Le sentier de l’aqueduc de Traconnade


Inauguré le 23 novembre 2024, ce sentier passe à côté de quelques vestiges du plus grand aqueduc romain du 1er siècle ayant apporté de l’eau à la ville romaine d’Aquae Sextiae : 30 km environ, en aérien, en souterrain ou en tunnel profond comme à Venelles sur 8 km. L’aqueduc a servi jusqu’à la fin du IIIe siècle environ.

Ces vestiges se situent sur la commune de Meyrargues mais il en existe sur Jouques, Peyrolles, Venelles comme par exemple le puits des Michelons à Venelles, regard d’entretien du canal souterrain d’une profondeur de 80 m à donner le vertige ; il n’y a presque aucun vestige sur Aix.

L’aqueduc romain d’Aix-en-Provence / Traconnade, Bernard Fino  Marc Fuhry, Revue archéologique de Narbonnaise, année 2020, 53, pp. 101-146

Dans l’article de La Marseillaise du 22 juillet 2008, Alain Balalas – érudit peyrollais qui a cherché la Traconnade pendant des années -, attirait notre attention sur ce patrimoine ; dans un autre de mai 2013, il réitérait la nécessité de sauver le peu qu’il restait de ce patrimoine romain. Grâce à la commune de Meyrargues, c’est chose faite sur son territoire qui compte le seul vestige classé Monument historique.

Parties du parking place de la résistance d’où partent toutes les randonnées balisées, nous allons par les petites ruelles pentues rejoindre le sentier qui passe sous le château de Meyrargues.

Comme autrefois, on peut rejoindre la chapelle Mère-de-Dieu en passant par le parc et l’allée centrale du château. Edifice imposant du Moyen-âge restauré au XVIIe par la famille d’Albertas, il s’apprécie aussi loin, depuis la colline Saint-Claude et conserve son allure de forteresse.

La propriété s’ouvre sur un magnifique domaine verdoyant de six hectares dans lequel poussent un chêne bicentenaire, des érables de Montpellier, des arbousiers, des épicéas et une sapinière qui abrite des sujets devenus magnifiques et précieux. Bulletin municipal n°36. Avec Anne, nous l’avons cherchée en vain, à l’aide de jumelles, derrière le mur de propriété du château. Car, ce n’est pas banal une sapinière en Méditerranée

Le château [1995], autrefois un hôtel-restaurant de renom, a été vendu en automne 2016 à un investisseur privé pouvant assurer sa réhabilitation dans le respect des directives imposées par la Conservation régionale des monuments historiques (CRMH) […].
Pour alimenter l’ensemble des 26 appartements du château, Enedis a
dû amener une ligne haute tension (HTA) jusqu’à un nouveau transformateur.

Bulletin municipal 36 (2018) et 40 (2019)

La manière d’arriver aux arcades du pont romain du Pas-de-l’Etroit est inattendue : il faut traverser le champ en longeant le cimetière ; en prenant le sentier côté gauche, les restes de la culée du pont sont visibles puis les deux arches intactes consolidées en 2010 suite à un dévers visible depuis les années 30.

Le pont avait 70 m de long [ndlr : il franchit le vallon du Pas-de-l’Etroit] et sa hauteur par rapport au niveau actuel du sol était d’environ 15 m mais le sol antique était encore plus bas car des fouilles entreprises en 1995 jusqu’à 5 m de profondeur n’ont pas permis de trouver ses fondations. B. Fino, M. Fuhry

Marc F. a reconstitué ce que devait être le pont à l’époque romaine : il est sur le panneau d’information sur place.

Le sentier continue de l’autre côté de la route par quelques marches de bois et repéré par un potelet directionnel (puisse-t-il rester en place…) ; on y retrouve des traces d’ancrage et plus haut le piédroit sud du canal. Pas facile à trouver la suite : redescendre immédiatement dans l’espace ouvert qui fut un parking et repérer le sentier dans une trouée d’arbres en face, qui s’incurve vers la droite en surplombant sur quelques mètres la Montée du château.

Plus aucune trace de l’aqueduc qui est souterrain ; le sentier grimpe maintenant jusqu’à l’ancienne chapelle du château, du temps où le village était regroupé autour de celui-ci. Désormais c’est une charmante chapelle rurale Mère-de-Dieu précédée d’un auvent où l’on peut s’asseoir et se reposer.

En face, le sentier de terre continue, sinue dans la garrigue en dominant les maisons du village ; un passage raide et glissant doit être franchi puis on entre dans une zone boisée ; cette partie a été entièrement défrichée pour aménager le sentier. Ne manquez pas la vue sur le château et les toits du village.

Sur le côté droit, le piédroit du canal apparait avec son parement qui affleure. Puis vous verrez une coupe du canal avec sa voûte de claveaux, ses deux piédroits et leur parement interne ; il y a quelques années encore, on pouvait y pénétrer sur quelques mètres ; une partie de cet aqueduc a servi de cache d’armes durant la seconde guerre mondiale ; la hauteur est moindre car remblayé de terre depuis longtemps.

Au niveau d’une descente herbeuse qui rejoint l’avenue de la République, se trouve un regard d’entretien du canal ; ordinairement espacés d’environ 72 m selon les principes de Vitruve, les regards permettent de nettoyer le canal, et l’entretenir. Ils étaient couverts par une dalle rarement encore en place. Sur la photo ci-contre, à droite, un autre regard d’entretien de la Traconnade, plus lisible que celui du sentier.

Archéologie de l’aqueduc de Traconnade d’après ses vestiges, dans ce blog

Le sentier zigzague à altitude à peu près constante ; deux graffitis gravés dans du mortier frais sur l’empreinte de coffrage de la voûte sont représentés sur un panneau explicatif (ils ne sont plus visibles) ; autant vilianus est un surnom rare, autant aprilis est courant en narbonnaise (photo M. Fuhry) ; ces graffitis permettent probablement d’identifier l’équipe responsable de l’exécution de ce tronçon.

Nous poursuivons jusqu’à Réclavier, quartier connu pour son ancienne halte ferroviaire (il y a eu 4 gares à Meyrargues en comptant cette halte !) et ses carrières ; à l’emplacement de celles-ci, des travaux de terrassement ont été engagés pour la réalisation d’une résidence nommée Les Roches Rouges.

Variante en aller-retour 400 m : prendre le chemin de Réclavier jusqu’à la voie ferrée pour découvrir l’ancienne halte ferroviaire sur la ligne Marseille-Gap et un réservoir d’eau du temps des trains à vapeur (photo 2018). Peu avant la Libération le 20/08/1944, un canon gardait chaque issue du tunnel de Réclavier. Montage vidéo : le combat américain du 20/08/1944 (1944 vers Peyrolles).

Pour traverser le Grand Vallat, les romains avaient le choix entre un petit pont et un détour de 1.5 km, ou un grand pont ; ils ont choisi la seconde solution : 145 m de long, probablement deux niveaux d’arches ; en amont, un pan de mur et un bloc de maçonnerie.

La descente sur le boulevard de la République est un peu périlleuse ; après avoir traversé le pont moderne, côté aval, de l’autre côté de la rivière, la culée aval et un pilier du pont sont encore visibles et bien usés.

Si on se retourne vers la rivière, sous le pont moderne, on peut voir un mur épais qui pourrait être le soubassement de l’aqueduc de Réclavier. Si vous parcourez la variante Boucle du plateau de la Plaine, vous serez pratiquement au niveau du canal où circulait l’eau.

Variante en boucle de 2.5 km environ : au bout du chemin de la Plaine piétonnier, au carrefour avec la rue Simone Garcin, un autre balisage bleu à gauche monte sur le plateau de la Plaine que vous pouvez parcourir en boucle ; l’ancienne colonie de la ville de Marseille qui s’y était installée au début du XXe siècle a été occupée par les Allemands durant la seconde guerre mondiale.

Le sentier de l’aqueduc rejoint le parking en traversant le Grand Vallat, en le longeant par la gauche et le passant à gué .

Image de l’itinéraire 3.4 km, 49m (+110, -110), 1h10. Autres variantes possibles : voir les circuits balisés figurant sur le panneau du parking.

Télécharger la trace

Le pont-aqueduc romain du Tholonet


[Visite du 23 octobre 2024] Désormais balisée rouge du chemin de la Paroisse au pont-aqueduc romain, la randonnée est ici parcourue en sens inverse de celui de 2021, avec des difficultés ressenties différemment, une incursion vers la Petite Mer et un retour par le raccourci de Doudon.

Nous passons devant le parc du château et ses 160 platanes centenaires. Puis c’est la montée rocheuse qui, sur la gauche, abrite encore quelques morceaux de l’aqueduc romain. Sacré contraste avec la descente piégeuse et glissante en sous-bois humide, vers la rivière. Le laurier-tin intéresse Anne.

Nous longeons le canal de dérivation côté rive droite de la rivière jusqu’aux martelières. Au delà, rejoindre le vieux barrage de la Petite Mer serait risqué sans être accompagné.

Voir la vidéo : En route vers la Petite Mer avec Bernard S. (SCP) et France 3

Construit au cours du XIXe siècle, il [ce seuil] permet encore aujourd’hui d’alimenter en eau les douves du château par un canal qui a sa prise au niveau de ce seuil. Les martelières permettent de détourner l’eau vers un canal ; une fois les vannes fermées, il peut aussi servir de réservoir. L’ancien canal construit à l’époque des Jarente (XVe siècle) n’étant pas assez haut pour alimenter la roue à aube de la marbrerie, c’est Alexandre Galliffet, passionné d’hydraulique, qui entreprit ce nouvel aménagement comprenant le seuil équipé de huit vannes martelières et un long canal qui traverse l’aqueduc romain. N°41–mars 2018–Lettre d’information Patrimoines en Paca –DRAC / MET9

Après le passage de la rivière sur trois grosses pierres bien placées, remonter par la piste vers le nouvel aqueduc de Doudon nous semblera bien long et avec peu d’intérêt. Les plus jeunes pourront grimper en haut de la pile du pont pour voir l’eau circuler.

Descente rocheuse désagréable vers le Tholonet. Au total le parcours ne fait pas plus de 5km et moins de 2h de déplacement : 4km400, 1h35 déplacement seul (2h20 au total), 123m dénivelée (+243, -243) ; le reste du temps, ce seront les photos et les échanges. Télécharger la trace

Continuer la lecture de Le pont-aqueduc romain du Tholonet

L’aqueduc de Roquefavour après sa restauration


Partie de la plaine du cimetière à Ventabren, lieu de départ de nombreuses randonnées, j’ai décidé de dominer le majestueux aqueduc de Roquefavour qui alimente Marseille en eau, après 44 mois de travaux. Petite randonnée pour tester ma forme physique après plus d’un mois d’un virus épuisant.

Le premier parking se remplit ; les promeneurs de chiens sont déjà partis ; je rejoins la route D64 par une piste caillouteuse en descente, parmi les chardons et les cistes froissés ; après 250m de marche sur route sans trottoir, je tourne à gauche vers le parking du Rigouès, orthographié autrefois rigoès1.

Coquelicots et chardons mettent de bonne humeur ; la montée est régulière, sans difficulté ; il suffit de choisir la piste DFCI la plus directe si l’on est pressé. Juste avant d’atteindre l’oppidum de Roquefavour, je repère deux tiges de chèvrefeuille des Baléares reconnaissable à ses fleurs bicolores crème et rosé.

Improprement et encore aujourd’hui sur la carte IGN appelé Baou de Mario, il n’a pourtant rien à voir avec les romains : c’est un site celto-ligure datant du IIIe s. avant J.C.). L’accès principal se repère bien grâce aux vestiges de rempart (mur de 2.5 m à 3 m d’épaisseur) de chaque côté de la piste qui traverse l’oppidum de 5 ha ; les fouilles de J.-P. Musso entre 1975 et 1983 nous en apprennent plus. Musso Jean-Pierre. L’oppidum de Roquefavour à Ventabren (B.-du-Rh.) (recherches 1975-1983). In: Documents d’Archéologie Méridionale, vol. 8, 1985. pp. 67-86

L’oppidum de 5 ha est clos sur deux côtés par les falaises rocheuses au sud et à l’est, et sur les deux autres par des remparts et un fossé sec creusé dans le calcaire.
Une case isolée se trouve au sommet près de l’escarpement rocheux avec vue sur la vallée de l’Arc ; un foyer, une banquette, un édicule circulaire et peut-être l’emplacement d’une tour de guet.
Pas de trace de péripéties militaires ; les habitants sont partis de leur plein gré.

Après être passée devant les habitations d’une pièce (case) ou plusieurs (maison), je continue jusqu’à l’aqueduc de pierres haut de 83 m et long de 375 m ; la blancheur retrouvée des pierres, la même blancheur de la couverture du canal, le rendent encore plus spectaculaire. Et dire qu’on aurait pu ne jamais le voir si le projet concurrent avait été adopté au XIXe : celui de Bazin/Matheron (1832) proposait de percer un tunnel sous Venelles en suivant à peu près l’aqueduc romain de Traconnade ; mais c’est celui de Montricher (1836) qui a gagné.

L’aqueduc de Roquefavour, qui a résisté au tremblement de terre de 1909, vient d’etre restauré sur 44 mois ; les échafaudages étaient presque aussi hauts que ceux de Notre-Dame de Paris !

La SNCF signale en 2008 des pierres qui tombent sur la voie ; des opérations de purge avaient alors eu lieu. Les 160 000 pierres de taille ont été sondées au maillet et 2970 ont été changées. La Marseillaise, 18 mai 2024.
Le tablier supérieur ouvert à l’origine, busé dans les années 1970 a été étanchéifié avec une géomembrane et des dallettes en béton. Aujourd’hui François Botton, l’architecte du patrimoine, a préféré un béton fibré ultra-hautes performances (BFUP) : 470 dalles de 270 kg et 3 cm d’épaisseur servent à la fois de lest pour la géomembrane de protection et d’espace de circulation pour les engins lors des visites d’entretien. Et pour que les dalles s’apparentent en tous points aux blocs de calcaire, des essais de couleur ont été réalisées puis installées par un portique roulant : voir les photos dans Restauration de l’aqueduc de Roquefavour Infociments

Vidéo BFM TV

Continuer la lecture de L’aqueduc de Roquefavour après sa restauration