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Les ocres de la Bruyère, Villars


Avertissement du 12/01/2024 : suite à l’information transmise par un internaute, je  vous informe qu’un arrêté municipal permanent de Rustrel (01/08/2020) interdit l’accès aux parcelles 24, 25, 26 et 28 du quartier Trabaillon ; les parcelles adjacentes sont privées. Le circuit proposé s’arrête donc à la limite communale (pointillés noirs sur la carte), la circulation dans la partie de couleur verte sur Rustrel devant être exclue. Ci-dessous les parcelles où il ne faut pas circuler. Le descriptif demeure pour information.

Moins connues et plus discrètes que les ocres de Rustrel ou Roussillon, elles offrent cependant des paysages insolites dans la colline de la Bruyère. Arrivées tôt dans le village, nous, les quatre copines de rando aixoises, nous arrêtons à la boulangerie que nous a recommandée Maurice, guide de randonnée de la communauté Marseille.OnVaSortir.com qui connaît tous les bons plans. Nous dévalisons les petits pains à la cannelle, prenons un café, discutons avec un amateur de randonnée assis dans la petite salle.

Les photos de notre guide Yves Provence (merci à lui)

Longtemps partie intégrante de Saint-Saturnin, Villars ne devient une unité fiscale particulière qu’au milieu du XVIe siècle. […] Considéré comme inhabité à la fin du XVe, Villars compte 936 habitants en 1765. Certains de ces points de peuplement, comme les Gros Cléments [du nom d’une des plus grosses familles du lieu] compte autant d’habitants que le village. Nous avons recensé cinq familles à la notabilité indiscutable : les Gallian,…Tamisier,… Fauque,… Madon,… Cheylat. Histoire de la notabilité en pays d’Apt aux XVIe et XVIIe siècles: les mécanismes d’ascension sociale, Alain Servel, l’Harmattan, 2009

Juste après l’entrée du village de vacances, un chemin sur la droite, conduit au parking des Trecassats, départ de la randonnée. Nous retrouvons Yves Provence. Le Conservatoire d’Espaces naturels de la région PACA et son partenaire le parc du Luberon ont défini un parcours officiel dont Yves s’écartera parfois. La flore, les amphibiens et les chauves-souris sont les groupes qui constituent les principaux enjeux de conservation.

Les tons d’automne sont d’un beau roux malgré la date tardive. Le sentier, étroit, sinue dans les bois jusqu’à la mare temporaire Le trou des américains, toponyme attribué récemment ; pourquoi ce nom ? je remarque que dans le PLU du village existe un puits des américains, ancien captage abandonné à l’est vers le Queirel ; je ne trouve pas trace des américains dans la monographie de Villars, ni sur aucune carte ancienne : j’en déduis donc que c’est un surnom attribué localement et transmis de génération en génération. J’ai beaucoup cherché ; est-ce un trou creusé par des explosifs ou une cachette en lien avec la seconde guerre mondiale ? Mais le puits alors ? Voici la seule chose trouvée en lien avec les américains ; je serais ravie qu’un ancien de Villars me donne la bonne explication.

Les deux quartiers concernés Queyrel (captage du puits) et Rouyère, au nord de la mare, étaient, en 1813, plantés de vignes ; vers 1860, les vignes sont atteintes de phylloxera ; les viticulteurs du Vaucluse cherchent un moyen de rendre leurs vignes plus résistantes et introduisent des vignes américaines qui font l’objet d’études durant plusieurs années.

Curieux point d’eau que ce trou alimenté uniquement par les eaux de pluie. Avant qu’il ne s’assèche, amphibiens et libellules s’y reproduisent. Complètement gelé aujourd’hui, rien ne laisse penser qu’il y aura de la vie sur ses abords. Trop tôt pour voir le têtard géant du rare pélobate cultripède qui éclot d’avril à juin (crapaud à couteaux) : sur ses pattes postérieures il possède des lames de couteau qui lui permettent de s’enfouir dans le sable en attendant la pluie ; trop tôt aussi pour l’agrion nain menacé.

Les ocres de la Bruyère – le trou des américains, Yves Provence

A partir de maintenant, Yves va suivre son GPS sur d’étroites sentes à peine visibles qui tournent et retournent. Il s’arrête face à un arbre omnivore qui semble vouloir manger la branche d’un autre. Nous descendons maintenant dans le fond d’une combe dans laquelle se trouve plusieurs éléments métalliques près d’un pont sur un ruisseau à sec (une martelière ?).

Un peu plus loin c’est la première galerie d’ocre à la Royère. Son entrée côté gauche est gravée d’un animal stylisé, aux couleurs de l’ocre bleutée. Certains s’y aventurent avec prudence.

La mine suivante a deux entrées et il faut grimper à l’aide de ses bâtons pour y accéder ; à l’intérieur, deux galeries. Un peu plus loin, le front de taille est percé en hauteur d’une ouverture béante inatteignable. Les couleurs aux nuances de rouge strient la colline, parfois avec du bleu ou du vert.

Quand nous arrivons face à la bergerie de la Bruyère creusée dans un bloc d’ocre rouge, c’est la surprise. Trois entrées, deux zones de parcage avec le ratelier chargé de foin au fond. Elle sert encore manifestement. Les traces des outils qui ont servi à la creuser sont bien visibles sur les parois. Je n’ai trouvé trace de cette bergerie nulle part, ni sur internet ni sur les cartes anciennes.

La galerie de la mine suivante vire au vert et son plafond diminue progressivement. Les gonds de la porte sont toujours en place.

Sur le lieu de l’exploitation Bonnet, quelques vestiges industriels subsistent face à la mine : un mur, un treuil de halage qui servait à remonter le wagonnet chargé d’ocre, quelques rails.

Pour atteindre la zone la plus colorée, il va falloir descendre sans tomber dans une gouttière d’ocre étroite et glissante ; à ce jeu c’est Daniel le plus doué ; je préfère m’accroupir et descendre sur les fessiers. Ensuite, deux chemins permettent de contourner la colline d’ocre ; celui de droite permet d’apprécier les couleurs vives si caractéristiques. Du sombre, du clair, du lisse ou du rugueux, des formes en dentelles ou dents de scie ; la nature façonnée par l’homme et modelée par le vent et la pluie, offre un spectacle enchanteur. D’en haut, on aperçoit des vallons et des sillons que les arbres ont colonisés à nouveau.

Nous redescendons dans la plaine ; une OVSienne en retard au départ, nous rejoint ; pour éviter de marcher sur la route, nous rejoignons le lavoir des Viaux par les champs (restauré), non sans avoir quelques difficultés pour traverser le ruisseau sans se mouiller les pieds. Le pique-nique au soleil près de l’eau fraîche et claire est un véritable plaisir.

Les Ocres de La Bruyère – Le lavoir des Viaux, Yves Provence

A la faveur de déchirures dans le couvert végétal, au loin, le minerai d’ocre se dévoile. Nous rejoignons le sentier balisé bien plus reposant qu’à l’aller. Les carrières d’ocres ne sont plus artisanales.
La poussière de sable s’écoule tel un sablier au pied des falaises d’ocre, constituant un tas qui grossit rapidement. Nous l’entendons glisser en bas des falaises, ce qui n’est pas rassurant quand on se trouve trop près. Les entrées de mines donnent accès à des galeries de hauteur impressionnante.

Nous passons dans ce qui fut probablement un village d’ouvriers de l’ocre. Vous trouverez bien peu de traces d’installations car les plus petits exploitants sous-traitaient une partie de la transformation de l’ocre.

En 1906 [Archives départementales Vaucluse, recensement], beaucoup de chefs de famille travaillent dans l’ocre ; j’ai compté 23 hommes sur 170 familles : mineur, terrassier ou ouvrier. Julien Moucan, patron fabriquant d’ocres, embauche 8 Villarsois ; André Bonnet et Cie, 3 ; mais la plupart travaille pour la Compagnie des Ocres. En 1926, pour survivre, plusieurs sociétés dont celle de Moucan, fusionnent avec Jean & Barthélémy.

Les ocres de la Bruyère, Stellanou

En bordure de falaise, je me rends mieux compte du risque que nous prenons à s’approcher de trop près. Extérieurement, la roche semble bien fragile. Les rebords creusés vers l’intérieur par l’érosion ne tiennent que par les racines des arbres…

Les ocres de la Bruyère, le belvédère, YvesProvence

  • Il y a 230 millions d’années, la Provence est recouverte par la mer. Les sédiments s’accumulent au fond des eaux et forment les calcaires blancs […]
  • Vers – 110 millions d’années, la mer s’approfondit. Les argiles grises recouvrent les calcaires ; le bassin étant comblé, des sables de couleur verte due à la présence de glauconie (minéral vert comportant des atomes de fer), vont se déposer au-dessus des argiles.
  • Un nouveau bouleversement se produit vers 100 millions d’années : la Provence émerge sous un climat tropical ; les eaux qui circulent en profondeur dissolvent les composants prisonniers du sable. La glauconie libère le fer, laissant apparaître la goethite. Le lessivage des oxydes de fer se poursuit, formant les couches de kaolinite blanche.
    Les sables ocreux sont nés et les terres de ce nouveau continent sont naturellement colorées. Histoire et géologie du massif ocrier

Ni continuité, ni uniformité des paysages d’ocre à Villars ; pas d’affleurement visible ; le site, secret, est dominé par un couvert forestier de chênaie, de différentes essences de pins et de bruyères arbustives. Mais l’intérêt est quand même là, et le sport aussi : lors de passages difficiles, il a même fallu que les hommes aident les femmes à escalader.

Les galeries d’ocres abritent des espèces animales très sensibles au dérangement et les accès aux galeries ne sont pas protégés. Yves a même été obligé de retirer une de ses caches. Vous voilà prévenus ! Selon www.cen-paca.org

Ocres, ocres et ocriers du pays d’Apt, parc naturel régional du Luberon, Edisud,1986

Image de l’itinéraire initialement prévu 9km320 3h déplacement (5h40 au total) 84m dénivelée (+310, -310). A modifier pour tenir compte de l’arrêté communal et des propriétés privées.
Télécharger la trace

©copyright randomania.fr

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3 réflexions au sujet de « Les ocres de la Bruyère, Villars »

  1. Bonjour, ce parcours emprunte des propriétés privée ainsi qu’une interdiction d’accès part un arrêté municipal, merci de bien vouloir modifier ou supprimer votre tracé.
    Merci.
    [ndlr] Mail perso pour obtenir précisions sur arrêté municipal et numéros parcelles privées (recherche nouvel itinéraire)

  2. Merci pour cet article, j’ai fait un parcours au départ de Gignac (84) avec également des ocres magnifiques.

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