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Boucle en 8 du vallon du Garagaï à la ferme de la Pallière


Itinéraire parcouru le jour de la fête de la randonnée 2022 dans le domaine départemental de la Sinne-Puits d’Auzon. Le parking du Garagaï est plein et même les abords du vallon de Ballayre. J’ai choisi une randonnée accompagnée par Xavier Nicolle, chef du service des gardes nature du Grand Site Concors-Sainte-Victoire (GSCSV).

Majo est partie la première pour une rando santé ; Anne, la curieuse, partira avec moi.
En attendant, on profite de l’invité d’honneur de la 25e bénédiction des calissons Nans Bart, premier prix de piano et concert de chambre au Conservatoire d’Aix-en-Provence.

Notre guide avec son aimable autorisation

Dès le début Xavier Nicolle nous explique le rôle d’un grand site qui préserve sans mettre sous cloche. La large piste du vallon du garagaï monte doucement ; bientôt nous sommes noyés dans une immense forêt à perte de vue : essentiellement de chênes verts, chênes blancs, et chênes kermès (ceux qui piquent).

On s’aperçoit alors qu’on a oublié de s’arrêter au petit garagaï, trou creusé par l’eau de pluie sur le calcaire qui dissout la roche, qui n’est pas aussi spectaculaire que celui de la Sainte-Victoire. Les garagaïs sur Sainte-Victoire, par Les Amis de Sainte-Victoire.

Tout le monde connaît les genévriers mais qui sait reconnaître le genévrier commun du cade ? Le guide nous donne une astuce mnémotechnique : les feuilles du commUN sont parcourues d’UN seul trait clair sur la face inférieure et de deux pour le caDE. Je connais mieux les baies de genévrier que l’ont met dans la choucroute et avec lesquelles on aromatise l’eau de vie – le genièvre – dans le nord…

Pause devant une pelouse, non la pelouse bien verte de votre jardin, mais une étendue plane couverte de plantes nourricières pour les insectes : thym, sarriette des montagnes1, lavande sauvage soit un ‘hotspot à biodiversité’, résume notre guide. Donc pour la préserver, ne pas débroussailler à ras.
Chaque plante a sa stratégie pour lutter contre la sècheresse : les plantes aromatiques dégagent un nuage de vapeur d’huiles essentielles qui les protège de la chaleur, un peu comme la crème solaire chez les humains.

On peut utiliser la sarriette comme toutes les plantes aromatiques, pour relever le goût d’une grillade, parfumer un ragout, ou… un fromage de chèvre.

A la frontière Var-Bouches-du-Rhône, Xavier s’arrête à côté d’un chêne blanc aux feuilles marcescentes2 ; stratégie contre le froid : feuilles marrons qui protègent le bourgeon des grands froids. L’arbre est creux, ‘HLM à biodiversité’ : chauves-souris qui y passent la journée, insectes, oiseaux nicheurs enrichissent l’arbre.

Nous sommes dans la forêt de la Gardiole, dans le Var. Court passage sur le chemin des sangliers puis un sentier en zigzag coupe la laie3 de Sommmières et rejoint le chemin du Périmètre, limite de la forêt domaniale. C’est là qu’un chasseur attend que ses collègues viennent chercher le sanglier qu’ils ont abattu.
Ça me rappelle une anecdote : il y a quelques années, un chasseur a proposé gracieusement à notre groupe de randonneurs (conduit par Yves Provence), 5kg de sanglier : il n’avait plus de place chez lui pour les congeler !

Nous arrivons sur la D10 à la limite de trois communes : Vauvenargues, Rians et Puyloubier ; en 1783 cette borne-limite était encore très visible : un gros clapier construit en pierre sèche qui de tout temps a été réputé et servir de limite aux susdits terroirs, citation extraite de Carraire générale du terroir de Vauvenargues servant le passage aux troupeaux étrangers et à ceux du lieu, Archives de Vauvenargues, 14/09/1783.

Aujourd’hui ce n’est qu’un modeste repère de nivellement cylindrique tout rouillé sur un socle de béton immatriculé I’.B.K3 – 68 (photo IGN ci-contre) ; moins visible mais mieux géolocalisé. Celui qui s’agripperait au poteau pourrait se vanter d’avoir visité trois communes, en un même lieu, et en un temps record.

Nous obliquons à gauche sur un chemin bien marqué, de largeur moyenne, assez rectiligne, mais dont le nom ne figure sur aucune carte actuelle, sur aucun de mes guides. Je suis donc allée chercher sur le cadastre napoléonien (Puyloubier, Saint-Roch C feuille 1) : chemin de Longentière.

Qui pourrait me dire ce que pourrait vouloir dire Longentière sur Puyloubier ? c’est André, comme souvent, qui propose la réponse : du provençal longo (longue) et tiero (file, rangée, liste) ; ce chemin mesure plus d’un km de long.

Anne se voit offrir une branche de garance voyageuse qui adhère tout de suite à son vêtement. C’est pire au toucher que l’éponge scotch brite de nos cuisines !

C’est une plante grimpante capable de se hisser à plusieurs mètres de hauteur. Sa technique d’escalade consiste à utiliser les minuscules crochets dont elle est pourvue. C’est de sa faculté à s’accrocher à la toison des bêtes que lui vient son nom de « voyageuse ». 

C’est aussi le nom d’une association qui ‘fait connaître, étudie et protège le monde végétal’. La Garance voyageuse édite une revue sans publicité.

Après le passage en forêt, nous découvrons, tout étonnés, un immense champ de blé dévasté. C’est un champ cynégétique cultivé pour nourrir le gibier dont les perdreaux. C’est dans ce champ que le 6 août 2022, en pleine période de sécheresse et interdiction de circuler, qu’une RAVE party a été interceptée par la police, suite à un signalement de Xavier et gardes-nature.
Une rave party sauvage en plein risque rouge, GSCSV.
Le journal tretsois signale d’autres précédents en 2012, 2016.

Nous arrivons sur le chemin du vallon de la Dispute, du nom d’un sommet à l’est. A l’intersection suivante (c’est souvent près d’une intersection que ça se passe…), notre guide repère un excrément de loup très sombre avec des particules de poils de sanglier, comme posée sur une branche basse. Le loup, prédateur naturel, a mangé le sanglier.

Nous coupons la large piste qui mène directement à la ferme de la Pallière d’un côté, et à Puyloubier de l’autre, pour un plus petit qui contourne les champs autrefois cultivés. Nous arrivons à la ferme de la Pallière abandonnée.

1794, après la révolution : la commune revendique le droit de propriété sur la Pallière (et le Defens, Paleirotte,…) dont elle a été dépouillée par la puissance féodale. Recours des Fassy, héritiers du seigneur de Puyloubier. En1828, le litige existe toujours entre les co-héritiers et la commune (voir ci-contre). En 1854, c’est un bornage judiciaire qui mettra d’accord les deux parties.

Le premier bâtiment taggué n’était plus utilisé en 1826. Le bâtiment rural derrière servait d’habitation. L’aire, couverte de broussailles, se trouvait à l’est des bâtiments et n’est plus reconnaissable. La citerne maçonnée est toujours là. On y trouvait les cultures habituelles vignes et amandiers, et beaucoup de terres labourables, le tout sur un vaste territoire plat, comme un palier en haut d’une zone élevée, d’où le nom de la palière, autrefois écrit avec un seul ‘l’. D’autres toponymistes évoquent plutôt l’origine paliero (palissade, pieu) mais là je ne sais pas de quels palissade ou pieu il pourrait s’agir, sauf s’il s’agit de ceps dans les domaines viticoles…

L’animateur de la FFR nous avertit que nous n’avons que 35 mn pour le pique-nique ; le groupe s’installe un peu partout. La Palière a été souvent utilisée par les citadins du dimanche pour une halte dans la nature. Ce fut le cas en 1962 par la famille Tivoli venue de Marseille avec des amis.

La famille Tivoli est venue pique-niquer avec leur fille de 3 ans et demi, Cathy Tivoli ; elle disparaît dans l’après-midi. Affolement général. Une battue monstre est organisée avec les pompiers, gendarmes, militaires, habitants de Puyloubier et des villages voisins, hélicoptère et chien policier ; elle est miraculeusement retrouvée près de l’oratoire de Malivert 44 heures plus tard, soit à 5 km de la ferme. Archives de l’INA.. Lire le commentaire de Majo qui a vécu cet évènement.
En 1952, elle est revenue à Puyloubier. La Provence, 4/11/2012 (complet pour les abonnés seulement)

Après le pique-nique, nous passons derrière les bâtiments ; un chêne classé remarquable par le GSCSV nous tend les bras, si grands qu’ils n’entrent que difficilement dans le champ de mon appareil photo.

Le chemin rejoint en montée, avec de courts passages raides, le chemin de Malivert, très longtemps nommé ‘grande carraire de transhumance’. A la citerne DFCI altitude 557, Xavier nous parle des nombreux oppida dans la région : la Citadelle et le Pain de Munition, Mitronet,… ; nous pausons, et nous posons une question philosophique : « pour ou contre les éoliennes ? ». Face à nous les éoliennes de Rians sont installées sur le sommet d’une colline déforestée.

L’incendie de 1989 eut des effets collatéraux inattendus : l’agrandissement d’une piste de défense contre l’incendie en Pallière (piste du vallon des Chinois4 qui s’enfonce dans la forêt à partir de la ferme où les Indochinois étaient cantonnés) ; tollé chez certains opposants, à la municipalité, chasseurs et écologistes, constitués en association, l’ont renommé « L’autoroute de la Pallière » ; difficile autrefois et maintenant de concilier les exigences cynégétiques et la protection contre l’incendie. Selon André Guiniéri.

Nous redescendons le chemin caillouteux de Malivert ; chaque fois que j’y passe, j’essaie de l’imaginer sans arbres ni arbustes, sur une largeur de 60 m, avec un millier de moutons qui soulèvent la poussière. Les arbres ont repris possession des lieux depuis que la transhumance s’effectue en bétaillère .

Sur la carte établie par cartomundi, de bonne qualité, on voit bien qu’en 1828, la carraire est nettement plus large que le chemin de Vauvenargues à Rians, actuelle route D10 !

Nous retrouvons le terme des 3 communes en nous enfilons le vallon du Ballayre ; aucun animateur n’a signalé que nous étions sur le GR69 qui va être inauguré bientôt. Une ancienne cabane de berger, rappelle qu’autrefois, l’élevage ovin faisait vivre la région.

Retour à l’aire de parking qui est désormais pleine et joyeuse. Je profite des services des futurs ostéopathes pour décontracter mon épaule douloureuse. L’association Pour Sainte-Victoire présente de superbes photos de moutons, la Maison de la Transhumance propose le topoguide GR69 et expose sa ligne de vêtements techniques en laine mérinos (bientôt en vente) dont je vous reparlerai dans un autre article.

Photo Nicole Vendange

Tout le monde attend le passage du troupeau de moutons qui, d’abord affolés par la foule, tentent de s’échapper sur les côtés. Finalement, les bergers parviendront à les faire passer par le ruban d’inauguration.

Vidéo Majo Les moutons passent le ruban d’inauguration

Une boucle sauvage en forêt qui prend toute sa valeur parce que nous étions accompagnés d’un guide pédagogue, qui a le sens de la formule pour nous faire retenir l’important.

Les baliseurs aixois, les animateurs des clubs, la FFR peuvent être fiers d’avoir rassemblé plusieurs centaines de randonneurs dans le parc départemental Sinne-Puits d’Auzon plutôt peu connu.

Se procurer le topoguide GR69 dans la boutique de la FFR.

Image de l’itinéraire 9km930, 2h55 (total 4h20 avec commentaires), dénivelée 86m (+186, -186).

Télécharger la trace

1sarriette : c’est le pebre d’ai en provençal = poivre d’âne
2marcescent : qui se flétrit sur la plante sans s’en détacher.
3laie : chemin forestier délimitant des parcelles
4vallon des Chinois : 1942 pour pallier la pénurie de main-d’œuvre en raison de la mobilisation, l’Etat français a […] recruté des travailleurs [Indochinois] à bon marché. A Puyloubier, ils seront chargés des coupes de bois de chênes verts destinés à l’alimentation des camions fonctionnant au gazogène, faute d’essence.
Ces chinois […] sont cantonnés dans les locaux délabrés de la ferme de la Pallière.
Puyloubier Sainte-Victoire, Chronique du XXe siècle, André Guiniéri, André Guiéniéri, 2020

©copyright randomania.fr

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Une réflexion sur « Boucle en 8 du vallon du Garagaï à la ferme de la Pallière »

  1. Disparition de la petite Cathy en 1962 :
    J’étais (enfant) avec mes parents à ce pique-nique traumatisant. Ils m’ont précisé certains détails ; par exemple, que l’enfant avait peur des hélicoptères, donc elle s’en cachait…
    Que les chasseurs ont bien orienté les recherches, en disant que les jeunes animaux apeurés et perdus ont l’instinct de monter les pentes, ce qui a été le cas de Cathy.
    Qu’elle a eu le reflexe salvateur de sucer des herbes pour lutter contre la soif !
    [ndlr] merci Majo pour cette expérience vécue !

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