Un département français en Amazonie, c’est déjà dépaysant en soi ; une randonnée sur le sentier du Montabo, non loin de la côte, dans la capitale Cayenne, c’est une toute petite idée de la forêt amazonienne ! Il est aménagé en prévision du ruissellement des pluies fort abondantes.
Le départ, pour ma part, se situe sur le chemin Sadeki qui mène à la plage de Rémire-Monjoly, au panneau sur fond bleu du Conservatoire du littoral, conservatoire tout juste créé quand je suis arrivée en Guyane en 1978.
Forêt luxuriante sombre par endroits, des arbres très hauts, des lianes, des racines longues, une forêt bruyante avec des cris d’oiseaux dont certains stridents, du mouvement dans les arbres et au sol.
Comme ces fourmis manioc « coupeuses de feuilles », dites champignonnistes car elles prélèvent des portions de feuilles afin de cultiver un champignon sous terre qui nourrit la reine et les larves. Pour ne pas mourir intoxiquées par les rejets de CO2 issus de leur champignon, les fourmis maniocs ont mis en place un ingénieux système de cheminées pour ventiler leur fourmilière. Il était une fourmi, dessins Nathan Macario.
En haut de l’arbre, elles découpent un morceau de feuille, redescendent le long du tronc à la queue leu leu puis les déposent dans le nid après un périple le plus direct possible au sol. Comme elles sont totalement cachées sous leur feuille, de loin, ça donne l’impression que les morceaux de feuilles se déplacent par magie.
La reine assure la production de fourmis afin de perpétuer la population. Elle est de grande taille : environ 2,5 cm. Les soldates [leur] rôle est de protéger la colonie des attaques extérieures. Les ouvrières major repèrent les zones de récolte, prélèvent les végétaux et assurent leur transport jusqu’au nid. Les ouvrières média s’occupent de couper les fragments apportés par les majors en morceaux plus petits. Les ouvrières minor ou jardinières cultivent le champignon en découpant et en disposant les fragments de feuilles sur le champignon. fourmis manioc
Un point de vue donne accés à la côte rocheuse qui s’envase progressivement ; l’eau est d’une couleur brunâtre à laquelle on finit par s’habituer. Une mangrove va s’installer en quelques années.
Les mangroves sont des forêts localisées exclusivement le long du littoral et des estuaires, dans des eaux plus ou moins saumâtres. Elles sont soumises au flux et reflux des marées et sont inondées à chaque marée haute. On peut envisager la mangrove côtière comme une forêt qui se déplace. Cette particularité est due au fait qu’elle pousse sur des bancs de vase. Or, ceux-ci se déplacent d’Est en Ouest le long du rivage. La mangrove pousse en quelques mois lorsque le banc de vase arrive et se fixe. Quelques années plus tard, elle disparaît en quelques semaines, lorsque le banc de vase continue sa route, poussé par le courant équatorial, lui-même engendré par les vents alizés. Herbier de Guyane
En 1980, le jardin de la maison où j’habitais dans l’anse Chaton donnait sur la plage ; on s’y baignait, on pêchait même, à quelques mètres du bord ou perché sur le rocher. Aujourd’hui c’est une mangrove impénétrable et j’ai bien du mal à reconnaître les lieux.
Pas eu la chance de croiser un mouton paresseux dans les arbres ou un singe car le sentier est trop fréquenté en cette période de vacances. Mais l’atmosphère équatoriale se ressent bien : feuille couverte de poils noirs, plage envasée qui verdit, enchevêtrements de racines,…
Le sentier est bien amenagé comme la passerelle ci-contre, et doit sûrement necessiter beaucoup d’entretien tant les lieux changent vite à cause des conditions climatiques en particulier après la pluie qui ravine, emporte tout sur son passage et parfois détruit. Sans oublier les risques de chute par dérapage dans la boue.
Précipitations annuelles : 3350 mm à Cayenne, 585 millimètres par an à Aix-en-Provence…
Itinéraire en boucle de 5km comprenant une variante jusqu’à la plage, 47m dénivelée, 1h30 environ. Le sentier du Montabo seul – parking officiel au 141 chemin de Montabo, Cayenne face école Jean Macé – mesure 3km800 environ