GR69 la Routo : d’Aix-en-Provence à Vauvenargues jonction GR9/GR69 (1)


Je vous propose une itinérance de 24.500 km sur le tout nouveau GR® 69 (sorti juin 2022) entre Aix-en-Provence et Vauvenargues, à la limite avec le département du Var ; je vous le présente en deux parties. Majo, Anne et moi l’avons parcouru en plusieurs fois pour avoir le temps de repérer toutes les marques de balisage et les centres d’intérêt.

Prévoir une voiture à chaque extrémité si vous ne parcourez que ce bout là. Parkings à Aix rue Saint-Thomas de Villeneuve, en terre battue le long de la rivière ou face au lycée Cezanne, ou devant la mairie du Pont de Béraud / Intermarché rue Fontenaille. Pour l’itinérance, le mieux est quand même d’arriver au départ par le bus. Descriptif pas à pas pp.61-64 du topoguide.

Le GR®69 vous propose de prendre La Routo® (« La Route » en occitan), sur les pas des bergers originaires des vallées occitanes du Piémont, val Stura, val Maira et val Grana, qui émigrèrent vers la basse Provence et les plaines de Crau et de Camargue.

Topoguide De la Provence aux Alpes par les drailles, FFR/Maison de la Transhumance, 2022

Drailles, carraires, voies de transhumance désignent des voies utilisées par les bergers se rendant dans les Alpes, avec une servitude de passage au profit des propriétaires et conducteurs de troupeaux transhumants. La draille appartient au propriétaire du terrain qui doit laisser le passage aux troupeaux lorsque la transhumance est pratiquée.

Cette invitation à marcher au même rythme que les troupeaux nous convient. Parties de la traverse Baret, nous empruntons le chemin de Beauregard, devenu route bétonnée, qui monte régulièrement ; deux endroits où il ressemble encore un peu à un chemin : au carrefour avec le chemin du Vallon des Lauriers (escalier entre les maisons, petite erreur sur la carte IGN) et à partir du pavillon de chasse de Beauregard (photo ci-contre).

Quelques mètres après l’accès au pavillon, si vous êtes très observateur (à gauche rocher portant balisage jaune, garde-corps métallique rouillé sous les branches), vous passerez au-dessus de l’ancien canal d’irrigation du canal du Verdon ; à droite, au travers du grillage, quelques aménagements sont encore visibles : citernes, grille de filtrage,… Cette extension du canal du Verdon irriguait la campagne où quelques fermes existaient encore au début du XXe siècle.

Les gros galets, qui autrefois délimitaient le sentier en protégeant l’accès aux cultures, ont roulé au milieu du sentier, le rendant risqué pour les chevilles fragiles.

Dans ce quartier autrefois rural (cultures vigne, olivier), au début du XIXe siècle, les bourgeois du centre ville s’installent, les bâtiments ruraux devenant progressivement résidences secondaires. Par exemple : Claude Gondran, le photographe, David Emeric, avocat puis maire d’Aix, Bruno de Fabry, conseiller à Cour royale, y avaient une propriété.

Après la montée caillouteuse, nous croisons le chemin de l’Echelle qui fait perdre la boule à tous les GPS routiers car la carte n’en mentionne qu’un mais depuis l’avènement de la voiture, il y en a deux ; sur la route des Pinchinats, le panneau de rue précise bien chemin de l’Echelle Bas ! Ce chemin permet de rejoindre le plateau de la Keyrié où passe la grande voie de transhumance des troupeaux d’Arles. Bien que très raide, il a pu être emprunté par les troupeaux ; en effet échelle ou escalette évoquent une montée raide pourvue de marches ou d’échelons (Trésor du terroir. Les noms de lieux de la France, Roger Brunet, CNRS Editions, 2016) : en pas d’âne (grande profondeur de marche et faible hauteur de marche) il facilite le passage du bétail ou des animaux de trait.

En réalité, il y a deux chemins de l’Echelle : le bas et le haut. Jusqu’au 265, il faut arriver par le bas à partir de la route des Pinchinats ; à partir du numéro 749, il faut arriver par le haut après un large détour. Entre les deux, le chemin est piéton.

Nous continuons notre montée entre les villas puis sur le chemin de la tour de César qui finit en vrai chemin pierreux jusqu’à la vieille tour de guet, plusieurs fois rafistolée, qui porte plusieurs noms mais ne devrait surtout pas s’appeler ‘de César‘ (XIVe siècle). La tour de César. Plusieurs dizaines d’années après cette carte postale, l’environnement boisé n’a plus rien de comparable.

Nous passons sur le territoire de la commune de Saint-Marc Jaumegarde, chemin rural n°19 dit ‘de France‘ – il mène à la ferme de France à Vauvenargues. Marche tranquille, en sous-bois au départ, puis à découvert ; on délaisse tous les chemins venant de droite, petites drailles rejoignant la grande : ainsi les bergers pouvaient rejoindre la grande voie, quel que soit l’endroit d’où ils partaient.

Le chemin de la Fontaine des Tuiles nous rejoint. La piste s’élargit. 800m après, à droite une pierre plantée relevée au bulldozer par l’artiste Raymond Galle : elles évoquent les bornes de transhumance qui autrefois délimitaient la voie. Cette pierre fait partie de l’exposition ‘Dans la Nature 2‘. Enfin la montagne Sainte-Victoire nous offre son flanc nord, sa crête découpée, la croix de Provence.

Raymond Galle est un artiste aux multiples talents puisqu’il est écrivain, plasticien, docteur en sociologie du travail. Il fonde en 1999 la galerie d’art contemporain 200RD10 à Vauvenargues, où il vit : 200m2 de galerie sur 10 hectares de pleine nature. Soutenu par les institutions ce lieu affiche une orientation « art et nature » et confrontation artistique.

La piste, de plus en plus large, est jalonnée de citernes et bornes d’incendie. La région étant soumise à l’aléa ‘feux de forêt’, un arrêté préfectoral interdit l’accès aux massifs forestiers l’été dans certaines conditions de vent et sécheresse.

Il faut donc consulter la carte d’accès aux massifs forestiers des Bouches-du-Rhône avant de partir, entre le 1er juin et le 30 septembre.

Un long, très long grillage sur la gauche : le domaine de chasse privé Provence chasse (700 ha) où l’on peut chasser sangliers, cerfs, daims, à l’approche, en battue ou à l’affut au mirador. Avec un peu de chance vous croiserez un marcassin.

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Le castellas de Roquemartine, son pigeonnier


Lors de notre première visite, nous n’avions pas visité le pigeonnier du château. Nous y retournons en nous garant au plus près, une seule place disponible au carrefour D569/sentier contre l’armoire électrique. Impossible de se garer le long de la route bordée de fossés. Plus sereinement, vous pouvez vous garer à Saint-Pierre de Vence (voir La villa romaine Saint-Pierre de Vence et le château de Roquemartine ou partir du village).

A noter : Roquemartine est une propriété privée d’accès dangereux.

Nous montons jusqu’aux ruines du château de Roquemartine sur une piste facile et évidente ; venant du côté opposé à celui de notre précédente visite, nous aurons un point de vue différent. En effet, nous repérons mieux le mur d’enceinte et la tour à bossage.

Ce péage se situait à la Péagère du Roucas, 800m avant la frontière entre les communes, sur la route D569 face à La Tour (voir carte de Cassini) mais fut l’objet de contestations par la commune d’Orgon vers 1300. Provence historique, 1992

auteur Djitz

Nous retournons à la chapelle Saint-Sauveur autrefois dédiée à la Vierge Marie. J’espère identifier la fresque oubliée mais l’état dégradé des enduits le rend impossible. Sur la voûte de la chapelle écroulée, je repère le sceau gravé des chevaliers de l’ordre des Hospitaliers, avec des surcharges contemporaines. D’après le Bulletin des Amis du Vieil Arles, 04/1908 la famille Albe était connue dans l’Ordre des Hospitaliers [de Saint-Jean de Jérusalem] du temps du Grand-Maître, Hélion de Villeneuve, vers 1340, époque à laquelle un Albe avait été reçu donné. Elle compte cinq chevaliers (Robert, Raimond, Claude [Claude d’Albe était fils d’Honoré, seigneur du Thoret, et de Catherine de Villeneuve, mariés par contrat du 11 août 1511, était chevalier en 1542. [Il] périt dans les troubles suscités par la Ligue], Antoine et Jacques).

Après la révolution, le domaine appartient à Henri de Benault de Lubières, descendant des Albe et héritier du marquisat. Son blason est composé de deux têtes de nègres enchaînées (Maures) qui font référence sans doute aux exploits de ses ancêtres.

Les TÊTES DE MAURE que l’on rencontre assez fréquemment dans l’écu, viennent sans doute des croisades, ou ont été prises par des maisons, en mémoire de quelques faits d’armes contre les Maures en Europe, lors de l’invasion de ces nations barbares. Dictionnaire encyclopédique de la noblesse de France, Nicolas Viton de Saint-Allais (1773-1842), Paris, 1816

Nous redescendons vers le colombier que l’on devine au loin, indépendant des autres bâtiments. S’ouvrant par une porte en pierre de taille, situé sur une terrasse rocheuse légèrement pentue, il est de belles dimensions si l’on en juge par le nombre de boulins que nous évaluons à 1000 par leur nombre sur chaque mur. Il y a plus grand dans notre région, celui de Brue-Auriac (Var). Des lucarnes d’envol, situées dans le toit effondré, permettaient l’entrée et la sortie des volatiles. L’échelle tournante fixée au centre de la toiture, est donc tombée ; elle donnait accès aux différents niveaux de boulins permettant de les nettoyer et prendre les pigeonneaux de 4 à 5 semaines destinés à la consommation.
Des abreuvoirs étaient sans doute disposés au sol avec des mangeoires pour nourrir les oiseaux lorsqu’ils restaient enfermés au moment des récoltes.
(L’image mise en avant de cet article a été retenue pour le concours photo du magazine du département des Bouches-du-Rhône n°266 juillet-août 2022 p.33)

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** La villa romaine Saint-Pierre de Vence et le château de Roquemartine


Une randonnée très intéressante sur les hauteurs d’Eyguières. Une seule place pour se garer au plus près (croisement D569/Mas de Loc) ; vous pouvez partir de Lamanon, d’Eyguières, ou du parking près de la villa romaine, sur le chemin de Saint-Pierre en sens unique – avec de sacrées ornières selon la saison – dans le vallon des Glauges. C’est le choix de notre première visite.

Eyguières, son histoire féodale, communale et religieuse, Abbé L. Paulet, Marseille, 1901

Au vu d’un des premiers documents consultés, Des prospections à la fouille : recherches à Eyguières (B.-du-R.), Jean-Pierre Pelletier, Michel Poguet, Contributeur : F. Brien-Poitevin J. Lafaurie Y. Rigoir J. Rigoir, Revue archéologique de Narbonnaise, Année 1993, n°26, pp. 181-234, je constate que la commune possède beaucoup de témoignages de son passé : oppida, grottes, vestiges romains, castellas, chapelles, etc.

La villa romaine de Saint-Pierre de Vence se trouve au pied du mont Sainte-Cécile, à 500 m seulement du chemin où nous sommes garés. Saint-Pierre de Vence est le nom d’une ancienne communauté religieuse appelée ainsi de longue date.

L’origine de ce quartier, écrit Vanse sur la carte de Cassini, au pied du mont sainte-Cécile, nous renvoie à l’ordre de Saint-Ruf.
L’ordre est chargé de la direction de l’église Saint-Ruf d’Eyguières peu de temps après la création de l’Ordre (vers 1039 à Avignon). Celui-ci reçoit en donation de l’évêque d’Avignon Saint-Pierre de Vence et son église ruinée. Cet autre document – Les saintes de la messe et leurs monuments, Charles Rohault de Fleury, Libr.-Impr.réunies, 1893 – évoque Saint-Pierre-ès-Liens de Roquemartine.
Sainte-Cécile de Vence est mentionnée dans une bulle de 1096, confirmée en 1488 dans une bulle d’Innocent VIII.
Le tag ‘Vence ‘ du site Vous voyez le topo, me donne une idée de l’origine de ce toponyme, ni français ni provençal. Habité par les gaulois puis les romains, ce territoire a peut-être pris le nom romanisé d’un notable gaulois, celui de la villae, appelé Venucius… devenu Vence. Jusqu’à preuve du contraire…

Cette villa romaine construite au IVe siècle a été occupée jusqu’au Xe ; les monnaies découvertes à proximité en témoignent ; J. Lafaurie considère qu’il est extraordinaire qu’un même site fournisse tant de raretés aussi importantes pour sa chronologie. Eyguières (Bouches-du-Rhône). Saint-Pierre-de-Vence. Site occupé à la fin de l’âge du fer, thermes d’une villa gallo-romaine (IIe-Ve s.) et réoccupations durant le haut Moyen Âge (VIe-Xe s.). [compte-rendu], Poguet Michel, Pelletier Jean-Pierre, Archéologie médiévale, Année 1993, 23, pp. 326-327. Dans les niveaux inférieurs, un établissement plus ancien et même un habitat d’avant notre ère. Au XIXe ce que l’on a pris pour une tour est en fait un pan de mur toujours debout. Les installations 1 à 4 correspondent à un petit balneum, de 5 à 11 à un grand. Les salles se suivent, des bains chauds (6 : caldarium) aux bains froids (8 : frigidarium) en passant par les bains tièdes (7 : tepidarium). Les installations thermales gallo-romaines paraissent avoir été abandonnées, […] au cours de la deuxième moitié du Ve s. Un plan se trouve dans le document Des prospections à la fouille : recherches à Eyguières.
Les thermes romains expliqués aux enfants

Nous retrouvons le chemin par une voie romaine visible sur une vue aérienne. Le sentier passe au pied du mont sainte-Cécile puis longe la route D25 ; le nouveau château de Roquemartine a été reconstruit dans la plaine après la destruction du château féodal que l’on aperçoit au loin. Nous parvenons plus ou moins facilement à ne pas marcher sur la route D569 mais sur le bord, jusqu’au monument tronqué – assez rare en France – en hommage aux camarades tombés pour la libération de la région.

Ces éléments des monuments aux morts peuvent consister en une colonne de marbre de 2 à 4 mètres de haut franchement brisée en son extrémité haute, pour symboliser la vie trop tôt écourtée. Colonne brisée, Wikipedia

A partir de là, montée dans la pente, montée rude d’une centaine de mètres de denivelée dans les cailloux. Presque au sommet, le sentier toujours aussi caillouteux, se dirige vers le nord. Progressivement, avec une certaine émotion, se dévoile le château de Roquemartine perché sur son pic rocheux ; à ses pieds, l’église Saint-Sauveur dont les murs de belle taille paraissent en bon état.

La visite (dangereuse et en propriété privée) commence donc par l’église Saint-Sauveur, autrefois église paroissiale de la commune de Roquemartine rattachée à Eyguières depuis 1805. Nous y entrons par le sud mais au moyen-âge, on y accédait par l’intérieur car elle était adossée au rempart. Abandonnée depuis le milieu du XVIIe, elle n’a plus de toiture, les pierres jonchent le sol. Dans le chœur à voûte gothique de forme pentagonale irrégulière, je devine des peintures murales, effritées et défraichies. Autrefois, à côté de l’autel trônaient les statues d’Elzéar de Sabran et Delphine de Signes, tous deux saints. Eyguières, son histoire féodale, communale et religieuse, Abbé L. Paulet, Marseille, 1901
La travée ouest ayant été détruite anciennement, l’édifice est réduit de moitié. L’une des deux petites chapelles de plan rectangulaire conserve le caveau des seigneurs d’Albe, pillé en 1857 par une bande de brigands. En 1984, JM, restaurateur éclairé de vieilles pierres, découvre une fresque représentant la crucifixion. Merci à l’auteur Michel Morra, du blog lphdpa, d’avoir relaté les faits.
Les petites histoires du Pays d’Arles : la fresque oubliée de Roquemartine
40 ans plus tard, alors que la Fondation du Patrimoine (loto du Patrimoine 2022) vient de sélectionner le site pour un projet de fouilles et sécurisation, je serai curieuse de voir ce qui pourra être récupéré…

Le démarrage des travaux est prévue au premier trimestre 2022. Ils doivent se terminer un an plus tard, au premier semestre 2023.

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