Briançon : le fort des Têtes par le parc de la Schappe et le pont d’Asfeld


Installées pour 6 jours à Briançon, Majo et moi, les bagages tout juste déposés dans l’appartement loué en centre ville, nous partons pour une petite boucle sur les hauteurs du parc de la Schappe, à la découverte des fortifications de la place de Briançon qui ne manquent pas : le changement de tracé de la frontière entraîne, entre 1724 et 1734, la construction d’un système de forts permanents autour de la ville.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

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La rando commence dans le parc de la Schappe, la schappe désignant les déchets de la soie : 14 kg de déchets pour 12 kg de soie. La longue usine sans fenêtre est impressionnante. J’ai du mal à imaginer Briançon en ville industrielle et pourtant, pendant 90 années, de 1842 à 1932, l’usine de la Schappe a dominé le paysage économique et social de Briançon. Inaugurée en 1863 par les frères Chancel elle traitait les déchets de la soie.

Une fois filée, la schappe était le plus souvent utilisée comme trame dans les tissus unis et façonnés.  Deux groupes d’opération étaient faites à Briançon : la première concerne les cocons.
Il y a tout d’abord une macération des déchets […]
Le nappage a pour but d’ouvrir les cocons et de paralléliser les fibres afin de les mettre en nappe. Le cardage les démêle. Enfin, le peignage permet de séparer les fibres courtes des fibres longues. Le produit passe ensuite à l’étaleur-nappeur qui transforme le ruban obtenu en une nappe. Celle-ci sera  examinée à l’épluchage, […] Le travail consiste à retirer les éléments étrangers qui subsistent dans la soie, essentiellement des cheveux. Laissez vous conter l’usine de la Schappe

Vu la taille du bâtiment, nul doute que beaucoup d’ouvriers y ont travaillé : en 1845, ils sont 40, jusqu’à 700 en 1864. On a fait appel aux habitants des villages avoisinants et à l’immigration italienne. Mais la concurrence japonaise offre ses produits à des prix trois fois moins élevés qu’en Europe. L’entreprise licencie son personnel le 24 mai 1932.

Mal balisé, le sentier passe au-dessus de l’ancien aqueduc qui fournissait l’énergie nécessaire au fonctionnement des nombreuses machines. Un panneau nous renvoie vers la droite, à l’opposé de la direction du fort des Têtes. Nous décidons de monter à l’intuition : vers le haut et vers la gauche. Le sentier étroit et raide en croise plein d’autres et nous fait suer, au sens propre ; en descente, la terre poudreuse favorise sans doute les glissades. Les hauts arbres des bois nous protègent de la chaleur.

Quand nous débarquons sur un léger replat en bordure de falaise, je m’inquiète fortement : deux chaînes s’enchaînent au dessus du vide. Pas prévu. Forcément c’est une via ferrata. Finalement, après un dernier passage caillouteux et raide, nous retrouvons le sentier balisé, un petit ruisseau qui glougloute, des fleurs des champs. Histoire de se rassurer, nous questionnons un groupe qui arrive dans l’autre sens : A la communication Y (comme si tout le monde savait ce que c’était…), contourner le fort en suivant le mur de fortification nous explique-t-il.

D’après la description de la toiture de lauzes en V et les 200 m de longueur du bâtiment, nous repérons facilement la communication Y bastionnée (1732-1734) dont le but était d’empêcher l’invasion ennemie par le vallon de Fontchristiane et permettre la circulation des hommes et marchandises entre le fort des Têtes (1450 m) et celui de Randouillet (1604 m) grâce à une large galerie couverte.  Photos sur le site fortiffsere.fr. Des travaux de rénovation sont en cours : on ne peut la visiter librement. Autrefois, on y accédait par un chemin central et un pont levis. Je trouve que, vus en 3D, la galerie et son accès dessinent en effet une lettre Y aux bras élargis.

Ce bâtiment original cache une citerne d’eau de 55 m3 approvisionnée par des sources captées dans le vallon. En cas de tentative d’approche des forts, les soldats ennemis se trouvaient bloqués en amont comme en aval de l’ouvrage par une série de fossés et chemins couverts encadrés de demi-bastions. Il est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO au titre des fortifications de Vauban depuis 2008. Wikipedia

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Briançon : du parc de la Schappe au pont d’Asfeld par les gorges de la Durance


Le plan du parc de la schappeUne balade courte mais fort intéressante dans le parc de la Schappe, au départ de l’ancienne usine  du travail de la soie, dans le quartier Sainte-Catherine ; on nomme ‘schappe’ le produit que l’on obtient après travail des déchets de la soie, des cocons troués ou tachés. Au début du XIXè ce sont les détenus de la maison d’arrêt d’Embrun qui font le travail de peignage de la soie. La maison Mathieu est fondée d’abord à Saint-Véran puis à Briançon en 1842 pour se rapprocher des voies de communication. En 1847, les frères Chancel s’associent à l’entreprise. C’est une usine de peignage et non de filature ; elle déménage en 1863 dans le grand bâtiment à l’entrée du parc : 5 étages, 125m de long, jusqu’à 1400 ouvriers en 1870. Vers 1930, les pays fournisseurs traitent eux-même leurs déchets ; l’usine ferme en 1933. En souterrain, on trouve un canal de fuite et une conduite qui amène l’eau jusqu’à l’usine.

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Briançon ville d’art et d’histoire, document pdf 2010 par l’office du tourisme

L’industrie française des déchets de soie sur Persée

IMG_5771.JPGIMG_0596.jpgLe sentier de découverte passe un  peu en hauteur dans un sous-bois puis redescend le long de la Durance par plusieurs variantes. L’eau restituée par l’usine hydroélectrique de la Roche Percée (1920) était partiellement canalisée par un ouvrage à ciel ouvert, puis par une conduite et une galerie jusqu’à une chambre de mise en charge alimentant la petite centrale du Peignage. Une passe à poissons, rénovée en 1988, permet le transit de la faune aquatique.
La micro centrale de la Schappe

IMG_0611.jpgIMG_0616.jpgIMG_5783.JPGNous passons sous les installations du parc Grimp’in Forest très fréquenté. Quelques téméraires arrivent sur notre rive par une tyrolienne ; au delà du parc, progressivement, nous entrons dans les gorges de la Durance de plus en plus étroites et resserrées. Sur l’autre rive, des piquets métalliques régulièrement espacés dans la paroi rocheuse supportaient autrefois une passerelle qui traversait la Durance au niveau du pont. Une ancienne borne militaire matérialise encore la zone d’entrée dans le fort des Têtes.

IMG_0612.jpgNous sommes bientôt en vue du vieux pont d’Asfeld que nous avons vu d’en haut la veille, en parcourant le vieux Briançon. Il permet la liaison entre la ville et le Fort des Têtes. Nous essayons en vain de trouver un sentier qui nous ramènerait sur le pont mais cela nous semble impossible.

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En 1700 Vauban avait déjà pensé à un pont permettant de franchir les gorges de la Durance, dans son esprit cet ouvrage de communication devait être composé de deux arches.
Lorsque le projet fut entrepris trente ans plus tard (1730-1731), les ingénieurs en charge de sa construction décidèrent d’une arche unique de 55 mètres sous clef pour relier les 40 mètres séparant les deux rives.
Le rude hiver qui sévissait à cette époque obligea à une certaine diligence dans sa réalisation, toute la maçonnerie fut ainsi terminée en moins de quatre mois (Avril-Août 1730), malgré cette rapidité d’exécution aucun accident ne fut à déplorer durant toute la construction de cette oeuvre audacieuse.

Les enfants trouveront dans ce parc de quoi jouer dans l’aire de jeux ou dans les arbres ; des deux côtés de la rive de la Durance, vous pourrez découvrir les jardins botaniques ; les curieux glaneront quelques renseignements sur le patrimoine industriel préservé.

Voir le plan du parc au début de cette note : 2h A/R minimum

En bordure du parc des Ecrins : le lac de la Douche à partir du Casset


Hautes-Alpes : temps idéal pour randonner en été mais que de monde sur ce petit itinéraire menant au lac de la Douche en bordure du parc national des Ecrins ! c’est manifestement le parcours classique et touristique permettant de découvrir un petit lac laiteux après avoir longé l’impétueux Petit Tabuc. Vous pouvez partir du village du Casset – avant ou après un déjeuner chez Finette (pas de site, coordonnées seulement), avant ou après la cache GC112W4 Guisane – le Casset de biboux – ou du pont du Clot du gué (1567 m) ; le Casset est un des hameaux de la commune du Monêtier les Bains.

Sauvetage (illustré) d’un chamois au lac de la Douche en février 2009

IMG_5476.JPGIMG_0017.jpgNous traversons le pont sur le torrent du Petit Tabuc qui se jette dans la Guisane qui elle-même se jette dans la Durance ; il nous faut partager le GR 54 (tour de l’Oisans et des Ecrins) avec quelques cavaliers. La montée se fait en douceur en forêt de mélèzes mais sur un terrain un peu accidenté par pierres et racines.  Plus loin, au niveau du Grand Pré (1683m) et de l’aire de pique-nique, nous traversons la passerelle sur le torrent du glacier du Casset qui vient alimenter sur notre gauche,  le Petit Tabuc.

Le commerce direct de la glace naturelle du glacier : au XIXè siècle, avant l’avènement du réfrigérateur, de mai à septembre, des blocs de glace de ce glacier étaient dégagés par explosion, transportés par mulet (plus tard par téléphérique) jusqu’au pont du Clot du Gué,  où ils étaient découpés en blocs réguliers de 50cm de côté [j’évalue un bloc à 114kg environ, ce qui semble compatible avec ce que pouvait porter un mulet], puis charroyés jusqu’au pont du Casset ; protégés par de la sciure et des branchages, ils étaient alors transportés sur d’importants attelages jusqu’à la gare de Briançon d’où ils rejoignaient en train Marseille et la Provence. Voir le site des Amis du Casset. Au début du XXè siècle, à la Roche des Arnauds, la glace sera fabriquée artificiellement, stockée en hiver et conservée dans des glacières comme dans le sud de la Provence. Voir l’article *** Circuit de la glace dans le Var dans ce blog

La glace naturelle […] persiste assez longtemps sur les marchés face à la glace artificielle produit de l’usine malgré la nette différence de prix (la première se vend 6 à 11 centimes le kg en 1900 à Paris contre 1 centime pour la deuxième ». Extrait de L’artisanat de la glace en Méditerranée occidentale, Ada Acovitsioti-Hameau, supplément au cahier de l’ASER, 2001

glacie du Casset (photo empruntée au site alpes-photos.com)Selon une étude de Gilles Garrite et Philippe Lahousse, le glacier du Casset réagit très vite aux fluctuations climatiques depuis 150 ans. Vers 1925, le front2 du glacier se situe  à 1970m ; à partir de cette date, c’est une longue période de recul. En 1952, l’IGN mesure le front à 2430m, en 1970 à 2450m : c’est un abrupt de glace très instable d’où se détache des pans entiers. Vers 1940-1950, les températures hivernales augmentent et les précipitations diminuent fortement : c’est à ce moment que le glacier se partage en deux branches. « En annonçant un réchauffement drastique du climat au cours des cent prochaines années, les scientifiques laissent planer une véritable menace sur les glaces terrestres ».

Chronique d’une catastrophe annoncée (1985)

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