Beau Vent de Lure : un titre poétique cité dans le livre de J.L. Carribou, F.X. Emery, 15 balades littéraires à la rencontre de Giono, tome 2 montagne de Lure, le Bec en l’air, 2012. Cette dénomination aurait pu être tirée d’un livre de Giono mais non, elle provient d’une délibération du conseil municipal à l’époque de la révolution française.
Un décret de la Convention nationale du 25 janvier 1793 invitait les communes, dont le nom rappelait les idées de royauté, de féodalité ou de superstition, à changer immédiatement ce nom. […] On chercha une désignation nouvelle dans une particularité atmosphérique du pays et on remplaça le nom de Châteauneuf-Val-Saint-Donat par celui de « Beau-Vent-de-Lure »
à 3 jours avec le vent
Deux boucles enchaînées à partir du même village : la première plutôt facile et courte, vous mènera au vieux village de Chateauneuf Val Saint-Donat dont les ruines sont visibles depuis le chemin. Ce village, comme celui de Colline et Regain, se situe au pays du vent, sur la montagne de Lure. Un retour émouvant dans le passé.
Voilà le vent qui court. Les arbres se concertent à voix basse. Giono dans Colline
Départ sur le parking face à la mairie. Très vite, après la traversée de la D801, je me retrouve sur un chemin champêtre au pied de la colline. Il y a encore de la neige par endroits. Après avoir tourné à gauche, je passe près d’un cabanon de jardin, un puits ; le modeste jardin est clos par un petit mur coiffé de pierres dressées destiné à empêcher les chèvres de le franchir.
A 567m d’altitude, un oratoire est dédié à Saint-Antoine de Padoue tout comme l’était l’église en haut de la colline. Le chemin s’élève au milieu d’anciennes cultures ; chênes verts et genévriers oxycèdres (les cades) aux baies brunes, alternent dans la garrigue. Au panneau indiquant le vieux village, le sentier monte entre deux habitations provençales puis s’infléchit sur la gauche, sous le village. Je cherche l’église sur Saint-Antoine sur les hauteurs mais ne trouve qu’un mur en ruine.
Eloignée de 200m à l’est du reste du village, probablement complètement cachée par la végétation, elle me contraint à cheminer vers la droite dans la neige fraîche. Mon sac à dos s’accroche parfois dans les branches. Je réussis à grimper en haut d’un des murs d’où je peux voir l’intérieur et le fameux oculus dont parle l’abbé Maurel.
Avec ses 18 mètres de longueur, 6,90 mètres de largeur, 12 mètres de hauteur environ, près du cimetière, elle fut sans doute église paroissiale et non simple chapelle ; sa voûte était autrefois recouverte de lauzes. Saccagée probablement pendant une incursion ennemie, elle ne fut pas réparée immédiatement, les villageois pouvant utiliser la chapelle du seigneur près du château. En 1638 cependant, Toussaint de Glandevès en visite à Chateauneuf, ordonna sa restauration,
[…] la construction d’une chaire, d’un retable, d’un tabernacle, de fonts baptismaux, la réparation de la toiture, du pavé, l’achat de divers ornements, et décida que dorénavant les droits paroissiaux seraient transférés de l’église Nostre Dame de l’Etoile à l’autre église qui est au bout du village joygnant le cimetière sous le titre Saint-Antoine.
Mais ce ne fut pas aussi facile ; au moment du transfert, en avril 1646, le rentier du seigneur s’y opposa au nom de son maître ; en 1677, le seigneur vendit son consentement en échange de 500 livres, d’une messe journalière et de deux cloches laissées dans sa chapelle. Et pourtant, en 1683, lors de la visite de l’évêque, la population se plaint que le transfert ne soit pas encore totalement effectif, même si le vicaire perpétuel avait demandé à être enseveli près de la porte de l’église, cette église qu’il considérait comme paroissiale officiellement.
De mon perchoir fort malaisé, je constate que la porte d’entrée de l’église est accessible, tout simplement ; je contourne le monument et m’y fraie un passage. Au-dessus de la porte primitivement ogivale, on lit, gravée sur la pierre, la date de 1637 qui est celle de la restauration mais non de la construction de l’édifice. Du cimetière, il ne reste rien : toutes les sépultures ont été pillées.
J’aimerais retrouver trace de cette église seigneuriale Notre Dame de l’Etoile, ancien prieuré ; enclavée entre le château et deux rues fort étroites, celle qui a concurrencé l’église Saint-Antoine (lors de la visite de l’évêque de Sisteron en 1638, Notre Dame de l’Etoile était église paroissiale) ne pouvait être agrandie sans détruire les bûchers, caves et autres bâtiments attenant à l’église. 11,65 mètres de longueur et 5,40 mètres de largeur. Une tribune au-dessus de la porte principale, avait été construite en 1637 pour l’usage de la famille seigneuriale qui y accédait de l’avant-cour du château sans avoir besoin de descendre dans la rue ! Malheureusement je n’ai pu situer
la façade en joli appareil, l’abside en cul-de-four, des murs latéraux avec un arc de décharge. Raymond Collier, la Haute Provence monumentale et artistique, Digne, 1986
tant la végétation en cache les vestiges. Quant au château, que j’ai observé en détail lors de ma rando depuis Aubignosc, je vous en parlerai dans un prochain article.
Le village et ses quelques maisons abandonnées conservent des traces de réhabilitation. Depuis l’ancienne place, l’espace le plus dégagé du vieux village, j’accède à une maison dans laquelle un arbre a élu domicile.
Monographie de Chateauneuf Val Saint-Donat, abbé Maurel, Forcalquier, Albert Crest, 1891
Au bout du village, après avoir longé le rempart, près du chemin de Saint-Jacques qui mène à Aubignosc, la tour du moulin m’offre une protection contre le vent le temps du pique-nique ; le moulin était prétendu banal1 avec mouture au 1/24 : le paysan qui voulait faire moudre son blé était obligé de donner en paiement 1/24 du grain au meunier2. Un contrat d’arrentement3 du moulin à vent (1644, 30 novembre) fut accordé à Antoine Ronin de Montfort qui payait en nature sous forme de mesures de blé (16 panaux4 blé annone5). Source : Minutes Magnan. Etude Borel, Aubignosc.
Un débris de hameau, à mi chemin entre la plaine où ronfle la vie tumultueuse des batteuses à vapeur et le grand désert lavandier […] La terre du vent. […] Ce qui vient de la ville est mauvais : le vent de la pluie et le facteur. Giono, Colline
Le vieux village de Chateauneuf, estoublon
Les photos de foulonjm
Histoire du vieux village et photos
Retour prévu par le Jas de Coeur (mauvaise transcription peut-être du Jas de Coq de la carte de Cassini ?) dans une descente d’abord très enneigée puis raide et profondément ravinée ; quand j’arrive au niveau du champ d’oliviers, le sentier qui emprunte en partie un ruisseau, est trop boueux et glissant.
Je décide donc de descendre en longeant le champ d’oliviers par la droite ; je rejoins bientôt le chemin champêtre du matin puis la route le long de laquelle les noms de quartiers sont joliment étiquetés.
Comme prévu, je complète par une seconde boucle, côté Grangettes, Grangeon, Grange, partie extrême orientale de la montagne de Lure. Paysage de bois, de pierriers, de cabanes de pierre sèche (un circuit est possible mais je ne l’ai pas fait) ; il fait plus frais que sur l’autre versant.
A l’approche du nouveau village, le clocher de l’église me guide jusqu’au parking où je suis garée ; quelle surprise rare ! un bistrot de pays, donc ouvert le dimanche : un provençal typique en chapeau à larges bords, se gare sans vergogne derrière un autre, à côté de bien d’autres tous au bistrot, venant compléter le tableau d’une vie sociale rurale ici maintenue. Goûtez-le, testez-le, le Bistrot de Pays est un concept adapté aux vadrouilleurs amateurs de produits régionaux et de patrimoine local.
Le Bistrot de Pays a pour but, à travers un réseau local d’animation, de contribuer à la conservation et à l’animation du tissu économique et social en milieu rural par le maintien – ou la recréation – du café de village multiservices de proximité.
7km400 127m dénivelée 3h10 dépl. (3h45 au total). L’itinéraire peut être partagé en deux boucles pour deux balades courtes
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