*** L’ancienne poudrerie royale de Saint-Chamas en 19 points d’intérêt


Image à la une : Le Petit Provençal 17/11/1936, Projet poudrerie : explosion à la fabrique de tolite

J’ai visité la poudrerie en 2018 avec un ancien ouvrier ; on y fabriquait depuis la fin du XVIIe de la poudre de guerre pour les canons, les fusils et pistolets (composition : 75% de salpêtre, 12.5% de soufre, 12.5% de charbon de bois) ; j’y retourne parce que beaucoup de panneaux explicatifs et maquettes ont été installés issus du projet poudrerie lancé en 2011, ce qui permet de faire une visite non accompagnée et de (presque) tout comprendre ; j’ai récupéré un plan avec 19 points d’intérêt numérotés de 1 à 19 que nous allons essayer de suivre. Télécharger le plan

Il n’y a pas que la poudre de guerre qui était fabriquée à Saint-Chamas mais aussi la poudre de chasse vendue en flacon que nos (arrière)-grands-pères ont pu acheter. Une mesurette à deux positions (photo ci-contre à droite) dont le fond s’allonge permet de remplir avec précision le fond de cartouche.
A chaque type de poudre (ordinaire, forte ou extra-fine) un indice N est ajouté indiquant la grosseur des grains : plus N est élevé, plus le grain est fin. Une poudre forte ou superfine produit moins de fumée et encrasse moins les fusils qu’une poudre ordinaire.
Merci Julien V. pour les photos du flacon.

Album de photos et panneaux d’information

Passé l’entrée officielle de la poudrerie 1 puis celle du parc -2, à droite, légèrement en surélévation, quelques bâtiments d’habitation demeurent, dont l’un avec un pigeonnier. Y habitaient les maîtres poudriers, charpentiers, tonneliers et le corps de garde. Le 2e projet d’agrandissement de la poudrerie de 1823 prévoit 10 maisons, un moulin à blé et dix usines par groupe de 2 étagées sur la colline. Nous y arrivons en repérant d’abord la tour de safre -3-.

À partir du XVIIIe siècle, le « code des poudres et salpêtres » dispense les personnels attachés à ses usines de certaines contraintes : certaines taxes par exemple, certains impôts, ainsi que des privilèges spécifiques aux salpêtriers à qui l’on doit ouvrir sa maison sans contestation et sans contrepartie financière. Le gîte doit, en outre, leur être offert par les communes dans lesquelles ils se rendent pour leur récolte.

La poudrerie de Saint-Chamas, publication du centre Camille Jullian, Colette Castrucci

Cette tour de guet en partie intégrée dans la colline, en partie en élévation, était équipée d’une sirène et d’un observatoire :

  • pour anticiper la météo ; en effet, en cas de pluie, il fallait mettre à l’abri les draps sur lesquels la poudre noire séchait à l’air libre,
  • pour surveiller le site et les ouvriers,
  • et la moindre fumée pouvant être synonyme de catastrophe.

Nous prenons la grande rampe qui donne accès à la zone des moulins -4- (8 usines autrefois). Ils étaient construits par paires, de part et d’autre d’une grande roue verticale, au pied d’une falaise, sur deux niveaux. Une roue identique à celle qui actionnait les moulins à poudre du temps de Louis XIV a été inaugurée en 2022 : une roue à augets de 6 m diamètre, pesant 4 tonnes, réalisée grâce à un chantier ACTA VISTA en partenariat avec le ferronnier Roland Pinon de l’Atelier du fer d’argens.

Quelle est la différence entre une roue à aubes et roue à augets ? La première est actionnée seulement par une eau courante, sans chute, la seconde nécessite une chute d’eau.

Les rondes de nuit étaient contrôlées grâce à un contrôleur de rondes, boîte en fonte placée à chaque poste que l’on souhaite faire visiter. Un mécanisme d’horloge avec disque de pointage permet aux rondiers de pointer.

Le contrôleur de ronde renferme un poinçon dernière une porte fermée. Chaque poinçon porte une lettre différente.Si le veilleur a bien fait la totalité de son travail dans l’ordre, en fin de ronde un mot convenu à l’avance sera imprimé, sinon le mot sera inscrit sur plusieurs lignes.

Le réseau hydraulique présent sur tout le site de la Poudrerie, par de nombreux canaux, permet d’amener l’eau aux martinets, puis aux usines. A l’intérieur des bâtiments de nombreuses maquettes permettent de comprendre le fonctionnement : maquette d’un moulin à meules servant à la trituration de la poudre, maquette de l’ensemble du secteur des Moulins tel qu’il était à sa création.
Ci-dessus une photo de la trituration du mélange vers 1916. Site image de la défense

poudrerie digitale EPOTEC /association IDMéditerranée

Après un long moment de lecture et découverte des maquettes, nous passons devant le nouveau séchoir à vapeur -5- (1883) qui remplace le séchage à l’air libre ; en effet, le mélange a été humidifié pour qu’il ne détonne pas mais le danger est présent tout de même durant cette phase.

La cascade -6- provenant de la surverse du canal de Boisgelin, n’est pas toujours alimentée ; de nos jours elle régule le débit du canal, c’est le cas aujourd’hui. Nous nous dirigeons vers les jardins, l’étang, et les espèces exotiques (dont un sequoia de 30 m de haut) ; la maison du directeur n’existe plus mais le pilier d’entrée en témoigne.

Cette zone humide remarquable -7- a été créée en 1850 lorsque le directeur du site industriel aménage un jardin à la française, un jardin à l’anglaise et des étangs embellis d’essences exotiques ramenés grâce aux échanges de poudres. Site mesinfos.fr

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Découverte de Ponteau, Martigues


Suite à la parution d’un article dans la Provence du 16 mai 2021, nous avons décidé de tenter une visite des ruines du château de Ponteau, racheté en 1964 par l’industriel Naphtachimie (Filiale de Total Raffinage Chimie et INEOS). C’est André qui a préparé le circuit. C’est une zone de raffineries, de hautes cheminées, de vestiges militaires, pylônes à haute tension, qui contraste avec l’environnement naturel. Mais c’est aussi cela les Bouches-du-Rhône. Nous stationnons au croisement du chemin des Crottes1 et de la route de Ponteau.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

On apprend beaucoup de choses en observant la carte de Cassini gravée par Aldring en 1779 : le port et le château de Ponteau existent mais la chapelle romane Saint-Martin est déjà ruinée : le monument est représenté incliné et non debout ! Les trois Martigues (Ferrière, l’Ile et Jonquière), reliées aux ilots de la passe par un ensemble de petits ponts, sont représentées par une sorte de marguerite au cœur rouge. Quatre moulins dans le quartier Saint-Anne, trois près des Ventrons dont un ruiné, deux à l’est de la Marrane : l’un d’eux est visible en parcourant La boucle des vestiges militaires de Cavalas. La tour de Bouc deviendra un fort, l’étang de Caronte un chenal.
A travers bois, nous rejoignons la voie ferrée ; un accès le long de celle-ci amènerait directement au château mais il est marqué propriété de la société ARKEMA, établissement secondaire de Martigues fermé en 2012, qui fabriquait des produits chimiques inorganiques. Le long de la voie, une longue canalisation de couleur verte – même couleur que celle transportant les boues rouges – court vers Lavéra et la raffinerie de pétrole, une des nombreuses canalisations de transport d’hydrocarbures probablement.
Nous traversons la voie ferrée, 200 m à droite se trouvait la gare de Ponteau dont le bâtiment voyageur a été démonté vers 1988. Toutes les gares de la ligne étaient bâties sur le même modèle, ce qui les rend identifiables même quand elles sont désaffectées.
1904 : la commission d’enquête débute son enquête pour savoir où placer les gares, stations et haltes sur la ligne entre l’Estaque et Miramas. Le sous-préfet, trois maires, deux conseillers généraux et l’ingénieur en chef de la compagnie P.L.M. sont présents. Le maire de Martigues propose que la station Ponteau-Saint-Martin soit placée là où la voie prévue croise le chemin vicinal 12 dit de la Réraille. C’est ainsi que ce chemin remis en état deviendra une route pour desservir la gare. Le Petit Provençal, 31/10/1904
La ligne est inaugurée discrètement en 1915 pendant la première guerre mondiale. Elle témoigne d’une époque, entre prouesses technologiques et mouvements sociaux. La Marseillaise, 30/08/2015, La ligne de la Côte Bleue, Cent ans d’histoire

Nous suivons la voie ferrée au plus près dans le sous-bois, avec à notre droite les résidences du quartier Les Olives ; en direct pendant notre déplacement, je surveille sur mon téléphone la carte IGN pour repérer quand nous serons en face du château de Ponteau. Quelques fleurs rarement rencontrées lors de mes balades : le ciste de Montpellier (et non le ciste cotonneux aux fleurs roses fripées) et l’acanthe à feuilles molles (ci-contre) dont la hampe florale est particulièrement décorative. Au travers d’un rideau d’arbres, nous apercevons une ou deux ruines masquées par de hauts arbres.
Après le contournement d’une petite difficulté, nous dominons les carrières de Ponteau, qui ont fait concurrence à celles de la Couronne au XVIIIe, de même nature géologique. Elles ont servi à construire l’arc de la porte d’Aix à Marseille.

En 1783 un négociant marseillais, André Guieu, rachète Ponteau aux moines, se fait construire une bastide sur les murs de la bastide médiévale et acquiert donc les carrières.

Nous arrivons face à un bâtiment austère : c’est la chapelle romane saint-Martin du XIIIe  mais une chapelle devait exister bien avant puisqu’un privilège du pape Léon VIII datant de 963, en faveur de l’abbaye de Montmajour, confirme diverses possessions dont l’église de Saint-Martin. Face à nous, les ruines du château de Ponteau et entre les deux, la voie ferrée qui a coupé le domaine en deux. Deux jeunes y jouent au pistolet à balle ; connaissant bien les lieux, ils proposent de nous guider jusqu’au château. Après avoir longé la voie ferrée sur quelques mètres, nous passons sous la voie pour arriver dans une zone envahie par la végétation. Ils nous mènent face au château de Ponteau dont la façade est impressionnante 22m sur 7.

Deux auteurs, H. Amouric et F. Feracci, dans leur étude sur l’évolution de la bastide du domaine de Ponteau, grâce à un examen des fenêtres, datent la première construction de la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle. Elle s’est embourgeoisée au fil du temps.

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Le grand lac de l’Oule à partir du col du Granon


Trouver un lac pas trop difficile d’accès n’est pas évident du tout en montagne, mais pour ce troisième jour, nous avons trouvé le lac de l’Oule au départ du col du Granon ; pour y accéder, c’est 11 km de route étroite, repérés tous les kilomètres ; nous redoutons à chaque virage que surgisse un véhicule dans l’autre sens. De nombreux cyclistes le grimpent et nous sommes admiratives de leurs exploits. Juste avant d’arriver plusieurs baraquements dont certains bouchés par des parpaings. Peut-être faisaient-ils partie de l’ouvrage fortifié des Granons ? Depuis décembre 2009, le Centre national d’aguerrissement en montagne (Cnam) a fermé. Plus de chasseurs alpins  ici même s’ils existent toujours. En 2016 le 13e régiment de chasseurs alpins s’entraînaient encore au tir et franchissement au col de Granon.

Le 7e Bataillon de Chasseurs Alpins est l’un des trois bataillons de chasseurs alpins de l’infanterie de l’armée de Terre. Il regroupe 1200 hommes et femmes installés au quartier de REYNIES à VARCES, à une dizaine de kilomètres de GRENOBLE. Unité de la 27e Brigade d’Infanterie de Montagne, désignée brigade « d’urgence » depuis les réformes de la Défense, le  « 7 » est ainsi l’un des bataillons projetés sur les théâtres les plus complexes et exigeants du fait de ses capacités et qualités de soldats de montagne.  Eskapad.info

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

A peine arrivées, nous repérons la buvette du Granon qui propose boissons et  tartelettes aux myrtilles… A 2400 m d’altitude, il fait frais et mieux vaut prévoir une polaire et un coupe-vent imperméable.

Nous continuons la route repérant le 12e km sur une vieille borne kilométrique. Au loin, sur la droite, émergeant du sol, le bloc d’entrée du fort du Granon ressemblant à un blockhaus. La piste continue mais nous obliquons dans le petit sentier bien marqué à gauche qui grimpe doucement. Arrivées dans les pâturages, c’est à vue que l’on se dirige vers le col tandis que d’autres arrivent par la piste de gauche.

L’adénostyle à feuilles blanches pousse dans les éboulis d’altitude des étages alpin et subalpin. Ses fleurs roses sont groupées par capitule d’une trentaine  de fleurs. Ses feuilles sont couvertes d’un épais duvet cotonneux. Dans un mini espace marécageux des linaigrettes montrent leur plumet blanc cotonneux. Majo dégote quelques gentianes des neiges. Des fleurs typiques des hautes Alpes.

200 m avant le col, nous guettons sur la droite l’arrivée du GR57 « Tour du mont Thabor » : pas de sentier visible, pas de balisage, personne n’arrive de là, Majo doute qu’arrive ici un GR… ne sont-ils pas toujours bien balisés ?

Les derniers mètres jusqu’au col sont difficiles. Un cairn bien visible le matérialise ; de là, le grand lac de l’Oule nous fait un clin d’œil. A droite le Rocher du Loup porte une langue de neige que quelques enfants sportifs iront toucher.
La descente caillouteuse est plutôt périlleuse. Majo fait une halte côté droit : elle a vu une marmotte ! Avant de rejoindre les lacs, elle propose d’aller découvrir les ‘tables de la Loi’ – tables en pierre sur lesquelles Dieu a gravé le Décalogue remis à Moïse – plantées dans le sol, sans doute tombées du Pic du Longet. Des traces d’oxydes de fer strient la pierre.

Beaucoup de promeneurs sont installés sur les abords du grand lac de l’Oule1 mais personne ne se baigne totalement (plus de 2400 m d’altitude). Eboulis et moraines glaciaires descendent jusque dans le lac, dominé à l’est par les crêtes de Pasquier, bien noires, comme du charbon : il y a bien du houiller2, donc un niveau charbonneux. Que des montagnes autour de nous.

A l’extrémité du lac, nous traversons sur des rochers pour rejoindre un sentier qui passe non loin du lac la Barre, en forme de cœur : personne ne s’intéresse à celui-ci ; de mamelon en mamelon, nous trouvons le dernier lac, sans nom, où nous nous installons sur une pierre plate pour déjeuner. Au-dessus de nous, nous suivons des marcheurs sur les crêtes mais au bord du plus petit lac, personne non plus. L’impression de tranquillité, de communion avec la nature est totale. Encore un cri de marmotte que je n’apercevrai jamais.

Vidéo par daubram05 Du lac de l’Oule à la Gardiole : les 4 premières minutes correspondent à notre parcours jusqu’aux deux lacs

de g a d : pic Thabor , Cheval Blanc, Tours du vallon, Roche Pertuse, Grande Chalanche, Roche Bernaude, Rocca Pompea

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