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L’aqueduc de Roquefavour après sa restauration


Partie de la plaine du cimetière à Ventabren, lieu de départ de nombreuses randonnées, j’ai décidé de dominer le majestueux aqueduc de Roquefavour qui alimente Marseille en eau, après 44 mois de travaux. Petite randonnée pour tester ma forme physique après plus d’un mois d’un virus épuisant.

Le premier parking se remplit ; les promeneurs de chiens sont déjà partis ; je rejoins la route D64 par une piste caillouteuse en descente, parmi les chardons et les cistes froissés ; après 250m de marche sur route sans trottoir, je tourne à gauche vers le parking du Rigouès, orthographié autrefois rigoès1.

Coquelicots et chardons mettent de bonne humeur ; la montée est régulière, sans difficulté ; il suffit de choisir la piste DFCI la plus directe si l’on est pressé. Juste avant d’atteindre l’oppidum de Roquefavour, je repère deux tiges de chèvrefeuille des Baléares reconnaissable à ses fleurs bicolores crème et rosé.

Improprement et encore aujourd’hui sur la carte IGN appelé Baou de Mario, il n’a pourtant rien à voir avec les romains : c’est un site celto-ligure datant du IIIe s. avant J.C.). L’accès principal se repère bien grâce aux vestiges de rempart (mur de 2.5 m à 3 m d’épaisseur) de chaque côté de la piste qui traverse l’oppidum de 5 ha ; les fouilles de J.-P. Musso entre 1975 et 1983 nous en apprennent plus. Musso Jean-Pierre. L’oppidum de Roquefavour à Ventabren (B.-du-Rh.) (recherches 1975-1983). In: Documents d’Archéologie Méridionale, vol. 8, 1985. pp. 67-86

L’oppidum de 5 ha est clos sur deux côtés par les falaises rocheuses au sud et à l’est, et sur les deux autres par des remparts et un fossé sec creusé dans le calcaire.
Une case isolée se trouve au sommet près de l’escarpement rocheux avec vue sur la vallée de l’Arc ; un foyer, une banquette, un édicule circulaire et peut-être l’emplacement d’une tour de guet.
Pas de trace de péripéties militaires ; les habitants sont partis de leur plein gré.

Après être passée devant les habitations d’une pièce (case) ou plusieurs (maison), je continue jusqu’à l’aqueduc de pierres haut de 83 m et long de 375 m ; la blancheur retrouvée des pierres, la même blancheur de la couverture du canal, le rendent encore plus spectaculaire. Et dire qu’on aurait pu ne jamais le voir si le projet concurrent avait été adopté au XIXe : celui de Bazin/Matheron (1832) proposait de percer un tunnel sous Venelles en suivant à peu près l’aqueduc romain de Traconnade ; mais c’est celui de Montricher (1836) qui a gagné.

L’aqueduc de Roquefavour, qui a résisté au tremblement de terre de 1909, vient d’etre restauré sur 44 mois ; les échafaudages étaient presque aussi hauts que ceux de Notre-Dame de Paris !

La SNCF signale en 2008 des pierres qui tombent sur la voie ; des opérations de purge avaient alors eu lieu. Les 160 000 pierres de taille ont été sondées au maillet et 2970 ont été changées. La Marseillaise, 18 mai 2024.
Le tablier supérieur ouvert à l’origine, busé dans les années 1970 a été étanchéifié avec une géomembrane et des dallettes en béton. Aujourd’hui François Botton, l’architecte du patrimoine, a préféré un béton fibré ultra-hautes performances (BFUP) : 470 dalles de 270 kg et 3 cm d’épaisseur servent à la fois de lest pour la géomembrane de protection et d’espace de circulation pour les engins lors des visites d’entretien. Et pour que les dalles s’apparentent en tous points aux blocs de calcaire, des essais de couleur ont été réalisées puis installées par un portique roulant : voir les photos dans Restauration de l’aqueduc de Roquefavour Infociments

Vidéo BFM TV

Il fallait aussi penser à l’environnement animal qui vit près ou dans l’aqueduc, en particulier les chauve-souris.

Du fait de l’artificialisation constante des milieux naturels, les chauve-souris ont de moins en moins d’habitat naturel […] alors elles se réfugient dans de vieux ouvrages en pierre. Pour prévenir l’emmurage d’individus lors des travaux, un écologue a vérifié les trous avec un endoscope ; 30 nichoirs ont été installés à l’issue des travaux.

Effet de perspective, j’ai l’impression que de là haut que l’aqueduc n’est pas vertical. Sainte-Victoire ne montre que son sommet. La ligne TGV Méditerranée sur les 308m du viaduc de l’Arc barre le paysage.

Je longe les barrières de bois qui permettent d’avoir plusieurs points de vue sur l’aqueduc ; finalement au retour, je décide de suivre l’étroit sentier qui sinue au bord de la falaise ; trop proche du vide, je remonte d’une strate pour limiter les risques. Si vous suivez ma trace le long de la barre rocheuse, vous passerez très près de la maison isolée au sommet de l’oppidum.

Ce sentier rejoint bientôt le canal traversé par un joli pont d’époque. Plutôt que la piste DFCI (préfixé par les lettres AR pour ARbois), je préfère un sentier plus ombragé qui rejoint le chemin de l’aqueduc puis le parking du Rigouès.

Quand je retrouve la route, deux randonneurs descendent de la plaine du cimetière par un sentier dégradé et caillouteux différent de celui de l’aller (je n’aime pas emprunter deux fois le même itinéraire…). Chaque chardon accueille son bourdon. Les bourdons font leur nid dans des galeries souterraines et seule la reine survit à l’hiver.

Une fois remontée sur le plateau, je passe devant une lavogne, action pour la biodiversité ; je fais un petit détour par la table d’orientation mais le ciel est si voilé que je n’identifie pas les montagnes, même avec l’aide de la plaque émaillée.

Image de l’itinéraire 6km700, 2h10 déplacement (2h30), 81m dénivelé (cumulé 204m)

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1 d’après le toponymiste Ch. Rostaing, ce toponyme tirerait son origine du gaulois Rigomagus (=la maison du roi)

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