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Sentier du littoral de la Côte Bleue entre la Redonne et Niolon


La petite équipe d’aixois, Majo, Claude et moi, partira de la gare de l’Estaque par le train de la Côte Bleue jusqu’à la Redonne puis rejoindra à pied la gare de Niolon d’où elle reprendra le train pour l’Estaque. C’est une solution bien meilleure que la voiture car on ne peut se garer dans les petites calanques réservées aux riverains. Avec ses 27° le matin, c’est déjà une chaleur d’été.

L’album photos

La gare de l’Estaque nous met plutôt mal à l’aise : sur le parking, la vitre d’une voiture a été cassée, le distributeur automatique de tickets de train est quasiment illisible, des déchets jonchent le sol, des cailloux ont été jetés sur la verrière, le quai est sale.

Dès le départ du train qui ne roule pas vite, j’ai les yeux rivés côté mer : je reconnais le port de l’Estaque et ses deux phares ; quelques petits porte-containers rentrent au port de Marseille ; un tunnel, le port de la Vesse et sa petite route, le port de Méjean et enfin après le viaduc, l’arrivée en gare d’Ensuès-la Redonne. Notre TER touristique, bleu et jaune tamponné des écussons des communes de la côte, déverse le flot des premiers baigneurs et randonneurs. On se rend mieux compte alors que la gare a été creusée dans la chaîne de l’Estaque. La commune d’aujourd’hui réunit deux parties du village : Ensuès sur les hauteurs, et la Redonne au bord de l’eau.

[…] la ligne Miramas-l’Estaque a été déclarée d’utilité publique par la loi du 29 juin 1904. […] « l’initiative de relier les deux villes apparut dès 1867 » écrivait Louis Roubaud. Si l’énoncé actuel, « ligne de la Côte bleue », fait immédiatement songer à ses attraits touristiques, elle permet aussi plus prosaïquement aux salariés de l’Ouest de l’étang de Berre d’aller travailler à Marseille sans problème de stationnement.
Cent ans après le début de son exploitation (sans inauguration officielle pour cause de Première Guerre mondiale), la ligne des TER actuels […] apparaît comme une prouesse technologique du début du XXe siècle. Où l’apport de la main d’œuvre immigrée a joué un rôle important, notamment lors de achèvement des travaux (les ouvriers français sont envoyés au front). […] J.-F. Arnichand, la Marseillaise, 30 août 2015.

La ligne Marseille-Miramas par la côte a été construite de 1907 à 1915 par Paul Séjourné, ingénieur réputé pour la qualité de ses ouvrages d’art.
La difficulté des travaux consistait au fait qu’il n’y a pas de plaine littorale ; la ligne est donc accrochée au flanc de la chaîne de l’Estaque.
Elle compte 7 gares, 8 haltes, 45 passages inférieurs, 21 passages supérieurs, 2 ponts et 18 viaducs dont 4 labellisés patrimoine XXe siècle. Selon le site de la sncf (TER)

De la gare, nous descendons vers le port de la Redonne; vu d’en bas, c’est un bel ouvrage que cet imposant pont ferroviaire en arc plein cintre !

Commence alors la première partie de notre parcours (balisage jaune), plutôt vallonnée, rejoignant parfois la mer comme à la calanque des Anthénors dans laquelle certains se baignent déjà : il est à peine 10h mais la chaleur est nettement suffisante.

Le sentier remonte dominant la mer de quelques dizaines de mètres, frôlant parfois le bord de la falaise ; le rocher jaunâtre orangé s’effrite ; l’arrivée sur la petite calanque des Figuières s’annonce par… des figuiers de Barbarie ; à peine une dizaine d’embarcations y sont amarrées. Côté mer, la sombre roche inclinée ou déchiquetée ne permet pas de passer par là.
Nous longeons le grillage de quelques propriétés privées, dominons une jolie crique.

Perchée sur le piton rocheux, une habitation reliée à la mer par un énorme escalier en zig-zag, défie la haute falaise qui domine la calanque des Figuières.

Pour s’approcher de Méjean, il faut d’abord prendre une volée de marches d’escalier bien raide et essoufflante avec son évacuation d’eau au centre ; je suis obligée de l’attaquer en plusieurs fois ; au bord du malaise à cause de la chaleur, je m’assois en haut des marches. Un bout de route qui monte puis c’est la descente vers le port de Méjean. Encore un viaduc dans le même style que le premier. Le chemin du tire-cul porte bien son nom (lire à ce sujet En route pour l’Erevine à partir de Méjean)

C’est au grand Méjean que le cinéaste Robert Guédiguian a tourné  son long-mètrage La Villa dans lequel on retrouve Ariane Ascaride et toute la bande habituelle. La villa, bande annonce. Vous reconnaîtrez le port, une partie du sentier du littoral et le Mange-tout.

Peu après avoir quitté Méjean, plusieurs sentes rejoignent la mer ; même s’il faut rester en hauteur, rien ne vous empêche d’essayer de découvrir la  grotte marine de Méjean, au ras de l’eau, son petit lac intérieur et ses reflets couleur émeraude. Et pourquoi pas la visiter avec masque et tuba ?…

Ensuès-Méjean-La grotte marine, Philippe514

La seconde partie du parcours, côté technique, est plus difficile mais spectaculaire ; une succession de dénivelées positives et négatives, des passages sur dalles rocheuses ou sur des aiguilles, un arbre couché sur le chemin, des passages avec câble ; au passage sur dalle inclinée et patinée, où il n’y en a plus,  l’aide apportée par un autre randonneur, a été appréciable.

Mais les récompenses sont nombreuses : une belle arche de pierre qu’on dirait artificielle, une vue plongeante sur le cap Méjean, une ouverture naturelle qui surplombe le sentier, des petites grottes, des baignades dans des calanques reculées. 

Nous longeons la mer, protégés par des barrières de bois ; au loin l’île de l’Erevine. Nous sommes proches de la ligne SNCF que nous traversons sur un pont typique de la fin du XIXe. On se demande comment on pourra passer dans le profond vallon de l’Erevine : des marches sont aménagées jusqu’au fond ; nous croisons un pompier secouriste qui remonte l’escalier rapidement pour porter secours à une personne qui a chuté ; le sentier caillouteux et glissant passe sous le viaduc et rejoint la fameuse calanque de l’Erevine. Sous la tour du four à chaux, de nombreux baigneurs profitent des premières chaleurs. 

La tour visible sur les photos est la tour de concassage des roches calcaires qui auraient été tritées dans des ateliers installés sur le site. […] une voie ferrée étroite (60 cm) aurait amené la roche près de la tour en passant près du pilier Ouest du viaduc.
Les ingénieurs de la compagnie du PLM […] voyaient ce projet d’un mauvais œil : ils craignaient que les passage des wagonnets de minerai… n’ébranlent le pilier.
Hors la voie ferrée Marseille – Miramas via Port de Bouc avait été ordonnée comme voie ferrée stratégique. […] En cas d’accident grave ou de sabotage, la ligne aurait été interrompue. […] Cet impératif stratégique fit qu’au nom des intérêts supérieurs de la Nation, l’usine de soude ne fut jamais achevée et la carrière ne fut jamais exploitée.
En 1943/1944, les Allemands fortifièrent le site pour interdire la mise à terre de commandos car l’endroit et le vallon ne permettaient pas un débarquement plus important. Forum sudwall

Quel est ce drôle de rocher informe ? c’est la presqu’île du Moulon1 qui, vue de près, ressemble à une tête de baleine ! le sentier contourne en balcon la calanque du Riflard.

Les calcaires blancs érodés du massif de l’Estaque donnent parfois des formes bizarres à l’équilibre incertain. Quant aux arbres, on se rend bien compte qu’ils luttent contre le vent pour se maintenir enracinés.

Nous voici devant l’entrée d’un tunnel écroulé : une galerie exploratoire ? (pour recueillir des informations sur la nature du terrain à forer et la méthode de perforation à mettre en œuvre pour le tunnel) Elle est réutilisable par les marcheurs, moyennant un pas d’escalade.

A l’origine, la ligne de chemin de fer devait comporter deux tunnels successifs et séparés : celui du Moulon, de 652 m de longueur, et celui des Riflards, de 207 m de long. Mais, en raison de la proximité d’une batterie d’artillerie de défense côtière, la Batterie Haute de Niolon [ndlr : juste au dessus, à 193 m d’altitude], le Ministère de la Guerre de l’époque a exigé la construction d’une galerie de protection (77 m de long) pour protéger la voie ferrée entre les deux tunnels, pour le cas où un obus tiré trop court tomberait sur cette dernière. Inventaire des Tunnels ferroviaires de France

La courte galerie de protection des Riflards (77 m de long), qui rend le train parfaitement invisible, possède deux petites fenêtres pour l’aération et la lumière ; on les voit derrière le couloir rocheux. Ce passage spectaculaire évite l’ancien tunnel mais son accès légèrement pentu vers le ravin nécessite de la vigilance. 

La descente dans la calanque du Jonquier2 se fait dans un pierrier raide puis nous remontons jusqu’au niveau du viaduc sans emprunter le plus court mais plutôt le plus facile ; Majo et moi pausons longuement près d’un blockhaus taggué. Après avoir longé la voie ferrée, nous passons sous le viaduc. Comme ce n’est pas encore l’heure du train, nous nous installons confortablement à la terrasse d’un bar : le repos bien mérité est encore plus savoureux.

La gare de Niolon est pleine de promeneurs qui ont passé leur journée sur la Côte bleue ; pas de distributeur de tickets sur le quai, pas de contrôleur pour nous en vendre. Les jeunes qui rentrent à Marseille sont bruyants et indisciplinés, les autres semblent savourer encore leur découverte de la Côte Bleue…

Cette randonnée est classée niveau 1 (du port de la Redonne à celui de Méjean, facile) puis 3 (Niolon par le bord de mer, randonnée sportive pour marcheurs confirmés et expérimentés, avec des passages techniques) par les Nouveaux Guides Franck 81, Des Calanques à la Côte Bleue, Fernando FerreiraGlénat, 2005.  Le balisage n’est pas toujours présent : du bleu, du jaune, du GR mais ne s’éloigne jamais de la ligne de train (sur cette portion, 5 tunnels). Déconseillé par temps chaud car peu d’ombre, ce parcours peut rivaliser avec les calanques de Marseille et avec le train, il devient une véritable escapade touristique.

Descriptif précis, en sens inverse (plus sportif car quelques « pas de côté ») avec de belles photos De Niolon au Cap Méjean, le Sentier des Douaniers – le Rove

Image de l’itinéraire 8km330, 3h10 déplacement (6h40 au total), 70 m dénivelée (+564, -550)

Télécharger la trace gare la Redonne-gare Niolon par la côte

1moulon, prov. mouloun : tas, amas en forme de meule 
2jonquier : Le Jonquier est un lieu où pousse des joncs. Les pêcheurs ramassaient les joncs qu’ils utilisaient pour la fabrication des nasses. 
Gérard remarque que sur la carte IGN d’aujourd’hui le vallon du Jonquier est mal positionné, au niveau de la calanque du Riflard ; au XIXe, sur le cadastre napoléonien et la carte d’état-major, vallon et calanque du Jonquier sont placés au bon endroit, près de Niolon. Merci André pour la confirmation.

©copyright randomania.fr

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Une réflexion sur « Sentier du littoral de la Côte Bleue entre la Redonne et Niolon »

  1. Bonjour Nicole,
    Belle balade présentée dans un récit intéressant plein d’enseignements d’ordre historique et autre (Aussi, merci pour le lien).
    J’ai une question à propos des noms de lieu. Sur les 1/25000e actuelles, l' »encrage » des toponymes des calanques du Jonquier et du Rifflard m’apparaissent incorrects. La Calanque du Jonquier devrait être située au pied du vallon éponyme (comme sur certaines éditions plus anciennes), avec peut-être comme conséquence la Calanque du Rifflard dominée par le premier viaduc au SW de Niolon. Qu’en penses-tu ?
    Amicalement, Gérard
    [ndlr] en 1813, le vallon du Jonquier arrive au niveau de Niolon et de la calanque du même nom (c’est à mon avis le bon positionnement) ; l’IGN en 2003 place vallon et calanque à l’endroit de la calanque du Riflard ; google maps positionne deux calanques du Jonquier. Openstreetmap ne la positionne pas. Manifestement, il y a un problème quelque part !

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