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Les Maurras par la chapelle Notre-Dame des Œufs


Une trace trouvée sur randogps.net mais parcourue en sens inverse pour éviter deux descentes raides : celle que j’aurais trouvée après le pylône, et  celle après la chapelle. De plus, j’ai légèrement modifié la boucle balisée jaune pour un détour vers le hameau abandonné des Garduères. Je me suis garée sur un des deux grands parkings des thermes de Gréoux, totalement déserts en cette saison.

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Il suffit de suivre le GR4 pour rejoindre rapidement la rivière et le pont sur le Verdon. Quelques canards, croyant sans doute que j’allais les nourrir, s’approchent rapidement de la berge. Après la traversée du pont, je marche sur la route peu fréquentée ; j’oblique ensuite vers la gauche sur la colline par une montée qui promet d’être raide. Et elle l’est. Les bois ne sont pas très denses, j’entends hurler les chiens des chasseurs ; au cri aigu et répété de l’un d’eux, je devine qu’il vient d’être blessé. Le détour par la chapelle n’est pas clairement indiqué sur le rocher face à moi ; en quelques enjambées, j’y parviens par la gauche et découvre une large esplanade rocheuse, deux cairns et une petite chapelle précédée d’un bâtiment en ruine, l’ancien ermitage probablement, déjà noté ainsi sur la carte de Cassini en 1778. Le dernier ermite l’a occupé jusqu’en 1883. La chapelle Notre-Dame des Œufs est bâti sur un éperon barré, ce qui offre un superbe panorama sur la vallée. A l’intérieur, au sol, un œuf fraîchement cassé encore est encore dans sa coquille. Sur le mur d’entrée, des éclaboussures noires pourraient être celles d’œufs cassés que l’on aurait projetés.

Quel nom bizarre que la chapelle aux œufs ! Après une longue recherche, je trouve enfin quelques bribes d’explication et des éléments historiques sur lesquels les auteurs sont à peu près tous d’accord. Sur la colline dominant le hameau d’Aurafrède, petit fief à part entière dont la durée de vie n’a pas dépassé la fin du XVe siècle, se dresse une chapelle dédiée à Notre Dame (mentions en 1274, prior ecclesie Beate Marie de Aurafrigida – en 1351, ecclesia de Aura Frigida). Depuis quand le nom de Notre dame des Œufs a-t-il remplacé celui d’Aurafrède ? Tout ce que je sais c’est que fin XIXe, elle portait son nouveau nom. Les rites de cette chapelle de fécondité ont été abandonnés vers 1930 puis ont repris depuis quelques années ; la chapelle a été restaurée.

Le lundi de Pâques autrefois était jour de pèlerinage : les femmes imploraient Notre Dame pour obtenir la fécondité ; après être montée au sanctuaire, la pèlerine en quête de mari, ou la femme désirant un enfant, montait à la chapelle portant des œufs. Elle déposait quelques œufs dans les niches du chœur en ex-voto, et mangeait les autres. Daniel Thiery, Aux origines des églises et chapelles rurales des Alpes-de-Haute-Provence : Gréoux-les-Bains.
Les rares auteurs (Bertrand et Bailly) pensent que la chapelle a succédé à un culte païen, occupant le site d’un habitat gallo-romain, ou même a remplacé un sanctuaire de la fécondité de l’époque protohistorique. Extrait de archeoprovence, Daniel Thiery

Sébillot rapporte dans diverses régions de France des coutumes assez similaires consistant à offrir différentes denrées aux fontaines : des œufs, des morceaux de pain, des gâteaux, des fruits. Les femmes stériles y enterraient un œuf lors du pèlerinage du Lundi de Pâques. Il devait se conserver tout l’été, ce qui était un gage de réussite. On vérifiait son état le 8 septembre suivant, lors du second pèlerinage. Paul Sébillot, Folklore de France. Les eaux douces, Imago, 1983

Au Moyen Age, le pèlerinage à la Grotte aux Œufs de la Sainte-Baume – que j’ai prévue d’aller visiter bientôt – est censé assurer la fécondité aux femmes. Une croyance à rapprocher du culte d’Artemis, […] qui portait en fait un collier d’œufs, symbole de fécondité. Robert Bailly, Chapelles de Provence. Origines, architecture, croyances, Editions Horvath, Le Coteau 1988
L’Histoire des contes, Catherine Velay-Vallantin, Fayard, 1992

Je continue mon périple en empruntant un escalier plus ou moins creusé dans le sol et muni d’une rambarde métallique : c’est pas là qu’il faut venir si l’on arrive en voiture depuis les Maurras. La piste forestière composée de galets me donne toujours l’impression d’insolite puisqu’on est loin de la plage ; elle est longue et un peu ennuyeuse. Je converse avec un chasseur qui court derrière son chien, équipé d’un gilet fluorescent et d’une antenne GPS et qui s’est enfui. « Est-ce vrai que les sangliers sont atteints d’une parasitose transmissible à l’homme ? » (je pense à la Trichinellose, dont quelques cas ont été observés dans le sud de la France). Il me sourit d’un air entendu : « je sais mais après 48h de congélation, pas de problème ! ». Sauf que selon le ministère de la santé La congélation de la viande n’est pas suffisante pour éliminer tout risque de transmission de la trichinellose. Donc préférez la cuisson à cœur si vous mangez du sanglier.

La montée vers l’antenne est plus difficile sur de fines strates qui doivent bien glisser par jour de pluie ; partout je sens que je suis dans le domaine des chasseurs : des observatoires de bois jalonnent le parcours. Plus je m’approche des Maurras, plus la piste devient rouge. La présence du fer, suivant son degré d’oxydation et d’hydratation, y engendre des colorations vives rouges. Peu avant le hameau, vous marcherez sans le savoir sur le souterrain des Maurras du canal du Verdon puis vous retrouverez la familière canalisation de gaz, coiffée d’un chapeau chinois jaune.

Le souterrain des Maurras de plus de 4km et ses sept puits dont quatre de 100m de profondeur, figure en pointillé sur la carte IGN ; il a été construit pour le canal du Verdon. Inutilisés depuis de nombreuses années mais ouverts à chaque extrémité, les tunnels du Verdon accueillent 37% des effectifs nationaux hivernaux de Murin de Capaccini et représentent ainsi le plus important site d’hibernation pour cette espèce en France. Extrait de la fiche Programme LIFE-nature. Vous voulez tenter de voir ces mammifères bien que le tunnel soit probablement fermé par une grille à barreaux ? par le chemin de randonnée, allez à son extrémité côté Saint-Julien.

C’est là que je me sépare du balisage jaune pour aller visiter le hameau abandonné des Garduères, non balisé. Il me faudra grimper à nouveau dans un bois manifestement délaissé. De ce hameau de Saint-Julien-le-Montagnier (Var), la vie s’est retirée depuis les années 1920. Outre les maisons, le four communal est toujours en état.

Saint-Julien le Montagnier #4, par carfantin

Me voilà bien surprise face au hameau ruiné des Garduères car ce n’est pas une maison isolée mais bien un ensemble de maisons de pierre, parfois de grande dimension. Sur la carte de Cassini, figure le nom de la Garduelle, pâturage pour les troupeaux. Je n’ai trouvé aucune information sur ce hameau, à part que subsiste le four à pain (photo Y. Provence).

En descendant vers le ravin de Roubaud, je me trouve face à un bel arbre trop large pour mon appareil photo ; au croisement avec le sentier jaune que je retrouve, une longue montée continue longe la canalisation de gaz jusqu’aux Tronnes. Quelques échappées s’ouvrent sur le village de Gréoux et son château dit « des Templiers ». Entre les deux possibilités de rejoindre Gréoux, je choisis celle par le Four à chaux (mais pas trouvé de four à chaux…). Après la traversée de la route, je longe la rive gauche du Verdon, m’arrête au barrage construit à l’emplacement du Saut du Roy,  rejoint le pont sur le Verdon que l’on traversait autrefois par un bac à péage. Les tables de pique-nique vous invitent à une pause face à l’eau de la rivière.

Le parking est aussi désert que ce matin. La réputation des thermes est bien établie dès l’antiquité grâce à une inscription latine dédiée aux nymphes. Leur vogue date surtout du début du XIXè lorsque Pauline Borghèse, sœur de Napoléon 1er, vient y faire deux séjours en 1807 et 1813.

Vous pouvez prolonger la balade par la promenade fort agréable en boucle sur les berges du Verdon  : parcours de santé puis retour par le lieu-dit Saint-Christol.

Itinéraire 15km370 4h00 déplacement (total 4h45) 285m dénivelée (cumulées +737m -740m)

©copyright randomania.fr

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Une réflexion sur « Les Maurras par la chapelle Notre-Dame des Œufs »

  1. Bonjour,
    J’ai eu également du mal à trouver des infos sur ce hameau des Garduères. Juste ce document où on en parle sur la dernière page pour signaler que  » trente-cinq personnes vivaient encore au XIX° »
    http://www.hoynant.com/Racines%205.pdf
    Aujourd’hui en y retournant, j’ai noté un type de construction que je ne pense pas avoir déjà vu. Plusieurs maisons avaient une pièce extérieure d’un mètre de large sur un pan de mur de long. Cela ne cadre pas avec une pièce pour les animaux (trop petit), ni pour une pièce pour garder la nourriture au frais (plusieurs ont cette « pièce » au sud).
    Cordialement,
    Yves Provence

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