* De notre Dame de la Garde au sémaphore du bec de l’Aigle en passant par Sainte-Frétouse


Nous avions prévu d’aller jusqu’à la calanque de Sugiton pour la faire découvrir à ma nièce qui n’en avait jamais vue. C’était sans compter sur le « Marseille-Cassis » : l’accès à Luminy était bloqué depuis 6h du matin. Improvisation d’un nouveau circuit : la Ciotat, sa chapelle Notre Dame de la Garde et son fameux sémaphore, par un sentier peu fréquenté que vous ne trouverez pas sur les cartes IGN.

img_9658r.jpgPremier constraste géologique : les calanques de la Ciotat ne ressemblent pas du tout à celles de Marseille ; le domaine verdoyant de Sainte-Frétouse jouxte une colline dénudée faite de gros galets gréseux agglomérés (où se trouve la chapelle) ; j’ai déjà rencontré ce type de formation dans les Alpes de Haute Provence, aux pénitents des Mées ; comment expliquer qu’un poudingue identique existe à plus de 100km de là ? Il y cent millions d’années, d’une île située au sud-est coulait un torrent aussi important que la Durance ; il a déposé ces galets sous forme de poudingue si caractéristique. Particularités géologiques et biologiques des falaises de la Ciotat et de l’île verte, de J. Laborel.
img_9657r.jpgimg_9656r.jpgLa chapelle de La Garde qui y est construite, tire son origine du lieu d’où la côte était gardée : c’est là qu’avait été transférée la vigie vers 1543. Nous montons jusqu’en haut de la colline ; coup d’oeil sur les « Trois Secs » à l’est, trois proéminences sèches, dénuées de végétation ; on comprend l’origine moderne descriptive du « bec de l’Aigle » (autrefois «Aquila» ou «Le Sec»). Les masses sculptées devant lui ont pris d’étranges formes dont une avec une tête de labrador (photo de droite)« En 1610, le dimanche jour des Rameaux, [les pénitents bleus] allèrent en procession sur la montagne de la Roque Redonne […] et […] décidèrent d’édifier à la place de l’Ermitage de « la Gardy » qui existait déjà là depuis au moins 1500, une chapelle qui serait appelée Notre-Dame de la Garde ». Je pense que l’ermitage Sainte-Frétouze dont on parle dans les archives municipales n’était autre que celui de La Garde. La Vierge dédiée à l’Immaculée Conception est protectrice de La Ciotat et, en 1713, la chapelle devient fameuse par les ex-voto que les gens de mer y laissent. Les ex-voto de Notre Dame de la Garde
img_9671r.jpgsurplombs - ohoto Ti4Mars...Nous cherchons le sentier que nous a gentiment indiqué une randonneuse ciotadenne ; grossièrement balisé de bleu ou vert, il croise plus sentiers dont un mène à l’anse du Cannier où l’acteur Michel Simon aimait se promener : demi tour, c’est la fin du sentier pédestre. Le bon s’enfonce très profondément dans un vallon sombre, presque inquiétant. Nous sommes si bas que nous doutons qu’il sera possible de rejoindre la villa Sainte-img_9673r.jpgFrétouse par ces vallons sauvages. img_9670r.jpgL’érosion a sculpté des « paupières », img_9672r.jpget de vastes abris en surplomb impressionnants (« taffoni »), formés à l’époque glaciaire : en principe, pas de risque qu’ils s’écroulent si vous êtes au-dessus, l’érosion est terminée ! La marche sur le poudingue pentu et ses galets polis n’est pas facile : c’est un passage en escalade avec une corde et quelques vagues marches d’escalier où l’on descend en rappel ; ma nièce surmonte son appréhension et s’initie courageusement au terrain non plat : elle vient du nord de la France. Pour nous, les filles, la remontée du talweg se fait avec les mains. img_9676r.jpgimg_9678r.jpgSans perdre de hauteur, on contourne le vallon et on arrive à l’ancienne propriété agricole de Sainte-Frétouse.
On s’installe sur la grande terrasse au soleil où déjeune un couple de randonneurs. On s’imagine propriétaires, insouciants de l’absence d’électricité, contemplant la mer et les oliviers chaque matin. A de petits détails, on s’aperçoit qu’elle n’est pas aussi abandonnée que le laissent présager les apparences : la remise en état d’une oliveraie abandonnée sur le domaine (propriété du Conservatoire du Littoral depuis 1997), l’aménagement pour le grand public du chemin que seuls les ânes empruntaient autrefois pour ravitailler le sémaphore, la remise en état de longues restanques grâce à des chantiers d’insertion, et ce long tuyau d’eau alimentant la citerne de la villa. Voir la vidéo sur la restauration du site naturel de Sainte-Frétouse.

Nous sommes dans l’ancien atelier du sculpteur suisse Walter Spaeny (1892-1952), ami du réalisateur Jeff Musso décédé récemment et de l’acteur Michel Simon (association les Amis de Michel Simon) que mes parents trouvaient disgrâcieux mais qu’ils aimaient beaucoup. La Ciotat info, revue municipale et le blog Amitié Nature.

« On dit que les lavandières, depuis la nuit des temps, allaient dans les collines de Sainte-Frétouse au-dessous de la Vigie, chercher l’eau des torrents sauvages pour laver leur linge, et surtout, le faire sécher les nuits de pleine lune, pour qu’il soit plus blanc !

Le site de la ville de la Ciotat
Continuer la lecture de * De notre Dame de la Garde au sémaphore du bec de l’Aigle en passant par Sainte-Frétouse

* Cap Morgiou


Dès l’entrée dans le chemin de Morgiou, nous croisons des chasseurs. Au vu des traces de terre abondamment labourée, les sangliers ne sont pas loin. Mieux vaut sans doute les sangliers que la fameuse panthère noire de 2004 qui avait obligé la fermeture des calanques et la réquisition de l’armée ! N’empêche que nous avons cru en voir une, nous aussi, dans les carrières de Beaulieu au nord de Montpellier. Avis aux amateurs de sensations qui voudraient aller vérifier.

img_9581r.jpgDes touffes de globulaires bleus apportent une nuance printanière à cette randonnée d’automne. Après le chemin des crêtes de Morgiou, c’est la descente jusqu’au col du Renard qui est particulièrement difficile et risquée : un pierrier glissant de façon continue. Nous remontons ensuite jusqu’au fortin dont la longue muraille traverse presque totalement le cap dans sa largeur.

img_9578r.jpgimg_9585r.jpgimg_9591r.jpgCe fortin, construit en 1614, aurait été utilisé par les anglais appelés par la contre-révolution royaliste de 1793. En longeant le rempart construit directement sur le rocher, on s’aperçoit que l’enceinte devait veiller sur l’entrée des ennemis par la mer et leur accostage à partir de la calanque de Morgiou. A l’abri du vent derrière le mur de la batterie Est, un groupe de randonneurs déjeunent tout en discutant avec bonne humeur. Après la découverte de la cache Cap Morgiou : face à la mer de Bestioles, nous déjeunons plus loin, derrière un vestige de mur, près d’un énorme trou désormais comblé par des pierres : peut-être la carrière qui servit à construire le fort ?

Batteries du cap Morgiou

Calanque de Morgiou, histoire du fortin

grotte_cosquer_coupe.jpgA nos pieds, la calanque de la Triperie (mais pourquoi ce nom ? il semble avoir été donné récemment, peut-être par les militaires qui ont établi les cartes), bien à l’abri du vent, est étrangement calme et arrondie. L’entrée d’une vaste grotte sous-marine apparait dans la falaise verticale. reconstitution_cap_morgiou.jpgPlus à gauche, dans la pointe de la Voile, la célèbre grotte Cosquer s’ouvre sous 37 m d’eau. Henri Cosquer y découvre, en juillet 1991, des traces de mains, des peintures et des gravures. La datation au carbone 14 permet de faire remonter l’occupation de la grotte par l’homme entre 18500 et 27000 ans avant JC. » Elle est désormais murée pour être protégée. A gauche une tentative de reconstitution à l’époque où elle n’était pas envahie par la mer. La grotte Cosquer, site du ministère de la Culture

img_9601r.jpgimg_9603r.jpgimg_9615r.jpgimg_9620r.jpg

cap_morgiou_1.jpgJe pousse jusqu’au cap Morgiou, étroit et descendant jusqu’à 20m au-dessus de l’eau : à 2m des bords de la falaise, la sensation est grisante (1ère photo de gauche dans la série). Vu d’avion et inversé nord-sud, ne trouvez-vous pas qu’il a la forme d’un hyppocampe… ou d’un pélican ?
C’est l’heure de la descente vers la calanque de Morgiou et ses cabanons, presque tous construits en dur désormais, avec des installations sanitaires qui n’ont plus rien de rustiques. Nous reconnaissons sans difficulté, le torpilleur, îlot rocheux de la calanque de Sugiton ressemblant  à un navire de guerre (3ème photo de la série). Autrefois la pêche au thon se pratiquait à l’aide d’installations semi fixes, les madragues. Pour la madrague de Morgiou (1622-1853), voir la partie histoire des calanques sur le site du groupement d’intérêt public des calanques. En 1622, […], Louis XIII âgé de 21 ans, au cours de son passage à Marseille s’est vu offrir un divertissement organisé par la Prud’hommie des Pêcheurs de Marseille. Le jeu consistait à emprisonner des thons dans des seinches d’où ils ne pouvaient s’échapper. Cette pêche se pratiquait également sur la côte bleue ; elle a été interdite parce qu’elle n’était pas sélective. La calanque de Morgiou.

Continuer la lecture de * Cap Morgiou

L’île de Costebelle ou la colline dominant le village englouti dans le lac de Sainte-Croix


J‘avais déjà entendu parler du village des Salles sur Verdon, noyé dans le lac de Sainte-Croix pour les besoins du barrage. Je me demandais comment ses habitants avaient pu vivre cette destruction et ce qu’il restait aujourd’hui de l’ancien village.

De la vallée fertile et cultivée bordée de hauts reliefs ne subsiste plus aujourd’hui qu’un îlot verdoyant posé au centre du lac. C’est le sommet du relief dit de Costebelle. Extrait du site Parc naturel régional du Verdon : les Salles sur Verdon

La météo aujourd’hui à cet endroit
Avec la température ressentie

img_9131-300x224.jpgNoyée dans les eaux du lac, cette colline de 508m de haut, ne peut être atteinte qu’en bateau ou en pédalo que l’on peut louer à la base nautique. D’après le premier projet de l’EDF, elle aurait dû être complètement sous les eaux. Selon le cabaretier du nouveau village, il est parfois possible de rejoindre Coste Belle à gué, mais pas en cette saison où il y a trop d’eau. Nous optons pour le pédalo. En 10mn, nous y sommes. Après la recherche rapide de la cache « Costebelle » de ruettenscheider, j’erre sur cette portion de terre, cherchant quelques traces du passage des hommes en cette seconde moitié du XXème siècle. Voilà une cache innovante dans son mode d’approche et spéciale par l’histoire du lieu où elle est placée. Bravo ruettenscheider.

img_9134-224x300.jpgimg_9136-224x300.jpgimg_9138-224x300.jpg

Mais le décor est lugubre, désert comme après une catastrophe ; la végétation a repris ses droits de manière désordonnée, tout en laissant deviner encore des zones clairsemées – d’anciens chemins peut-être ? – quelques pierres, des tas de galets se cachent derrière la végétation – vestiges d’un ancien abri de berger ? Sur les plages artificiellement fabriquées par l’homme, poussent des arbres gringalets. Il est facile de se perdre : il n’y a plus aucun point de repère. Parce que je sais que l’ancien village n’est pas loin, à 35m sous l’eau, ces paysages atypiques me laisseront une sensation de malaise, tandis qu’au loin, sur une plage de la pointe de l’île, s’égaillent en tous sens des enfants heureux d’être en vacances.

J.J. Grézoux, Président de l’association « Mémoire des Salles-sur-Verdon », écrit :

En fait, comme rien ne le précise, nombreux sont ceux qui vont, en toute innocence, visiter le site, et lui retirent ainsi ce statut de sanctuaire naturel. Sanctuaire que l’île n’a jamais été autrefois, puisqu’elle était majoritairement recouverte de truffières, dans les parties où se trouvent des chênes […]. Et dans les parties recouvertes de pins et de broussailles, les Sallois ramassaient des champignons (lactaires, …), aujourd’hui disparus.

N’avez-vous pas l’impression de voir dans le lac
l’ombre de la valléee dans laquelle était bâti l’ancien village ?…

salles_sur_verdon_lac.jpg

« Quoi de plus émouvant que le transfert des morts vers le cimetière du nouveau village. […]
Quoi de plus éprouvant que de voir disparaître l’endroit où l’on est né, où l’on a appris à lire, où l’on a vécu.
Quoi de plus douloureux que la transformation d’un paysage verdoyant et gai en véritable désert.
Quoi de plus affligeant que de voir tomber les maisons les unes après les autres sous les coups de boutoir des bulldozers. »
d’après Monographie des Salles-sur-Verdon, Simian François (ancien instituteur du village).

Le site Les Salles, un site une histoire nous plonge dans la réalité de l’époque : avec la série de photos avant et après la démolition, on sent bien que chaque quartier du village a perdu progressivement son âme. J’imagine le désarroi de ses habitants et en particulier celui de M. Signoret dont la maison baigne déjà dans l’eau, et qui, jusqu’au bout, n’a pas voulu la quitter. La fin, extraits :

  • 2 janvier 1974. Victime d’un bulldozer, la ‘203’ d’Henri Constant ne connaîtra jamais le nouveau village
  • Le 1er mars 1974 à 8h, les forces de Gendarmerie évacuèrent les derniers habitants des Salles-sur-Verdon.
  • 5 mars 1974, 16h45 : l’église de l’ancien village disparaît à tout jamais dans une gigantesque explosion.
  • 28 mars 1974. Route d’Aiguines. Au loin, un dernier bulldozer s’évertue à aplanir les gravats.
  • Mai 1974 : De l’ancien village il ne reste que des souvenirs… et un si vulgaire tas de pierres

Autre point de vue, froidement technique, celui de l’EDF qui, sur la page consacrée aux aménagements du Verdon écrit : « L’emprise du lac a nécessité de reconstruire le village des Salles sur Verdon, de rétablir 25 Km de route et de créer deux ponts. »

img_9128-300x224.jpgimg_9144-300x224.jpgLe sentier de Toine et le parcours historique permettent de faire le tour du nouveau village (cache GCXP22 Les Salles). On peut y voir quelques vestiges de l’ancien : la fontaine située à côté de la mairie, deux lavoirs et de nombreux encadrements.  Sur le sentier botanique, après avoir longé le lac, près du terrain de camping, a été érigé le monument du souvenir, face à l’ancien village : des moutons de pierre. Signes de la richesse du village avant le barrage, cinq troupeaux de moutons y étaient dénombrés. On y ramassait aussi des truffes vendues au marché de Riez ; 7 alambics distillaient la lavande.

LSA730829_09_24_viada_moutons.jpgMoutons de pierre, monuments du souvenirDe village agricole, Les Salles est devenu village touristique. Proche du village de Sainte-Croix autrefois, il s’en trouve désormais éloigné, la route qui y menait ayant été noyée.

Boucle 6.670km, 2h15 avec les arrêts dénivelée 56m – marche et pédalo

blsqr05.gif

Merci à M. Grézoux, président de l’association « Mémoire des Salles-sur-Verdon« , d’avoir accepté de relire cette note et y apporter quelques précisions.