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** Le village du Vieux-Bras (d’Asse), après un siècle d’abandon


IMG_0723r.JPGimg_0731r-254x300.jpgimg_0730r.jpgPetit arrêt au poteau de Telle (vestige des supports de panneaux indicateurs en fonte de chemins de grande communication du XIXe siècle) où les geocacheurs trouveront la cache le poteau de Telle d’estoublon et son repère cylindrique de nivellement général servant à l’étude des reliefs (le point de référence 0m servant à la mesure des altitudes se trouve au marégraphe à Marseille, 11cm sous l’eau par rapport à ce qu’il était en 1884…) : étude du niveau des mers, des crues, altitudes,… ; une plaquette en laiton est fixée au centre du médaillon. A froid est frappée l’altitude arrondie au mètre (selon le site de l’IGN, elle est exactement de 734,611m). Ce poteau marque la limite communale de Puimoisson et Bras d’Asse et se situe sur la voie antique rejoignant Riez. Au loin, nous apercevons Bras d’Asse et sur la colline, les ruines du vieux village abandonné. C’est là que nous allons.

img_0778r.jpgcassoir_Oraison_fete_amande.jpgcassoir_Oraison_fete_amande_2.jpgNous nous garons place du cassoir, sans doute là où était installée la machine servant aux villageois pour casser les amandes récoltées. Le plateau de Valensole est connu pour sa lavande et ses amandiers (photos empruntées au site des rencontres oraisonnaises).

Fête de l’amande à Oraison

La météo aujourd’hui à cet endroit
Avec la température ressentie

img_0732r.jpgTant que je n’ai pas lu le livre de Damien Quivron sur l’histoire de Bras d’Asse, je ne peux confirmer les maigres éléments historiques trouvés sur internet. Une confusion avec la ville de Bras dans le Var me semble possible. Le site NetProvence.com qui affirme que sous Louis XII, Lesdiguières aurait mis à sac le vieux village se trompe probablement car Lesdiguières n’était pas même pas né à la fin du règne de ce roi. Mais il y a probablement un peu de vrai. Au XVIème siècle, la situation était un peu compliquée dans les villages de Haute-Provence ; quatre armées se battaient les unes contre les autres : celle du roi, celle du duc de Savoie venue ensuite parfois aider celle des catholiques, et celle des protestants. Les villages étaient pris par les uns, repris par les autres. « C’était pour la cinquième fois que les habitants de la vallée de l’Ubaye, d’Allos et de Saint-Martin d’Entraunes changeaient de souverain pendant le cours de l’année 1590, et tous ces changements s’opéraient d’une manière violente, par des invasions à main armée, des sièges meurtriers, des assauts, des capitulations. » (Extrait de Histoire d’Allos, troisième partie, chapitre IV de 1559 à 1598).

img_0742r.jpgvieux_bras.jpgLe vieux village de Bras d’Asse, flanqué de quatre tours et de murailles qui entouraient les habitations, a sans doute été repris par un chef catholique : le baron de Bras d’Escalis, et son voisin le seigneur d’Espinouse, avaient fait cause commune avec les huguenots. Les remparts et le château furent détruits. On peut encore deviner une tour de ce ‘Chateau-neuf’ sur la gauche quand on monte par le chemin du Vieux-Bras.

img_0748r.jpgIMG_0737r.JPGLe chemin du Vieux-Bras est balisé. Il commence par emprunter le sentier botanique qui mériterait d’être mieux entretenu. Il coupe plusieurs fois la route et nous y sommes vite. Les premières ruines sont impressionnantes : des murs hauts, très épais, assemblés avec d’énormes galets charriés autrefois par la Durance. Ça ne doit pas être si facile de construire des murs droits avec des galets ronds !

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img_0752r.jpgLa visite est risquée car la pente est instable et les ruines souvent dégradées. Par des trous dans les murs, j’aperçois une échelle posée contre un mur et une cave envahie par la végétation ; pas si abandonné que cela ce vieux village : je remonte la ruelle étroite pavée et bordée de maisons restaurées ou en cours de restauration.  Le Vieux-Bras est construit avec des galets comme d’autres avec des pierres.

img_0733r.jpgPour résoudre le problème de l’eau dans ce village perché, à l’étroit, d’accès malaisé, loin des terres, les citernes étaient la seule solution (le réservoir est sur la gauche du sentier). En période de sécheresse, la vie devait être bien difficile. Au bord de l’Asse, la vie n’était pas possible car le torrent indomptable faisait des ravages. « On passe ordinairement l’Asse sur les épaules des paysans […] un étranger ne s’exposerait pas seul dans une rivière qui lui offre du péril par l’inégalité de son lit » écrit Garcin E., Dictionnaire historique et topographique de la Provence ancienne et moderne, 1835.  Au XIXème siècle, un cultivateur M. Estelle, réussit, en construisant des digues et des canaux, à diriger les eaux de l’Asse vers des terrains inféconds. Il fut surnommé le vieux colmateur par les villageois. A la fin du XIXème siècle, des grands travaux d’hydraulique sont entrepris, Bras d’Asse construit des digues en pierre dans le but d’éloigner définitivement la menace. Un pont et une route sont aménagées dans la vallée. Les agriculteurs n’hésitent plus à s’installer dans la vallée, emportant non seulement le mobilier mais les toitures, charpentes, portes et fenêtres. En 1913, c’est l’abandon total du vieux village.

img_0777r.jpgimg_0754r.jpgL’arrivée tout en haut du village réserve quelques belles surprises : depuis la place fort accueillante, en face de nous, nous devinons  le plateau de Valensole et le poteau de Telle où nous étions tout à l’heure. Le château est restauré et subdivisé en  19 studios. Depuis 1979, le Vieux-Bras a été racheté par une société civile qui comprend vingt familles. Ce sont les enfants qui reprennent les travaux aujourd’hui mais certains ont abandonné et vendu leur part.

img_0755r.jpgLa porte de l’église, surmontée  d’une tête de bélier et d’un vitrail moderne, fait fonction d’espace commun. L’actionnaire de la maison juxtaposée – Marie-Jo – nous rejoint et se propose de nous faire visiter l’église. Elle nous parle longuement des travaux effectués, des objets anciens retrouvés ; la passion de la terre se lit dans ses yeux.

img_0758r.jpgPierre Martel, érudit défenseur du patrimoine de Haute-Provence, est venu en repérage pour un numéro de la revue Les Alpes de Lumière sur les sites et randonnées du pays d’Oraison. Il a visité avec son informateur le vieux village de Bras-d’Asse et a commenté de façon critique, la récente restauration de l’église. Il est vrai qu’elle ne ressemble plus à une église mais à une grande salle commune faisant office à img_0757r-300x148.jpgla fois de remise à outils communautaire, de musée et d’exposition d’art. Peut-on reprocher à cette communauté d’avoir détourné l’usage premier de ce monument ?

img_0765r.jpgimg_0766r.jpgBras d’Asse, une seconde vie pour le vieux bourg

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outils, clés métal, poteries dont un Moustiers, fossile

Site de la société civile d’autoconstruction de Bras d’Asse le Vieux (en flamand – possibilité de faire traduire les pages par google)

Bras d’Asse a également été touché par la peste de 1720 parti de Marseille et qui a envahi toute la Provence. Damien Quivron écrit page 521 :

« Je m’appelle Barnabé Bosse, je suis né à Bras d’Asse le 20 mai 1683 […]. J’ai été 4 fois premier consul (maire), d’abord en 1712, sans problème. La deuxième fois ce fut en 1720 quand se déclencha une énorme épidémie de peste. La maladie est apparue […] au mois d’août. Les consignes sanitaires n’ont pas traîné. Il a fallu d’abord mettre au point un système de «billets de santé», espèce de laissez-passer que l’on accorde aux villageois obligés de voyager. […] Quand on m’invita ensuite, à construire une palissade autour du village, afin de ne laisser entrer que les porteurs de billet, le doute s’installa dans nos esprits quant à l’efficacité préventive du procédé… ». Ici ce sont des palissades, à Collobrières l’accès par le pont était barré par des palissades en bois ou en pierre, à Lagnes dans le Vaucluse, ce fut le mur de la peste, de plusieurs dizaines de kilomètres  dont les vestiges sont encore visibles. La peste de 1720, par Nadine, article bien documenté avec photos.

Itinéraire Vieux-Bras_2.900km_1h_178m_dénivelée

img_0760r.jpgCette balade qui peut être prolongée au nord, a un goût d’aventure contrastée : un côté sinistre comme après un tremblement de terre dans la partie basse des ruines, un côté réconfortant dans la partie haute restaurée avec les matériaux d’antan. Félicitations à ces courageux bâtisseurs. Merci à Marie-Jo – Zus pour les flamands – de nous avoir accueilli si chaleureusement.

Les geocacheurs trouveront  dans ce vieux village, la cache d’estoublon le Vieux-Bras.

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Maria Borrely, Le Dernier Feu, 1931 : retrace l’histoire de l’abandon de Vieux-Bras.
Damien Quivron, Bras-d’Asse, un village des Alpes-de-Haute-Provence, Édition Serre, Nice, 2007, histoire de Bras d’Asse à partir de documents d’archives

©copyright randomania.fr

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2 réflexions au sujet de « ** Le village du Vieux-Bras (d’Asse), après un siècle d’abandon »

  1. Juste une remarque mais qui a son importance.
    Le Vieux Bras ne manquait pas d’eau comme on pourrait le croire.
    Il n’y avait pas de citernes, mais une adduction d’eau par canalisation en terre cuite (venant d’une source éloignée) dont quelques vestiges se voient encore aux alentours du village.

    Mon grand-père maternel est né au « Vieux Bras », et s’y est marié … Il est « descendu » avec tous les autres habitants au tournant de 1900 pour bâtir sa nouvelle maison « dans le plan ». Dans mon enfance (années 50 …) nous étions ignorants de bien des choses, sans aucun document écrit, juste une transmisison orale … confirmée, ou pas, par les documents lus beaucoup plus tard !

    Le « réservoir » que vous mentionnez au bord du sentier d’accès est un ouvrage « moderne » qui n’existait même pas dans les années 50. Et aussi, le bélier du porche de l’église n’est pas d’origine, ni même une copie d’origine. Il a été créé par nos amis Belges Flamands quand ils ont « remonté » l’église et surtout son clocher. J’ai qq photos prises vers 1968 où l’église n’est encore que 4 pans de mur sans toiture et sans clocher.Je me suis laissé dire par une « flamande » qu’au départ ils avaient pensé à faire sculpter un agneau, symbole chrétien, mais que par une erreur de transmission orale, l’agneau : lam est devenu : ram, le bélier. tout ceci en langue flamande !

    Bien cordialement.

  2. Nous sommes passés par votre village le 26 juillet 2011 et nous avons été reçus par des gens charmants qui nous ont invité, avec leur délicieux accent, à passer quelques moments avec eux. Peinture, sculpture, travail concentré, révisions scolaires par une grand-mère ; le tout dans la garrigue et au son …. en fait le silence était magique.

    Un grand merci de deux marseillais.

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