Le sentier des vignerons de Puyloubier


Nous partons en reconnaissance sur le sentier des vignerons à Puyloubier. Nous, c’est Georges P., qui suit en temps réel le tracé sur une application mobile, Louise, la « candide », qui guette les marques bleues du balisage, et moi, GPS à la main, qui enregistre les centres d’intérêt.
Passage à la cave coopérative pour retirer le guide découverte indispensable pour la connaissance des cépages (petits poteaux A, B, C, D) et les 5 thèmes : géologie (1), les vignerons au fil des saisons (2), le domaine Capitaine Danjou (3), le patrimoine sacré (4), l’élaboration du vin (5).
Vous ne vous intéressez pas au vin ? Partez sans préjugés, vous aurez de très belles vues inédites sur l’extrémité à l’est de la chaine de la montagne Sainte-Victoire, et au sud la silhouette de la Sainte-Baume et l’Olympe. Yves m’ayant rappelé l’existence de quelques caches, j’en ai inclus quelques unes pour les joueurs geocacheurs.

Départ sur la route en face de la cave par la rue Cezanne (sans accent…) que nous quittons pour le chemin du puits de Dain, et non puits du daim car probablement, il s’agit d’un propriétaire des lieux, un certain (Pierre) DAIN fin XVIe dont la fille Clère est née à Puyloubier. Le petit lavoir de puits de Dain y a été restauré à l’identique. Voir Lavoirs des Bouches-du-Rhône

Avant que le chemin du Puits de Dain ne s’incline vers la gauche, regardez aux jumelles Sainte-Victoire, la Torque, contact anormal entre la série calcaire massive renversée de la Sainte-Victoire avec le Crétacé supérieur formé de brèches et argiles et le refuge Baudino. C’est à la forme de ce rocher – la torque1 est un collier métallique celte rigide – qu’on doit cette appellation .
Lithothèque académie Aix-Marseille

Option : à la première intersection sur le chemin de terre du puits de Dain, à droite vers la stèle de Philippe Noclercq, pompier volontaire mort à 17 ans lors de l’incendie de Sainte-Victoire en 1986. Ajouter 2km A/R.
La Provence, 2016

C’est dans le quartier de la Jauvade que nous découvrons un ensemble de bâtiments ruraux récemment restaurés : la source Jauvade est couverte, ses eaux étaient recueillies dans un petit réservoir percé de deux ouvertures : l’eau s’écoulait dans un lavoir amputé d’une partie lors de l’élargissement du chemin.

De l’autre côté du chemin, un bassin devait recueillir les eaux de pluie, la marque du niveau est encore visible ; le puits était bâti à la sortie de la source. Sur le cadastre napoléonien, la source est signalée mais sans le puits ; en 1826, sur cette parcelle, François Rey cultivait de la vigne. Les aménagements ont donc probablement été faits au cours du XIXe puis joliment restaurés par la commune. Un lieu paisible, idéal pour la halte du promeneur. Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement des Bouches-du-Rhône, Portrait de commune, Puyloubier

Le chemin croise la route d’Aix D57, autrefois carraire de transhumance pour les troupeaux d’Arles, passe de l’autre côté le long des vignes, et vire à droite devant un bâtiment agricole ; croisement avec le chemin de l’Avocat ; à gauche, variante pointillés bleus pour retourner au village directement. L’oratoire saint Roch, saint prié pour être épargné de la peste, mène à la chapelle éponyme ; Louise nous fait remarquer les médaillons sculptés et la croix au-dessus : il pourrait bien être antérieur à la grande peste ; la céramique est signée (Simone) Garnier à Moustiers-sainte-Marie. C’est sans doute au cours de la grande peste de 1720, puis pendant l’épidémie de choléra de 1884, qui ravagèrent la Provence, que fleurirent dans nos campagnes les suppliques à Saint-Roch. CAUE13.fr

Le village de Puyloubier a-t-il épargné par la peste de 1720 venant de Marseille et qui a touché toute la Provence ? je n’ai pas trouvé de réponse sur internet mais la peste s’étant répandu vers le nord (Vaucluse) et l’ouest, il a sans doute été épargné ; néanmoins, dans les décès de 1721, une personne morte en décembre est ensevelie à la hâte le jour même, ce qui fait penser à une mort d’épidémie qui fait peur : Claude Deloute, rentier de la bastide Saint-Pons, 54 ans. Le 24/09/1722 c’est un soldat qui a été enseveli le jour même.
Et dans les archives municipales de Puyloubier, en 1720-1721, on trouve un état de dépenses faits par la commune concernant la peste…

Nous entrons en lisière du bois de la Glacière. Il existait bien une petite glacière, en ruine en 1828 (ci-contre section C1 cadastre napoléonien), pour conserver la glace avant l’apparition du réfrigérateur.
Elle appartenait à Louis Camouin de Marseille, qui possédait tout le quartier de la Tour, avec ses moulins à vent, son moulin à eau et ses terres cultivables au nord et au sud du bois. Un riche propriétaire qui n’habitait pas à Puyloubier.
Tiens, glacière et moulins pourraient faire l’objet d’une prochaine balade…

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De Bibemus au barrage Zola : les vestiges du canal


Un parcours classique et court que je fais régulièrement pour me dégourdir les jambes ; c’est parti pour quelques vues sur Sainte-Victoire et le barrage François Zola (°1795-, +1847), père de l’écrivain Emile. Je pars de Bibemus, parking très souvent plein, occupé par les sportifs, les promeneurs de chien, les randonneurs, les touristes,…

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Le projet d’un canal pour alimenter Aix-en-Provence en eau, est proposé en 1838 ; les travaux du canal débutent officiellement le 4 février 1847 ; Zola meurt le 27 mars 1847 ; l’inauguration a lieu le 16/12/1854… Ce barrage-voûte est le plus haut jamais construit à l’époque. Les archives de l’invention, Écrits, objets et images de l’activité inventive, Christiane Douyère-Demeulenaere, Liliane Hilaire-Pérez, Marie-Sophie Corcy, Presses universitaires du midi, 2006, 2020 parlent d’une innovation majeure pour l’époque et qui n’aura aucune postérité avant 1930.
L’eau du canal Zola [ndlr : et non l’eau du canal du Verdon comme on le voit écrit trop souvent] arrive à la fontaine de la Rotonde pour la première fois le 4/11/1860…

On voit bien que le plateau était autrefois habité et cultivé (abris, terrasses de cultures) : on passe entre deux piliers à l’entrée de la piste rapidement caillouteuse ou rocheuse comme souvent par ici.

Variante : suivre le sentier sur la droite le long du grillage des carrières de Bibemus ; il descend tout en bosses (attention aux VTT !), et traverse une partie des carrières ; l’une d’elle, sous le niveau du sentier, est protégée par un chapeau métallique. Vous circulerez entre les fronts de taille sur lesquels les traces de pic sont bien visibles. Puis vous rejoindrez la piste balisée.

A ma droite, tout en bas, les prés bien verts le long de l’allée Philibert face au château du Tholonet. Quand la piste se sépare de celle qui descend vers le Tholonet par le chemin de la Risante, je tourne en épingle vers le nord-est en m’arrêtant devant cette cabane. Puis j’entame la longue descente vers le barrage ; sous mes pieds, par deux fois, le sentier passera au-dessus du canal Zola, profondément souterrain.
En lisant le Traité entre la ville d’Aix et Mr Zola… relativement à l’établissement d’un canal. Pour amener un mètre cube d’eau par seconde à Aix et sur son territoire, 19 avril 1843, j’ai senti combien ce contrat l’accable de contraintes et responsabilités, et pourquoi l’ingénieur n’a jamais été riche… après sa mort sa veuve dut même demander une bourse à la ville pour que son fils Emile puisse continuer ses études.

Zola propose d’utiliser les eaux de pluie et celles de plusieurs ruisseaux (Cause et Infernet, même rivière qui change de nom, Bayon) ; trois barrages (1er projet, début 1838) puis deux (2e projet fin 1838) barrages étaient prévus ; un seul sera construit.
Il faudra 16 ans et une féroce bataille juridique entre Zola et Gallifet, propriétaire du château du Tholonet qui avait utilisé antérieurement les eaux à son profit, pour que le projet du barrage devienne réalité. Le Mémorial d’Aix relate régulièrement entre 1839 et 1854, les critiques, oppositions et obstacles administratifs incessants. L’or bleu du Tholonet, P. Bernascolle, Les Presses du Midi, 2019

Document S.C.P. Patrimoine

Sur la droite, bien qu’on ne les voie pas, les gorges étroites et profondes de l’Infernet avaient déjà été barrées pour en récupérer l’eau : fin XVe le barrage de Jarente puis celui de la Petite Mer, occasion d’une randonnée spectaculaire et sportive. Sur 4 km, avec Bimont, quatre barrages auront été construits sur cette rivière à quatre époques de l’histoire ! Voir la vidéo sur ces barrages

En mars 1844, le marquis de Gallifet, opposé au projet qui risque, pense-t-il, de le priver des eaux de l’Infernet, injurie et lève sa canne sur l’ingénieur : en appel, la peine de prison est annulée mais il est condamné à 5000 Frs de dommages et intérêts que Zola remet aussitôt au bureau de bienfaisance d’Aix. Le Gaulois, 15/09/1892

Puis c’est la fameuse ‘colonne mystère‘ comme l’écrit Guy Balossier dans son livre Route Cezanne, route classée. Les éditions Flâneries, 2009 une colonne de pierre massive et grossièrement construite, se trouvant presque au-dessus du tunnel de l’Infernet (canal Zola). Y a-t-il un rapport avec lui ? si elle est creuse, on a pu y positionner une mire afin qu’elle puisse être visée depuis un autre point.

Située en terrain boisé, cette colonne pouvait être observée par-dessus les obstacles. Elle a donc pu servir à faire des relevés de nivellement pour définir le tracé de la galerie de 666 m en ligne droite jusqu’à la Risante, et positionner les quatre puits ; cette hypothèse s’appuie sur le fait que Zola a utilisé la technique des ‘piquets’ comme le précise en juin 1843, un communiqué de la ville qui demande aux riverains du canal de laisser  l’accès de leur propriété pour fixer le tracé définitif de la ligne du canal et le placement des piquets . Bernard Sabatier, de la SCP, ne peut cependant pas l’affirmer. La technique des piquets est expliqué paragraphe 7 dans ce document : Le nivellement, une mesure pour l’action autour de 1800, Frédéric Graber, Histoire & mesure, 02/2006

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De Roques-Hautes au hameau du Trou au lever de soleil


Un grand classique, facile, au pied de la face sud de la montagne Sainte-Victoire : un aller par une belle piste tout en ondulations jusqu’au hameau du Trou à Saint-Antonin sur Bayon ; un retour sur des sentiers plus intimistes. Mais l’originalité de ce jour, c’est que nous sommes partis au lever du soleil avec Gilles comme animateur et un groupe qui a accepté de se lever tôt pour ce moment de partage. Le rendez-vous est donné à 6h30, dans la grande prairie de Roques-Hautes où il fait encore sombre. Petit à petit, les membres du groupe arrivent à la lampe de poche.

C’est dans ce parc qu’a été découvert en 1952 un filon important d’œufs de dinosaures.
L’armée y effectuait des entraînements au tir du 30 juin au 30 septembre ; des signaux sonores une demie heure avant et une flamme rouge en haut d’un mât, annonçaient des tirs imminents.

Il fait encore sombre quand nous arrivons au hameau du Trou, commune de Saint-Antonin-sur-Bayon. Avant la visite du hameau, chacun prépare pour le partage ce qu’il a amené. Il y a de tout : thé, café, gâteaux maison, etc. De mon côté, j’ai réservé la veille, par l’application mobile TooGoodToGo, un lot d’invendus du jour à la boulangerie à côté de chez moi.

Pour 4€, je récupère 10€ de marchandises environ ; pas toujours le choix mais ce jour là, mon sac contenait une grande brioche, plusieurs viennoiseries et même du pain. Par solidarité, on peut même offrir son lot à une association pour des personnes dans le besoin. Les restaurants partenaires peuvent proposer un repas, les épiciers des fruits et légumes défraîchis mais parfaitement comestibles. Et pour agir pour le bien de la planète, on amène son sac. Dans tous les cas, un peu de surprise qu’il faut accepter puisque par avance on ne peut savoir ce qui restera à vendre.

Après être passés devant le refuge Cézanne, nous nous installons près de l’aire de battage (bien grande, ayant appartenu en indivision aux habitants),  nous avons tous compris que nous étions dans un ancien hameau agricole, si petit qu’en 1824, la Statistique des Bouches-du-Rhône ne le cite pas encore sous son nom actuel. Quelques ruines de maison, un puits, un four, d’anciennes banquettes de cultures, confirment la vocation du lieu. D’après l’étude Saint-Antonin sur Bayon : Une petite commune du pays d’Aix et son histoire, J. GanneJ. Ganne, 1999, c’est probablement la famille David qui a construit ce hameau à la fin du XVIIe car en 1704 il n’y a que deux maisons. Ces forains1 – au sens étymologique du terme – s’y sont installés à la demande du seigneur Louis de Garnier qui voulait mettre en valeur ses terres. Après 1851, plus personne ne vit au Trou.

Mais surtout, c’est le piton rocheux surmonté d’un calvaire, le rocher en équilibre et la chapelle qui intriguent. Sur aucune carte ancienne, n’y figure le symbole d’un lieu religieux. Elle n’a jamais été consacrée officiellement même si parfois on trouve la mention Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Selon moi, la plus grande maison a été transformée en chapelle après l’abandon du hameau. Quel ermite vivait ici à la fin du XIXe ? Est-ce que ce sont les jeunes de la communauté pénitentiaire de Beaurecueil qui ont installé la croix en haut du rocher ? Mystère…
Un passage couvert et carrelé a été aménagé vers une grotte entre deux rochers à l’est. C’est peut-être cette cavité, ce trou, qui a donné son nom au quartier.

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