Dissuasion, nourrissage, fixation :Toutes les bonnes ou mauvaises raisons d'agrainer Trop de dégâts et voilà bien une méthode moderne de gestion facile à mettre en œuvre ; l'agrainage. Sangliers trop vagabonds ou imprudents qui risquent de se faire tuer chez le voisin ! Voilà le moyen d'y remédier en les fixant chez soi. Vive l'agrainage ! Soutenir la productivité d'une population chancelante, agrainage bien sûr. Comme on le voit, chacun a de bonnes ou de mauvaises raisons de nourrir artificiellement ces pauvres bêtes qui n'en demandent pas tant. Ne doutons pas des capacités des sangliers. Ils se débrouillent fort bien dans la nature. Ils mangent ce qu'ils trouvent et ils sont parfaitement aptes et capables d'y trouver, à de rares exceptions près, tout ce qui leur est nécessaire. Naturelle ou cultivée, la ressource est toujours suffisante. D'abord, une constatation : un "menu" de sanglier, c'est-à-dire la composition d'un repas pris en une nuit par exemple, est toujours quelque chose de complexe, de complet et d'équilibré. La majorité des aliments ingérés sera composée par la part la plus abondante et la plus disponible d'un produit apprécié. Mais même disponible en grande quantité, le sanglier ne se contentera pas de ce seul aliment (les glands ou les châtaignes par exemple). Il complétera son menu en prélevant au hasard de ses pérégrinations d'autres éléments qui lui apporteront, qui des protéines, qui des minéraux ou autres oligo éléments et, bien entendu de l'eau, indispensable au bon fonctionnement de son organisme. Rassurons nous tout de suite, jamais aucun sanglier n'est mort de faim dans notre beau pays. Alors pourquoi tant de sollicitude, d'application et d'énergie dépensées pour faire le bonheur des sangliers malgré eux ? La dissuasion Il s'agit, dans ce cas, de proposer aux sangliers susceptibles de faire des dégâts dans les cultures, une alternative. En quelques sortes, leur donner l'opportunité de se nourrir ailleurs et autrement. Les apports devront être limités et rigoureusement contrôlés. De plus, en fonction de la culture à protéger, de son stade sensible (maïs en lait, maturité du raisin par exemple), il sera nécessaire d'anticiper le risque. Dès que les sangliers auront goûté au plat principal, il sera difficile de leur faire apprécier les amuse-gueules. En clair, ne pas attendre le début des dommages pour mettre en place la dissuasion ; c'est souvent trop tard. Dans la quasi-totalité des expériences qui ont été menées çà et là sur l'efficacité de l'agrainage de dissuasion, il a été montré que les apports artificiels de nourriture (maïs principalement) pouvaient constituer une part importante du régime, dès lors que la quantité de nourriture naturelle diminuait de façon significative. L'impact de l'agrainage de dissuasion sur la pénétration des sangliers dans les cultures est réel, mais ce n'est sûrement pas la panacée. La variabilité de l'alimentation du sanglier étant une réalité, il recherchera ailleurs ce qu'il ne trouvera pas dans ce qui lui est proposé. Du maïs, rien que du maïs et encore du maïs, c'est très bien, mais cela n'empêchera pas d'aller prendre le dessert dans la vigne ! Enfin, il ne faut pas perdre de vue que cette dissuasion à un coût (matière première, distribution) et que ce coût doit rentrer dans la balance. Il n'est d'ailleurs pas du tout certain, même si apparemment l'argent ne sort pas de la même poche, que l'opération soit rentable, sauf peut être à prendre en compte l'aspect "psychologique" de l'opération sur le moral de l'agriculteur concerné. La fixation C'est certainement la moins bonne idée, si ce n'est la plus mauvaise raison, pour justifier l'agrainage. Certes, certains gestionnaires de forêts, louées à prix d'or à des chasseurs fortunés, se voient confrontés à une obligation de résultats. Le tableau est alors primordial et il faut à tout prix (et c'est bien le cas de la dire !) que les sangliers soient au rendez-vous. Le nourrissage de fixation devient donc une priorité et petit à petit, à grand renfort de maïs distribué à la tonne, la population locale de sangliers se transforme en une sorte d'élevage extensif. Pour les très grands massifs, le mal est "moins pire", si j'ose dire. Les sangliers ont un semblant de liberté, même si la ficelle invisible de l'agrainage les gênent quelque peu dans leurs pérégrinations. Là, comme ailleurs on donnera la priorité, dans la mesure du possible, à la dispersion maximum afin d'éviter la compétition. Sur les territoires exigus, souvent guère plus grands que certains chenils (!), vouloir retenir quelques sangliers en les agrainant, relève de l'utopie et de la méconnaissance du comportement de ces animaux, même si cela rassure des chasseurs un peu trop cupides. Le nourrissage Dans le cas d'une mauvaise glandée ou d'une autre production forestière déficiente à un moment donné, le gestionnaire peut être amené à pallier cette insuffisance par un apport de nourriture artificielle. Ce nourrissage devra être pratiqué avec parcimonie et même s'il devient l'apport principal, il ne faut pas perdre de vue que malgré tout, la nature peut rester généreuse. Les apports seront modulés en fonction des conditions extérieures. Par exemple, ils seront réduits voir supprimés en période pluvieuse, époques à laquelle les sangliers, animaux fouisseurs par excellence auront accès à d'autres nourritures (racines, bulbes, escargots, etc) et bien entendu en période de chasse. Pour être efficace, l'apport de nourriture doit être considéré comme une glandée artificielle. La répartition doit donc répondre à cet objectif afin que chaque sanglier considère cet apport comme alimentation principale, accessible à chaque individu, sans exclusive possible. Article paru dans "Sanglier Passion N°66" :