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Sur les traces d’une mine de gypse


C‘est une randonnée culturelle animée par Eric Chopin, président de l’association Dauphin en fête.

Ces promenades en colline sont le fil conducteur d’un projet appelé chemin du patrimoine qui fait partie de l’association Dauphin en fête ; […] ouverte tous les jours entre 11h et midi et 16h à 18h sauf le lundi, pour accueillir et informer les gens de passage de ce projet de mise en valeur du petit patrimoine local. Eric et Mireille Chopin

Qu’est-ce qu’il marche vite ! on lui pardonne car il sait ce dont il parle quand il s’agit des métiers d’autrefois : aujourd’hui ce sera les mines de gypse situées sur le territoire de la commune de Dauphin. Depuis combien de temps sont-elles exploitées ? plus de 700 ans ! comme en témoigne en 1278, l’acte de cession d’un défends1 appelé Escourtegat2 pour 60 livres… Le 22/01/1440, par l’acte de cession en emphytéose perpétuelle, la communauté de Manosque acquiert…

le défends appelé Escourtegat situé à Montaigu, confrontant le bois de Chaudosse, du Puy Amblard et ceux du seigneur Gaucher. […] cédé avec la gipière.[…]

La météo à cet endroit aujourd’hui

Rappel des mines paysannesNous nous garons sur un sentier parallèle à la D5, au quartier de Beauregard à Dauphin.  Nous passons devant le moulin de l’Ausselet, avant de prendre une des nombreuses pistes de la forêt de Pélissier. La silhouette de l’âne rappelle que dans cette colline l’animal a travaillé dur pour les ouvriers de la mine. Impossible de reconnaître en cette saison l’hellébore fétide du sentier botanique : pas de fleur, pas d’odeur.

helleborefetide site lepetitherboriste.netL’hellébore fétide est une plante toxique dégageant une odeur assez désagréable. Dans l’Antiquité et au Moyen-Age, elle était utilisée pour soigner la folie. Plus récemment, elle fut utilisée comme vermifuge vétérinaire avant d’être considérée comme trop dangereuse. Selon Flore alpes

Source de ChaudoueSource ChaudoueAprès nous avoir fait sentir des schistes qui contiennent du bitume, Eric nous emmène près d’une source, histoire de nous démontrer que l’eau n’a jamais manqué ici – appelons-là source Chaudoue. Fort appréciée des animaux la nuit, elle serait introuvable sans l’aide d’un habitant du coin. Nous retrouvons la piste à travers le sous-bois.

Eric ouvre la grilleSortie de la mine de gypsePour se rendre à la mine de gypse de l’Escourtejá1, mieux vaut être accompagné : un sentier parfois dégradé et en forte montée sur la fin, aboutit face à l’entrée de la mine de gypse, petite mine privée fermée par une grille et un cadenas ; Eric en connait le code et nous ouvre. On ne voit pas grand chose, l’éclairage est faible, la température fraîche ; une paire de rails sur lesquels le wagonnet circulait, est encore fixée au sol. Les trois photos ci-dessous sont extraites du livre Le pays de Forcalquier son lac, sa mer, Gabriel Conte, c’est-à-dire Editions, 2010.

Informations recueillies sur Dauphin : dans son livre Statistique minéralogique du département des Basses-Alpes, Grenoble, Prudhomme, 1840, Joseph Scipion Gras parle de trois ou quatre bancs gypseux sur la colline de Scourtgat (transcrit sans doute par l’auteur tel qu’il l’a entendu !) mêlés de marne et de calcaire. Ces mines sont exploitées par 5 ou 6 ouvriers. Les débouchés sont locaux (Mane, Dauphin, Forcalquier, Peyruis) ; le transport jusqu’à la route se fait à dos de mulet, donc bien plus difficile que dans les gypières de Manosque. Vers 1819, à Dauphin, 15 ouvriers travaillent pour leur compte la chaux ou le plâtre.
En 1825, à Dauphin, « site pourtant riche en combustible minéral […], une demande pour un four à plâtre est accordée à titre de simple tolérance toujours résiliable ».
C’est un travail saisonnier en dehors des travaux des champs, qui dure 6 mois maximum ; le plâtre fabriqué à Dauphin, de qualité ‘inférieure’, sert essentiellement à la construction. Il offre de plus un avantage particulier pour les habitants démunis : les plâtres récupérés des ruines ou des démolitions peuvent être recuits et réutilisés.

Pour fabriquer du plâtre, il faut cuire le gypse dans un four qui nécessite énormément de bois ; pendant des siècles, le déboisement pour la transhumance puis l’utilisation du bois comme combustible par les gypiers (120 kg de bois pour 1 m3 de plâtre) et les chaufourniers, ont décimé les forêts. Au XIXè, avec l’arrivée d’une nouvelle administration des forêts, commence la réglementation pour l’installation des fours à plâtre. Les riverains ont 20 jours pour faire connaitre leur opposition : risque d’incendie, pollution par les fumées, éboulement, inondation (dérivation de l’eau pour les moulins) ; dans ce cas, une enquête est lancée. Avant même la préfecture, c’est l’avis des agents des Eaux et Forêts qui est sollicité. Pour les fours permanents, par ordonnance royale en 1815, ce sont deux autorisations qui sont nécessaires : celle des forestiers et celle de la préfecture.

Comme pour les exploitations liées à la production de chaux, les […] archives concernant le plâtre traitent essentiellement des demandes d’autorisation faites par des individus, groupe d’habitants d’un hameau ou village et des communes elles-mêmes.
Contigu à chaque carrière de gypse, on trouve donc un four à plâtre.
BAZIN Luc, Les savoirs du sous-sol ou la montagne apprivoisée, Ethnologie : Digne : 1989 . Rapport Bazin à télécharger sur culture communications

Nous renonçons à partir en forêt à la recherche des fours : de toutes façons, un espace fours, très pédagogique nous permettra de les découvrir.

La végétation du côté de la source GontardSource GontardPetit détour par la source de Comtard (IGN, 2003) que je ne sais trop comment appeler tant son nom a été déformé au fil des siècles (1420 : Gontard, 1778 : Contard, 1824 : Contat). Un hâvre de fraîcheur envahi par une végétation luxuriante, bien caché derrière les arbres.

Ruines du moulin GontardLe long de la route, en contre-bas, les ruines du moulin Gontard. Est-ce le plus vieux datant du moyen-âge ? il sera en partie restauré par les Compagnons du devoir.

Le plus vieux moulin Gontard sur l’Ausselet, jamais à sec, existait avant 1413 sous le nom de « Féraud Estève » du nom du seigneur en partie, de Dauphin ; en 1420 P. Reynaud et sa femme Pellegrine le vendent à Barthélémy Gontard, riche négociant de Manosque, d’où le nom qu’il conserve encore aujourd’hui ; situé à la frontière entre Dauphin et Manosque (la frontière c’est la rivière de l’Ausselet qui est côté Manosque), son appartenance à Dauphin a longtemps été contestée. Le 18 août 1473, après accord avec les consuls de Dauphin, il est définitivement situé sur le terroir de Manosque.

Manosque de 984 à 1603, Paul Pottier, Comité du patrimoine manosquin, 2008
Le plâtre pouvait aussi être réduit en poudre par écrasement sous des meules actionnées par la force animale ou la force hydraulique. Ces moulins à plâtre fonctionnaient comme des moulins à farine. Ceux de l’Ausselet ont eu cette double fonction.
Société géologique et minière du Briançonnais : les fours à plâtre

Mémoire des métiers : présentation des foursEspace foursource espace foursGrâce au geocacheur Yves Provence qui était de la balade, l’espace fours, conçu par l’association Les Amis de Dauphin, sera bientôt connu au delà de la région. Nous y prenons un goûter tous ensemble, sans manquer la visite de la petite source derrière. Four à gypse, four à chaux,… pour tout savoir avec des schémas, c’est là qu’il faut venir.

Les fours à gypse du Comtard, Yves Provence

Pour retrouver les vieux métiers, l’association composée de nombreux et énergiques bénévoles, organise chaque année La Fête de l’Art du Fer, de la Terre et du Feu, une journée qu’adultes et enfants apprécieront.
Dauphin en fête sur Facebook

Le petit groupe retrouve la piste principaleEndroit pour un petit bain sur l'AusseletNous longeons la rivière, la traversons à gué près d’un trou d’eau suffisamment profond pour un petit bain… que nous ne prendrons pas.  La dernière descente-remontée nous amène sur la piste de Beauregard.

Un grand merci à Eric.

mine gypse_trace_panoImage de l’itinéraire 8km, 203m dénivelée (+270 -270), 2h déplacement (3h au total)


1Un défens ou défends est, dans le français juridique de l’Ancien Régime, une terre close par le seigneur pour en interdire l’accès, que ce soit un bois pour se réserver le droit de garenne, le droit de chasse, ou une parcelle cultivée pour interdire celle-ci au troupeau de la communauté, même après les récoltes. D’après wikipedia
2escourtejá: écorché, écourté, déchiré. Ce toponyme est très ancien. Est-ce parce que la colline a été « déchirée » par de nombreuses mines ?

©copyright randomania.fr

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