L’ubac du Grand Cabriès


Qui connait l’ubac du Grand Cabriès du côté du Tholonet ? A partir du parking du Toscan, tout le monde se dirige habituellement vers la Sainte-Victoire mais personne ne se retourne vers cette colline au sud qui se nomme le Grand Cabriès. Ayant un rendez-vous à midi, ce matin tôt je me prépare donc une petite boucle pour le découvrir ; elle part du Tholonet, passe à Beaurecueil en empruntant un petit bout du GR 2013.
Un véhicule passe sur le parking du Toscan où je suis seule à me garer ; il repasse une minute plus tard, quitte à nouveau le secteur et revient ; m’inquiétant de son manège sur un parking connu pour les vols dans les voitures, je le surveille un certain temps avant de me mettre en route.

le canal de ProvencePiste forestière Grand CabrièsJe suis surprise de découvrir un siphon, et un canal qui zigzague parallèlement au sentier sans être signalé sur la carte ; il vient du barrage de Bimont, passe par l’aqueduc de Doudon puis se dirige vers Marseille ; les oiseaux bruyants s’envolent à mon approche, pas de chasseur.

La piste monte jusqu’à un modeste sommet, laissant parfois entrevoir entre les arbres un petit bout de la Sainte-Victoire. Aperçu de la croix entre deux arbres de l'ubac du grand CabrièsLa cheminée de l'usine de GardanneRien de spectaculaire ; une pinède qui ressemble à celle d’en face avec une piste parfois ravinée par les pluies. Je rejoins la route bordée de nombreuses et belles propriétés privées d’où la cheminée de Gardanne émerge fièrement.

Vignes et montagne Sainte-VictoireoratoireAprès la Bouscatière, c’est la voie aurélienne, une longue route fréquentée surtout par les riverains, qui se maintient à une altitude de 210m environ, passe devant des haras à droite : à partir de là, c’est le GR 2013 balisé rouge-jaune ; un GR 2013oratoire à gauche, la rivière de Bayeux, les vignes du château Bonnaud, Champ de vigneset une vue complète sur Sainte-Victoire jusqu’à l’entrée de Beaurecueil. Il est même possible de photographier la montagne en évitant les disgracieuses lignes à haute tension.

Les Costes Chaudes depuis BeaurecueilVue sur la Sainte-Victoire depuis Beaurecueil

A la D58k (carrefour avec la croix et la fontaine), fini la tranquillité : avec le beau temps, les automobilistes sont de sortie et il n’y a pas de trottoir. Je vous suggère de longer le champ de gauche à peu près jusqu’au moulin plutôt que de marcher sur la route.

Chateau Beaurecueil entrée (Google earth)cartes-postales-photos-Le-Chateau-de-Beaurecueil-BEAURECUEIL-13100-13-13012001-maxiAu carrefour suivant sur la droite, le château de Beaurecueil et sa belle terrasse ; j’en avais entendu parler lorsque j’avais lu Une petite commune du pays d’Aix : BeaurecueilJean Ganne, 1999 ; il est désormais un résidence de retraite de l’Office national des Anciens Combattants ; mais que d’histoires il a connu !

On sait que le fief fut racheté en 1548 par Pierre de Cormis, parlementaire aixois. Il avait deux châteaux dont il prit grand soin : celui de Roques-Hautes et celui de Beaurecueil dans lequel, en 1648,  vivaient 14 adultes et 4 enfants ; Beaurecueil avait alors 101 habitants dont la moitié avait signé un bail emphytéotique avec le seigneur pour mettre en valeur des terres incultes. Le plus célèbre emphytéote est sans nul doute l’abbé Aubert qui a réalisé les travaux pharaoniques du prieuré de Sainte-Victoire. Il possédait une maison à Roques-Hautes.

Le château de Beaurecueil est reconstruit par Louis De Cormis en 1654. Vers la fin du XVIIè, le seigneur, militaire, n’est plus présent à Beaurecueil. En 1715, il vend son domaine à Joachim Claude Laugier. En 1777, il vend le domaine à Pierre d’Aillaud de Vitrolles. Puis Gallifet, du Tholonet, récupère à nouveau le domaine. A la révolution, ses biens sont vendus en tant que biens nationaux, le marquis ayant émigré. J.L.M. Arlatan le rachète puis le revend à la fille aînée de Gallifet (racheter le bien de son père, un comble tout de même !) qui le revend à J.M. Vachier en 1849. Le château de Beaurecueil est vendu en 1853 à l’abbé Fissiaux, premier secrétaire général de la congrégation Saint-Pierre es-Liens. Il y installe une colonie agricole pénitentiaire, une ferme modèle qui accueillera jusqu’à 250 détenus. Il a reçu la médaille vermeil pour l’ensemble de ses produits en 1857 au concours agricole.

De l’origine, il ne reste que la première tour datant du xve siècle, un parc ombragé de vieux platanes dont la grille imposante fait face à l’église du village.

Entrée de la ferme de BeaurecueilLa cour de la Ferme de BeaurecueilLa Ferme de Beaurecueil, qui abrite aujourd’hui les salariés du Grand Site Sainte-Victoire, est un bâtiment dont la rénovation a été sélectionnée dans l’appel à projet région PACA « 100 rénovations exemplaires ». Depuis mai 2013, le CPIE du Pays d’Aix (Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement) et le Syndicat Mixte du Grand Site Sainte-Victoire ont monté un projet d’animation sur les bonnes pratiques de la rénovation énergétique autour de ce bâtiment : « Les rendez-vous de la réhabilitation durable ».

A côté le restaurant la table de Beaurecueil : la fille de René Bergès, l’illustre chef triplement étoilé du Relais Sainte Victoire, s’est mariée à un cuisinier, Ronan Duffait. […] Sa fille et son gendre poursuivent la saga dans cette ancienne ferme du 19è siècle rénovée.

A nouveau je retrouve les dangers de la D46 qui rejoint la route du Tholonet ; c’est cette dernière qui me fera le plus peur car, à part marcher dans le fossé, il n’y a ni trottoir ni espace piéton le long de la route Cézanne toujours fréquentée par beau temps ; pour ceux qui ont le temps, mieux vaut emprunter le sentier de randonnée dans le vallon du Marbre démarrant au parking de l’Aurigon.

Les terres rouges du ToscanPeu avant de retrouver le parking du Toscan, j’observe les ondulations grassouillettes des argiles rouges caractéristiques de cette partie de la montagne Sainte-Victoire. Les élèves de l’école de Beaurecueil écrivent :

Il y a 160 millions d’années, notre région était couverte par une mer profonde et froide. Au fond, de la boue s’est déposée. Elle s’est transformée en roche dure et rouge : la marne.

Une balade familiale avec plus de routes bitumées que de pistes et sentiers : mieux vaut le savoir.
ubac gd cabries_trace_panoImage de l’itinéraire 8km180, 2h15 au total, 2h déplacement, dénivelée 100m (+264 -264)

càbri : chèvre ; cabrié : chevrier

** La chapelle Saint-Joseph de la Pérusse


carte de cassini (H)ermitage St Joseph 1779Passons de l’autre côté de la montagne de Vaumuse et changeons de vallée. La montagne de Vaumuse sert de transition entre la vallée des Duyes et celle du Vançon, et entre les Alpes et la Provence ; le paysage est vraiment différent. Pour vous en persuader, revoyez l’article le sommet de Vaumuse. C’est probablement plus facile d’atteindre le sommet de Vaumuse à partir de Vaunavès1 qu’à partir du pont de la reine Jeanne. Un rapide regard sur la carte de Cassini nous confirme que la chapelle Saint-Joseph existait déjà en 1779 en tant qu’ermitage, que les 2 s de la Pérusse2 ont disparu au profit du symbole de la ligature ſ + s → ß, utilisée dans des manuscrits en français dont la carte de Cassini, avant que le s long ne disparaisse complètement dans l’imprimerie vers la fin du xviiie siècle. D’après l’eszett, wikipedia.

Photos de J.-P. Lecomte, en hiver

chapelle vaunaves depuis la routele second raccourci : ça roule !A Vaunavès, je trouve facilement une place pour me garer. Je n’ai pas pris le sentier qui monte à la chapelle de Vaunavès – des photos de cette chapelle sur le site dignois.fr – et évite les deux premiers lacets de la route mais j’ai pris le second raccourci quasiment dans la pente et qui m’a fait bien suer : ce sont des galets roulants et mieux vaut emprunter la route si on n’a pas le pied sûr.

BeaucouseBeaucouseLe chemin passe derrière les maisons de Beaucouse [ndlr :  suite au message d’un randonneur en 2017, le droit de passage derrière le château semble avoir été supprimé ; vous devez passer à l’est du château en partant du cimetière]. J’admire les constructions comme celle de droite, construites en galets arrondis puisqu’il n’y a que ça : les anciens savaient utiliser les matériaux trouvés sur place. Parfois c’est un village entier qui était construit en galets comme au vieux Bras d’Asse.

pic d oise dans l axe du sentierJe commence la longue et lente montée de la crête de Beaucouse par un sentier de galets fortement collés à la terre et piqué de touffes d’herbe : c’est plus rassurant que tout à l’heure. Je me retourne : déjà un paysage à couper le souffle du côté de la vallée des Duyes, et de Digne. Impossible de rater le pic d’OiseLe pic d'Oise (randonnée de l'Andran) -, en forme de pyramide parfaite et tacheté comme une peau de panthère. crete Géruen cloche de barlesLe Cousson, le Chiran et toutes les montagnes connues autour de Digne sont parfaitement identifiables. Le sentier est totalement à découvert : soleil et vent sont donc de la partie. Côté nord-est, la barre calcaire de Géruen et la cloche de Barles ; pourquoi cloche ? allez, devinez !

montagne de LureLa montée continue avec une petite fenêtre vers l’ouest et la montagne de Lure ; quelques arbres enfin apportent un peu d’ombre. Le panneau que je guettais : il faut quitter le sentier menant à la crête de Vaumuse, pour celui de la chapelle, toujours en montée. Les planeurs survolent Vaumuse en émettant un léger sifflement. La chapelle Saint-Joseph de la Pérusse ne se découvrira qu’à la dernière minute, il est donc inutile de la chercher comme point de repère dans le paysage. Elle se mérite ; partie de Vaunavès à 734m, j’arrive à 1257m d’altitude soit plus de 500m de dénivelée.

ensemble du batimententréé chapellechapelle st joseph de la pérusse et la corde de la clocheune des anciennes chambresIl y a du monde aujourd’hui ; sans doute à cause du 15 août. Je fais le tour de la chapelle, qui ne fut pas qu’une chapelle mais un ermitage, ce qui explique le nombre de pièces. A l’extrémité, une pièce à vivre est équipée d’un poêle, d’une table et de bancs de bois, d’une armoire ; beaucoup considère qu’il s’agit là d’un refuge (sans lit) : je dirai plutôt un abri en cas de mauvais temps.
La corde de la cloche traîne au sol et ceux qui partent n’hésitent pas à la tirer pour que retentisse très loin la sonorité claire de cette cloche de taille respectable.

Le pèlerinage, datant de la fin du XVIe ou début XVIIe a lieu habituellement le jeudi précédent le 15 août, avec des participants de toute la vallée des Duyes et de la Bléone ; en 2020, la statue de Joseph a été montée à la Croix des Mariages par Jean-Baptiste, un séminariste originaire du Sénégal. La Provence, 16 août 2020

st joseph et ex votosbrancard pour porter la statueLa chapelle contient toujours les ex-votos qui ont fait la réputation et la ferveur des habitants des environs ; le brancard qui va supporter la statue de Saint-Joseph est prêt pour demain. la fontaineLa fontaine, bien protégée derrière la porte de bois, garde précieusement un récipient pour récupérer l’eau ; lorsqu’on ouvre la porte, on découvre un bassin rectangulaire de taille impressionnante.
paysage face à moi pour le pique-niqueUn long banc bien calé le long du mur, à l’extérieur, invite au repos et au pique-nique : c’est là que je m’installerai, face au vallon des Plaines.

Donnadieu, curé de Vaunavès, 1864 raconte que l’ermitage aurait été construit grâce aux offrandes des fidèles : une chapelle, quatre chambres, trois écuries [ndlr : je suppose que l’écurie était en bas et la chambre à l’étage, autrefois les animaux pouvant vivre dans la même maison que les gens…]. Un ermite était chargé de veiller à sa conservation.
Le chanoine de Digne avait ramené de Rome une parcelle du pallium3 de saint-Joseph en guise de relique.
Il y avait tellement de personnes venues de Digne, Seyne, Sisteron, Gap,… lors des grands pèlerinages (les jours de Pentecôte, Fête-Dieu) que le curé était obligé de bénir les fidèles en plusieurs fois. Il y avait aussi des petits pèlerinages les jours de saint-Jean-Baptiste, saint-Pierre, de la Nativité, de la Sainte-Vierge. Pour l’occasion la statue de Saint-Joseph était placée sur un brancard au milieu de la chapelle ; les malades passaient deux ou trois fois sous le brancard en signe d’humilité.
Mais le plus surprenant dans ce ‘désert’, c’est la source abondante et pérenne qui s’y trouve.

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** Feissal et les Monges ou l’art en marche : version estivale


Sur la route vers Authon ce matinC‘est un circuit que j’avais tenté en mars : c’était beaucoup trop tôt, la neige abondante m’avait contrainte à rebrousser chemin. Lire l’article Feissal et les Monges : un circuit pour les beaux jours. Cette fois c’est l’été mais il pleut depuis ce matin tôt et je ne suis pas certaine de pouvoir partir : en effet, il y a un gué à passer et je crains les détériorations du sentier qui le rendraient alors dangereux. J’attends jusqu’à midi, heure à laquelle je décide de partir mais en sens inverse de la première fois, en commençant par l’ancienne route D103 qui menait autrefois au hameau de Feissal, dans le massif des Monges1. Ainsi je pourrai facilement faire demi-tour en cas de conditions défavorables. Le parking se trouve face au gite des Monges.

Le Vançon très boueuxla cascade la font du Pétardclue de FeissalJe traverse le gué sous lequel le Vançon boueux s’enfuit à toute vitesse. Je monte régulièrement et suis surprise d’arriver aussi vite au niveau des traces laissées sur les rochers par l’artiste herman de vries (volontairement en minuscules). Je suis passée par la cascade de la font du Pétard, par l’impressionnante clue de Feissal puis j’ai trace herman de vries 1trouvé sans difficulté la première trace : art vivens, art vivant, expression du philosophe italien Giordano Bruno. La seconde près du sapin au bord de l’eau se devine ; elle est gravée en grec (panta rhei, Héraclite) et signifie que dans la nature toute chose est en devenir, tout coule. trace herman de vries 1Trace herman de vries 2 près du sapinQuant au point, visible 100m après la source de Pisse-vache, je ne l’ai pas trouvé ; c’est un peu comme chercher une aiguille dans une motte de foin tant il doit être petit par rapport à la masse rocheuse. Si vous le trouvez, n’hésitez pas à m’envoyer une photo en me transmettant ses coordonnées géographiques ; voici ci-dessous la photo du musée et la description qu’en donne le guide (dans le sens Feissal -> Authon) L’art en marche à partir de Digne les BainsImages en Manœuvres Editions / Musée GassendiImages en Manœuvres Editions, 2012 : randonnée 17, Feissal et les Monges

Point erman de vries 3 clue Feissal (photo musée Gassendi)100m après un caniveau qui traverse la piste, un point herman de vries est gravé sur la paroi rocheuse, face à la piste qui plonge vers la clue de Feissal.

Lien vers la géolocalisation de toutes les traces et tous les points

La route après le carrefour de Géruen

le Vançon au niveau du pontLes accotements de la route fortement dégradée par les pluies, sont instables ; des arbres sont tombés, des pierres sont charriées par le bruyant Vançon de couleur brune. Il aura fallu quelques heures pour en changer la couleur. La montée est longue mais régulière, sans difficulté sur ce revêtement. Au pied du defens de Pierre-Mont, la piste se scinde en deux : l’une monte à la crête de Géruen – que l’on peut atteindre également en partant du col de Fontbelle – l’autre continue vers le hameau de Feissal. Au loin, ô surprise, une femme et deux enfants se promènent sur le bord du chemin : ce sera la seule rencontre de la journée. Ce couple est venu passer des vacances très tranquilles au hameau de Feissal (1411m d’altitude).

Le passage à Feissal à partir d’Authon restera difficile longtemps ; on comptait encore 148 habitants en 1836 et 27 en 1911. Le roi René y avait fait construire une bergerie en pierre ; en 1775, Feissal reçoit sur ses pentes pelées mais bonnes au pâturage, 1800 brebis dont 1200 l’été. Feissal qui avait sa propre église (en ruines aujourd’hui), se dotera d’une école. Les habitants vivaient avec les bêtes. Le village finira avec une seule famille qui assumera toutes les fonctions municipales ; elle demeure propriétaire aujourd’hui d’une des plus grosses propriétés pastorales de France louée à des transhumants provençaux.
Au début du XXè, Feissal était spécialisée dans la cueillette du thé des Alpes, nom usité en Dauphiné pour la Crapaudine des Alpes, le thé des montagnes, l’hysope jaune. On se sert essentiellement des fleurs pour confectionner une liqueur dont la recette ressemble à la confection du génépi.

bergerie en ruine à Feissalfontaine de FeissalFeissalFeissal pâturagesOratoire

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