Rognes, le sentier des vignerons sous la neige


Nous devions partir à quatre, nous ne fûmes que deux ; quand les premiers flocons sont tombés dès 7h du matin, deux se sont désistées ; les plus téméraires, Claude et moi, ne le regretterons car le silence et la blancheur ont transformé les paysages, renforçant le caractère insolite de la balade. Inspirée de l’Ecobalade de Rognes j’y ai ajouté une variante en altitude vers la crête de la chaîne des Côtes.
Inauguré le 12 juin 2010, ce sentier des vignerons (Rognes), après celui de Puyloubier, fait désormais partie du Réseau des sentiers des vignerons coopérateurs des Bouches-du-Rhône. Par chance nous trouvons une place sur le petit parking près du lavoir ; de toutes façons, le grand parking à l’entrée de Rognes, avant la chapelle saint-Denis en venant d’Aix-en-Provence, a toujours des places disponibles (ajouter 1km A/R).

L’album photos le sentier des vignerons sous la neige

La première photo prouve bien qu’il neige : on voit les flocons devant le lavoir du XVIIe siècle, le lavoir de Fontvieille, restauré au XIXe siècle. Nous commençons sur route ; dès le premier écart sur un sentier, un paysage surprenant mais enchanteur s’offre à nous. Nous rejoignons la route ; les vignes sont couvertes de neige et taillées à la mode du cordon de Royat : les coursons verticaux leur donnent une allure d’épouvantail.

La taille en Cordon de Royat est une taille courte sur une charpente longue, caractérisée par 1 ou 2 bras horizontaux de 40 cm environ, portant 2 à 5 coursons ou porteurs, installés dans le sens du palissage sur le fil porteur, au minimum à 60 cm du sol.

De temps en temps, un panneau de bois marqué sentier des vignerons en écriture manuscrite appliquée, balise le chemin. Nous pénétrons dans le bois par un sentier très empierré : après la montée raide et courte vers la crête, à partir de la citerne de Menourque, nous marchons sur un chemin totalement vierge : personne n’est encore venu jusque là. Au loin côté nord le Luberon a changé d’allure, comme strié de gris et blanc. Les collines les plus proches portent une chevelure grisonnante. Au sud, côté village de Rognes, une mosaïque de champs blancs. Au zoom, le rocher de Castellas dresse sa façade de pierre dominée autrefois par une tour castrale : ce serait l’emplacement du Castrum de Tarron du Xe qui donnera le nom de La Roque d’Anthéron.

A l’emplacement du cairn sommital (ne pas continuer tout droit), nous devons redescendre avec prudence jusqu’à la piste en contre-bas que nous allons suivre tranquillement ; nous croisons quelques VTTistes aventureux ; il ne neige plus. Claude commence à avoir faim : Il me faudrait un banc maintenant pour le pique-nique ! ; un banc dans les bois, cela semble peu probable et pourtant à midi et quelques minutes, non loin de Caïre Val, un banc providentiel sous les arbres, nous accueille. Nous n’y restons que le temps de récupérer des forces car la température, même s’il ne neige plus, n’est pas favorable à un stationnement prolongé.

Nous contournons l’institut Bouquet, maison de retraite de Caïre Val situé à l’emplacement de l’ancienne bastide de Caireval détruit en 1909. Le domaine du Caïre a été cédé aux institutrices du département par le docteur Bouquet en 1903 pour servir de lieu d’asile aux retraités.

Dans la vallée, il y a moins de neige ; la piste traverse les champs de vignes ; de ce côté, les arbres sont aux couleurs d’automne. Au loin c’est bien le Mourre Nègre et ses antennes hertziennes et à quelques mètres devant l’ancien canal du Verdon. Sur le chemin de Traspigut, une sentinelle de neige veille…

Le sentier rejoint la route non loin de la chapelle romane saint-Marcellin, notée en ruines par l’IGN en 1950 et reconstruite par des chantiers de jeunes. Lieu habité depuis longtemps comme en témoignent l’autel paléochrétien du Vè après J.-C. et les monnaies romaines découverts à Saint Marcellin à l’occasion de fouilles archéologiques.

La chapelle de Saint-Marcellin, près des ruines des Cannes, est reconstruite en 1136 (f). … Après le saint sacrifice, des prières sont faites pour les victimes des Sarrasins, sur le lieu même où elles périrent en plus grand nombre. A l’occasion de l’avènement de la Maison de Barcelone au comté de Provence, au préjudice de la Maison des Baux, les habitants de Rognes ont dû se retrancher dans leur castrum. Revue de Marseille et de Provence, Volume 31, 1885

La statue de l’évêque est encastrée dans la façade ; la massive croix de pierre face à l’édifice porte la date de 1989 qui correspond sans doute à la date de restauration. L’enclos au pied de l’ermitage sera bien agréable aux beaux jours. Aujourd’hui les traditions, interrompues en 1909 après le tremblement de terre, sont reprises : la messe, la bénédiction des vendanges et un repas.

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Echappée belle au pays de la lavande


Mi-juillet : la récolte de la lavande a presque partout déjà eu lieu avec deux à trois semaines d’avance. La rando-bistrot organisée sur ce thème par Provence Authentic, petite agence attentive à ses clients, gardera-t-elle son charme ? c’est la grande inconnue. Marie et moi avons rendez-vous avec Daniel Villanova (de l’association Ventoux-Passion-Nature) devant le bistrot de pays de Saint-Trinit (84) ; je connais ce guide : avec lui, en 2011, sur le thème de la pierre sèche à partir de Monieux, j’avais pu voir un bout du mur de la peste, un aiguier et la ferme de Lauzemolan. J’avais été impressionnée par la qualité de sa prestation.
Saint-Trinit dédié à la Sainte-Trinité, n’a pas de rempart ni d’enceinte mais une sorte de prieuré-fortin où un moine s’était installé. Il n’a pas souffert des exactions de Raymond de Turenne, ni des guerres de religion… sauf Lesdiguières le 1er avril 1591.

Lien vers l’album des photos

Allure sportive et cheveux ras, chapeau sur la tête, accompagné de sa chienne Ilka, Daniel nous accueille avec simplicité et bonne humeur, expose le programme de la journée, et donne le signal du départ. Ce matin : marche, cet après-midi : visite guidée d’une exploitation de lavande et lavandin dans la Drôme toute proche.
Nous démarrons au nord du village, en passant devant la petite église de la Sainte-Trinité.

les restaurations l’ont […] recoiffée d’un campanile […], un haut donjon carré chapeauté d’une pyramide de lauzes elle-même surmontée d’un clocheton pointu, une abside pentagonale qui ose à peine afficher sa saillie par rapport au donjon, une nef […] ; quelques raffinements l’enluminent: des pilastres aux angles, et une baie enchâssée dans une niche à colonnettes.
Le donjon et l’abside (XIIe) ont été complétés en 1580 par un chemin de ronde et des guérites qui firent s’effondrer la voûte ; on la reconstruisit en 1652. Les ouvertures sont rares mais leur qualité compense : la baie axiale et la baie principale son encadrées de colonnettes et surlignées d’un arc cintré. […] Terres de Sault d’Albion et de Banon, P. Ollivier-Elliott, Edisud, 1996

Rapidement, dès la sortie du village, le Ventoux se pointe à l’horizon. Premier champ de petit épeautre (ou engrain) : cette céréale rustique proche du blé, cultivée au proche Orient depuis bien avant J.-C. est remise à la mode dans les années 1990. Elle a une faible teneur en gluten, contient pas mal d’acides aminés, des sels minéraux, des fibres mais son rendement est faible. Elle côtoie ici les champs de lavande avec lesquels elle est en rotation comme avec diverses légumineuses (pois chiches, lentilles). Le petit épeautre se fête à Monieux en septembre. Comment le cuire

Après le petit sous-bois, le paysage s’ouvre sur des collines en damier coloré puis sur les champs de lavande. Inévitablement la question de la différence entre lavande et lavandin se pose.

Le lavandin est un hybride naturel issu d’un croisement entre la lavande dite « fine » et la lavande « Aspic ». II est stérile donc l’homme le multiplie par bouturage. Son essence a un rendement quantitatif 4 à 5 fois plus élevé mais son huile essentielle est plus camphrée et plus acre. Il pousse à n’importe quelle altitude.
La Lavande « fine » se reproduit par graine ou par boutures ; ainsi il est possible d’en trouver à l’état sauvage. Elle pousse en altitude (plus de 600 m).

Extérieurement, si on a les deux sous les yeux c’est assez facile : l’épi de la lavande est fin, de couleur « lavande » avec une tige de 30 à 40 cm. L’épi du lavandin est plus gros, pointu et de couleur violette avec des tiges plus longues de 60 à 80 cm.

Ici point de comparaison possible puisque nous n’avons pas les deux sous les yeux ; alors Daniel nous parle de botanique. La lavande fine possède une seule fleur sur chaque tige ; le lavandin a un épi central et deux ramifications. J’éviterai de vous parler de la lavande aspic qui, elle aussi, a plusieurs ramifications mais est peu utilisée en France.

Dans le vallon de Guillon, les couleurs des champs de lavande ravissent les yeux. Les abeilles affairées bourdonnent : nous nous approchons avec précaution.

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A partir de la chapelle Saint-Maxime, les plateaux surplombant l’Auvestre


Riez la Romaine nous accueille une seconde fois, un an environ après notre première visite orientée geocaching : ** Riez la romaine. Attention, petite route goudronnée mais étroite pour atteindre le parking de la chapelle Saint-Maxime. Cette fois, plus au nord que la première fois, nous traverserons les plateaux de chaque côté de la rivière Auvestre, ce qui nous fera grimper ou descendre par des routes goudronnées, mieux protégées du vent. Car aujourd’hui le mistral souffle en rafales de 40 km/h mais le ciel est bleu, tel qu’Yves l’aime pour les photos ; c’est bien emmitouflés que les plus courageux, 9 et la chienne de Philippe, quittent le parking près de la chapelle.

Mon album photos

Photos de Yves Provence

La chapelle Saint-Maxime, propriété de la commune, a fait l’objet de restauration en 2003 grâce à la mairie et aux dons récoltés par les sœurs Clarisse qui occupent les lieux ; à l’époque, les tuyaux d’écoulement en cuivre avaient suscité pas mal de discussions ; ils étaient imposés par l’Architecte des bâtiments de France… Sa vaste esplanade est propice à la méditation et aux points de vue sur la plaine. A l’époque de l’établissement de la première carte de France, pour y effectuer des mesures de localisation, le topographe Cassini y avait placé un signal.

Nous descendons jusqu’au village par un sentier de galets en lacets qui arrive au niveau de la tour. Là, par des escaliers, nous rejoignons le centre du village : la vieille porte  Saint Sols, la fontaine Benoite, le lavoir. La route revêtue baptisée voie communale n°9, grimpe sur le plateau que l’IGN appelle plaine. Alors plaine ou plateau ? Selon un cours de géographie de l’école primaire :

Les plaines se trouvent à basse altitude : les rivières coulent en surface et descendent les vallées de l’amont vers l’aval.
Les plateaux sont plats et hauts : les cours d’eau y ont donc creusé des vallées et des canyons.

Mais l’origine est ici provençale : plane en tant que nom, désigne une étendue plate donc un plateau ; celui de Valensole est la plane de Valensole.

Les champs de lavande aux touffes grisâtres courent vers l’horizon ; les antennes radio (dont France Bleu Provence) et télévision apportent une touche de modernité dans la plaine des Tourettes. Etonnant qu’il n’y ait pas de projet éolien sur ce vaste espace… Au carrefour qui mène à l’antenne de téléphonie mobile (640 m) et son point de vue sur la ville, je repère au nord-est les quelques montagnes enneigées : la Tête de Chabrières, le sommet du Couard.

Au bout de la plaine de Meyane, nous redescendons dans la vallée de l’Auvestre par le chemin de Brunet ; après la traversée de la route de Puimoisson, le jardin de la première maison du quartier Saint-Sébastien fête Noël : des paquets cadeaux sont accrochés au grillage. Un peu à l’écart de la voie communale n°17, nom bien peu poétique, un coin abrité du vent nous accueille le temps du pique-nique. Café chaud, rhum arrangé, gâteau, gingembre confit, il y a toujours quelqu’un pour partager des bonnes choses avec le groupe.
Nous poursuivons ensuite le long de la rive gauche de la rivière.

Par le ravin de l’Aubette, boisé, nous remontons sur la plaine de Saint-Maxime. La variante du GR4, grande piste facile, traverse les champs de lavande. Un peu déçue : le fameux GR® 4 à travers le Verdon, de Sainte-Croix-du-Verdon à Castellane, n’est arrivé qu’en 5è position lors du classement du GR préféré des français… mais pas le dernier !
Une seule montagne enneigée au nord c’est l’extrémité de Lure. Un cabanon bien seul témoigne de l’activité humaine. Sur ce plateau immense et désert, pas de lignes à haute tension, pas d’éolienne, pas d’antennes. La piste humide rejoint la chapelle Saint-Maxime que nous atteignons en début d’après-midi : nous avons été plus rapides que d’habitude.

Yves nous offre le thé chaud que nous apprécions particulièrement.

En reprenant la voiture, montée du cimetière mais en descente, nous passons devant une source captée, une des nombreuses mines d’eau dont j’explique le principe dans mon premier article.

Le réseau complexe, aux nombreux bras latéraux de certaines mines surplombant la ville, parait être la marque de mines d’eau médiévales à usage collectif, creusées pour répondre aux besoins d’une collectivité (comme la mine dite du cimetière, fig. 5). D’après L’eau dans les Alpes occidentales à l’époque romaine, H. Aubagnier, P. Borgard, J.-L. Guendon, L. Martin, Les cahiers du CRHIPA n°19, octobre 2010

Image de l’itinéraire 12km450, 3h30 déplacement (5h au total), dénivelée 141m (+319, -319 en cumulé)

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