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** Sur le thème du patrimoine et de l’eau à Saint-Chamas


Saint-Chamas : connaissez-vous un saint du calendrier qui porte ce nom ? Sûrement non ! Selon J.-M. Cassagne et M. Korsak, Dictionnaire étymologique des noms de lieux des Bouches-du-Rhône, J.-M. Desbois Editeur, 2017, ce serait une corruption de l’occitan Sanch Amant, comprise phonétiquement comme san Chamant puis Saint-Chamas. Sanctus Amantius, devenu moine, est venu vivre ici dans une grotte ; il est devenu évêque de Nice en 381. Le castrum Sancti Amanti est cité dans une charte de 1035.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Avec Marie et Majo, nous partons du port sous un magnifique ciel bleu. Je suis agréablement surprise du décor : l’idée que je me fais de l’étang de Berre n’était pas aussi positive. Je les emmène d’abord au lavoir des contagieux qu’André m’a fait connaitre il y a quelques mois. Belle construction de pierre du XVIIe avec toit de lauzes au bord de l’étang dans lequel les habitants malades de la peste, du choléra,… étaient tenus d’y laver leur linge qu’on faisait sécher sur l’herbe. On dirait l’architecture d’une chapelle. A côté, un polygone de tir permettait à la poudrerie royale de faire des essais d’explosion à la poudre d’où son autre nom de ‘lavoir du polygone’. Occupé aujourd’hui par un sportif qui s’échauffe je n’ai pas osé faire les photos de l’intérieur mais j’ai celle de ma visite précédente.

Un peu de ville jusqu’à la route pour rejoindre le pont romain ou pont Flavien du 1er siècle après J.-C. ; financé par Donnius Flavus, il est construit en une seule arche traversant la Touloubre ; sous les arcs jumeaux en pierre blanche de Calissanne passe la voie romaine secondaire Marseille-Arles par le nord de l’étang et qui rejoignait la voie aurélienne au nœud routier de Saint-Gabriel ; elle est fortement dégradée en son centre par le passage des chariots et le manque d’entretien : au XVIIIe, il ne restait plus que 40 cm avant d’atteindre le vide sous la voûte. Un consul de la ville nommé Surian, a ordonné des travaux de restauration d’où son surnom local de pont Surian.
En haut de chaque pilastre, un lion dont un seul est d’origine, celui, féroce, qui roule sous sa patte une tête d’animal ou d’homme (selon la Carte archéologique de la Gaule 13/1 p. 282). Un phallus censé protéger l’ouvrage des crues et des maléfices est gravé sur une pierre, comme au pont du Gard, aux arènes de Nîmes ou sur le pont du Buès (04), comme dans de nombreuses autres civilisations.

L’usage de placer des Phallus à l’extérieur des édifices publics, afin de les préserver de maléfices, est constaté par plusieurs monuments existants. On en voyait sur les bâtiments publics des anciens. […] Le Phallus énorme en marbre blanc trouvé à Aix-en-Provence, et qu’on voit près des eaux thermales de cette ville, est orné de guirlandes, et semble être un ex-voto. Le culte du phallus chez les anciens et les modernes, J.-A. Dulaure, Arbre d’Or, Genève, avril 2007

Le phalllus du pont Flavien à Saint-Chamas, J.-P. Cassely, guide conférencier

Longer la rivière ombragée est un enchantement ; nous traversons la rivière sur une passerelle de bois qui nous amène dans une zone de canes puis de cactus. Quand nous sommes à découvert c’est pour passer sous le viaduc SNCF Saint-Léger mis en service en 1848 : 49 arches en plein cintre qui s’enchevêtrent formant des ogives et la passerelle de service en dessous, à mi-hauteur. Juste après être passées sous le pont, deux chemins : le plus à droite débouche au nord du pont de la Roquette après un passage étroit spectaculaire (photo de droite MissfujiSabine Cohen – club RSD Martigues).

Le plus à gauche, facile, après un petit aller-retour, nous amène au sud du pont de la Roquette, un pont routier de pierres maçonné qu’on pourrait croire moyenâgeux (en dos d’âne avec avant-bec) mais reconstruit au milieu du XVIIIe. Une carte postale ancienne montre un troupeau de moutons en train de s’abreuver dans la Touloubre près de ce pont.

Deuxième détour à la chapelle Saint-Léger située à côté de la voie ferrée et d’une canalisation d’eau qui s’écoule en cascade. Saint Léger, patron actuel de la paroisse, a pris la succession de Saint Aman lors de la construction de l’église actuelle, sans doute en mémoire du prieuré Saint-Léger. Il ne reste que la chapelle, lieu de pèlerinage où les notables se faisaient ensevelir. Au rez-de-chaussée, le portail central a été bouché sur une façade bien fissurée : les vibrations du passage des trains n’a pas dû l’arranger ; à l’étage trois petites ouvertures en arcade ; le clocheton n’a plus de cloche. Combien de temps restera-t-elle debout ?…

Le passage Saint-Léger longe le canal de Miramas ; après la vue élégante sur ce long viaduc, la randonnée continue parmi les oliviers, sur un bon chemin de terre bordé de murs de pierre sèche. A mi-distance du chemin des restanques, nous trouvons une pinède en bordure de route pour déjeuner.

Au bout de ce chemin, nous découvrons un lotissement neuf ; je pressens que le tracé préparé a changé ; après une rude montée, en effet, il est désormais  dans une propriété privée ; sagement, nous allons traverser le lotissement d’est en ouest sans chercher d’autres possibilités : chemin d’Embarben, chemin de la glacière jusqu’au pont supportant le canal du guéby.

Selon le dictionnaire cité plus haut, Embarben a la même origine que La Barben ; personnellement, j’ai d’abord pensé au consul romain Domitius Aenobarbus qui a laissé son nom à la tour d’Embarbe à Céreste (04), près de laquelle passe la voie Domitienne dont il est l’instigateur. En l’an 122 av. J.-C., il est élu consul. Trois années plus tôt, les Romains, appelés à l’aide par leurs alliés Marseillais contre les Salyens, commencent des campagnes militaires dans les territoires de Gaule méridionale : Domitius Ahenobarbus prend le commandement de cette guerre. Peut-être la trace de son passage a-t-elle perduré ici jusqu’à nos jours ?…

Entre le canal et la voie ferrée, dans le jardin d’une propriété, une haute cheminée d’usine étonne et… détonne un peu dans ce milieu urbanisé. La proximité de la Poudrerie et d’une source d’eau induirait-elle une production d’électricité pour celle-ci ? Située sur le sentier du patrimoine, ne mériterait-elle pas un panneau d’information ? Un grand merci à Pascal Petit, historien de l’Inventaire des Réseaux Spéciaux et Particuliers de la Poudrerie – qui m’apporte la réponse et cite ses sources :

Il s’agirait de celle construite en 1881 pour la première usine électrique (voir plan de 1909) ; la seconde usine datant de 1924. La force hydraulique issue du canal fournissait l’énergie. Une machine à vapeur prenait la relève en cas de pénurie d’eau, de maintenance,… d’où la cheminée. Un article paru dans le Génie Civil du 20/10/1906 confirme la présence d’une usine électrique hydraulique et à vapeur à St-Chamas fournissant des tensions continue (500 volts) et alternative (2000 volts/60 hertz). Un autre article avait déjà été publié dans la même revue le Génie civil du15/10/1882 . Il s’agit de la première centrale électrique en France, utilisée pour l’éclairage d’une usine.

Des lignes de chemin de fer quadrillaient la Poudrerie vers les ateliers et dépôts de munition. Inventaire des réseaux spéciaux et particuliers de la poudrerie (carte extraite de ce document). Certaines ont été transformées en voies vertes ou sont devenues de simples chemins.

Nous descendons le chemin de la glacière en longeant le canal du Guéby, extension du canal des Alpines qui avait été conçu par Mgr de Boisgelin. Miramas-le-Vieux perché sur sa colline, nous appelle pour une bonne glace mais la randonnée n’est pas finie. Nous longeons l’aqueduc du chemin des Moulières ; une martelière réglable en hauteur par une vis sans fin peut se mouvoir par une manivelle. De façon inattendue, une piste en terre grimpe la colline jusqu’à un grillage : en dessous le parc de l’ancienne poudrière, site désormais plus naturel qu’industriel. Lire aussi La poudrerie de Saint-Chamas dans ce blog.

La carrière de pierres se traverse au gré des envies ; les pierres équarries cachent des têtes sculptées qui relèvent de l’art de la pierre. Nous dominons maintenant le village et la nouvelle église saint-Léger.

Marie commence à s’inquiéter : comment va-t-on passer de l’autre côté du village ? par le pont de l’horloge bien sûr ! nous descendons quelques marches dont certaines en mauvais état pour se trouver face au pont, plus de 20 m au-dessus du sol… Pour elle qui a le vertige, il va falloir traverser vite et derrière moi, sans regarder. Je n’ai donc pas de photos au milieu.

1863, « la Goule » [ndlr : unique passage souterrain dans la colline qui séparait le coté mer du coté terre de Saint-Chamas] s’effondre. Saint-Chamas est coupé en deux et privé d’eau. Après un déblaiement long et coûteux, un aqueduc en bois fut construit afin de ne pas arrêter l’irrigation des terres et en attente de la construction d’un aqueduc en maçonnerie. […] Long de 62 mètres et haut de 23 mètres, il est construit, à partir de 1868 et s’appelait Aqueduc du Plan.
Le 10 janvier 1899, le conseil municipal se réunit en session extraordinaire pour délibérer sur le projet d’établissement d’une horloge sur l’aqueduc de la Goule (Coût : 5250 francs). L’ horloge date de 1902 [ndlr : et sera enfin visible de tous les habitants quel que soit leur lieu d’habitation]. Selon le site de J.-M. Vacherot 

Nous redescendons maintenant en passant devant le musée municipal Paul Lafran, auteur de nombreuses recherches et écrits sur le village. Situé sur la place des Pénitents, le musée est installé depuis 1952 dans l’ancien Hôtel de Ville du 17e siècle.

Direction la colline du Baou qui garde un pan de muraille de sa place forte, là où s’était établi le premier village. Il lui reste quelques attributs de château fort comme le mur d’enceinte, les archères et les mâchicoulis. Il aurait accueilli en 1564, Catherine de Médicis et le roi de France alors âgé de 14 ans.

La longue calade en pas d’âne a été restaurée à l’ancienne avec pelles et pioches uniquement : elle remplace la première datant vraisemblablement de la première chapelle aujourd’hui disparue. Elle offre aux promeneurs une perspective et un alignement majestueux à travers les oliviers. Nous faisons le tour de la chapelle Notre Dame de Miséricorde fermée, et profitons de la vue sur l’étang et son port de plaisance. La « Chapelle de la Vierge » est connue pour ses ex-votos dont certains ont été restaurés et se trouvent au Musée municipal.

La route descend jusqu’au pied de la colline dans le quartier Guéby ; le canal passe au dessus de l’avenue Seyssaud. Le chemin de Notre-Dame nous mène devant une maison troglodytique moderne : un ascenseur extérieur !

Toutes ces grottes ont été creusées au XVIIè siècle dans la falaise du Baou, sur trois niveaux échelonnés de l’actuelle rue de la Fraternité, au pied de l’enceinte fortifiée […]. De ce temps passé, il reste encore une baume qui a défié le temps : celle du bar de l’horloge. Vers 1640 elle a été creusée pour servir de moulin à huile. C’est un véritable travail de titan que l’on a entrepris. Revue municipale, Mr Lafran, 1987

Saint-Chamas : des troglodytes uniques en Europe, La Provence 5/09/2016, photo GT

Pour rejoindre le port, dans un premier temps nous arrivons dans le jardin d’un propriétaire qui, fort gentiment, nous précise de continuer le chemin jusqu’à un portail et de descendre le sentier jusqu’au port. Je cherche alors le lavoir du Gourg1 à l’aide de quelques informations sommaires trouvées sur le net. Il est dans une zone de travaux du port, près de la plage des Cabassons (si, si ! on peut se baigner dans l’étang de Berre), protégé par un grillage, le long de la rue Marx Dormoy ; l’arrivée et la sortie de l’eau sont à peine différentiables. La plaque avec son nom a disparu avec le mur qui a été abattu. Survivra-t-il aux travaux ?

De retour à la voiture, nous rejoignons Miramas le Vieux ; nous en avons rêvé toute la journée. Après une demie-heure de queue devant le glacier Le Quillé, un quart d’heure pour choisir, vingt minutes pour être servies, nous dégustons la glace tant attendue ; ce moment de détente et convivialité, ça fait partie de la rando !

Une randonnée facile, agréable et pittoresque, pleine de surprises : le tracé est extrait d’un livre ancien, sans carte IGN ; certains passages désormais privés ont engendré plusieurs erreurs mais les copines Majo et Marie ont pris les aléas avec philosophie. J’avais quelques préjugés sur l’étang de Berre : je n’ai pas ressenti la pollution ni été incommodée par le côté industriel qui fait la mauvaise réputation de l’étang.

Côté terroir, c’est à Saint-Chamas qu’est née l’épicerie fine Marius Bernard qui met à l’honneur la Provence ; comme autrefois les romains, on cultive le vin à Suriane. Avec les maisons troglodytes uniques, la Petite Camargue, et autres monuments petits ou grands, amateurs de patrimoine et de nature, n’hésitez pas !

Site personnel de J-.M. Vacherot sur Saint-Chamas
Vidéo Saint-Chamas la belle histoire
Les monuments de l’eau en Provence, J.-M. Homet, Petite bibliothèque Edisud, 2007

Image de l’itinéraire 11km400, 4h (6h au total), 122m dénivelée

Télécharger la trace au format .gpx


1gourg: en provençal gouffre, réservoir, amas d’eau

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