que l’on négligeait de faire célébrer…

A. RICHAUD, Annales des Basses-Alpes : bulletin de la Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes, Société scientifique et littéraire des Alpes-de-Haute-Provence, Vial impr. libr. (Digne), 1907
Nous rejoignons le hameau de Villars-Heyssier (écrit Reyssier sur le cadastre napoléonien) : la dernière partie de la route est plutôt dégradée avec de grosses bosses que les voitures basses auront du mal à passer. Un petit parking nous y attend peu après le village.

essai reconstitution tracé carraireC’est au Plan de Villars Heyssier qu’aboutissait la célèbre carraire des troupeaux transhumants d’Arles ; les pâturages y étaient loués aux propriétaires de troupeaux ; de là, les moutons se séparaient pour rejoindre leur pâturage respectif. Quelques parties de GR l’utilisent encore mais aucune ne va directement au Laupon comme les moutons autrefois.
Alphonse, berger transhumant du Haut-Verdon

Les gorges

Cirque rocheuxCascadeNous prenons le sentier des gorges creusées par un affluent du Verdon, le Ravin de Saint-Pierre ; le torrent a mis à nu des matériaux fortement plissés. Les hauts sommets périphériques forment des montagnes aux formes douces et érodées. C’est là que le spectacle commence, par un sentier aérien ; au premier pont de bois, une cascade dégringole sur des marches de pierre ; nous sommes alors enfermés dans un cirque rocheux aux nombreuses couches feuilletées.


Le toit de la chapelle Saint-PierreL'entrée de la chapelleUn sentier balisé conduit jusqu’à la chapelle Saint-Pierre, blottie à l’entrée des gorges. Parvenus au niveau du toit, nous descendons encore un peu pour découvrir l’entrée sous le portail ; à travers l’œilleton, je reconnais au-dessus de l’autel, un tableau avec Saint-Pierre tenant une grosse clé, et Saint-Paul (L. Fournier 1879).
Dès le XIIIè siècle, des moines vivant dans des grottes auraient bâti la chapelle de Saint Pierre. Plus tard y vécut un ermite.
L'autelExtrait du site de Association pour la Sauvegarde du Patrimoine de Villars Heyssier

Geocache de la chapelle Saint-Pierre, ETSN

Un des nombreux viragesAu départ, le sentier permettait aux habitants d’accéder à leurs pâturages ; puis il a été élargi et consolidé pour servir au transport à dos d’ânes des plants forestiers venant des pépinières de Congerman ;  il zigzague, au bord d’un à-pic de plus en plus impressionnant à droite ; on passe parfois sous une vire rocheuse taillée dans la roche ; Le sentieron aperçoit au loin l’étroit sentier qui semble disparaître dans le vide dès le prochain virage ; mais ces passages ne sont pas risqués par temps sec. Il y a autant de hauteurs rocheuses au-dessus de nous qu’en dessous ; à certains endroits, je pense que les gorges peuvent atteindre 200 m de hauteur.

La rive verdoyanteOn ne voit pas le fondPlus on avance, plus le paysage rocheux est tourmenté, plus les gorges sont profondes : d’un côté une rive droite chaude et aride, de l’autre, une rive gauche humide et fertile, donc très boisée (pins sylvestres, pins à crochets, alisiers,…).  Et pourtant seules quelques mètres séparent les deux rives ! Bientôt on ne verra plus le fond. Mur de soutènementRegard vers BeauvezerUn mur de soutènement admirablement bien construit consolide le sentier muletier qui servit aux ouvriers chargés du reboisement. Un regard rapide derrière nous vers Beauvezer : dans une étroite fenêtre, un bout de la montagne de Chamatte apparaît sur fond de ciel bleu.

Une cascade qui tombe de haut !Fleur non identifiéeLe torrent dégringole en une succession de cascades, rythmée par les plis géométriques de la roche calcaire. Des grottes se cachent dans l’ombre ; des oiseaux s’amusent dans le canyon. Quelques fleurs peu habituelles me rappellent qu’ici elles ont bénéficié de conditions particulières dues à leur isolement. Les fleurs, site de Beauvezer

Vers Congerman

Sous-bois vers CongermanPassage sur le torrentAu niveau du pont qui traverse le ravin, la balade grimpe continuellement vers les cabanes de Congerman : c’est la partie la plus dure mais entièrement dans la fraîcheur des sous-bois.  A partir de 1500 mètres les forêts de résineux et de mélèzes signent la présence de la moyenne montagne. D’après les données paca, atlas des paysages du Haut Verdon d’Allos
Site Beauvezer.fr

Les deux nouvelles cabanesGite ONF RetrouvanceAprès plusieurs larges lacets, nous sommes en vue des trois cabanes ; le gîte Retrouvance® de l’ONF, autrefois maison forestière de Congerman, servait d’hébergement aux équipes de planteurs lors des grands travaux de reboisement des terrains en montagne à la fin du XIXè. Dès le moyen âge, le commerce du bois a transformé le Haut-Verdon en terres gastes ; les pâtures sur pente raide sont ravinées. Si aucun arbre ne retient les eaux des torrents, celui-ci détruit tout sur son passage. Restauration et conservation des terrains de montagne, 2è partie, Ministère de l’agriculture, direction générale des eaux et forêts, Direction Générale des Eaux et Forêts, 1911. La fontaine rustiqueDes pépinières de mélèzes avaient été installées autour des bâtiments. Ce gîte construit à la fin du XIXe siècle offre silence, ambiance forestière montagnarde et possibilités de randonnées vers des panoramas exceptionnels. Altitude 1850 m
Capacité 13 places. 4 chambres. Période d’ouverture : du 1er juin au 15 octobre. Office du tourisme de Colmars-les-Alpes Tél. 04 92 83 41 92
• www.colmars-les-alpes.com (colmarslesalpes@wanadoo.fr)

papounet y a placé une micro le 20 juin 2015 cabane forestière de Congerman

Autour des deux grandes tables de pique-nique, les discussions vont bon train ; à mes propos sur le livre L’homme semence évoqué dans mon article sur le village du Poil, les extrapolations vont bon train et la curiosité est aiguisée. Sur la carte IGN, Yves relève deux toponymes curieux aux alentours : la barre de Pisse-en-l’Air et la Femme Couchée. A la fin du repas, quelques courageux, en guise de sieste, descendent les marches qui mènent à deux cabanes modernes servant d’abri aux randonneurs. La tyrolienneUne ancienne tyrolienne, reliée probablement à l’Ubac de Congerman, devait servir au ravitaillement des ouvriers chargés du reboisement, à partir de la baisse de l’Orgeat.

Les gorges

Pierrier passage risquéLe sentierL’orage menaçant, Yves décide de faire un simple aller-retour au lieu de la grande boucle prévue.
Les gorges dans l’autre sens paraissent bien différentes mais toujours impressionnantes. A la traine avec Cathy, nous prenons le temps de faire des photos et quelques pauses contemplatives. Un passage dans un pierrier de galets frôle le vide. Le toit de la chapelle émerge des gorges, unique construction des hommes à l’entrée du vallon.

Il commence à pleuvoir ; en redescendant vers Digne, voici les principales caches traditionnelles que vous rencontrerez en chemin : il y en a si peu dans le coin qu’il fallait mettre à l’honneur Pailloux pour ce remarquable travail.

Alp Hotel, Pailloux

alp hotel beauvezer AD04/2Fi0402Alp Hotel fut le premier complexe touristique du Haut Verdon (1896), affilié au Touring Club de France (déjeuner : 2.50F en 1900 ce qui équivaut selon l’INSEE à 9.67€ en 2014). Il figurait dans de nombreuses publicités du début du XXè, aux côtés d’hôtels de la Côte d’Azur. Il accueillit une clientèle de luxe pour laquelle il organisait des excursions ; en 1904, la première publicité comparative avec la Suisse, vantait la fraîcheur et le soleil radieux du Haut-Verdon. Bachimon Philippe, Le Val d’Allos et le Haut-Verdon, concentration ou diversification, In: Méditerranée, Tome 84, 3-1996. Tourisme et loisirs. pp. 5-8

Pont-bâche_du_Verdon Sebastien ThebaultNous passons sous le pont-bâche du Ganon sur la RD908 : drôle d’impression que cette eau qui jaillit en cascade depuis le haut du pont ! j’ai cru un moment que c’était un canal détérioré qui fuyait. Ce type de pont fait passer un cours d’eau intermittent au-dessus de la route mais aujourd’hui le ravin de Ganon coule abondamment !

Départ en transhumanceLa pluie se met à tomber ; sur la départementale, les véhicules ont stoppé : un gros troupeau de moutons transhumants, tatoués ML, traversent pour remonter vers Ganon. Les locaux patientent tandis que les citadins s’impatientent…

Distillerie de lavande de Thorame, Pailloux

Le Pont du moulin, Pailloux

Le pont du Riou Sec, Pailloux

Fontgaillarde, Pailloux

Plan de Lys, Pailloux

Hameau de rivière, Pailloux

Thorame-Haute-Gare, Pailloux

Gare d’Allons-Argens, Pailloux

Une randonnée exceptionnelle de beauté, impressionnante et digne de concurrencer les gorges du Verdon, avec la sensation d’une région préservée que les amoureux de la nature apprécieront. Mon seul regret : ne pas avoir vu de chamois.
Canyoning et VTT interdits ; randonnée par temps de neige fortement déconseillée.

Randonnée extraite du Guide Haut Verdon – Val d’Allos, 53 promenades et randonnées – 12km, 4h30 (boucle complète) – difficulté moyenne, ADT04/CCHV VA, 2014

st pierre_congerman_rte_panoNotre trajet gorges – cabanes de Congerman, 9km400, 3h50 déplacement, 583m dénivelée

©copyright randomania.fr

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