D’Aubignosc au vieux village de Chateauneuf Val Saint Donat


Après ma première visite du village abandonné et enneigé de Chateauneuf Val-Saint-Donat : une colline sous le beau vent de Lure,  je souhaitais refaire la visite pour le château, véritable forteresse militaire. Il me fallait d’abord prélever quelques informations pour m’y repérer. Pas très longue, la randonnée s’est pourtant révélée plus difficile que je ne le pensais, alternant montées et descentes dans un environnement forestier pas toujours bien balisé.

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à 3 jours avec le vent

Le départ est clairement annoncé : les Roubines, les très connues « Terres Noires » (marnes pas vraiment noires ici puisque ce sont des marnes bleues) formant des roubines1 suite à leur intense érosion, et Chateauneuf Val Saint-Donat.

Les marnes sont constituées d’argile, de calcaire et de schiste ; elles se sont formées au fond de la mer, pendant le Secondaire. Pendant des millions d’années se sont  accumulées des centaines de mètres d’épaisseur de sédiments. Leur couleur varie du noir au bleuté, en passant par les gris, voire le jaunâtre, à la suite d’altération. Elles forment des sols très sensibles à l’érosion, des reliefs ravinés que parcourent des rus intermittents. Selon le club minéraux et fossiles 26-07

Après un passage encore verglacé, j’entre assez vite dans la forêt domaniale du Prieuré. Au premier carrefour de pistes, s’offre une alternative inconnue mais qui me tente bien pour ne pas emprunter le même trajet à l’aller comme au retour. Je prends donc la direction des Amarines par le GR 653D qui suit librement la via Domitia de Montgenèvre à Arles, et qui a été remis à l’honneur comme chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Après le passage sous la ligne à haute tension, je traverse à gué le ruisseau de Maurieu. C’est là que j’ai perdu le GR ; plutôt téméraire, j’ai escaladé face à moi la paroi rocheuse qui se délitait. Mauvaise piste. Il fallait traverser puis longer la rive par la droite pour pénétrer dans les amarines, du provençal amarino désignant sans doute le saule osier (sans rapport avec la Marine !). Dans les marnes, le tracé est parfois effacé par l’érosion ; le premier crocus de la saison émerge des aiguilles de pin au sol. Plus loin, la roche suinte de partout. Dans un bois clairsemé, le carrefour avec mon futur chemin du retour est parfaitement visible.

Cet itinéraire équestre passe à gué deux ruisseaux. De loin la tour du moulin se détache sur fond de ciel bleu. Nous sommes maintenant sur une piste VTT. A l’approche du domaine de Thoron, je remarque une portion de voie pavée à l’image des voies romaines. L’épais mur de blocs de pierres équarries porte l’indication du GR qui nous invite à virer à angle droit. Non loin de là, je m’étonne de trouver le long du sentier une seule vieille pierre plantée à la verticale, solidement ancrée, partiellement cassée. Serait-elle romaine en rapport avec le domaine de Thoron tout proche ? c’est là qu’a été trouvée une sculpture antique de dauphins ayant pu faire partie d’une fontaine. Il est probable que plusieurs voies romaines se rejoignaient à Chateauneuf Val saint-Donat. Carte archéologique de la Gaule, Alpes de Haute Provence, Géraldine Bérard, Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1997

Histoire de la voie romaine ; ancien chemin royal entre Chateauneuf et Peypin
La voie romaine entre Sisteron et Apt, Damase Arbaud, Paris, J.B. Dumoulin, 1868
Itinéraires romains en France

Le panneau d’affichage ci-contre annonce une construction prochaine : celle d’une nouvelle ferme photovoltaïque. Déjà le parc solaire des Mées, le plus grand de France, avait choqué plus d’un randonneur dans le vaste paysage de lavandes du plateau.

Une ferme photovoltaïque près du vieux village, la Provence

Bâti sur le rocher à l’extrémité Nord du village, le château occupait une surface de 30 mètres sur 17 mètres, avec un rez-de-chaussée et deux étages ; il doit dater du XVè siècle puisqu’en 1482, les consuls de Sisteron y viennent pour féliciter Raymond de Glandevès, Gouverneur de Provence, pour la naissance de son enfant. Son entrée officielle se trouve donc côté tour du moulin ; en contre-bas, là ou était la rue autrefois, une arche de pierre fragilisée par les ans, se détache de la façade : serait-ce l’entrée des écuries (photo de gauche) ?

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Boucle Sainte-Trinité à Jouques


J‘ai trouvé cette nouvelle randonnée sur le site du comité départemental de randonnée des Bouches du Rhône : boucle de Sainte-Trinité. Moyennant de petits détours, je vous ai indiqué  quelques curiosités que m’a fait connaitre le groupe de ‘traconniers’, chercheurs des vestiges de l’aqueduc romain de la Traconnade, en particulier M. Balalas. Une grande partie du circuit se pratique facilement sur chaussée revêtue, traversant des lotissements présents ou à venir mais avec peu de circulation automobile. Vous passerez insensiblement de Jouques à Peyrolles puis de Peyrolles à Jouques. Parking à côté de l’église de Jouques.

La météo à cet endroit
avec prévisions à 3 jours

Le pont passe au dessus du Réal, ruisseau tumultueux à cet endroit et abondant qui prend sa source près de Rians ; il est alimenté par plusieurs sources dont la célèbre source de la Traconnade que les Romains avaient captée pour alimenter en eau la ville d’Aix-en-Provence. Grâce à ce débit, de nombreux moulins cités encore au cadastre napoléonien vers 1810 (moulins à huile, à tan1, à papeterie, épeautre) avaient été construits le long du cours d’eau. La société de pêche y procède parfois à des déversements de poissons d’élevage mais ne l’indique plus sur internet pour éviter le braconnage. D’après le site de Jouques, sa température de 6 degrés l’hiver et d’un maximum de 20 degrés l’été, convient parfaitement aux salmonidés, à savoir les truites et plus spécialement les farios (parcours piscicole privé sur 10 kilomètres).

Je passe près du quartier du Défends, toponymie que je retrouve pratiquement lors de chacune de mes randonnées ; la zone « en interdiction », réservée autrefois à la communauté pour éviter la sur-exploitation et les dégradations causées par les troupeaux, n’en a plus que le nom. Jouques possédaient énormément de bois il y a quelques siècles. L’arrêt du parlement en date du 4 juin 1753, dont je vous cite un extrait ci-dessous, avait pour but de limiter le trafic de bois – écorce de chêne pour les moulins à tan1, charbon de bois, bois à brûler – entre les propriétaires de Jouques et les citoyens d’Aix. Le porte-marteau2 veillait à l’application du règlement.

Exemple concret de mise en deffens :
L’article VII de l’arrêt du parlement d’Aix-en-Provence a mis en deffens les bois taillis jusqu’à l’âge de six ans pour ceux dont les coupes sont réglées de vingt ans en vingt ans ; […] a fait inhibitions et défenses à toute personne, même aux propriétaires, d’y introduire pendant le dit temps des bêtes de charge, boeufs, chèvres ou moutons, sous peine de cent livres d’amende. Arrest de la cour de parlement de Provence […]. Qui défend de couper aucune sorte d’arbres dans le terroir de Jouques depuis le 15 avril jusqu’au 15 septembre, sous peine de 300 liv. d’amende, […], 4 juin 1753

Saute-Lièvre : un quartier que j’ai parcouru en long et en large où se cachent plusieurs vestiges romains de l’aqueduc de la Traconnade.  Quand vous marcherez sur le chemin Blanchon, sur la gauche, cherchez donc la cabane de pierre (un puits du XIXè selon M. Balalas) qu’on dirait bâtie avec de grosses pierres du canal romain.

Sur le coteau exposé au sud, entre Chênes Verts et Catalan, je découvre le site de Petrus (non balisé, probablement sur une propriété privée), du nom du plus grand oratoire jouquard dédié à Saint-Pierre, daté de 1740 ; quel est ce curieux aménagement autrefois sur les terres de la bastide Catalan ? Qui l’a construit ? pourquoi et quand ? une baignoire de pierre et sa vidange, quelques marches pour accéder à une petite grotte retaillée portant encore les traces d’écoulement d’eau, un long banc de pierre divisé en sept sièges par un dessin en double trait gravé dans la pierre, terminé par un accoudoir ; quelques alvéoles creusées pour les accessoires, tout cela en pleine nature, caché au milieu de quelques arbres dans une zone à l’abandon. Ici, point de japonais qui auraient pu y reproduire la coutume du bain de loisirs (Les bains japonais) mais peut-être l’aménagement du parc de la bastide au XVIIè ou XVIIIè qui jouerait le même rôle que les piscines d’aujourd’hui ; ou bien un bain rituel juif rabbinique (voir exemple de Miqve à Bischeim) du XVIIIe siècle : c’est l’hypothèse de A. Balalas à laquelle je crois moins car ce bain rituel était généralement souterrain, caché, et le nom de Adaoust, le constructeur supposé, n’est pas d’origine juive.
Une légende tenace raconte qu’à certaines périodes de l’année, la lune serait visible depuis Petrus à travers le Trou de la Lune, cavité naturelle dans la montagne du petit Concors, ce qui est techniquement impossible selon les auteurs P. Doucière et G. Congès

Appartenant autrefois à S. Adaoust, vendu en 1778 à d’Arbaud de Jouques, revendu par lots trois ans plus tard, l’ensemble architectural de la bastide Catalan serait exceptionnel car les éléments traditionnels n’ont pas été altérés : logis du fermier sur deux niveaux, four, cave ; au sud remises, écuries et bergeries ; tout autour clapier, cochonnier, poulailler, bugadière3.
Selon Jouques : un village, son histoire, Association les Amis de Jouques, Association les Amis de Jouques, 2006

Tranquillement, je poursuis ma route le long des habitations ; dans le fossé à droite, un ancien puits témoigne encore du travail de la pierre autrefois. Qui pourrait me confirmer le nom de cet arbuste qui amène un peu de couleurs en hiver ?

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Boucle de Ganagobie par le canal de Manosque


Circuit inédit qui conjugue la découverte du plateau de Ganagobie et celle du canal de Manosque, dont les berges sont en principe uniquement

affectées au personnel d’exploitation pour l’entretien et l’exploitation des ouvrages conformément aux statuts de l’ASCM et à l’ordonnance 2004-632 du 1er juillet 2004. La Filiole 14, avril 2011

Tout commence par une belle descente dans des sentiers ravinés qui coupent les lacets de la départementale plutôt spectaculaires. Dans l’un des virages, le GR, profondément creusé, est impraticable et je serai obligée de suivre la route sur quelques mètres pour le récupérer plus loin.

Tout en bas, avant de suivre le canal, je retrouve le pont romain de Ganagobie, sur le Buès, découvert assez tardivement lors de la prospection systématique des ponts sur la via Domitia. La voie romaine, si elle a facilité la communication et le commerce, servit plus tard de voie d’invasion aux Lombards. Datant du début IIè siècle, 30m de long, 10m de hauteur, une seule arche reposant sur des culées massives, ce pont romain est toujours utilisé par la petite départementale qui le traverse.

L’entrée sur le canal de Manosque est précédée d’un classique panneau d’interdiction de circulation ; le long du canal, la promenade est à vos risques et périls. En période hivernale ont lieu les travaux de réhabilitation : trois tronçons du canal maître à Ganagobie ont fait l’objet en 2008/2009 d’un recuvelage1 des berges. Si le danger est donc moindre en hiver, période de repos du canal, il existe néanmoins quand le canal est en eau : beaucoup d’ouvrages d’art devront être traversés en posant parfois le pied sur une surface étroite ou non sécurisée. Enfants turbulents, s’abstenir !

Le canal de Manosque

  • L’acquisition des terrains et les travaux ont été exécutés par l’Etat entre 1881 et 1926.
  • En 1977, l’entretien et l’exploitation du canal de Manosque sont remis en affermage2 à la Société du Canal de Provence.
  • En 2004, lancement de l’élaboration d’un Contrat de Canal.
  • Les eaux distribuées par le canal de Manosque sont dérivées de la Durance. La prise actuelle est située dans le barrage de l’Escale à Château-Arnoux
  • 13 communes traversées réparties sur 6 cantons, desservies en eau brute par le canal de Manosque.
  • surfaces irriguées multipliées par 6 entre 1950 et 2000, passant de 270 ha à 1800 ha.
  • Le canal maître mesure 57 km et les filioles3 représentent un linéaire d’environ 250 km.
  • 3 500 adhérents dont seulement une cinquantaine sont agriculteurs.

Quant à ceux qui jettent dans le canal la carcasse de leur voiture, ils ont eu une bien mauvaise surprise quand celui-ci a été vidé en août 2012 car l’immatriculation de la quarantaine de véhicules a été remise à la police qui fera une enquête pour retrouver leur propriétaire. Ceux qui auraient fraudé leur assurance sont passibles d’une peine de 5 ans de prison et d’une amende de 375 000 €…

L’eau du canal s’en va les carcasses de voitures dansent

De nombreux ouvrages d’art jalonnent ce parcours escarpé : un pont-aqueduc (64 sur la totalité du canal) avec rambarde métallique, un autre sans protection qui domine le vide (Mal-Pas), un ponceau4 et ses pierres mal jointoyées entre lesquelles l’herbe repousse. Deux des ponts portent un numéro (11.70, 11.67) qui vraisemblablement représentent leur distance en km par rapport à la prise d’eau du barrage de l’Escale. Le canal devient souterrain, je le retrouve un peu plus loin creusé directement dans le rocher. Il devient plus étroit ; la végétation qui colonise ses bords est celle des zones humides comme le rouge du cornouiller sanguin ou les joncs. Le canalAprès le gros tuyau disgracieux, je retrouve les berges du canal, construites différemment : d’un côté, assemblage de pierres à cinq faces, de l’autre une surface bétonnée lisse. Au pont-aqueduc du ravin de Pont-Bernard, parmi les aménagements plus importants, je reconnais une martelière5. De façon à partager la ressource en eau, une distribution « au tour d’eau » impose la mise en oeuvre des arrosages à des heures pré-définies.

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