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** Saint-Michel l’Observatoire par les Craux sur le chemin de la pierre sèche


Voilà une randonnée que j’ai faite deux fois en 2010, en changeant de sens, et je n’ai pas vu les mêmes choses ! la troisième en 2015 avec quelques membres de la communauté d’OVS et Yves Provence qui a inclus deux variantes : le village de Lincel et le moulin de Saint-Michel, variantes précédées dans le texte des mots variante 2015 ; en 2010, estoublon avait préparé la visite en effectuant des recherches dans différentes sources dont le livre 25 balades sur les chemins de la pierre sèche, Florence Dominiquele bec en l’air, 2009. De plus trois rencontres fortuites avaient renforcé l’intérêt des découvertes.
Le chemin est balisé jaune tout le long. Nous sommes partis du village, le livre propose un départ de la maison du potier sur la N100 (aujourd’hui D4100).

Les curiosités géolocalisées sur une carte googlemap

La ferme du Claus typiquement provençale avec son pigeonnier central incorporé à l’habitation, Ferme du Clauss’individualise néanmoins avec ses ouvertures entourées de céramiques colorées et son bâtiment surélevé. Nous suivons le PR jaune bien balisé jusqu’au hameau de la Combette autrefois cultivé.

Le puitsLe puitsUn peu d’avant y arriver, voici un puits de pierres sèches restauré ; sa voûte pointue a été remontée avec des pierres récupérées lors de la précédente construction ; une belle poutre de bois sert de linteau tandis que la margelle n’est autre qu’une large pierre plate bien choisie ; nous arrivons au hameau ruiné mais partiellement restauré.

Le lavoirLe lavoirLa Grande Fontaine, point d’eau du hameau, fut sans doute un lieu de rencontre sociale ; elle compte une source, un réservoir, un lavoir avec plusieurs bassins ; l’eau sourd toujours de la barre rocheuse et la mousse a envahi le lavoir.

cornouillesSur le chemin vers Lincel, un ovésien (inscrit sur le forum OnVaSortir) féru de botanique nous présente les cornouilles, fruits du cornouiller mâle, que nous trouvons légèrement acidulées : ce sont des drupes rouges, de la taille et la forme d’une olive, qui entrent dans la préparation de marmelades ou confitures.

Panneau du chemin de CompostelleNous remontons vers Lincel par le sentier muletier soutenu par un haut mur de pierre sèche mais nous ne trouverons aucune des bornes annoncées dans le livre de Florence Dominique.

Variante 2015 : La muraille du châteauNous montons dans le vieux village par une calade puis une ruelle étroite coincée par la muraille du château et les maisons ; Le guetteur de Lincelle château, maintes fois démoli et reconstruit, appartient à un propriétaire privé ; sur le mur, un écusson de la Provence à peine visible derrière les arbres ; le guetteur de Lincel au coin d’une ruelle à angle droit, se présente en armure à nos yeux étonnés, puis un autre à l’entrée d’une maison. Issus de la fête de la récupération, ils ont été une seconde fois récupérés par les habitants pour le bonheur des visiteurs.
L'église de LincelVue générale sur LIncelL’église romane Sainte-Madeleine du XIIIè au toit de lauzes, a conservé son ordonnancement d’origine en croix latine.
Avant de repartir nous jetons un coup d’œil sur ce que nous aurions classé volontiers « plus beau village de France » s’il n’y avait eu ces câbles disgracieux en tous sens. Si vous avez emprunté cette variante, prenez la route ; quelques centaines de mètres plus loin, vous retrouverez le parcours balisé de jaune.

Nous tournons à épingle à cheveu (attention de ne pas rater le sentier sur la gauche) ; le sentier descend doucement jusqu’à la route goudronnée. Nous avons bien failli raté l’étroit sentier du sentier de Compostelle qui nous évite de marcher sur la route.

Le potierNous traversons la N100 (D4100) pour rejoindre la maison du potier d’art Guillaume Common (il fabrique de drôles de lampes-champignons…) qui porte l’inscription la Bégude1 : ancienne ferme, peut-être relais postal, on s’y arrêtait pour se désaltérer. Situé sur la voie romaine, ce lieu a pu recevoir également des voyageurs à cette époque. Suivons le sentier du gué balisé.

le gué du ReculonDu gué du Reculon, découvert en 1961  par Pierre Martin et étudié par Guy Barruol, il ne reste que l’arête formée de 22 gros blocs de calcaire en gros appareil. En se penchant un peu, on peut voir le mur de soutènement en forme de barrage-voûte pour résister à la pression de l’eau et de la terre. Sa taille a été évaluée à 25m de long et 6 à 7m de large. La chaussée est totalement sous terre et c’est tout ce que vous pourrez en voir. Pierre Coste suppose qu’il y avait là autrefois un gué romain mais celui-ci daterait plutôt du XVIIIe.

Via Domitia – le gué du Reculon, YvesProvence

FossileAu milieu du sentier, un gros bloc rocheux s’est détaché de la paroi. Un fossile de pecten y est bien visible. Alors que nous en cherchons d’autres dans « la partie inférieure litée lors de la sédimentation par les mouvements des chenaux marins » sous la barre rocheuse, un homme nous interpelle. C’est un jacquet retraité qui parcourt le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Comment en viendra-t-il là ? toujours est-il qu’il déballe son sac à dos et nous explique que chaque objet est étudié et pesé de façon à ce que l’ensemble soit le plus léger possible. Il nous montre la lame de couteau de quelques grammes, collée à chaud avec de l’araldite dans un petit morceau de bois, le porte-feuille fait main dans une pochette plastique, le fil de métal servant de scie, le matelas mousse, les polaires dont le poids n’excède pas 250g chacune, le sac à dos ultra léger qu’il tient d’un seul doigt. Il nous montre son carnet de  voyages dans lequel il a dessiné les monuments ou paysages visités en chemin. Finalement, le plus lourd sera son guide de randonnée. Il termine en nous conseillant d’aller à Carniol où les fossiles se trouveraient sans même les chercher.

Le chemin de Saint-Jacques dans les Alpes de Haute Provence

Mur de soutènementUn amas de pierres longent la voie jusque dans le fossé. Nous descendons sur les pierres particulièrement instables. Le mur de soutènement est extrêmement haut (4m de hauteur) mais sa fragilité est manifeste : de chaque côté, il s’est écroulé ; il s’oriente sur la droite, le long de la barre rocheuse. Sans doute les pèlerins rejoignaient-ils l’hospitalité d’Ardène par ce sentier arrivant par derrière le prieuré d’Ardène.

CèdresNous, nous arriverons par devant. De très grands cèdres du Liban cachent l’immense propriété d’Ardène ; à l’entrée, on peut lire le nom des propriétaires : les Buffet-Delmas d’Autane dont l’atelier a été photographié et vendu en carte postale au début du XXè siècle. En 1860, Louis-Gonzague d’Ardène plante une cédraie, contenant aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers d’arbres. 871_atelier_marquis_autane.jpgAvant cette époque, le domaine avait déjà été le lieu d’implantation d’espèces végétales venues des terres lointaines : jardin botanique, d’acclimatation avec jardins suspendus. Les cèdres ont essaimé dans la forêt de Bonnieux et se sont reproduits naturellement dans la forêt toute proche. Vous les reconnaitrez à leur cône redressé en forme de tonneau, leurs branches horizontales et leur feuillage persistant.

Le cèdre du Liban, wikipedia

Chapelle d'ArdèneD’abord Villa Ardena ou Villa Dardano, un relais le long de la Via Domitia, d’Ardène devient en 1209 une hospitalité pour accueillir les pauvres ; au Moyen-Age, sur la route des pèlerinages, elle accueille également les pèlerins. La chapelle d’Ardène a servi longtemps de chapelle rurale aux habitants du hameau des Craux2.

Presque par hasard, nous apercevons sur la gauche un toit de pierres : c’est celui d’un puits très profond mais en mauvais état. De nombreux clapiers en lignes parallèles ou grosses mottes, de grande largeur, sillonnent le plateau. Pas de fonction particulière sauf celle de stocker dans un espace le plus petit possible, les trop nombreuses pierres que l’on trouve dans le sol. Sous ces pierriers sur-dimensionnés, estoublon a même trouvé deux cabanons ! Pas étonnant que dans cet espace, les constructions en pierre sèche soient aussi diverses que nombreuses.

Maison de pierre au CrauxbambousNous passons à côté d’une plantation de bambous. On peut s’étonner de trouver au pays de la pierre sèche une plantation de bambous là où on ne s’y attend pas. Pour qu’une telle plantation puisse prospérer, il faut qu’il y ait suffisamment d’eau dans le sol et de chaleur. Explication : le plateau surélevé favorise l’écoulement naturel des eaux de pluie qui se fixent dans la molasse poreuse, les pierres aidant à la condensation de la rosée ; l’eau est donc récupérée un peu partout dans des citernes, aiguiers ou puits. Quant au climat, il est qualifié de supra méditerranéen « là où l’olivier et les gelées disparaissent ».

Pierre percéeNous traversons le hameau dont les maisons sont toutes construites en pierre du pays, certaines parties datant du XVIè siècle. Nous interrogeons une habitante du hameau : où sont les pierres percées enfichées dans le mur d’un enclos ? elle descend de chez elle ; nous lui confirmons que nous avons lu le livre de Florence Dominique ; elle nous donne quelques explications sur ce type de cultures en espalier et nous situe le fameux enclos.

Pierre percéeAlignement de pierres percéesAprès quelques recherches sur internet, je parviens enfin à identifier ce mode de culture qui existait déjà au temps de Louis XIV. Le principe est de cultiver face à un mur de pierres – mur de pierres sèches car moins coûteux – qui renvoie la chaleur à l’arbre que l’on plante à quelque distance du mur. Les branches de celui-ci s’agrippent à un fil de fer horizontal, ici une branche d’arbre, servant de support. Il s’agit donc de cultures en contre-espalier. Ce mode de culture convient à la vigne et aux petits arbres fruitiers. Selon l’encyclopédie méthodique, les arbres en plein vent donneraient des fruits plus savoureux parce qu’ils sont exposés à un air sans cesse renouvelé.

forme_cordon_contre_espalier.bmpEn cordon : Cette forme est la plus facile à réaliser. L’arbre est guidé à l’horizontale. Chaque branche charpentière sera palissée le long d’un fil tendu à l’horizontale à 40cm ou 80cm de hauteur. Encyclopédie méthodique. Agriculture, Volume 6, Alexandre-Henri Tessier, André Thouin, Auguste-Denis Fougeroux de Bondaroy, Paris, 1816

Attache pour animaux (Bretagne)Une autre habitante nous rejoint alors et nous précise qu’à d’autres endroits des Craux, ces pierres trouées ne sont pas placées aussi haut. Elle confirme que ce n’est pas l’anneau qui était utilisé. Ce dispositif dans les parois d’un mur se retrouve dans d’autres régions pour accrocher les animaux par une corde ; en Bretagne, par exemple, la barre de bois est remplacée par une planche de schiste coincée dans la maçonnerie.

PuitsPuitsDernier puits avant de partir : de l’intérieur, on remplit un bassin d’eau et la fontaine extérieure accolée au puits distribue son précieux breuvage. Sur les 7 puits qui existent aux Craux, nous n’en avons vu que trois ! Au vu du plan du livre, nous n’avons pas tout découvert encore.

Nous passons à Saint-Babylas, où les historiens placent la première communauté villageoise du Moyen-Age. Dans une superbe propriété où se trouvait autrefois une chapelle, habite depuis 1972 Etienne Sved, l’auteur du livre sur la Provence des campaniles, aux éditions Equinoxe, 2003.

Chapelle St-Paul874_chapelle_st_paulLa chapelle Saint-Paul date du milieu du XIIè siècle. Rectangulaire à l’extérieur, en cul-de-four à l’intérieur, sa façade a trois arcs accolés et surbaissés reposant sur des colonnes à chapiteaux. Ceux-ci sont ornés de motifs floraux, de palmettes et de feuilles d’acanthe. Ce sont les vestiges de la galerie du cloître dont la voûte reposait sur une autre série de colonnes dont il ne reste que les socles, les fûts ayant été volés au cours des années 70. Ce fut aussi un ancien prieuré rural relevant de Carluc, classé monument historique en 1930. Dévastée à la révolution, la chapelle a été sauvée au XIXè par le châtelain d’Ardène, Gonzague de Rey. Visitée en 2015, elle est encadrée d’un grillage qui la rend désormais inaccessible.

Chapelle Saint-Paul, site ministère de la culture

Variante 2015 : La carrière posée sur la coupoleLe moulinA la fin de la randonnée, nous montons au moulin à vent de Saint-Michel l’Observatoire qu’une association a brillamment restaurée ; j’ai eu occasion de visiter les mécanismes refaits à l’identique par des charpentiers de tradition. Des photos sont disponibles à partir du lien ci-dessous.
Le moulin à vent de Saint-Michel

le moulin de Saint-Michel l’Observatoire, d’YvesProvence
Si vous avez choisi cette balade sur une matinée, je vous suggère un repas à la pizzeria de Saint-Michel ou un pique-nique sur l’esplanade de la chapelle Saint-Jean de Fuzils. Et pourquoi ne pas visiter le village ?

Image de l’itinéraire des Craux 2h30 dépl. 9km200 132m dénivelée

Variante 2015 : lincel St-Michel_trace_panoImage de l’itinéraire à partir de la place du Serre (Saint-Michel l’Observatoire) 11km800, 158m dénivelée (+300, -300), 3h déplacement (5h25 au total).

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1bégude : en provençal, endroit où l’on s’arrête pour boire

2crau : en provençal plaine couverte de cailloux ou pierres

3Contre-espalier : treillage disposé parallèlement à un espalier et destiné à supporter des arbres fruitiers de petite taille. Il y a une allée ou une plate-bande entre l’espalier et le contre-espalier.

©copyright randomania.fr

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Une réflexion sur « ** Saint-Michel l’Observatoire par les Craux sur le chemin de la pierre sèche »

  1. Le gué du Reculon, repéré en 1961 par Pierre Martel, est un ouvrage du 18e siècle : la vieille route romaine, qui n’a cessé d’être utilisée, est alors modernisée, avec notamment des ouvrages pour franchir les cours d’eau dont les crues peuvent être ravageuses : l’élégant barrage-voûte de ce gué sur le Reculon, et en poursuivant vers [Forcalquier, ou plutôt Lurs], ponts de pierre sur le Répétier (aujourd’hui perdu dans la garrigue) et sur la Rimourelle (toujours en service pour la desserte locale).
    Un siècle plus tard, une nouvelle campagne de modernisation du réseau routier recalibrera la désormais RN 100, et lui donnera un tracé où les ponts franchissent plus en amont ces cours d’eau, pour réduire les descentes et montées et ne plus obliger à recourir à des chevaux de renfort.

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