Dans les pas d’Hendrick Sturm sur le plateau de l’Arbois


J’ai hésité à publier cet hommage à Hendrik Sturm, artiste marcheur à l’origine du GR2013 interurbain, qui vivait à Marseille depuis 1994. Etait-ce un parcours intéressant pour les lecteurs de randomania ? Pour ceux qui ne connaissent pas le plateau, assurément, car il révèle la réalité d’un paysage inter-urbain qui n’est pas toujours naturel, loin de là…
Alors que, inquiètes, Anne et moi cherchions à le contacter depuis des mois, nous avons appris par le journal d’investigation Marsactu qu’il était décédé le 15 août dernier. Le rencontrer à nouveau au travers de cette marche organisée par le bureau des guides du GR2013, était une évidence.

Pause commentée (par nos guides). Nous sommes une bonne cinquantaine au rendez-vous, nous réchauffant par un café sur l’esplanade de la gare encore sous les brumes grises du matin ; nous y retrouvons Gérard, et sa femme Marité qui est l’auteur de presque toutes les photos ; merci à elle. Morceaux choisis, pas forcément issus des discours de nos guides parfois longs ou trop conceptuels lorsqu’on attend dans le froid…

Originaire de Düsseldorf, après avoir mené de front une formation aux Beaux-Arts et une thèse en neurobiologie (thèse sur les signaux bioélectriques liés à la contraction du poignet chez l’homme), Hendrik Sturm enseignait à l’école des Beaux-Arts de Toulon.

Je ne marche pas comme le fou voyageur, je ne recherche pas l’épuisement, même si ça peut arriver. […] Dans mon cas, la marche est aussi une méthode d’étude. Je la pratique moins comme pratique spirituelle que comme outil de découverte, méthodologie d’enquête – lecture de traces. Hendrick Sturm

Bureau des guides du GR2013

Il a beaucoup cherché et trouvé de nombreuses traces, dont celle du camp de transit des forces américaines, la Delta Staging Area, installé à Calas, Saint-Victoret et Aix entre fin 1944 et début 1946. Nous allons en repérer quelques unes.

En partant de la gare TGV, nous avons commencé par le côté sombre de l’Arbois : les lieux de rencontres cachées, les déchets un peu partout.

Pause commentée. Arrêt chez Télédiffusion De France, opérateur d’infrastructure du secteur numérique et audiovisuel ; c’est dernière la grille, les barbelés, la vidéosurveillance d’aujourd’hui, que les pylônes des principaux émetteurs de radiodiffusion en modulation d’amplitude, sur les ondes moyennes, ont été installés avant la seconde guerre mondiale ; le gouvernement français décide, fin 1941, d’y ajouter deux centres ondes courtes en zone libre au Réal-Tort (textuellement ruisseau tordu), dont les travaux débutent l’année suivante.

Avant la ligne TGV, dans un champ de toiles d’araignée, l’une d’elle attire mon attention ; accrochée à la végétation avec une forme bizarre, un peu comme la coque d’un bateau surmontée d’une voile ; j’ai l’impression d’une araignée rare car c’est la première fois que je vois une toile de cette forme. Qui saurait me renseigner ?

Nous passons au-dessus de la ligne TGV, direction la Bastide Neuve, une vaste propriété agricole, qu’Anne connait bien : elle a échangé avec Hendrick ses documents de recherche. Pause commentée. Elle nous présente la maison à deux étages (construite avant 1668), le puits, le four, la grande bergerie pouvant accueillir plus de 500 moutons, les nombreux propriétaires en indivision qui finissent par vendre. Elle nous montre le tableau au fusain qui prouve qu’au début du XXe siècle, elle était toujours debout mais… le camp américain n’est pas loin.

En une journée, ils [les soldats américains] ont dévoré tout le raisin de nos vignes. […] Pour se chauffer, ils ont pris les poutres de la grande bergerie puis de la maison. C’est ainsi que les bâtiments se sont écroulés.

Chronique d’une bastide (auteur : bricor)

De là nous coupons la route de Tokyo qui traverse le camp américain du nord au sud sous une ligne à haute tension qui avait été prolongée pour les besoins du camp. On peut encore voir des dalles de béton, dont certaines supports des tentes des GI’s. Pause. L’équipe du bureau des Guides a extirpé d’un sac quelques reliques américaines : bouteilles, plaque d’identification (dog-tag). Puis le GR2013 utilise quelques raidillons avant de passer au pied du centre d’enfouissement des déchets de la ville, déchets qui parfois, s’échappant avec le vent, constellent le paysage.

Nous arrivons au niveau d’un vallon sans nom mais facilement reconnaissable à partir des photos d’époque ; il s’agit d’un théâtre en plein air, probablement le Leslie J. McNair Memorial Theatre, plus de 10000 places, des gradins de bois installés de chaque côté ; des ingénieurs du son avaient sélectionné ce vallon pour sa qualité accoustique. Un chien de chasse nous a précédés ; au loin, des chasseurs observent la longue file de randonneurs descendant avec précaution dans le vallon. Plus question de chasser pour l’instant…

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Les cascades de Puy-Saint-Vincent


Deuxième jour : matinée avec les abeilles à la Maison du Miel à Puy Saint-Vincent. Juliana nous reçoit, déjà bien occupée dans la boutique. Comme j’ai parrainé une de ses ruches, j’ai droit à une visite du rucher tout proche en tenue de protection blanche, chaussettes au-dessus du pantalon car les abeilles adorent les chevilles ! C’est Jérémy qui explique avec des mots simples ;  il a enfumé les abeilles (selon les études, la fumée trompe et cache l’odeur des gardiennes qui se tiennent aux portes de la ruche) ; personne n’est effrayé d’être parmi elles : elles sont plutôt calmes ; au retour des ruches, il extrait en direct le miel et nous le fait goûter.
Juliana doit détenir un secret de fabrication car je n’ai jamais dégusté autant de miel que depuis que je connais celui de lavande (avec un yaourt au lait de chèvre ou sur une tartine beurrée). Ici pas d’importation des pays de l’est, pas de mélange de divers pays de l’U.E., du bio alpin. Elle le brasse longuement, il n’a donc pas la couleur habituelle du miel de lavande : je le trouve très fin au goût.
Le petit musée pédagogique à côté de la boutique est bien illustré et plait beaucoup : on y apprend qu’une abeille exerce plusieurs métiers au cours de sa vie et qu’elle fabrique plusieurs produits : nectar, propolis, cire, gelée royale.
Une ruche : 1 reine, 40 000 ouvrières, 3 000 mâles. Quelle famille !

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Après le repas en commun avec les apiculteurs et les parrains, sur les conseils de Juliana, nous décidons d’aller voir la cascade de Narreyroux : une étoile sur la carte IGN, au sud-ouest de Puy-Saint-Vincent ; pour s’épargner le trajet à pied jusqu’au hameau de Narreyroux, il nous faut donc emprunter une route étroite et sinueuse qualifiée de ‘brise-essieux sur 4km’, c’est tout dire : c’est là qu’on voit ceux qui savent conduire. Nous avons changé le programme du jour : il va donc falloir guetter les panneaux directionnels.

Nous stationnons le long de la route (1770 m d’altitude) qui se termine bientôt en cul de sac. Au  pont de Narreyroux, je consulte le panneau : pas d’indication de cascade. Nous continuons le sentier bien tracé en longeant le torrent fougueux et bruyant à notre gauche. Les prés sont d’un vert intense, les sapins hauts et nombreux. Quelques taches de couleur – les œillets roses, les marguerites blanches – dans les prés fleuris de jaune : voilà le décor de carte postale pour une photo de Majo assise sur un rocher.

Une mélitée aux ailes en damier déploie ses ailes tranquillement sur les rhinantes à fleurs jaunes (anthères poilues en forme de rein, extrémité de la corolle violacée visible au zoom sur certaines photos). Derrière Majo une première cascade semble sautiller de strate en strate. Une deuxième cascade sur la droite tombe d’encore plus haut.
La troisième que l’on ne verra que plus tard, descend en crabe le toboggan de pierres décrit Majo. Ce sont les Pissettes du ruisseau des Lauses, alimentées par plusieurs sources situées entre 2500 et 2800 m d’altitude. La cascade descend sans doute sur plusieurs centaines de mètres et alimente le torrent si bruyant que parfois on ne s’entend pas.

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Carcès, les chutes du Caramy


Une route en rive droite, une piste en rive gauche : c’est cette dernière qu’emprunte le classique chemin de randonnée publié dans le topoguide Le Var à pied qui ne passe plus dans la zone résidentielle ‘le village du lac’ ; à chaque extrémité, un pont franchit la queue de retenue. Elizabeth et moi partons du centre du village ; Carcès me rappelle le récit de cruauté des guerres de religion.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Le comte de Carcès, Jean de Pontevès, à la tête des catholiques combattait les Razats du maréchal de Retz qui s’appuyaient sur les seigneurs d’Oppède, d’Oraison et le baron d’Allemagne. Les deux camps ravagèrent la Provence, brûlant, violant et perpétrant d’autres cruautés. Une partie de la Provence prit les armes et, en peu de jours, soixante-six ‘carcistes’ périrent devant Cuers, quatre cents furent sabrés à Cabasse et autant trouvèrent la mort devant Lorgues. Toute la garnison du château de Trans fut passée au fil de l’épée et Carcès ne dut son salut qu’à l’arrivée, en Provence, de Catherine de Médicis.

Nous nous sommes garées en face de la maison de retraite ; entre le 29 et le 31 de rue Florentin Giraud, il y a une ruelle qui passe derrière la maison de retraite et longe un petit canal le long des jardins des propriétés privées. Quand nous retrouvons la route, c’est pour découvrir la chapelle Saint-Jaume du XIe siècle (Jacques) dont il ne reste que les murs massifs ; le chemin de Saint-Jacques de Compostelle GR653A y passe bien sûr.

La chapelle saint Jaume, Leloulou et Tem77

La seconde chapelle – Notre Dame de Carami – était entourée d’un cimetière pour les habitants ; pendant la révolution, douze familles l’achètent pour la préserver de la profonation. Elle appartient aujourd’hui à la commune. Quelques photos

Chapelle Notre Dame du Carami, Papounet83

Nous descendons maintenant la route qui mène aux bords du lac, en passant devant un mur exposé au soleil : il s’agit d’un apié (XVIIe) – mur à abeilles en pierre sèche dans lequel des niches étaient destinées à recevoir des ruches.

Une flèche orange rustique au sol, indique la direction des chutes du Caramy. Plus on s’enfonce dans les bois et plus on capte le bruit de l’eau ; le sentier s’éloigne, se rapproche de l’eau jusqu’au chutes du Caramy qui dégringole en plusieurs cascades bien difficiles à photographier derrière les arbres. Nous longeons toujours le canal jusqu’à une martelière derrière laquelle quelques pêcheurs sont installés sur les bords du Caramy. Nous en verrons peu au bord du lac, surtout en cette saison. Que pêche-t-on dans le lac Sainte-Suzanne, seule activité autorisée ?

[2008] L’absence de juvéniles [perches] de 1 et 2 étés laisse présager comme pour le gardon des problèmes de survie […] en lien notamment avec les niveaux d’eau de la retenue.
En ce qui concerne le sandre, […], aucun alevin de l’année n’a été capturé et la population est dominée par les individus âgés de plus de 2 étés. Au vu des résultats de l’échantillonnage, le peuplement piscicole de la retenue de Carcès témoigne du mauvais état général du plan d’eau. Le peuplement est déséquilibré et nettement dominé par la brème bordelière, le poisson-chat et le gardon dans une moindre mesure. Suivi des plans d’eau des bassins RhôneMéditerranée et Corse en application de la Directive Cadre sur l’Eau : lac de Carcès

En vue du barrage de Carcès destiné à alimenter en eau la ville de Toulon, je repère les vannes clapets (26,5 m de longueur chacune) avec d’énormes vérins hydrauliques (merci Zabeth d’avoir trouvé le nom !) destinées à l’évacuation des crues. Derrière, une autre vanne permet de vider complètement le barrage.

Le barrage du lac, Papounet83

Le barrage de Carcès est un ouvrage rectiligne en terre, de 14 mètres de hauteur pour 160 mètres de longueur en crête, construit en 1933-1934 […] dès la construction (1933-1934), apparition de tassements du remblai ayant nécessité de modifier le profil amont du barrage ; […] Crue du 25 mars 1956 : 320 m3/s, la plus forte connue depuis 1907 […]. Erosion de la berge rive droite, au débouché de l’évacuateur, conduisant à renforcer les gabions de protection et à réaliser un épi en béton ; […] ; Mai 1993 : visite d’inspection des vannes-toit de l’évacuateur. Constat d’une importante corrosion des structures métalliques ; de juillet 1995 à octobre 1995 : travaux de renforcement définitif de la galerie de vidange de fond. Barrage de Carcès sur le Caramy, CEMAGREF

Des algues filamenteuses blanchâtres prolifèrent sur les berges entraînant l’eutrophisation de l’eau – son appauvrissement en oxygène – et donc la mort des espèces. Elles ne sont pas dangereuses pour l’homme et d’ailleurs ne sentent pas mauvais. Diagnostic de plan d’eau : Comprendre l’apparition des proliférations algales – Application au lac de Carces (83), Dufrèneix S., Dechesne M., Rapport d’étude VERI, 59p., 2010. En été, le marnage1 est important.
Un autre risque c’est la jussied’origine sud américaine – aux belles fleurs jaunes, qui n’altère pas la qualité de l’eau, mais déséquilibre l’écosystème. A Carcès comme dans les Landes, la Vendée, le Poitou… on a opté pour un arrachage manuel, le seul vraiment efficace. Les plans arrachés sont incinérés. Nettoyage du lac de Carcès, FR3-Régions : la jussie qui prolifère dans le lac de Carcès

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