Chapelle de la Santonne, le Calavon


Jour de marché à Apt, ville que je ne connais pas ; le GPS s’évertue à vouloir me faire passer par un sens interdit  ; plus de place, même sur les boulevards extérieurs ; finalement, Yves Provence me donne RV directement au départ de la randonnée, près de la chapelle Saint-Massian, au sud-ouest de la ville.

Tout le monde essaie de voir l’intérieur de la chapelle, mais seuls retiennent notre attention quelques chaises empilées, un autel simple tout blanc sur un carrelage qu’on imaginerait plutôt dans une cuisine. L’histoire de Saint-Martian est contée sur un panneau en provençal d’un côté et en français de l’autre.

Mon album photo, l’album de Yves Provence

Au-dessus de la porte, une pierre taillée en forme de blason porte les indications suivantes : « 1660 – Tout par force ». […] Vivant de mendicité et de dons, lui et l’un de ses frères allaient un jour récolter des fonds sur la route de Buoux lorsque Martian eut un malaise et mourut sur un rocher. La légende raconte que les cloches sonnèrent toutes seules pour annoncer sa mort, et que le corps fut entouré de lumière mais ne put être décollé, sauf en présence de l’évêque. Il fut inhumé dans la cathédrale d’Apt où ses reliques sont depuis lors conservées. Selon le site chapelles rurales

Le culte et le pélerinage de Saint-Martian d’Apt, René Bruni, Provence Historique-Fascicule 182, 1995

CHAPELLE SAINT MARTIAN, jeancaching84

Devant le monument, sur un piédestal de pierre, une croix de chemin porte en son centre un écusson gravé dont je ne comprends pas le sens.

Chemin de la Santonne et son éolienne. Yves nous a promis une bien curieuse chapelle construite au début des années 1960 ; la chapelle de la Santonne :

  • elle est privée : c’est un particulier (Roger Petit, professeur d’anglais et amateur d’art moderne) qui en est à l’origine ; d’après les propriétaires actuels, l’information suivante est erronée : il s’était promis, durant la guerre d’Algérie, de construire une chapelle s’il revenait vivant ;
  • toujours ouverte et pas dégradée ;
  • elle a une forme extérieure inattendue, celle d’un poisson, et les nombreuses œuvres d’art à l’intérieur tel  le tronc d’olivier en forme de Christ aux bras levés ; derrière lui, le mur est occupé par une mosaïque qui représente un cœur d’où partent plusieurs rayons. La clef de voûte représente un poisson, symbole chrétien qui signifie le Christ et la vie en abondance promise aux chrétiens.
  • elle porte un drôle de nom La Santonne qui n’est pas le nom du quartier (les Agnels) mais le nom du chemin.
    Pourquoi la Santonne ? La femme de M. Santon, propriétaire en 1812 d’une des premières maisons le long de ce chemin, a probablement laissé un souvenir marquant dans ce quartier tout comme la Doudonne, femme de M. Doudon ou les Granettes, sœurs du peintre Granet : celles-ci ont laissé leur nom à un hameau à l’ouest d’Aix-en-Provence. Autrefois, pour trouver son chemin, il suffisait de dire : c’est là qu’habite la Santonne !
    Par coïncidence, j’y vois aussi un souvenir de l’Algérie : un santon, en Algérie, est une petite chapelle contenant le tombeau d’un santon, sorte de moine mahométan; et un lien avec le santoun de Provence.
    Comme le souhaite son créateur, La Santonne est un lieu sacré qui doit inciter à la méditation envers la nature et la création.

Vue du chemin au dessus, le toit de la chapelle ressemble à une soucoupe volante. Nous cheminons sur une petite route entre les oliviers, découvrant les premières fleurs ou un cabanon de pierre sèche masqué derrière les feuillages.

Nous passons devant les Agnels puis, sur le vieux chemin de Saignon ; je ne peux qu’admirer cette belle maison dans un cadre de verdure avec son bassin devant ; à cause de la façade blanche (trop) bien restaurée, je ne reconnais pas l’ancienne chapelle de l’abbaye Saint-Pierre du vieux Tourettes datant des Xe et XIe siècles. Les arcades, les quelques marches, le bâtiment moderne accolé sont bien là, tels qu’en 1930.

Abbaye Saint-Pierre des Tourettes, base Mérimée

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Colorado de Rustrel


Le parking du Colorado provençal est désert en ce jour de décembre où le mistral souffle fort avec une température ressentie de -2° ; personne à l’accueil : donc pas de paiement, pensons-nous. Le Colorado est un site privé d’anciennes carrières d’ocre aux multiples couleurs, géré par une association regroupant des propriétaires et des bénévoles. Sur le plan de 2017, orienté vers le sud (?), il n’y a plus que 2 circuits au lieu de 7 en 2006 (l’ancien plan est disponible dans Découverte du Colorado Provençal) : le bleu (Sahara, autrefois G) et le circuit du belvédère (orange) empruntant une partie de G et F (Cheminées de fées). Yves nous propose un peu des deux avec en plus le cirque de Barriès (C) dont l’altitude est un plus élevée que les deux autres.
Visite en Vidéo Carnets de rando

Mon album photos, les photos de Yves Provence

L’industrie de l’ocre est considérée comme l’une des plus anciennes. Elle servait à parer les vivants et les morts ; contrairement à une idée répandue, il existait d’autres sites ocriers en France : l’ocre de Saint-George-sur-la-Prée (Cher), au nord-est de Bourges, était déjà employée du temps des Romains ; dans la Nièvre, sur la commune de Bitry, où l’ocre extraite était transportée par bateaux jusqu’à la Loire ; dans l’Yonne, sur les communes limitrophes de Pourrain, Diges, Toucy et Parly. L’industrie de l’ocre en pays d’Apt est le plus important.

La passerelle sur la Doa, la rivière qui traverse le Colorado provençal, est praticable aujourd’hui. Nous arrivons sur un site comportant du matériel autrefois dédié au traitement de l’ocre. Probablement une ancienne station de pompage de l’eau de la Doa actionnée par un moteur à gaz et protégé dans un cabanon de brique (des briques sont éparpillées au sol). On faisait un barrage sur la Doa pour détourner l’eau dans un puisard qui se remplissait toute la nuit. Les pompes fonctionnaient au bois, puis à l’huile et enfin à l’électricité.

Un peu plus loin dans la forêt, un long aqueduc amenait l’eau jusqu’au moulin sur la Doa dont on a aperçu les ruines cachées derrière les arbres.

L’aqueduc de Couloubrier1 circule au cœur des anciennes carrières d’ocre de Rustrel […]. Datant vraisemblablement de la fin du XIXè siècle ou du tout début du XXè, il était utilisé pour acheminer l’eau d’un ruisseau du massif des ocres vers le moulin implanté au bord de la rivière Doa, et permettait de canaliser les eaux de ruissellement sur ce terrain fragile. Il est constitué de chenaux en pierre de taille, reposant sur des poteaux et murets de moellons maçonnés.

Un chien décide de nous accompagner ; en poursuivant sur le sentier balisé bleu et orange, nous arrivons au pied d’une colline rouge, ce pigment minéral de l’art pariétal ou des indiens Peaux-Rouges ou de l’EDF qui marque ainsi ses tranchées de câbles électriques.

Les photographes montent sur la colline voisine le temps d’une photo. A droite, la couleur est plutôt orangée tandis que celle de derrière, sur une bosse striée, tend vers le violet lie de vin.

L’arête #8, Dr NO 007

Si les couleurs sont l’oeuvre des altérations de la roche durant la seconde phase géologique de formation des ocres (la mer est repoussée, les dépôts marins soulevés, la roche s’altère en kaolinite ou goethite), les formes et les sculptures sont l’oeuvre des hommes. Ici, tel un vaisseau de pierre, des sables siliceux blancs, la troisième couche de ces terrains au-dessus de la base de grès verts et de la couche de sables ocreux.

Orangina #7, Dr NO 007

Des tuyaux au sol encore visibles, amenaient l’eau directement sur les blocs, les entraînant vers un malaxeur à hélice où ils étaient délayés. Le courant d’eau passait ensuite dans les batardeaux ; la photo ci-contre à gauche est extraite du livre Ocres, ocres et ocriers du pays d’Apt, parc naturel régional du Luberon, Edisud,1986 (ce livre raconte l’histoire de l’ocre mais il reste à écrire la partie contemporaine avec la dernière entreprise la Société des ocres de France); le sable grossier se déposant tandis que les particules fines se déposaient dans des bassins qui se trouvaient à Istrane. Quelques arbres tentent de s’accrocher à ces collines artificielles instables.

En forêt le sentier sinue jusqu’à la cascade du vallat des Gorgues, à l’ouest du lieu-dit Sahara ; l’eau dégringole depuis le haut de la falaise au dessus d’une grotte où personne n’ose s’aventurer.

En passant non loin d’une colline pointue de couleur blanche, impossible de savoir si c’est un reste de neige ou du sable : je dois vérifier de près.

C’est du pur blanc maman #6, Dr NO 007

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Les garrigues de Gordes, au pays de la pierre sèche


Au départ de Saint-Pantaléon, Yves nous emmène sur la commune de Gordes que tout le monde connait pour son village de bories, ensemble de constructions anciennes en pierre sèche, c’est à dire sans liant. Mais aujourd’hui, ce sera une découverte plus secrète, avec tout autant de cabanes en pierre sèche, mais abandonnées le plus souvent sans être interdites d’accès.

Le lien vers l’album

Nous partons de Saint-Pantaléon, la plus petite commune du Vaucluse, 216 habitants sur moins de 1 km2 ; c’est sans doute la raison pour laquelle l’application Google Photo a localisé par erreur son église à Gordes !
L’église romane de Saint-Pantaléon citée depuis le début du XIe siècle, nous attire par sa taille, sa forme singulière (triple absidiole saillante et voûtée) et ses tombes monolithes creusées dans le rocher qui se cachent à l’arrière du monument ; l’inscription funéraire dédiée à Lecto et creusée dans la pierre, pourrait faire remonter le lieu de culte au VIe siècle ou postérieurement. Les tombes rupestres datent du XIe ou du XIIe siècle, et plusieurs d’entre elles, ont la taille de jeunes enfants. En effet l’église Saint-Pantaléon ferait partie des « sanctuaires à répit », dans lesquels des enfants morts-nés reprendraient vie le temps de leur baptême. Eglise et rocher contigu sont classés par arrêté du 13 juin 1907. A l’intérieur un tableau du XVIe représente la décapitation de Saint-Pantaléon.

[Pantaléon de Nicomédie] était médecin à la cour de l’empereur Maximien, et fort apprécié pour ses connaissances et ses talents.
Converti au christianisme, il s’opposa aux prêtres d’Esculape, et soigna les malades au nom du Christ.
Malgré sa popularité auprès des populations, il fut dénoncé. Il échappa à 6 tentatives d’exécution, mais comme il refusait de renier sa foi, il fut torturé longuement et finit décapité.
[…] Il fut canonisé plus tard à Rome avec le nom italien de Pantaleone. Il fut alors déclaré patron des médecins. Pantaléon de Nicolmédie, selon wikipedia.

En route pour les garrigues de Gordes. Nous passons près de la barre rocheuse des Firmins dans laquelle une maison a été construite, partiellement dans la roche. Cachée derrière les arbres, une cabane de pierre sèche en forme de ruche d’abeille, forme symbole du parc du Luberon.

Un mur de soutènement gondole sous la pression de la terre qui gonfle. Une borne composée de pierres empilées devait situer l’entrée d’une maison aujourd’hui disparue : peut-être un des piliers du portail ?

Dans le clos de Denante, on trouve un vaste ensemble de constructions de pierre sèche. La famille Denante, originaire de Gordes, est éparpillée sur tout son territoire. Elle comptait aussi bien des personnes comme François de Nantes de la noblesse du Comtat venaissin que des cultivateurs. Sur plus de 12 ha, au début du XIXe, poussaient ici vergers et vignes, d’où l’abondance de cabanes servant de remises à outils ou d’abris. Il y en a tant que nous avons cru à un véritable hameau !
Un apié (pour abriter des ruches) dans un mur exposé au sud puis une ancienne bastide cossue (XVIIe ?) avec ses encadrements de portes et fenêtres en pierre de taille ; les fenêtres du 1er étage ont été bouchées sans doute à la révolution. On pénétrait dans la propriété par un portail qui annonçait déjà le standing du lieu. Mais où se trouvaient les cuves vinaires, compléments des cultures de vigne ? peut-être dans le sous-sol de cette vieille maison ?

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