Tavernes, les trois croix


Je retrouve avec plaisir Yves Provence, notre guide habituel que je n’ai pas vu depuis longtemps ainsi que quelques habitués. Tavernes est une petite commune d’un bon millier d’habitants autrefois desservi par la ligne ferroviaire Central-Var et peut-être aussi par une route romaine : elle aurait été lieu d’accueil – du latin taberna boutique sur rue – dans l’antiquité. Trésor du terroir, Les noms de lieux de la France, Roger Brunet, CNRS Editions, 2016

Les photos de Yves Provence, Mes photos

Nous passons non loin de la tour de l’horloge monumentale et son campanile ajouré ; celui là témoigne du savoir-faire des maîtres ferronniers : regardez son embase et sa coupole ajourées ; cette dernière en forme d’hexagone se termine en pyramide, avec des ornements de fanions et de boules. De tels petits détails sont rarement présents sur les campaniles de Provence.
Il est écrit sur le panneau d’information affichée sur la tour que ce campanile reproduit le système solaire tel que le concevait Copernic… Or aux archives départementales du Var, section DD, je lis une toute autre histoire : cette cage en forme de pyramide était couverte d’un globe en cuivre représentant la couronne royale, ornée de fleurons et de fleurs de lys et surmonté d’une croix. On devait planter sur chaque pilier un bâton royal en fer […]. Aurait-on travesti la vérité après la révolution ? Il a fallu un horloger de Marseille, deux serruriers (Saint-Maximin et Tourves), et de généreux donateurs (la communauté de Tavernes, un fondeur aixois pour le cadran et un marseillais pour les boules) pour construire cette horloge mise en service en 1727.

Nous montons le chemin de croix de Notre-Dame, qui autrefois comptait 14 stations, 4 oratoires en pierre de taille représentant saint Antoine, saint André et sainte Catherine ; Daniel essaie de les compter et les photographier tous : croix de métal rouillée ou cassée qu’il reconstitue le temps d’une photo, sur socle de pierre restauré ou simple rocher.

Je n’ai vu que deux oratoires, plein de vieilles croix métalliques et en plus une croix de pierre, celle qui a peut-être donné son nom au quartier au début du XIXe ; à force de guetter toutes les stations, nous sommes arrivés presque en haut (606 m d’altitude). Un banc salutaire accueille les plus fatigués face à la croix représentant Marie auréolée de roses, tandis que d’autres profitent du point de vue et échangent leurs bons tuyaux ; comme l’application androïd peakLens qui affiche en réalité augmentée les sommets qui vous entourent (n’existe pas sur iPhone).

Qui saurait mettre un nom sur celui qui a un bec en l’air ? (photo ci-dessus à droite : je parie pour le mont Aurélien)

Nous attendons maintenant une personne de l’office du tourisme avec qui Yves a rendez-vous.

NOTRE BELLE VUE, PAPOUNET83

Impatientes, avec les copines, nous montons jusqu’à la chapelle Notre Dame de belle-Vue et de Consolation. C’est un Dominicain qui, en 1642, la fait construire. Le clocheton a été déposé sur un rocher et la cloche installée en haut : mais comment les bâtisseurs ont-ils fait ? sur la façade un crochet et une tige métalliques devaient retenir une corde permettant d’actionner la cloche ou d’y monter.

A la révolution les cloches des églises ont souvent été récupérées pour fabriquer des canons ou de la monnaie. Sept ou huit ont été emportées de Tavernes. Un tavernais coupa une grande quantité de fagots de menu bois dans la forêt qu’il disposa au-dessous du rocher supportant le clocher. Après avoir enlevé le battant de la cloche, il la fit rouler sur ce tapis et la cacha dans un tas de pierre. Quand la tourmente fut passée, on remit la cloche en place mais en 1871, elle fut brisée par la foudre causant des dégâts considérables sur le sanctuaire. D’après la notice historique de Tavernes, lecture en ligne sur Gallica

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Artigues, Mont-Major


Enveloppée d’une brume d’huile essentielle de thym à Linalol projetée toutes les minutes depuis le port USB de mon micro, j’écris, peu inspirée, en profitant de ses vertus désinfectantes (merci à Clodex, Majolir, Marie-Françoise et Vegalyre). Que puis-je raconter alors que nous n’avons pas trouvé la grotte de Roquerousse et que je n’ai pas rien identifié de l’oppidum ? Mais ce circuit reste l’occasion d’une balade nature avec de nombreux points de vue.

Une fois tout le monde rassemblé à Artigues, le parking est plein ; Artigues est un tout petit village de 240 habitants. ll est temps de trouver l’unique cache près de la fontaine entourée de bancs et d’arbustes taillés en forme d’arche : un endroit idéal l’été. L’église et sa façade toute plate, comme une pièce rapportée, semble bien grande pour un si petit village.

Artigues, tineochris

Photos de Yves, Photos de DanielMes photos
Nous redescendons d’une centaine de mètres de dénivelée par une route étroite en passant devant le lavoir. C’est donc qu’il faudra les remonter en fin de randonnée…
Je reconnais la taille en cordon de Royat de la vigne typique des Coteaux d’Aix ; Artigues fait partie avec Rians des communes du Var autorisées à produire cet AOC.

Nous traversons la route Rians-Esparron et plutôt que de marcher sur la chaussée, certains ont repéré l’ancienne voie de chemin en contre-bas ; nous sommes à 1km300 environ de l’ancienne halte de chemin de fer du Train des Pignes Central-Var. Il fallait plus d’une heure pour relier la gare de Meyrargues à celle d’Artigues là où nous avons mis 35 mn en voiture. Et quand le voyageur était déposé à la station le long de la route, il lui fallait encore remonter jusqu’au centre du village à pied !

Quand nous tournons à gauche vers la Modeste, Yves demande au groupe de se montrer discret pour ne pas gêner ses habitants. Sur le ruisseau de la Plaine, un ancien réservoir de pierre et une fontaine apportaient l’eau aux habitants. La Modeste est une belle maison de maître d’un seul tenant avec la partie habitation (le maître, le fermier et les ouvriers) et la partie activités agricoles (hangar, cochonniers, pigeonnier). D’après Maisons rurales et vie paysanne en Provence, J.-L. Massot, berger-Levrault, 1995

Par un sentier d’exploitation en contre-bas de la maison, nous rejoignons le petit Adret. C’est là que débute la longue montée vers le Mont-Major ; le groupe se disloque, les bavardages s’éteignent. Chemin caillouteux. A mi-distance une courte pause. Je me retourne sur la montagne d’Artigues qui me rappelle un pique-nique mémorable un jour de Nouvel-An, par grand mistral : Majo avait apporté du foie gras, des toasts et du chutney de figues. Oratoires et croix entre Esparron de Pallières et Artigues
Dans le bois de Montmajor, des champs de pierre et le substrat rocheux apparent surprennent dans une partie boisée. Majo repère entre les pierres les premiers et frêles crocus.
Quand nous apercevons au loin une cabane de pierre sèche, sans doute poste d’observation idéal pour les chasseurs, Yves nous invite à chercher la grotte de Rigabe appartenant à la famille Magne ; le groupe se disperse, circule en mode sanglier, avec peine, sous la végétation mais ne trouve rien ; Daniel et Yves élargissent le périmètre tandis que le groupe, sagement, attend le long du sentier. Les spéléos et l’IGN déjà, ne la placent pas au même endroit. Comme elle s’ouvre vers l’ouest et que nous arrivons par l’est, nous ne l’avons pas repérée ; pourtant certains randonneurs l’ont trouvée, aidés sans doute par quelque personne du coin. En arrivant par la Marquise, nous aurions probablement repéré son porche d’entrée un peu sous le plateau. D’après la vidéo qu’on trouve sur internet, on y circule debout assez facilement (on peut se passer des commentaires du vidéaste en coupant le son…)

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Vinon sur Verdon, les chemins de l’eau


Arrivés tôt sur la place du marché, pas de marché le samedi nous a assuré Daniel, nous attendons le groupe avec Yves Provence, sous les platanes plantés par la ville d’Arles ; sous ces arbres, autrefois les troupeaux transhumant venaient boire à la fontaine du Cours. Ebranlée par le bombardement de Vinon en août 1944, démolie juste après la guerre, elle est reconstruite, puis rénovée dans les années 1970/1980. Selon Eligune, les fontaines

Les photos de Vinon

En passant devant la boulangerie en bas de la grande rue, Daniel m’indique que c’était l’ancien moulin à farine mû par l’eau du Verdon ; autrefois il ne fonctionnait pas le samedi pour permettre l’arrosage. Il pouvait moudre une charge de farine en deux heures (120 kg).
Le campanile ou tour de l’horloge servait bien plus au XVIIIe que maintenant que tout le monde possède un téléphone portable.

La construction du clocher de Vinon […] débute en 1781 sous le consulat de Maximin Guis […]. En 1784 le Conseil de la commune commandite maître Pérard, horloger à Aix-en-Provence. […] Parallèlement, un bail au maître serrurier Jacques Fosse de la Verdière est établi le 14 août 1785 pour la construction du campanile.
Le 23 octobre 1785, Vinon achète une cloche d’occasion à l’église Saint-Zacharie de Marseille.

Dans le jardin d’une maison de la rue du puits, des boucs grimpent sur le muret et quémande quelque nourriture. Nous grimpons encore dans la montée de l’église qui passe devant l’imposante façade de Saint-Sauveur, ancienne église du château des Hospitaliers ; le presbytère à sa droite est si différent que l’on a du mal à y voir un ensemble architectural. C’est que l’église a été reconstruite au XIXe et plus récemment suite à un incendie.
De là haut, la vue sur la plaine, le Hameau, la forêt domaniale au nord de Vinon ; à gauche, la passerelle piétonne sur le Verdon, toute blanche, de 165 tonnes et 81 mètres de long, installée en novembre 2015 et qui constitue une alternative au pont sur le Verdon ; elle a coûté 1,5 M là où un vrai pont aurait coûté 10 fois plus. Les automobilistes auraient sans doute préféré un second vrai pont…

Dans le quartier de Vière, deuxième village après celui de la colline Saint-Pierre détruit, le panneau n°16 tente de nous faire imaginer la citadelle et le château des Hospitaliers grâce à quelques bouts de vieux murs restés après sa destruction programmée par le Parlement d’Aix en 1596.

Vinon sur Verdon, ZoZo78

Guerre de religion. Le parlement de Provence est scindé en deux : les ligueurs catholiques d’Aix, emmenés par le comte de Carcès, qui ne reconnaissent pas Henri de Navarre, et les royalistes avec la Valette qui installent leur QG à Riez. En 1591, La Valette voulant éviter que la ville d’Aix soit ravitaillée en blé par la Haute-Provence, fait fortifier le village de Vinon et barre les routes ; quelques années plus tard, le parlement d’Aix prend sa revanche en faisant détruire la forteresse de Vinon.

Autrefois premier bâtiment visible sur la route de Ginasservis, la Chapelle Saint-Nom de Jésus, entourée d’habitations, a bonne mine de l’extérieur ; elle ne sert plus qu’à l’occasion de la fête du saint nom de Jésus le 14 janvier. En 1789 le sieur Etienne Sias est tenu de payer 24 livres pour les tambourins et fifres qui sont venus pour la fête du Saint-Nom de Jésus.

La montée va commencer sur le chemin de Savéou, un chemin de galets typique de la zone Verdon-Durance ; à mi-chemin, un tronc d’arbre porte deux galets en forme de cœur. La première borne domaniale, la plus au nord, marque le début de la forêt de Vinon (nord et sud : 238 ha sur 4 cantons) représentée par un trait vert épais sur la carte IGN ; ces bornes vont se succéder autour des deux cantons, dont celui de l’Homme Mort où se pratiquent les activités cynégétiques et les sports nature ; j’apprends ce jour là que le dispositif homme mort est un système permettant le déclenchement automatique d’une alerte en cas d’absence de mouvements de la part d’une personne considérée comme « isolée ». Beaucoup de lieux portent ce nom ; il n’y a pas pu avoir un homme retrouvé mort à chaque fois. André suggère un orme mort, transcription mal comprise du géographe ?…
Une cabane de chasse est à peine masquée par deux arbres. De là haut, on mesure l’importance du projet ITER à Cadarache par les nombreuses grues et les imposants bâtiments.

ITER (de l’anglais : International Thermonuclear Experimental Reactor, signifiant en français : « réacteur thermonucléaire expérimental international ») est un projet de réacteur de recherche civil à fusion nucléaire […]. Le projet de recherche s’inscrit dans une démarche à long terme visant à l’industrialisation de la fusion nucléaire. Cette démarche prévoit de construire un second réacteur de recherche, DEMO, plus proche d’un réacteur de production, avant la phase industrielle. Le projet associe trente-cinq pays : ceux de l’Union européenne ainsi que l’Inde, le Japon, la Chine, la Russie, la Corée du Sud, les États-Unis et la Suisse.
[…] le budget du projet [est] passé de 5 à 19 milliards d’euros. D’après wikipedia, ITER

Descente dans les galets roulants. Je crois que je préfère la montée… Borne domaniale 37 puis en bas, après avoir suivi la route en file indienne, en plein virage, nous voilà obligés de traverser la route D554 : prudence ! Daniel est prêt à régler la circulation. En contre-bas, la vallée du ruisseau de Boutre et ses champs cultivés que nous longerons tout à l’heure. Au fond la ligne du Luberon.

Ça y est, nous sommes en bas, une seule maison : celle de Margin de l’autre côté du ruisseau. Un renard mort sur le bord du chemin. Enfin le pique-nique au soleil, sur le bord du chemin qui mène sur l’autre rive. A peine avons-nous terminé de déguster le rhum arrangé d’Yves que le temps fraîchit, le vent se lève annonciateur de la pluie promise par Météo France.

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