Le circuit de la pierre, Orgon


[page 1 : géologie, carrières]

1. Un circuit que j’étais physiquement incapable de faire lors de la journée des baliseurs en mai dernier, et que je tente aujourd’hui avec André. Nous nous garons près du cimetière Madeleine Laugier sur la route de Notre-Dame-de-Beauregard, mais il est possible aussi de se garer sur le parking du musée Urgonia.

Chemin des Aires puis chemin du moulin à vent dont nous n’avons vu aucune trace : forcément, il était situé à l’emplacement des arènes, était déjà en ruine fin XVIIIe (propriétaire Moutonier Louis) et a été démoli peu après la première guerre mondiale (photo extraite du livre Orgon, René Fages, coll. Le temps retrouvé, Ed.Equinoxe, 1992).

La météo ce jour à orgon/13 :
Avec le vent et la température ressentie

Nous entrons dans les bois par la barrière DFCI en suivant le panneau bleu du sentier de la pierre qui effectue une boucle ; nous pénétrons dans les bois par un sentier bordé du traditionnel muret en pierre sèche puis arrivons au belvèdère donnant sur la plus vieille carrière, celle de Montplaisant : impressionnante pureté du calcaire blanc, large panoramique de 34 ha sur le monde qui grouille dans le fond contrastant avec des fronts de taille remodelés et végétalisés sur les côtés.

L’énorme masse de calcaire défini en 1850 par d’Orbigny, faciès urgonien, a fait la renommée géologique de la région [et du village d’Orgon !]. Elle a servi à la construction de la cheminée de la salle des archevêques du chateau de l’Empéri à Salon ; en Avignon à l’aile méridionale de Clément VI du palais des Papes. 1956 : entreprise OMYA.

La boucle se termine par une petite carrière privée, désaffectée, dans laquelle les promeneurs ont créé quelques cairns de pierre à la manière des pélerins ; Selon la destination du produit, les ouvriers taillaient la pierre en moellons pour la construction ou la fragmentaient à l’aide d’explosifs de type poudre noire, de masses et de massettes. Dans ce cas, les granulats étaient ensuite acheminés vers les moulins à grains reconvertis alors dans cette industrie. Livret découverte

La chapelle Saint-Gervais (XVe siècle), un cube austère, construit dans du calcaire urgonien bien sûr, avec un seul contrefort massif et une pierre blanche en guise d’autel, est la chapelle mortuaire de la famille d’Elzéard de Mouriès, [descendant de la famille des Baux ?] dont je n’ai retrouvé aucune trace, sauf sur la plaque sur place…

Maintenant il nous faut rejoindre la colline de Notre-Dame-de-Beauregard ; nous passons devant le cimetière de la Pinède (trois cimetières à Orgon !) avant d’aborder la montée vers Beauregard ; à droite, des parois presque verticales signes de la présence d’une faille. Le plan d’eau du lac Lavau alimenté par l’infiltration des eaux pluviales du plateau des Plaines, occupe une ancienne carrière ; derrière, des pitons verticaux témoignent de failles mineures.

Variante possible : descendre dans la vallée Heureuse, au bord du lac.

Au bas de l’impressionnante falaise à gauche, des calcaires à silex ; les calcaires riches en coraux font une saillie grisâtre sous le rempart ; au milieu les calcarénites blanches.

André attire mon attention : un mur construit sur le rocher ainsi qu’une tour ; lors de ma dernière visite, je n’y avais pas prêté attention ; nous entrons dans une enceinte fortifiée en 1592, après l’incursion du duc de Savoie et les guerres de religion entre catholiques et protestants. Sa forme est clairement visible sur le cadastre napoléonien et conservée presque intacte aujourd’hui. Elle permettait de surveiller la vallée de tout côté.

Aujourd’hui une table d’orientation vous livre toutes les montagnes de Provence visibles : Alpilles, Sainte-Victoire et juste en face Cavaillon et la colline, objet d’une randonnée en septembre dernier.

[Vers page 2 : mont du Grand-Couvent (fort, oppidum, chapelle)]

La Couronne : vestiges militaires oubliés


Quand André regarde la carte IGN avec attention, et qu’il repère trois pentagones aux pointes hérissées, ça donne ce qui va suivre ; la dernière fois que nous avons vu ce symbole, il n’y avait rien sur le terrain mais là, l’indication en toutes lettres « vestiges militaires » ne laissent pas de doute. Entre les Plaines et les Chapats1 de la carte d’état-major, entre la voie ferrée et la voie rapide, nous les rejoignons à partir du parking du port des Tamaris, quasiment désert ; seuls des ouvriers travaillent à la réfection de la route.

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Avec le vent et la température ressentie

Notre sentier est parallèle au chemin des Paluds2. Caillouteux, il me plait cependant car j’y trouve des pierres creusées d’élégants sillons, dissolution par l’eau d’une roche carbonatée. Les eaux de pluies se concentrent en dioxyde de carbone lorsqu’elles traversent l’atmosphère. Elles sont alors capables de dissoudre certains minéraux contenus dans les roches. ASP

Après le carrefour, nous suivons la route des Bastides avant de passer sur le pont au-dessus de la voie ferrée. Chemin des Roussures le long de la voie, j’aperçois sur le côté de la voie ferrée, intégré dans un muret, quatre modules assemblés en tunnel à section carrée avec une ouverture sur le côté ; grande discussion sur leur fonction ; finalement, c’est ma fille qui suggère l’entrée d’un tunnel permettant aux petits animaux de traverser la voie ; n’ayant pas pensé à ça, je n’ai pas cherché la sortie de l’autre côté pour vérifier.

Montée régulière un peu caillouteuse jusqu’à atteindre la voie rapide ; il faut tourner avant. Un groupe de randonneurs descend : nous attendons le dernier pour l’emprunter ; ça monte et ça devient caillouteux, très caillouteux. Au sommet, vue sur les monts Carpiagne et Puget au pied desquels on devine la mer. Et à droite quelques arbres brûlés qui ont vu passer un incendie.

Au loin ce qui pourrait être un mur sur un mamelon : André veut savoir ; variante : en mode sanglier dans une garrigue inhospitalière au dessus des arbres tombés ou brûlés, nous galérons jusqu’à ce que nous renoncions à 100 m du but. Dommage !

Car je penche plutôt pour une ancienne carrière à ciel ouvert d’un ha environ (symbole de U arrondi sur la carte IGN de 1950) car nous sommes incontestablement dans la bonne direction et sur un ancien accès… Ce n’est pas une carrière largement exploitée comme dans les carrières de pierre de La Couronne sur la côte, mais probablement a-t-elle pu servir à un usage personnel ou à former des apprentis.

En 1817 Nicolas Fouque, – dit Vigoureux comme son père Joseph et son frère Joseph – hérite de cette carrière et d’une autre proche (parcelles 2690 et 2691 feuille H la Couronne orientale, 1819) ; agriculteur, il ne travaille pas dans la pierre mais son ascendance remonte à Jean Fouque le Majeur, carrier connu depuis le milieu du XVIIe ; parmi les dizaines de Fouque à Martigues – un tiers des habitants porte ce nom en 1841 – souvent (re)mariés entre eux, se trouvent des carriers et des charretiers qui cotisent depuis longtemps à la Confrérie des traceurs. Certains ont même représenté la communauté de La Couronne.lorsqu’elle dut faire un emprunt pour la construction de l’église ou réclamer la nomination d’un prêtre. Les carrières de La Couronne de l’Antiquité à l’époque contemporaine. Inventaire des carrières de la Couronne

Nous retrouvons la piste ; au loin, dans la barre rocheuse, des abris sous roche et sur notre gauche un spectaculaire mur de soutènement. Nouvelle montée jusqu’aux vestiges militaires, faciles à trouver car dans une excavation circulaire repérable de loin.

Bien mystérieux vestiges non référencés et batterie jamais terminée. Sur le forum südwall au sujet de la Batterie les Plaines, les spécialistes échangent et supposent. Frédéric Safoy l’appelle batterie Les Bastides puisqu’elle se situe au nord de ce quartier et il pense que cet ouvrage sommaire a vraisemblablement été construit par le Génie Divisionnaire ou celui de la marine.

Non loin de Cavalas, située à l’intérieur des terres, dans une ancienne zone de carrières au nord de la voie ferrée à proximité des Bastides, se trouve une position non référencée dans les archives françaises et allemandes… Cette puissante position est l’oubliée de cette partie du Südwall ! Dans son inventaire officiel déposé au SHM, le capitaine de vaisseau Delpeuc’h ne la mentionne pas… Il ne peut en effet s’agir que d’un ouvrage réalisé dans l’urgence (pas de soutes à munitions, pas de casemates, pas d’abris à personnels) pour palier les retards de construction de Cavalas et/ou en renforcer la puissance.
Demeurent dans le béton les traces des fixations des pièces, dont le grand arc de cercle permettant le pointage en azimut. HISTORIQUE (1888 – 1945) DE LA DEFENSE DES COTES A MARTIGUES, Frédéric Safoy, Mairie de Martigues, 2007

Il y a 3 cuves bétonnées disposées parallèlement au rivage sur un axe ouest-est, de forme pentagonale dont la pointe est dans la direction de tir. Certains spécialistes du forum Südwall y voient une tourelle de char Pz II. Le réservoir situé en dessous date-t-il de la seconde guerre mondiale ?

Nous redescendons vers La Couronne en passant sur le pont de la voie ferrée ; décoré de deux épis de faitage en fonte, en forme d’ananas comme sur d’autres ponts de la ligne, il est encore pavé comme autrefois.

La montée de la Préfecture joint la ligne SNCF àl a route des Bastides ; dans ce hameau des Bastides (feuille H8 du cadastre napoléonien) presque tous les propriétaires s’appellent Fouque. Pas de préfecture à Martigues. Qui m’expliquera l’origine du nom de cette voie, sans doute attribuée au XIXe (les préfectures ont été créées à partir de1800) ?

Dès la voie ferrée traversée, nous sommes dans un quartier fortement urbanisé. Après les trois campings, André réussit à nous faire éviter la route en grimpant sur le talus au dessus du sentier du Four à chaux ; ensuite, nous suivons l’allée piétonne jusqu’à la célèbre chapelle de Sainte-Croix au bord de l’eau. Célèbre par sa légende des trois Maries.

D’après une tradition, juste après la mort du Christ, les palestiniens ont torturés les civils dont certains sont lâchés en pleine mer méditerranée dans une barque sans rame et sans voile. Une tempête les mènera jusqu’aux côtes de Sainte-Croix. A bord : Marie Jacobée, Marie Salomé, Sahra, Lazare, Marthe et Marie-Madeleine. Martigues tourisme

Un calvaire précède la chapelle. L’ancienne chapelle dont on aperçoit les ruines (XIIe) a été remplacée par une nouvelle à la façade blanche (XVIIe) ; elle rend hommage aux carriers du pays ; la paroisse de la Couronne possède une relique non négligeable : un fragment de la Vraie Croix du Christ.
Sur la plage de cette fin septembre, quelques baigneurs profitent des rayons du soleil. Le phare de la Couronne, rouge et blanc, ne passe pas inaperçu.

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Promenade Cezanne prolongée jusqu’au sommet de la Colline des Frères


Je vous ai déjà parlé de la promenade Cezanne à Gardanne, dont les panneaux d’information ont été remplacés en 2025 à l’occasion de l’exposition Cezanne au Jas-de-Bouffan. Depuis le parking Mistral, suivre le panneau, monter les deux escaliers et entrer dans le musée Cezanne en plein air : recodnnaitrez-vous mieux le tableau en vue verticale peinte depuis la colline des Frères, sans les piliers à l’avant-plan (merci Perplexity) ? Pour en savoir plus lire Promenade Cezanne.

La météo ce jour à gardanne/13 :
Avec le vent et la température ressentie

Sainte-Victoire est bien là entre les arbres ; nous poursuivons la promenade Cezanne jusqu’à rejoindre la route des Angles qui s’élève progressivement jusqu’au terrain de sport ; les propriétés le long de la route ont une vue plongeante sur Gardanne. Bientôt face au terrain de sport, les terrils des Molx1 typiques des paysages miniers.

Ce toponyme de Colline des Frères m’interpelle car je n’ai pas trouvé d’explication acceptable. Il ne figure pas sur le cadastre napoléonien de 1830, pas encore sur la carte IGN de 1950. De quels frères s’agit-il : frères de sang ou membres d’une confrérie religieuse ?
Sur la carte de 1950, à l’endroit de la colline, le toponyme Jean Briou ; le surnom Briou est donné à Pierre Deleuil, Joseph Deleuil puis aux héritiers Jean, Louis, Joseph et Jean-Baptiste qui habitent et possèdent des terres dans le quartier. Peut-être ont-ils revendu les terrains de la colline aux Houillères des Bouches-du-Rhône ?
Quant à la confrérie religieuse il pourrait s’agir des Frères Maristes qui ont dirigé une école à Gardanne et dans d’autres communes minières – l’école des Frères – construite par les Houillères des Bouches-du-Rhône pour les enfants de mineurs, dans le quartier Mistral (Lieux de mémoire). Dans les deux cas, ce toponyme serait lié à la mine, très importante pour les villageois dès le XIXe.

A la barrière DFCI le sentier de droite doucement s’élève ; en contre-bas, les abords de la rigole ayant été débroussaillés, ils m’inviteront à réitérer l’expérience compliquée de 2024 avec André. Certains indices évoquent une colline un peu « curieuse » toutefois : des bosses irrégulières, des espaces enherbés à côté d’espaces caillouteux, des pins isolés, des blocs rocheux étrangers, des traces de chaux et de matériel charbonneux, des tiges métalliques sur morceaux de béton. Au sommet, des restes de tuiles provenant d’une construction au sommet. Il est possible de décrire une boucle et jeter un oeil sur les pentes dont certaines ne sont pas encore végétalisées. Malgré la hauteur, aucune vue dégagée sur Gardanne

C’est le terril Saint-Pierre (concession C4 de Gardanne) qui, de la fin du XIXe aux années 1970, a recueilli des stériles de mine issus du lavage et criblage du charbon, mais aussi des matériaux issus du creusement de l’exploitation et des cendres de foyer issues de la centrale thermique. Qui se souvient du plus vieux terril de Gardanne, zone de pâturages et vignes au XIXe ? Rapport d’étude sur les aléas liés à l’exploitation minière

Le terril Saint-Pierre (V137) présentait des points en combustion en 2001 mais éteints en 2005 : on peut donc s’y promener sans risque, chose que Cezanne n’a pu faire puisque lors de son séjour à Gardanne de 1885 à 1886, le terril était déjà exploité ; l’essentiel du dépôt est végétalisé sur 20 à 30 m : on ne voit plus les matériaux le constituant.
Rapport d’étude sur les aléas liés à l’exploitation minière (rapport 2021/039DE 21PAC36020).
Galeries et puits

Le terril de 90 m2, 1 millions m3, est formé de trois dépôts, ceux du nord et nord-ouest à partir de 1950 ; l’un d’eux aménagé en plate-forme se remarque bien depuis le sentier. Côté ouest d’anciens glissements superficiels de terrain sont retenus par un spectaculaire mur de soutènement. Je suppose que, comme à Biver, au début du XXe siècle, un téléphérique amenait depuis la zone de triage, dans un va-et-vient continu, les bennes de stériles jusqu’en haut ; à une certaine hauteur, on déplaçait les pylônes pour commencer un nouveau dépôt. Source : Gilbert Bagnis et Bernard Duplessy

Si vous avez l’intention de faire la variante en boucle des Molx, prendre l’autre sentier en épingle à droite en contre-bas du terril, entre deux dépôts ; sinon rejoindre le parking et redescendre vers le musée de plein air.

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