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** Riez la romaine


Riez la romaine, c’est évident qu’une rando à cet endroit ne pouvait que m’intéresser après la passion éprouvée il y a quelques années pour l’aqueduc de la Traconnade et celui du Gier. Grâce à Yves Provence qui y organise une rando avec promesse d’un aqueduc romain, je me rends pour la première fois à Riez. Il fait froid sur le grand parking le long de l’Auvestre, entre le chemin du relais et la rue du faubourg Saint-Sébastien mais les efforts qu’exigent les courtes montées vont nous réchauffer rapidement…

La ville de Riez n’est plus aujourd’hui qu’un chef-lieu de canton de moins de deux mille habitants. Elle fut pourtant, à l’époque romaine, l’une des métropoles de la province Narbonnaise [Colonia Julia Augusta Apollinaris Reiorum, fondée par l’empereur Auguste]. A son apogée, dans le courant du IIe siècle, l’agglomération […] possédait une importante parure monumentale. A la fin de l’Antiquité, elle devint le siège d’un évêché. Elle conservera cette fonction jusqu’à la Révolution […]. Infos patrimoine PACA

En déambulant dans le centre ville, nous passons sous la porte Saint-Sols, devant laquelle trône la fontaine Benoîte, attestée depuis le XVè mais celle-ci date de 1819. Elle servait à tous les habitants, à l’intérieur et à l’extérieur de la ville et même à la monture des voyageurs. Quelques années plus tard, c’est le lavoir qui a été construit ; c’est dans la rivière le Colostre que les lavandières rinçaient leur linge.

Nous poursuivons la montée à la tour de l’Horloge par un long escalier. Au pied de la tour, on se rend mieux compte de sa hauteur impressionnante et de ses défauts de construction : le mur côté rue n’est pas à la verticale jusqu’en bas. Un des derniers vestige des remparts qui protégeaient le village, il abrite une horlogerie vieille de plusieurs siècles, probablement du xvie siècle, et qu’aujourd’hui encore les employés communaux remontent chaque samedi matin.

Riez – La tour de l’Horloge, lapinblanc

La montée continue sur le sentier des oliviers, bordé de panneaux d’information sur l’histoire de cette culture. Enfin nous arrivons au sommet de la colline Saint-Maxime où l’occupation urbaine s’est déplacée entre le IVe et le Ve siècle. La ville romaine avait à gérer des crues très violentes ; l’étude des épaisses couches de galets alluviaux qui recouvrent les niveaux abandonnés de la ville romaine montre que ce repli s’est effectivement produit au moment où les conditions de l’écoulement se sont fortement détériorées. D’après une Etude de géomorphologie.
Du haut de la colline, Claude me montre les colonnes romaines isolées dans le pré mais qui autrefois se trouvaient au milieu d’un complexe romain important.

Saint-Maxime a été évêque de Riez ; Riez, siège d’une évêché, voilà qui peut paraître étonnant quand on la regarde aujourd’hui. Cette chapelle Saint-Maxime, mi-lieu de culte, mi-habitation, construite de 1653 à 1655 en souvenir de la basilique carolingienne détruite en 1596, renferme un chœur bâti sur d’anciennes colonnes antiques. Depuis 1975, les sœurs Clarisse s’y sont établies.

Sur le GR4, des champs à perte de vue, des bouquets de lavande bien taillés sur fond de montagnes au nord-est ; tandis que les geocacheurs sont partis en chasse, je détaille le cabanon des champs, véritable petite maison construite avec des galets ; elle abrite les outils des ouvriers. Nous traversons le plateau puis descendons le chemin de Bontarru sur une bonne centaine de mètres de dénivelée.

Le plateau de Bontaru, julitch

Le château de Campagne (2e moitié 17e siècle ; 18e siècle) dont on remarque les toits de faïences colorées – plutôt caractéristiques de la Bourgogne -, domine la vallée du Colostre. Avec son bâtiment rectangulaire pris entre deux corps, flanqué de deux tours rondes, c’était au XVIIIè l’agréable résidence de Pierre Clérissy, seigneur de Saint-Martin d’Alignosc (anciennement saint-Martin de Rimat) où il possédait également un château. Les Clérissy sont connus pour  être à l’origine  de la production  de  faïence  à  Moustiers  et  à  Marseille. Le portrait de Pierre 1er serait toujours au château. Histoire des faïences à Moustiers.
Certains éléments de ce château sont protégés : les deux escaliers, le salon et son décor, les façades et toitures de l’ensemble des bâtiments de ferme, le pigeonnier, etc. En 1452, la commune de Riez a passé un accord avec le propriétaire Florent II de Castellane pour alimenter la fontaine de la Colonne par un aqueduc en rive gauche du Colostre, à partir des eaux de ce château.

Le pigeonnier situé de l’autre côté de la route a été restauré avec une (fausse) génoise à trois rangs ; les carreaux vernissés ne sont pas là pour la décoration mais pour empêcher les prédateurs tels que les rats, de grimper et pénétrer dans le pigeonnier. Les pigeonniers provençaux, Clodex

Riez – le pigeonnier du château de Campagne, lapinblanc

Après être descendus, il nous faut remonter doucement, sur un sentier parallèle à la route, traverser la route de Riez pour se retrouver au sud : Yves a prévu de rejoindre la piste balisée de Peyronnet. Mais c’était sans connaître les propriétés privées bien protégées par un grillage. Au pied du terrain de motocross, nous sommes contraints de remonter brutalement la piste forestière horriblement raide et caillouteuse ; dur, dur ! au sommet, nous enjambons la barrière souple qui est au sol pour nous retrouver dans la plaine de Milharas. On se croit sauvé mais le plateau n’est que champs protégés. Au loin, le centre émetteur de Roumoules qui diffuse sur grandes ondes le programme de Radio Monte-Carlo (RMC) et sur ondes moyennes les programmes religieux de Trans World Radio (TWR). Ses trois pylônes alignés constituent l’antenne principale qui rayonne vers Brest.

Zigzaguant dans la plaine, longeant les clôtures, nous ne sommes bientôt qu’à 300m de la piste mais plus de sentier ! Yves alors décide de s’en approcher en mode sanglier, à travers un bois un peu dense et des arbustes épineux ; les premiers arrivés se moquent gentiment des derniers qui doivent fournir un dernier effort pour sortir du bois. Ouf ! nous sommes maintenant en bordure d’un champ immense que nous couperons jusqu’à la piste. Cette partie dans la plaine n’est donc pas garantie 100% espace public… – je vous propose un circuit de contournement sur la carte – mais que de sérénité dans cette nature immense, déserte et calme !

Nous prenons maintenant la piste qui domine le torrent de Valvachères qui se jette dans le Colostre. Dans la réserve de chasse, une cabane de chasseurs au confort amélioré rejette la fumée par un tuyau coudé. En contre-bas, seuls deux domaines agricoles émergent des bois.

A mi-chemin, une montagne enneigée attire notre attention : c’est le plateau de Bure dans les Hautes-Alpes reconnaissable à sa face abrupte et sa vaste surface plane. Interféromètres du plateau de Bure

Quand le sentier redevient route, c’est que nous sommes revenus en zone urbaine, dans le quartier de la Rouguière. Il nous faut chercher ce fameux aqueduc romain dont il reste des traces à mi-hauteur de la pente. Au prix d’un détour dans un quartier résidentiel par le chemin de la Rouguière, Entrée mine d'eau et une nouvelle petite montée dans un bois humide, frais et glissant, nous nous trouvons face à l’entrée de la galerie ; un long tuyau noir émerge des profondeurs du canal. « Aqueduc » ou simple galerie technique ?
Philippe Borgard, l’archéologue spécialiste de Riez m’a transmis un document mais sa réponse va sans doute décevoir ceux qui étaient persuadés que c’était un très vieil aqueduc ! ce n’est pas un aqueduc, et il n’est pas vieux. J’aurais pu être déçue mais au contraire, je suis ravie de cette découverte insolite, peu connue autour de moi et pourtant si fréquente dans notre région. C’est une des nombreuses mines d’eau de la région, mode de captage quasi exclusif sur le territoire de Riez. L’eau dans les Alpes occidentales durant la période romaine, Hélène Aulagnier, Philippe Borgard, Jean-Louis Guendon, Lucas Martin, Les cahiers du CRHIPA numéro 19, Grenoble, 2010

Mais comment faire la différence entre aqueduc et une mine d’eau ? Vincent Meyer, coauteur de Les mines d’eau de Riez, inventaire des galeries de captage d’eau, Vincent Meyer, Jean-François Devos, Hélène Aulagnier, Lucas Martin, Drac Paca 2009, a bien voulu répondre à mes questions :

Les aqueducs, tels que les romains les construisaient, captent une source, au pied d’une colline, comme pour les aqueducs qui alimentent la ville d’Arles1 (aqueduc « des Baux » au sud des Alpilles et aqueduc de « Saint-Remy » au nord des Alpilles), puis conduisent l’eau avec une pente infime par l’intermédiaire d’un conduit maçonné en souterrain ou à l’air libre.
La mine d’eau ou galerie de captage ne capte pas une source mais un aquifère, exclusivement en souterrain. La galerie peut être creusée de manière horizontale, comme on le voit à Riez mais aussi, comme on le voit dans le Luberon, par l’intermédiaire d’un puits qui va chercher la mine d’eau puis par un galerie horizontale active qui part en amont du puits pour accumuler l’eau et par une conduite passive qui mène l’eau vers la propriété.
Le principe de la mine d’eau est la recherche par le mineur d’un contact entre deux types de terrains géologiques, un substrat perméable dans lequel s’infiltrent les eaux de pluie (le poudingue à Riez) et des marnes calcaires imperméables. C’est au contact de ces deux terrains que le fontainier va capter un aquifère.

galerie 1 mine 48Les plus anciennes galeries datent de la fin du moyen âge. Celle-là (numéro 48 de l’inventaire), à l’entrée de galets maçonnés, daterait du XVIIIè. Les parois d’abord construites sont ensuite creusées grossièrement dans le poudingue. Equipés de bottes, casque et lampe torche, nous aurions pu pousser l’aventure un peu plus loin : au bout de quelques mètres, elle se partage en deux galeries le long desquelles de petites niches régulièrement espacées, accueillaient autrefois les bougies nécessaires à l’entretien de la mine. Informations extraites de l’Inventaire des galeries de captage d’eau.
A Riez, les livrets cadastraux du XVIè siècle attestent la présence de plusieurs dizaines de mines d’eau. Et 3 d’entre elles alimentaient les fontaines du bourg.
J’adresse mes plus vifs remerciements à P. Borgard et V. Meyer, qui m’ont fourni avec amabilité et générosité de nombreux documents sur Riez, les mines d’eau, et ont fait la relecture de l’article.

Toutes les mines d’eau en Provence ont donc une couche solide comme « toit » de la galerie et une couche imperméable pour le « plancher ».
Pays & Patrimoine, un patrimoine hydraulique oublié : les mines d’eau, journal associatif n°36, Alpes de Lumière, Alpes de Lumière, déc. 2014

Le vieil aqueduc, lapinblanc

Nous revenons par les berges du Colostre dans lequel se jette le torrent de Valvachère qui a changé de tracé depuis l’époque romaine ; les fouilles effectuées dans le quartier du collège Maxime Javelly ont montré que ce bras du torrent avait été soigneusement canalisé par les romains. Etude de géomorphologie

Après un court arrêt au bord du Colostre, nous reprenons notre route jusqu’au baptistère2.

Le groupe épiscopal primitif de Riez […] fut très probablement aménagé au début du Ve siècle après J.-C. L’édifice, qui réemploie les murs de thermes publics monumentaux du Haut Empire possède des dimensions particulièrement imposantes. Seule composante épargnée de l’ensemble cathédral, le baptistère2, encore appelé « église baptismale Saint-Jean », entre en déshérence. Il est cédé à la confrérie des tailleurs d’habits […]. Au début du XVIIe siècle, […], l’idée se développe selon laquelle l’essentiel de la structure du baptistère aurait appartenu à un temple romain de plan circulaire […]. Les bouleversements de la Révolution entraînent la désacralisation du lieu de culte. […] Il faudra attendre le milieu de ce même siècle pour que la fonction primitive et l’intérêt de l’édifice soient enfin reconnus. Le groupe épiscopal antique de Riez (Alpes-de-Haute-Provence)Philippe Borgard, Centre Camille Jullian, CNRS Caroline Michel d’Annoville, Université Paris-Sorbonne Fabienne Gallice, chercheur associé au CNRS. Selon le site Patrimoine(s)

Grâce aux recherches en archives, il apparaît que le baptistère a fait l’objet de campagnes de restauration à peu près tous les cent ans depuis le XVIIIe siècle, la dernière datant de 2015-2016. Il est intéressant de rappeler que le baptistère de Riez est l’un des plus anciens et des mieux conservés en France avec celui de Fréjus. Riezois n°48, 1er trimestre 2013

Ce baptistère est donc un des rares monuments paléochrétiens de Provence. Qu’y avait-il avant lui ?

un édifice thermal dont la façade se développe sur près de quatre-vingt mètres de long, en surplomb d’un cours d’eau canalisé (le Valvachère antique). L’aile nord […] est celle par laquelle on pénétrait dans l’édifice ; […] La salle qui accueillait les baigneurs [l’entrée proprement dite du complexe thermal] a été aperçue au XIXe siècle, mais elle est aujourd’hui occultée par la route départementale RD 952. [Les salles froide et chaudes sont en revanche toujours accessibles et leur mise en valeur est en cours d’étude pour de prochaines visites]. Les thermes publics du Haut-Empire, site Patrimoine(s) en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Philippe Borgard, Caroline Michel d’Annoville, Fabienne Gallice

Direction les colonnes romaines toute proches 2m sous le niveau actuel ; qui ne connait pas de réputation au moins ces colonnes, façade d’un temple romain dédié à Apollon, de 11 m sur 22, démantelé et réutilisé ? L’esplanade du pré Blanchon

Riez – les colonnes romaines, lapinblanc

Descriptif, photos de RIEZ randocool sur le site de Yves Provence ; merci Yves pour les photos qui me manquaient.
Mes photos

Une randonnée sur un terrain de galets, les galets du plateau de Valensole. Pour ceux qui s’intéressent aux Romains, ou pour ceux qui aiment les grands espaces, elle vaut le déplacement.

Image de l’itinéraire 13km900, 3h40 déplacement (6h15 au total), 144m dénivelée (+426, -426) avec variante couleur kaki, non testée, pour éviter le passage fermé aux randonneurs

1cf travaux de P. Leveau, texte Vincent Meyer, chercheur associé au CNRS/Centre Camille Jullian
2baptistère : ce mot vient de baptême et désigne un bâtiment, le plus souvent isolé et de plan centré, destiné à pratiquer le baptême chez les chrétiens.

©copyright randomania.fr

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2 réflexions au sujet de « ** Riez la romaine »

  1. Bonjour,
    nous avons testé votre parcours avec la modification « kaki »
    elle passe « moins loin » que le dessin
    sinon : superbe rando, et commentaires de qualité !
    cordialement
    RB

  2. aura t’on assez d’une vie pour tout voir ? un jour peut-être les SDTE iront par là-bas, mais en attendant on apprend tant de choses en lisant ton compte-rendu: MERCI

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