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Limans, les Ybourgues et l’oppidum Saint-Pierre


Limans est un petit village des Alpes de Haute Provence agréable à découvrir et connu surtout pour ses nombreux pigeonniers. Pigeonnier de la terre du curé MartinUne rue du villageNous nous garons devant le plus ancien, le pigeonnier de la Terre du Curé Martin : 1553, 15m de haut, 4 niveaux, avec un escalier extérieur permettant d’atteindre le second niveau sans couper la voûte en berceau.

Après la lecture du panneau d’information du parc du Luberon, nous quittons Limans par le GR6 au sud. D’autres pigeonniers en pied sont construits au milieu des champs.

Le sentier circule dans les champs puis monte doucement les dominant bientôt ; à l’approche des Ybourgues, sur le sentier des Vignes, nous saluons les ânes de Provence. Le détour vers le logis seigneurial des  Ybourgues est incontournable ; rétablissons d’abord la vérité sur une confusion fréquente : Limans ne serait pas une commanderie ; la plupart des historiens spécialistes des Templiers en conviennent aujourd’hui, c’est une confusion avec Limaye où Yves nous a emmené en 2015 (Grambois, regarde-moi-venir).
Les Templiers en Provence – Formation des Commanderies et répartition géographique de leurs biens, J.-A. Durbec, Provence historique vol.9, no 35, 1959.
Sur les traces des templiers des Alpes-de- Haute-Provence, Bernard Falque de Bezaure, Mallemoisson (Alpes-de-Haute-Provence) : Editions de Provence, 1996 : c’est l’auteur qui milite pour Limans en tant que commanderie.

Comme les restaurations de cette grande bastide tendent à masquer certaines informations nécessaires à la compréhension du bâtiment, il a été décidé de réaliser une étude monumentale avec l’accord des propriétaires.

La maison est un grand édifice à trois corps de bâtiment qui s’inscrivent dans un carré de 25 m de côté environ, avec trois périodes de construction ; appartiendrait au premier état (XIVe siècle vraisemblablement) le corps central orienté, terminé à l’ouest par une tour transformée ultérieurement en pigeonnier […].  Le dispositif d’échafaudage est encore bien visible avec des trous de boulins maçonnés, disposés régulièrement sur les façades plutôt austères : seule la façade sud est largement ouverte sur l’extérieur par trois grandes fenêtres à meneau ; avec le percement de longues archères sur les faces ouest et nord de la tour, la fonction originale de la bâtisse est incertaine : résidence seigneuriale, édifice à vocation agricole, ou château défensif ?
L’évêque de Sisteron récupère l’église des Ybourgues et l’hôpital de Lurs par échange avec le monastère de Cruis à la fin du XIIIè. Quelques dizaines d’années plus tard, l’évêché récupère la totalité du castrum des Ybourgues. Peut-être cet évêque a-t-il voulu consolider sa présence par une résidence d’été à la hauteur de son prestige ?

Limans, hameau des Ybourgues, C. Michel d’Annoville, DRAC, 2000
Espace religieux et espace politique en pays provençal au Moyen Age (IXe-XIIIe siècles). L’exemple de Forcalquier et de sa région, Mariacristina Varano, Laboratoire d’archéologie médiévale méditerranéenne, 2012

Clapier-limiteNous reprenons la montée vers le sud jusqu’au point marqué 650 en limite de la commune de Mane ; des murs de pierre larges et pas très hauts, parfois écroulés, servent de clapier-limite datant probablement du cadastre napoléonien. La limite frôle le domaine de Saint-Lambert habité malgré l’éloignement du village.

voie pavéenid de processionnairesNous montons encore en longeant le clos des sauniers ; les bois clairsemés laissent entrevoir la montagne de Lure enneigée et ses pentes aux couleurs d’automne. Une partie de la piste est pavée, indiquant une voie entretenue autrefois. Un nid de processionnaires du pin est accroché à une branche.
Pierre percéeLieu-dit « les Pierres Percées » : une première pierre percée isolée, puis plusieurs le long de la piste puis tout un champ de pierres percées ! Avec les lapiaz, ce sont des signes en surface d’un environnement karstique dû au travail de l’eau. Peut-être que l’érosion s’est arrêtée là parce que le sous-sol est définitivement abandonné par les eaux. Nous nous arrêtons pour pique-niquer peu avant l’embranchement vers Majargues. Tout près de là, une pierre en creux sert d’abreuvoir aux hôtes des bois.

Les pierres percées, Yves Provence

Le hors piste commence dans un sous-bois relativement clairsemé mais de nombreuses branches basses représentent quand même un risque pour les yeux. Yves nous guide au GPS, zizaguant sans cesse et tentant de repérer le passage le plus facile. Mur de l'oppidumNous passons près d’un premier mur de pierres écroulé, puis à côté d’une borne de granit de l’IGN marquant le point culminant (920 m, définitivement absente de la base de données de l’IGN…) puis près de ce qui a dû être une muraille de protection. Est bien connaisseur celui qui reconnaitrait à coup sûr un oppidum… Yves y place une cache parmi les pierres qui ne manquent pas, forcément.

L’oppidum de Saint-Pierre à Limans, Yves Provence

La Carte Archéologique de la Gaule décrit au lieu-dit Saint-Pierre un vaste éperon (près de 600 m de longueur sur 350 m de largeur) puissamment fortifié de sept murailles éboulées, constituant un vaste oppidum ayant livré du matériel protohistorique et romain. Barruol, par rapprochement entre ce site et les oppida de la région, estime qu’il fut occupé entre le Ier et le IIIe siècle.
Il abrite également les ruines d’une église médiévale [que nous n’avons pas trouvée]. Au milieu du XIIe siècle, l’ecclesiam S. Petri de Limans est confirmée, avec toutes ses dépendances, aux chanoines de Saint-Mary de Forcalquier. Les églises Saint-Georges et Saint-Pierre de Majargues sont désignées toutes les deux comme étant de Limans. À la fin du XVIe siècle, un chanoine, Antoine Espinel, est encore mentionné en tant que prieur de Saint-Pierre de Majargues.

Toujours en mode sanglier, nous tâtonnons sur les hauteurs de la colline de Saint-Pierre, approchant d’une haute falaise offrant un large point de vue contrasté sur la montagne de Lure.

Vue sur la montagne de Lure

Descente vers le village au retourLa piste qui redescend vers Limans, raide, atteint les Claux non sans quelques dérapages incontrôlés ; au loin la retenue du barrage de la Laye scintille au soleil.

Pigeonnier au nord de LimansLe chemin de terre parfois boueux mène à la route ; sur notre gauche, un pigeonnier de Limans ; pour en savoir plus sur l’élevage des pigeons, lire l’article Les pigeonniers de Limans.

La multi-cache, énigme à plusieurs étapes, va nous emmener sur les quelques points d’intérêt du village, ses vieilles maisons de pierre, son passage voûté, et ses pigeonniers. Bien qu’à trois, nous ne l’avons pas décodée.

La limanaise, les sister’s

Claude dans la fontaineLa fontaine ronde abreuvait aussi les bêtes ; la surverse alimentait en eau le lavoir, et les jardins du village avec un temps de distribution réglementé et payant. Trois visages sculptés sur le bulbe s’adressaient à ceux qui venaient se désaltérer mais quel message délivrent-ils ? à cause du contenu de l’énigme, Claude enjambe le rebord de la fontaine – sans eau, je précise – ouvre la petite porte de métal, cherche : rien d’utile pour résoudre notre énigme !

L'église et la plaque de cancelL’église Saint-George porte en façade une plaque de chancel1 (une des trois plaques, les autres se trouvant dans l’église), en marbre blanc d’Italie, récupérées probablement d’une église rurale aujourd’hui disparue : quatre scènes animalières séparées par une croix latine pattée sur lesquelles les animaux du bas s’affrontent. De quand datent ces plaques ? De nombreux archéologues s’y sont penchés : G. Barruol, E. Baratier (VI-VIIIè), P.-A. Février (VIII-IXè) et le dernier en date Y. Narasawa qui le date du paléochrétien (IIè-Vè) : cela en ferait l’unique trace en Haute-Provence d’un édifice religieux rural de cette époque.

L'aire caladéeL’aire de battage (900 m2) près de la tour du moyen-âge dominant le village, exposée au mistral, servait au battage des récoltes locales. Un âne ou un cheval attaché à un mât central tirait un rouleau écrasant les gerbes pour séparer le grain de la paille.

Une randonnée permettant la visite d’un village rural authentique et la découverte d’un oppidum peu connu : GPS indispensable pour la partie hors sentier !

Limans st pierre traceImage de l’itinéraire 12km400, 3h50 déplacement (5h45 au total), 375m dénivelée (+469, -469)

1chancel : Partie du chœur entourant le maître-autel et qu’une grille isole du reste des fidèles

©copyright randomania.fr

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2 réflexions au sujet de « Limans, les Ybourgues et l’oppidum Saint-Pierre »

  1. Bonjour,
    j’ai fait hier avec mes deux frères cette balade au départ de Limans. Superbe et très intéressante par tout ce qu’il y a à voir le long de ce parcours. Un peu plus délicat au sommet de St Pierre et surtout sur la fin du parcours hors sentiers … mais le GPS a été bien utile.
    Je ne sais si ce que nous avons trouvé correspond àa la chapelle St Pierre, mais nous avons trouvé deux endroits qui pourraient être des candidats, l’un dans un trou avec un mus bati et un départ de voute, l’autre aussi dans un trou (il semble que le sol ait fortement remonté) avec une entrée voutée (voute de lauzes) avec une pierre creusée à l’entrée (bénitier ?) son point GPS : N 43.983757°E 5.707415°
    Encore merci pour cette balade.
    Maurice, Gérard et Christian

  2. Selon l’IGN, la borne trouvée serait la 0416204 mais ils ont des doutes. Elle a été « perdue » en 2001 et ils ne l’ont jamais retrouvée.
    L’IGN me demande de retourner sur place, la photographier, relever une nouvelle fois les coordonnées (ils rejettent celles que j’ai envoyées !!! Sympas, non ?) et après, ils décideront de ce qu’ils font !

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