Source de l’Infernet par le GR 2013


Lors d’un reportage sur le GR 2013 en début d’année, j’avais été surprise de découvrir ce charmant petit coin, près de la ville : une source abondante se déversant en cascade, près de petites gorges d’un beau ton rose soutenu ; j’avais du mal à croire qu’il était en région PACA. Je me suis donc inventée une petite boucle passant sur le GR 2013 avec retour par un autre sentier (je n’aime pas faire un aller et un retour identiques).

Départ sur le parking du ball-trap et du club d’aéro-modélisme, près de la gare TGV. Pas évident à trouver la route qui y mène ; il faut emprunter le rond-point de la gare et avant l’entrée du parking P12, tourner en épingle à cheveux sur la droite ; les voitures qui ne veulent pas payer le parking de la gare, stationnent le long de cette route et obstruent la visibilité.

Les maquettes d’avion tournoient au-dessus de ma tête dans un vrombissement presque aussi fort que celui d’un véritable avion. Il ne faut surtout pas entrer sur leur terrain dont l’accès est interdit : à cet endroit, le GR s’infléchit sur la droite pour rejoindre une ancienne route macadamisée fortement dégradée. Puis elle descend ; sur la gauche, un tas d’ordure barre le passage : c’est là que passe le GR.

J’aperçois des caravanes de nomades installées près du stadium, parallélépipède de béton qui aurait dû servir de salle de spectacles ;  il a été cédé à la communauté du pays d’Aix ; même si on a du mal à le croire, c’est l’œuvre d’un architecte de renommée internationale Ruddy Riccciotti. Le blog de Didier Hacquart.

Bien que je n’en ai jamais vues, en vrai, je sais que les grosses bosses lie-de-vin, desséchées, irrégulières, séparées par des rigoles de plusieurs dizaines de centimètres de hauteur, sont les tristement célèbres ‘boues rouges‘, résidus polluants du traitement de la bauxite, bien visibles de l’autoroute A7 et du train. C’est l’usine Alusuisse des Aygalades (Marseille) qui les a entassées ici à partir de 1950.

Pendant près de 70 ans, on a fabriqué de l’alumine à Gardanne, et pendant 70 ans on a rejeté les boues rouges. Chaque tonne d’alumine produit au moins une tonne de boues rouges. En 1906, on construit un transporteur aérien de 3km vers le vallon d’Encorse à Bouc Bel Air. Cela a duré 60 ans. A partir de 1960, les zones de stockage de boues rouges sont saturées. Une étude préconise le rejet en mer du côté de Cassis par un sea-line, 47km de long, entre Gardanne et Cassis puis prolongé jusque dans la fosse de Cassidaigne [ndlr : il est visible sur des dizaines de kilomètres entre Gardanne et Aubagne sous la forme d’un tuyau vert le long de l’ancienne ligne de chemin de fer de Valdonne]. Péchiney dépose un dossier d’intérêt public en 1963.
L’opposition au projet se manifeste si fort que Péchiney est obligé de faire appel à un service de communication pour convaincre l’opinion publique : on ne parle plus de boues rouges mais de limons ferriques, on présente une maquette, les ouvriers de Gardanne en parlent. La requête d’annulation de la déclaration d’utilité publique (déposée par le maire de Cassis) est rejetée en 1968.
Suite à la conférence de Barcelone, la décision d’arrêter le déversement des boues rouges dans la Méditerranée, a été prise pour 2015. Cela est rendu possible grâce au minerai de Guinée plus riche en alumine (et produisant moins de résidus) et à l’amélioration des procédés techniques dans l’attaque de l’alumine et des filtres.
D’après l’institut pour l’histoire de l’aluminium, 2010

Toxique ou pas ? deux points de vue article de sciences et avenir, 2010… et celui du GIP des calanques

Le sentier de fine terre parfois glissante contourne l’énorme tas de boues rouges puis sinue dans les bois. Les sentiers sont nombreux mais le GR est assez bien marqué. Je passe à gué sur des ruisseaux bien secs puis descend jusque dans les gorges roses. Moyennant un petit détour, leur côté insolite apparaît (photo de droite).

Les parois des gorges de CabrièsA partir de là, il faut bien suivre le GR qui surplombe ensuite les gorges avant de descendre par un passage rocheux dans le fond, près de la Cadière qui court en cascade. Drôle de spectacle que ces calcaires roses mamelonnés, alignés, datant de -61 à -55 millions d’années, argileux ou rouges ou silicifiés, quelquefois avec des marbrures.

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Les dolmens des Adrets, Brignoles


Samedi, j’ai consacré les journées du patrimoine 2013 à la préhistoire et aux dolmens, constructions funéraires pour enterrer les morts ; dimanche, ce sera un parcours d’art contemporain dans la nature. C’est Philippe Hameau, président de l’ASER Centre Var et maître de conférences au laboratoire d’anthropologie de l’université de Sophia-Antipolis, qui encadre le groupe. J’aime beaucoup ses visites, gratuites et de qualité.

Il nous conduit au départ de la balade par le chemin de Beouvèze. Après le pont, du côté droit, c’est l’accès au plus connu et au seul dolmen fléché parmi les quatre (situés entre 336m et 355m d’altitude sur le Pied de Boeuf) : le dolmen des Adrets I est situé à la limite entre le Val et Brignoles, je l’avais visité en mars 2010 ; à côté de ce monument se trouve une cache, le dolmen des Adrets par Elia’s
C’est le mieux conservé de tous ceux que j’ai pu voir mais il est mal restauré selon P. Hameau. Montée le long du pipe-line, j’avais trouvé que c’était raide mais rapide quand on a peu de temps. Une personne présente aujourd’hui nous apprendra qu’à l’époque de la construction du pipeline, elle était intervenue de justesse avant que les pelleteuses ne détériorent définitivement ce dolmen.

Aujourd’hui, le sentier que nous empruntons en montée est étroit et à peine visible : il a été tracé pour les besoins des fouilles. Deux pas nécessiteront un petit effort supplémentaire et un peu d’aide pour certains ; sur les aiguilles de pin séchées, ça glisse parfois sinon rien de bien difficile. Autant le dire tout de suite : ces dolmens ont été fouillés et vidés de leur contenu archéologique.

A l’époque de la construction de ce dolmen IV (3è millénaire avant J.C.), la zone était déforestée.  On peut supposer que chaque population avait son dolmen. En arrière de celui-ci, plusieurs assises de pierre formaient une sorte de rampe sur laquelle on faisait glisser la dalle de couverture. Travail collectif car la dalle devait peser 3 tonnes environ.

Reynaud évalue à 89 le nombre d’individus inhumés (à noter : déficit d’enfants) avec leur carquois et divers objets : flèches, lames de silex dont certaines ont servi de poignard, objets de parure (en calcaire, coquillages percés, dents animales percées, etc). Les colliers ne sont pas aussi bien ordonnancés qu’aujourd’hui :les perles s’enfilent au fur et à mesure qu’elles sont ‘gagnées’. A été mise au jour une lame de poignard de 17cm de longueur, en silex brun  rubané caractéristique de la région de Forcalquier. Des petits récipients ont été retrouvés dans la chambre sépulcrale. Quelques dents portent les stigmates d’un travail de l’osier.

Le dolmen a été utilisé pendant plusieurs siècles, réutilisé après le néolithique en tant que dépôt de céramique antique, voire poste de chasse. Nous montons encore un peu pour atteindre le dolmen III orienté à l’ouest comme la plupart des dolmens. Découvert en 1962, il est constitué de dalles dressées à l’ouest et à l’est et de murets limitant la chambre sépulcrale au nord et au sud. Il est inclus dans un tumulus de pierraille de 6m de diamètre dont on suppose que de nombreuses pierres ont été prélevées pour la construction d’un mur voisin.

Autour de nous, une forêt dense sans doute appréciée des chasseurs et qui cache bien les quatre dolmens proches l’un de l’autre, preuve de l’importance de l’occupation humaine.

Archéoprovence, les dolmens des Adrets

Les mégalithes du Var avec 27 itinéraires de découverte, H. Barge, E. Mahieu, Actilia Multimédia, 2005
Laissez vous conter la préhistoire en Provence Verte, P. Hameau, Syndicat Mixte du pays de la Provence Verte, 2011
Guide des sites préhistoriques Provence-Alpes-Cote d’Azur, F. Boyer, Mémoires Millénaires, 2006

Sur la demie journée, vous n’aurez aucune difficulté à découvrir les 3 dolmens.

image dolmens tracesImage des itinéraires, celui des dolmens IV et III 1km650 A/R, 40mn déplacement, 2h avec la visite guidée – pour le dolmen I à peu près 40mn déplacement A/R

Castrum de Pibresson, village perdu de Velnasque


C‘est Mathieu, geocacheur des Alpes-Maritimes, qui m’a parlé de ce village abandonné peu connu des randonneurs. Dès que j’en ai eu la possibilité, je suis partie vers Callian-Tourrettes pour le découvrir. Ne pas confondre Tourrettes sur Loup (06) et Tourrettes les Fayence (83) ; ne pas confondre Vénasque, commune du Vaucluse et Velnasque, lieu-dit du Var.

Le plus bizarre, c’est quand j’ai voulu me renseigner davantage ; sur la carte de Cassini figure Pibresson mais pas Velnasque ; les textes du XVIIIè évoquent le castellum1 de Velnasque et le castrum1 de Pibresson comme étant deux arrières-fiefs du seigneur de Trans. Bulletin de la Société d’études scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan, Société d’études scientifiques et archéologiques de Draguignan et du Var, 1870-1871-T8 ou Description historique du diocèse de Fréjus / manuscrits de Girardin et d’Antelmy, abbé J.-B. Disdier, Girardin, Jacques-Félix, Antelmy, Joseph, C. et A. Latil (Draguignan), 1872  ; le Castrum de Podio Brissono est une terre de deux lieues de longueur, couverte de forêts, avec une chapelle, une tour de gué et des remparts. De nos jours, sur internet, Velnasque et Puy-Bresson désignent souvent le même lieu… par exemple dans Notice patrimages, VELNASQUE Castrum de Pibresson ou Puybresson, 13-14e.

Histoire de Tourrettes, site de la commune

Pour notre visite, peu importe ces doutes historiques. Je me gare sur le seul emplacement disponible sur la D256 qui va vers Callian et qui est proche du sentier. Aucune indication au départ. Le sentier monte sur une piste classique sans difficulté particulière ; on laisse sur la gauche un sentier à l’entrée duquel la FFR a laissé l’image d’une modification d’itinéraire ; au carrefour suivant, un étroit sentier sinue en forêt. De façon à ménager la surprise, je ne regarde pas mon GPS malgré différentes sentes trompeuses. Et le plus incroyable, c’est que dans un premier temps, j’ai réussi à passer à côté du village, sans le voir ! Mais après que j’ai repéré le premier mur ruiné, c’est tout le castrum de Pibresson qui s’est offert à mes yeux ébahis ; pantalons longs préférables sinon vous ressortirez griffé ; le risque de chutes de pierre est réel ; mieux vaut ne pas craindre les situations plus ou moins acrobatiques.

Un mur d'enceinteC’est le donjon  du moyen-âge qui me surprend d’abord : de hauts murs épais, une fenêtre qui a été bouchée (il devait donc y avoir un étage), la porte d’entrée désormais inaccessible. Quand je passe derrière la tour, je découvre un long mur d’enceinte de hauteur impressionnante, toujours debout. Plusieurs maisons sont encore reconnaissables. Je suppose que ce castrum a été anéanti durant les guerres de religion, vers 1590.

Je cherche maintenant la chapelle Saint-Philippe et Saint-Jacques, qui faisait partie d’un prieuré, selon l’inventaire du diocèse de Fréjus établi au XVIIè par l’abbé Antelmy. C’est là que la cache Village perdu de la Velnasque par valloo prend tout son intérêt. Autour de la porte, des pierres finement taillées sont posées sur de beaux lits réguliers alors qu’au delà le travail est plus grossier. Les chemins médiévaux – le Var, Alain Raynaud, Editions de la Renaudie, 2005. A l’intérieur, plus de voûte mais demeure le chœur en cul de four dangereusement fissuré sur presque toute sa hauteur.
Il me faut ici remercier chaleureusement A. Raynaud des éditions de la Renaudie2, qui a accepté de me transmettre quelques informations et les nombreuses sources  qu’il a consultées ; sa rigueur et son honnêteté intellectuelles, si souvent absentes sur internet, méritent d’être soulignées : Velnasque et Pibresson ont bien existé. Il me rapporte la conclusion de J.-C. Poteur, chargé de mission au patrimoine du CG 06 :

La localisation des sites de Valnasque et de Puybresson a posé des problèmes. Les cartes IGN et autres ignorent Valnasque et attribuent ce toponyme à Puybresson. C’est Madame CHICHE qui, au moyen de cartes anciennes et des titulaires d’églises, a rectifié l’identification de ces monuments.

Le seigneur de Trans [ndlr : de Pibresson, de Valnasque, Montferrat, Chateaudouble, Brunet] Louis Henry de Villeneuve, qui longtemps avait été en conflit avec la communauté, donna sa démission du grade de colonel et tenta de vivre en paix avec ses sujets. Pour preuve, quand la communauté chercha à installer l’écusson représentant les armes du Roy au fronton de l’hôtel de ville, le seigneur de Trans chercha lui-même l’artiste (Carriol, sculpteur) et surveilla l’exécution des travaux (1778). La photo de l’hôtel de ville actuel me laisse penser que cet écusson est toujours en place. Il est mort sur l’échafaud en 1793.

Cette petite balade vaut le déplacement : c’est tout un village à fort intérêt historique que vous allez découvrir et pas seulement quelques maisons. Quasiment invisible sur la photo aérienne, je ne l’aurais jamais découvert sans le geocaching. Merci valloo.

Itinéraire 4km700, 1h15 déplacement (+1h pour la visite), 205m dénivelée

1castrum : c’est un des mots avec castellum pour désigner le château. En Provence à partir du XIIe, le mot qualitie l’ensemble de l’habitat fortifié : château et village accolé
2Le Var, itinéraires découvertes, a été réédité en 2012 et contient une description de ‘la porte de Puy Bresson’