Les propriétaires des terrains situés autour du GR Tour de la montagne de Lure vous informent qu’à dater du 1/1/2020, le sentier n’est plus accessible au public jusqu’à la crête ; les bergeries du Contadour situées sur leur propriété ne peuvent plus se visiter. Les articles du blog restent en ligne pour vous informer uniquement sur le patrimoine.
A force de voir la même bergerie et ses arcs majestueux en pierre sur les dépliants publicitaires des Alpes de Haute Provence, j’ai eu envie de la voir en vrai. L’enquête sur internet n’a pas été facile. Je trouve d’abord son nom la bergerie des Fraches1 puis un descriptif de l’itinéraire que je tente de reporter sur mon logiciel de cartographie. Je ne retiens qu’une chose : pas de balisage, de grands risques de se perdre et ne pas trouver mais il semble que les choses aient changé depuis. Photos de Ti’Mars… et nicoulina
Grandes photos du site Mardis du Chalet
Le geocacheur gandalf13 y a placé un circuit Giono de 5 caches (réservées au premium member qui ont payé leur cotisation à Groundspeak, 30$ l’année), toute adoptées ou replacées par YvesProvence ; une excellente manière de découvrir cette région.
Nous sommes seuls sur le parking du gite de la Tinette (sept. 2011 : interdiction de stationner sur ce parking ; après renseignement auprès des propriétaires, stationnement accepté juste après le hangar au début du sentier mais une ou deux places seulement) dans le hameau de Contadour, commune de Redortiers. Un vent frais léger et une température de début de printemps nous accompagnent. Le sentier agricole longe des champs de lavande bien alignés. La balade débute par le GR bien balisé ; de nombreux arbres sont tombés en travers du chemin, sans doute écrasés par le poids de la neige ou abattus par le vent : à ma grande surprise, il y a encore des monticules de neige ça et là malgré le printemps qui est là depuis bientôt un mois.
La météo aujourd’hui à cet endroit
Avec la température ressentie
La première bergerie de pierre sèche est à peine reconnaissable.
Le Jas des Terres du Roux, classé monument historique, a été restauré dans la plus pure tradition de la pierre sèche. L’abri de berger carré jouxte la bergerie : dans une petite niche à l’intérieur du mur, le berger pouvait stocker de la nourriture. Il y a même des traces d’enduit sur les murs et des trous qui devaient accueillir des poutres pour un plancher intermédiaire où l’on entreposait du fourrage. L’espace bergerie, long d’une quinzaine de mètres et compartimenté en 4 pièces, chacune couverte d’une coupole encorbellée repose sur des arcs en plein cintre un peu comme dans les églises ; la paille fraiche atteste qu’elle accueille toujours les moutons. La toiture de lauzes (larges dalles plates) est disposée de façon à rejeter les eaux de pluie et déborde largement en corniche : sous celle-ci, une gouttière recueillait les eaux de pluie et les conduisait dans la grande citerne à l’entrée.
Hommage à Jean Giono 1-1 Jas des Terres du Roux, par gandalf13
La suite du parcours est plus difficile à trouver ; plus de balisage et des chemins dans tous les sens. Non loin d’un carrefour, une bergerie tunnel tout en longueur (presque 20m !) avec une toiture en mauvais état nous semble cependant accueillante de l’intérieur. Il a fallu la construire avec un coffrage de bois que l’on déplaçait vers le fond au fur et à mesure de la construction. La citerne était alimentée par un impluvium, aujourd’hui raccordée au réseau d’eau. Un berger d’Oppédette Roland y revient pour abreuver son millier de moutons.
Nous sommes dans le lieu dit les Fraches mais ce n’est pas la bergerie que je recherche. Un peu plus loin, nous voyons des arcs qui dépassent du sol. Plus nous avançons, plus nous comprenons : la bergerie est enterrée et ses murs reposent contre des talus de terre. Des arcs-diaphragmes maçonnés sont disposés à intervalles réguliers et encastrés à leur base dans les parois latérales de la bergerie. « Ils supportaient une panne2 faîtière et des pannes de versant, constituant la charpente d’une toiture de tuiles canal […] à deux versants » (extrait de La bergerie des Fraches, site pierresèche.com). Les morceaux de tuiles jonchant l’intérieur de la bergerie me laissent supposer qu’elles se sont substituées aux lauzes originelles.
Si ces arcs [ndlr : jointés au mortier] sont encore debout malgré l’absence de charge, c’est sans doute parce que les forces exercées à leur base sont contrebalancées par la poussée des talus collatéraux. Comment construire un arc de décharge, blog pierre sèche
L’abri de berger est construit tout à côté mais n’a plus de toiture. La bergerie à arcs des Fraches est un très beau monument de pierre sèche, c’est celle que je recherchais : je l’ai découverte avec émotion, comme un cadeau qu’on a désiré bien longtemps.
Hommage à Jean Giono 1-2 bergerie en arc des Fraches, par gandalf13
Avant d’arriver sur le mont Sarran, nous passons à côté des la bergerie des agneaux, en bien mauvais état.
Hommage à jean Giono 1-3 le jas des agneaux, par gandalf13
La citerne a été rebouchée mais elle contient encore de l’eau. Des tôles ondulées et des tuiles canal au sol ont dû servir de toiture. Ce serait le lieu de tournage du film de Giono, Cresus, en 1960, dont le premier assistant était Costas Gavras. Mais quand on regarde le film, cela ne lui ressemble pas… Résumé du film
Vous n’êtes pas ici dans une Provence de tutu panpan. Vous n’aurez pas de cyprès, pas de ciel vraiment bleu, pas de tambourinaires. Je vous donne l’aridité et le vent. Giono s’adressant à ses comédiens
Giono a fait neuf séjours sur le plateau de Contadour ; il y possédait une ferme dite le moulin de Giono ainsi que la ferme « Les Graves » qu’il avait achetée avec ses amis artistes. Il y a situé une partie de son oeuvre : Regain (le plateau parcouru par Gédémus et Artule), Deux cavaliers de l’Orage,… ; une séquence du film de Rappeneau (Le Hussard sur le toit) a été tournée sur la crête.
Balade littéraire du centre Jean Giono (à destination des élèves).
Nous rejoignons la crête, le fameux GR qui fait le tour de la montagne de Lure. Le Coucou gris coucoule et je lui réponds longtemps tant son « ku-koo » porte loin.
Hommage à Jean Giono 1-4 la cache préférée de l’oiseau, par gandalf13
De grandes bandes de neige côtoient l’herbe bien verte. Face au Pape – ce haut cairn de pierre sèche bien en chair – nous tentons d’identifier les montagnes que nous apercevons de tous côtés. Grande surprise côté Est : des dizaines de coccinelles se pressent les unes sur les autres sur les pierres chaudes empilées sagement ; elles chancellent maladroitement. C’est un spectacle impressionnant : jamais je n’en ai vu autant. Pendant la saison froide, elles ont trouvé refuge sous les pierres et se sont mises en diapause. Au printemps, sous les premiers rayons du soleil, elles sont sorties ; nous sommes témoins des premiers accouplements. Les moeurs des coccinelles, wikipedia
L’antipape (qui a donné ce surnom au deuxième cairn ?) est visible dès qu’on monte sur la hauteur la plus proche. La montagne de Lure, bien enneigée, se détache sur le fond de ciel bleu. Le cairn moins trapu, abrite également une colonie de coccinelles à 7 points, ces fameux points qui n’ont rien à voir avec l’âge mais caractérisent l’espèce. Seuls dans la nature, nous prenons notre pique-nique assis contre l’anti-pape qui nous abrite d’un vent léger. Moment de calme, saveur, contemplation.
Le ravin de Font Brune descend tranquillement ; quelques abris de berger, plus petits et moins hauts, jalonnent le parcours. Devant le plus haut perché, comme dans un jardin de sculptures, a été reconstitué à échelle réduite les deux cairns Pape et anti-Pape. Là nous croiserons un couple de randonneurs, les seuls de la journée. Le sentier se devine. Au carrefour qui mène à la bergerie de Bouscarle – que nous n’avons pas vue mais où il y a une cache Hommage à Jean Giono 1-5 Jas de Bouscarle, par gandalf13 vous trouverez un réservoir semi enterré de couleur jaune plutôt voyant qui recueille les eaux de plusieurs combes.
Plusieurs panneaux d’interdiction nous rappellent que la cueillette des champignons-châtaignes est interdite. Mais où sont donc les châtaigniers ?
A proximité du parking, une mauvaise surprise ! le chemin signalé sur les cartes IGN et confirmé dans le livre 25 balades sur les chemins de la pierre sèche, Florence Dominique3, (2 contributions de D. Larcena et D. Lacaille), le bec en l’air, 2009 est barré et protégé par une clôture électrifiée.
Dans l’enclos, quelques ânes nous observent sans bouger. Forts de notre bon droit (je sais maintenant par Florence que nous ne l’étions pas…), nous décidons de le traverser à bonne distance des ânes. Sinon, il nous faudrait faire un détour de plus d’1km, ce qui ne nous tente pas trop après 4h de balade. Deux ânes s’approchent alors par derrière : mon compagnon de route se retourne brusquement, levant les bras face à eux pour les impressionner. Ils s’arrêtent et s’écartent mais deux autres au pas plus rapide prennent le relais. Plus nous courons, plus ils courent derrière nous et toutes les 10 secondes, il faut se retourner pour les arrêter. Finalement nous sortirons de l’enclos sans recevoir de coup de tête ou coup de sabot : nous n’aurions pas dû pénétrer sur leur territoire… mais j’ai quand même réussi à les prendre en photo.
Puisqu’on parle d’ânes, je ne résiste pas au plaisir de vous faire connaitre ce livre rafraîchissant, plein d’humour et de philosophie, de Gérard Ponthieu, Le tour d’un monde en sept jours avec un âne en Provence , Éd. Le Condottiere, 2009. Vous pouvez le télécharger depuis son blog C’est pour dire
Les paysages ont bien changé en quelques siècles : après la déforestation intensive, le développement du pastoralisme entre le XVIIè et le XIXè siècle, les populations migrent vers la vallée : les terres sont abandonnées, les pâtures se transforment en landes, une politique de reboisement est menée pour lutter contre l’érosion de la montagne (pins noirs d’Autriche). La forêt redevient prédominante et crée un nouveau déséquilibre. (Informations extraites du livre 25 balades sur les chemins de la pierre sèche, pp.128-129). On voit bien que chaque initiative excessive de l’homme provoque un nouveau déséquilibre écologique.
Le long de la route du retour, un oratoire porte une élégante vierge toute frêle. Nous rejoignons Banon et la librairie le Bleuet, si grande dans un si petit village si loin des grandes villes… On monte, on descend, on découvre un rayon caché au détour d’un pilier, un livre rare, comme dans un parcours pédestre qu’on ne connaitrait pas. Avec ses 100000 livres sur 500m2 d’étagères, vous ne me ferez pas croire que vous ne trouverez pas votre bonheur ! Joël Gattefossé, 54 ans, propriétaire de la librairie « Le Bleuet » racontait en 2000 :
Lorsque je me suis installé, tout le monde m’observait. Les habitants se demandaient qui était ce fou et les éditeurs me regardaient d’un drôle d’œil.
Depuis, la librairie a failli être fermée en 2012 ; elle a été rachetée en 2015 et vient à nouveau de changer de gérants en 2016. FR3, 22/10/2016
Si vous voulez construire en pierre sèche, le blog pierreseche – drystone blog. Merci à son auteur L.G. qui m’a conseillé le livre de balades d’où est extrait ce parcours. Cette boucle mérite le déplacement, bien qu’elle soit peu souvent signalée sur les sites de randonnée. Je n’hésite pas à y mettre *** et j’espère qu’un jour un geocacheur du coin y placera quelques caches : c’est chose faite depuis juin 2011 grâce à gandalf13, et grâce à YvesProvence qui les perpétue.
L’association APARE qui a participé à la restauration des bergeries.
Signalée par Jean-Paul, un fidèle internaute, l’émission ‘des Racines et des Ailes’ Provence Passion du 10 juin 2009, avait pour thème les sentiers de la pierre sèche. Sur cette photo extraite du blog de l’émission sur FR3, vous reconnaitrez la bergerie tunnel des Fraches. Rediffusion le 11 juin à 1h10.
1fraches : du latin fractus, brisé, cassé en référence au relief karstique caractérisé par des roches fissurées et perméables laissant s’infiltrer les eaux dans des réseaux souterrains ; ce relief se ramifie en canyons, combes et vallons
2panne : pièce de charpente reposant sur une ferme ; poutre posée horizontalement sur les arbalétriers et supportant les chevrons
3L’auteur du livre, Florence Dominique, confirme dans un commentaire en date du 6 août 2009, l’erreur d’impression figurant dans son guide : il faut bien contourner l’enclos des ânes et faire le détour signalé
©copyright randomania.fr
Il n’y a plus de GR c’est terminé cela redevient des terrains privés interdits aux publics. Donc merci de respecter les panneaux et de ne plus y venir
Les propriétaires.
Ces bergeries et cabanes en pierres sèches sont un patrimoine vraiment exceptionnel et précieux. Je ne les connais pas encore en vrai, j’ai hâte de les découvrir. J’ai appris grâce à votre blog – toujours très documenté – que certaines étaient classées monument historiques. C’est super. Espérons qu’elles soient présentes encore longtemps dans ce magnifique décor des Alpes de Haute-Provence. Bien à vous et merci pour vos articles.
Balade magnifique que j’ai effectué avec ma chienne le 15 avril 2014. Le balisage est très bien indiqué aucun problème.
J’ai fait cette randonnée mercredi 26 10 2011, sous un temps magnifique, et je n’ ai qu’une envie, c’est d’y retourner à cheval au printemps. Ceci dit en automne, les couleurs sont indescriptibles, regardez le site mardis du chalet pour voir les photos, la rencontre avec les ânes, des vaches et leur veaux, et deux chevaux en liberté, nous a enchantés, amoureux des pierres sèches, ne vous en privez pas ce lieu est chargé de peines, de sueur, on comprend pourquoi Giono, et Pagnol ont sacralisé cet endroit, que du bonheur…et que dire de la vue d’en haut…
Bonjour,
Vous n’avez rien compris au comportement des ânes qui selon vous, vous auraient poursuivis pour vous agresser… En fait, ces ânes pacifiques vous ont suivis pour quémander un croûton de pain. Certains randonneurs emportent dans leur sac, du pain dur, pour le distribuer aux ânes… alors quand ils aperçoivent des promeneurs ils se rapprochent pour satisfaire leur gourmandise ! ! !
Alors si vous retournez un jour dans ce beau pays si particulier, n’oubliez pas les croûtons pour les ânes !
Bien cordialement
BOb
je confirme, la Tinette n’est plus un parking, je me suis garé sur la commune de Redortiers devant la mairie
j’ai fait cette rando dernièrement, un régal, pas difficile, balisage pas au top, mais avec une carte >> ok
faites la, vous ne serez pas déçue, très beau parcours
Découverte enchanteresse de cette région grâce à vos commentaires. Nous avons suivi pas à pas toutes vos indications, claires et instructives. Un regret : ne pas avoir pu y passer plus de temps, un espoir : y revenir sans tarder. Merci.
Petite précision : d’après certains marcheurs rencontrés sur le mont Sarran, la Tinette ne serait plus un gîte, et il serait interdit de s’y garer. A bon entendeur, salut.
salut, après une semaine passée en camping à Banon et le livre de Jean-Giono sous le bras, j’ai pu randonner dans la région et voir toutes les bergeries, le village de Redortiers, l’école du film, et surtout le fameux arbre-lyre ; il a bien grandi mais sa forme est bien et toujours là, il ne manque plus que les cordes pour l’entendre les jours de grand vent. Randonnée du mois de mai 2008.
Dans le guide « 25 balades sur les chemins de la pierre sèche » dont je suis l’auteure, je tiens à rectifier une erreur de tracé sur la carte : en fin de circuit, il faut bien effectivement contourner l’auberge Tinette par le Sud avant de rejoindre son véhicule. La prochaine édition ne manquera pas de rectifier. En attendant, que les propriétaires de l’auberge ainsi que nos randonneurs induits en erreur veuillent bien nous excuser du désagrément ! Et bonne balade ! FD
[ndlr] erreur de tracé signalé dans le texte. Merci pour l’information.
Hier soir il y a eu un reportage sur cette bergerie dans l’émission « des racines et des ailes » sur FR3.
L’association qui a participé à sa restauration
[ndlr] un grand merci pour l’information : j’ai pu enregistrer l’émission lors de sa rediffusion
[suite aux remerciements adressés à L.G.] de rien , c’est un plaisir de partager sur la pierre sèche, et bonnes randonnées !
Une fois de plus les commentaires sont parfaits et donnent envie de partir en balade…
Les cadrages des prises de vue s’améliorent de photo en photo. Bravo !!
Magnifique compte rendu !
Je n’ai jamais vu une bergerie aussi belle.
ça donne vraiment envie d’y aller faire un tour
JP G