** De Barjols sur le thème de l’eau, à Pontevès


Deux visites ont été nécessaires pour finalement écrire deux articles au lieu d’un sur Barjols (de bar jolium = beau rocher), la Tivoli1 de la Provence ; la première fois c’était avec un groupe autour d’Yves Provence et la communauté OVS, sur les thèmes de la ligne ferroviaire  Central Var et des fontaines. La seconde c’était avec un provençal érudit et curieux pour la découverte du vallon des Carmes, sur un circuit un peu différent.
La ressemblance entre Barjols et Tivoli, la ville italienne, ne me parait pas évidente, portant sur l’abondance de l’eau et des fontaines ainsi que sur la présence de travertin2.

La ville s’est développée sur plusieurs balcons de travertins étagés. Ils ont été édifiés par les eaux incrustantes du ruisseau des Laus (ou des Écrevisses) et celles du Fauvery (le ruisseau de Pontevès) provenant principalement de l’exsurgence karstique du Pavillon (J. NICOD, 1967). Ces ruisseaux ont joué un grand rôle dans le développement de Barjols : les eaux du Béal faisaient tourner plusieurs moulins et le Fauvery se précipite à partir de cascatelles sous la Chapelle des Carmes en une magnifique cascade où l’encroûtement est encore actif. […] Jean Nicod, Barrages de tufs calcaires et cascades dans le Centre-Var : rapport avec les eaux des sources karstiques, historique et déclin actuel, Physio-Géo [En ligne], Volume 4 | 2010, mis en ligne le 09 mars 2010, URL : http://journals.openedition.org/physio-geo/1100 ; DOI : 10.4000/physio-geo.1100

Photos de Yves Provence, Photos de Catherine Tataka en 2014, Photos de Julie, Photos de Daniel

Le parking de la place le long de l’allée Anatole France est grand ; tandis que certains se préparent j’ai le temps d’aller jusqu’au monument de la résistance de 1851 et la fontaine du Bœuf au bassin hexagonal. Depuis fort longtemps, un bœuf s’y désaltère une dernière fois avant d’être rôti : c’est la fête des Tripettes. Le texte ci-dessous a été extrait presque uniquement de l’excellent site de randonnée de JP randonnée Var qui a indiqué ses sources. Les variantes de cette légende sont nombreuses, j’ai dû en choisir une !

Saint-Marcel est né en Avignon au début du Vè siècle. Il fut nommé évêque de Die dans la Drôme en 463. A près de 80 ans, […] se sentant fatigué, [il] s’arrêta au monastère de St Maurice, près de Montmeyan, il y mourut et fut enterré. En 1349, cette abbaye tombant en ruine, St Marcel apparut en songe au seul gardien qui restait et lui demanda de faire transporter son corps dans un endroit plus digne de lui. Barjols et Aups […] revendiquèrent aussitôt les saintes reliques.
Les Tavernais, […] conseillèrent aux Barjolais de s’emparer des reliques sans attendre de savoir qui était le plus près du monastère […].
Le 17 janvier 1350, les Barjolais […] s’emparèrent du corps de Saint Marcel. Le groupe ramenant les reliques rencontra des femmes en train de laver les tripes du bœuf que l’on avait abattu en commémoration de celui qui, un jour, fut trouvé dans l’enceinte de Barjols, alors assiégé, et qui sauva les habitants de la famine. Un cortège se forma, […] et en rentrant dans l’église, […] les Barjolais, ivres de joie, entonnèrent pour la première fois leur refrain entraînant : SANT MACEU SANT MACEU LEIS TRIPETOS VENDRAN LEU.
Depuis ce temps là, chaque année, suivant un rite immuable, se célèbrent les Offices Religieux suivis de la danse des Tripettes […] on lui [le bœuf] met de belles cocardes et on le promène dans le village où il s’abreuve à la Fontaine du Boeuf. […] il est rôti le lendemain sur la place de la Rouguière à l’aide d’un monumental tournebroche. D’après le site de la commune de Barjols
A deux reprises, les reliques ont été volées puis récupérées ; cependant au moment des guerres de religion les reliques tombent entre les mains des huguenots.
[…] une vieille femme vint fort à propos conter qu’elle avait sauvé du feu un doigt de saint Marcel et un morceau de son intestin, une « tripette ». Ces restes précieux furent placés dans un nouveau reliquaire et comme par le passé l’on continua de célébrer la fête traditionnelle.
Un siècle plus tard, le Pape Pie IV [ndlr : XVIe], pour consoler Barjols du tort que lui avaient causé les huguenots, accorda une indulgence plénière à tous ceux qui […] feraient une prière à l’intention du Souverain Pontife. Mais ce pardon ne détourna jamais les Barjolais de faire, le 17 janvier, des processions, des chants, des danses et de tuer le bœuf. Au dix-huitième siècle, Mgr Martin de Bol [ndlr : Dubellay ?], évêque de Fréjus tenta de  supprimer ces réjouissances ; elles reprirent après sa mort. D’après le Bulletin de la Société d’études scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan, Société d’études scientifiques et archéologiques de Draguignan et du Var, Imprimerie de P. Gimbert, Draguignan, 1870
Journal des débats politiques et littéraires, 24 janvier 1913, A. Hallays

La fête de Saint-Marcel restera donc un mélange de fête païenne et de fête chrétienne…
Barjols et le culte de Saint-Marcel, Paul Vaillant, Lorisse 2004

Au sol, de temps en temps, vous remarquerez des pavés marqués des initiales BB comme sur le blason du village créé en 1246 par Raymond Béranger IV : c’est Robert, comte de Provence qui les ajoute en 1322 ; elles signifient ‘Baillage de Barjols’.

Leur importance [baillages et sénéchaussées] est primordiale pendant le XIIIe siècle, où baillis et sénéchaux sont dotés de pouvoirs étendus : armée, justice, administration, perception de l’impôt. Au XIVe siècle s’amorce le déclin : bailliages et sénéchaussées deviennent essentiellement des circonscriptions judiciaires dotées d’un tribunal […] habilité à juger les procès où des nobles sont impliqués. D’après l’Encyclopédie Universalis

A l’entrée du chemin de Saint-Martin on retrouve l’Eau Salée, un ruisseau affluent de l’Argens, que nous avions longé en arrivant. Pourquoi l’Eau Salée ? parce qu’elle est riche en sels minéraux !

Extrait de wikhydro : le bassin versant de l’Argens est marqué par trois particularités géologiques : l’abondance des massifs calcaires fissurés […] ; l’influence du gypse, roche très soluble qui entraîne une forte minéralisation de l’eau. L’Eau Salée, la rivière qui descend de Barjols et rejoint l’Argens à Châteauvert, lui doit son nom ; les travertins […]

Nous commençons par le tunnel de Barjols, en bon état, sur la ligne Central Var longue de deux cent onze kilomètres. Nous y entrons avec une lampe pour trouver la cache. C’était une des trois lignes du réseau Sud-France, repris en 1925 par la société des Chemins de fer de Provence et  fermée au début de l’année 1950. Du temps de la traction à vapeur, un seul train quotidien faisait le trajet complet de Meyrargues à Nice et le trajet durait un peu plus de onze heures.

Train des Pignes Central Var : tunnel de Barjols, Kidoulo

Inaugurée le 28 août 1888, la gare de Barjols est typique des gares de la fin du XIXe. Les installations sont importantes : halle séparée, trois voies reliées par plaque tournante, dépôt pour quatre machines, remise à voitures. En 1930, le débord a été allongé pour permettre le trafic de bauxite. Entre 1942 et 1943, l’ancienne remise à voiture est transformée en logements. Derrière le hangar, on aperçoit le sommet du château d’eau qui alimentait en eau la  locomotive à vapeur.

Train des Pignes Central Var : gare de Barjols, Kidoulo

Pendant presque un kilomètre, nous allons longer la route, passer devant une ancienne borne-fontaine à volant en fonte gravée du nom des Ets Bayard et devant un ancien pressoir à vin ; après deux grands rond-points, nous obliquons sur le chemin de Régusse à droite. Une maxime encadre les volets bleus d’une maison ; l’oratoire de Saint-Expédit sous-titré « Spiritus Ubi vult spirat » [ndlr traduction : l’esprit souffle où il veut] nous interroge car peu de personnes en ont entendu parler. Commandant romain d’Arménie, il s’est converti au christianisme et fut décapité pour cette raison par l’empereur Dioclétien en l’an 303 de l’ère chrétienne. L’historien d’art Louis Réau rapporte que le pape Pie X l’avait rayé, en 1906, de la liste des martyrs. Saint Expédit est vénéré dans certains pays d’Amérique du Sud, dont l’Argentine et le Chili. Il a sa statue dans l’église de Saint-Cannat et celle des Grands-Carmes de Marseille.

Nous retrouverons la route D560, sans pouvoir traverser le ruisseau. Encore un peu de macadam jusqu’au château de Pontevès ; à l’oratoire, nous grimpons jusqu’à la porte dans le rempart pour atteindre l’esplanade en passant devant une tour transformée en pigeonnier.
De là, nous reconnaissons la montagne enneigée et son plateau festonné ; mais comment s’appelle-t-elle donc ? le Mourre de Chanier (1930 m) et à gauche de la faille le Chiran. A nos pieds, de vastes champs et un pigeonnier isolé au milieu d’eux.

1233 : premiers aménagements avec des bâtiments en forme de U. Les quatre tours du château ne sont pas toutes en bon état, pas toutes de la même époque ; il reste quelques bouts de murs médiévaux, notamment au nord sous lesquels se trouve la cache. Avec la construction d’un jeu de paume, d’une salle de billard, le château prend une fonction d’agrément. Quand Pierre Maurel rachète le château à François de Pontevès, il réutilise les matériaux pour construire un bâtiment de 50 pièces sur 3 étages. Vices de constructions, difficultés de succession et la Révolution ont eu raison de ce vieux château que l’association Alpes de Lumière a mis en valeur grâce à un chantier de jeunes. D’après les panneaux sur place

LE CHATEAU DE PONTEVES, PAPOUNET83

Chateau de Pontevès photo à  360°, Yves Provence

Nous traversons la cour et sortons par une autre porte puis une belle calade. Près du lavoir couvert nous trouvons une table pour le pique-nique ; tandis que je sers l’apéritif, un blanc moelleux pas trop sucré, Majo n’arrête pas de trifouiller dans son sac sans trouver ce qu’elle cherche. À ma grande surprise, elle finit par extirper un bloc de foie gras portant une bougie ; un chaleureux et tonitruant Bon anniversaire ! accompagne la remise des cadeaux : une thermos pour le café chaud, une clé USB qui diffuse un léger nuage parfumé quand je travaille sur mon micro. Un moment organisé par Majo et qui m’a fait oublier que j’avais un an de plus.

Nous repartons vers la Croix du Castellas qui, comme celle de Sainte-Victoire, remplace une première croix en bois installée dans les années 1768-1790 ; celle d’aujourd’hui date de 1964 et remplace une croix en fer de  1915. On fit appel à un artificier pour creuser dans la roche un trou d’une profondeur supérieure à 1 m ; la Croix fut assemblée sur place. A l’intérieur du socle en ciment, un manuscrit enfermé dans un tube en verre indique la date et le nom des constructeurs. Selon L’histoire de la croix du Castellas, Eugène Tanniou
A cet endroit, le 19 août 1944, la résistance barjolaise et le 179e régiment d’infanterie américain (45e division de la 7e armée) libèrent le village de Barjols.
La croix du Castellas, désormais doublée d’une antenne de téléphonie, offre un point de vue étendu sur Barjols ; je ne sais s’il y a eu un château mais ce fut sans doute un habitat perché et isolé comme l’indique la racine castra. Le décor de la table d’orientation en céramique et son support en maçonnerie sont signés de noms italiens : Nironi, Vilanova, Delpiano, Lorenzi, Pigliapochi. Ils sont sans doute issus de familles d’émigrés italiens bien intégrés, et très nombreux au début du XXe : en 1915, 115 italiens sur 150 ouvriers, travaillaient aux tanneries de Barjols. Des temps de paix aux temps de guerre : les parcours des travailleurs étrangers de l’Est et du Sud-Est de la France (1871-1918)Stéphane Kronenberger, thèse de doctorat, 20 mars 2014 Université de Nice Sophia-Antipolis

LA CROIX DU CASTELLAS, PAPOUNET83

Nous quittons la route pour un sentier étroit, humide, en descente avec quelques passages où on dérape dans la terre fine mais aussi quelques marches de bois ; nous descendons dans le vallon ombragé des Carmes, espace classé Natura 2000 : la première découverte est un ensemble troglodytique dont la grotte aux coquillages, fermée parce que ce n’est pas une période de vacances scolaires (article à paraître). Me dirigeant au bruit de l’eau derrière la grotte de l’ermite, je découvre le Fauvery, houleux, bruyant, qui a emporté et délaissé des troncs d’arbres en route. La grotte est occupée par des jeunes qui n’ont pas envie d’être dérangés. Nous ne verrons que le balcon de la cellule.

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Roumavàgi au prieuré de Sainte-Victoire à partir du parking des Amandiers


Grand jour au Prieuré de Sainte-Victoire : c’est l’inauguration des nouveaux vitraux de la chapelle et le traditionnel pèlerinage (roumavàgi en provençal) qui se perpétue le dimanche le plus proche du 24 avril, sur la montagne Sainte-Victoire.
# Liste de tous les parcours menant au Prieuré dans ce blog
Je me suis garée sur le parking des Amandiers, 3 km après le hameau des Bonfillons, pour laisser libres les places du parking des Venturiers. Partie vers 8h, je découvre le sentier qui va rejoindre le GR9 ; Philippe l’a balisé de ruban rouge et blanc, et apposé quelques pancartes là où le doute s’impose.
Ce sentier passe au pied des coteaux du Tounin d’Arles (cadastre napoléonien, E2, 1829), un bien drôle de toponyme qui m’évoque un nom propre (diminutif provençal d’Antoine ?), ou un oronyme signifiant hauteur (selon UnDeBaumugnes), mais en tous cas lié à la grande transhumance des troupeaux d’Arles ; la carraire arlésienne passait au nord de la route d’Aix à Vauvenargues à moins d’un kilomètre à vol d’oiseau ; la carraire des Nègres (sans doute Négrel) arrivait au pied de cette colline, en venant de Beaurecueil et celle de Trotobas la poursuivait vers le nord jusqu’à la carraire d’Arles.
D’après le cadastre napoléonien de Vauvenargues, c’est donc bien sur les pas des bergers que je commence la randonnée. Le parking des Amandiers était-il un lieu de repos avant la rude montée sur le plateau ? Je serais prête à parier que la plus grosse pierre couchée au sol qui matérialise l’entrée du parking est une ancienne borne de transhumance : si je trouve la seconde, puisqu’elles étaient plantées par paire, j’en aurai la preuve définitive…

Avant de tourner à gauche pour longer la rivière, si la curiosité vous pousse à faire un saut jusqu’à l’extrémité orientale du barrage de Bimont actuellement à sec (2017-2019), passez le gué, probablement à pieds mouillés après les pluies ; vous découvrirez habituellement sous l’eau, un ancien pont de pierre sur la Cause, rivière qui coule sous vos yeux comme avant le barrage ; le petit chemin passant sur le pont rejoignait les Nègres (aujourd’hui les Sages) au Tounin d’Arles. Spectacle curieux que ces ilôts verdoyants qui côtoient des espaces caillouteux et secs et sur lesquels gisent des objets insolites ou des vestiges de murs de soutènement.

Le sentier longe les champs, passe dans un agréable sous-bois, traverse la rivière de la Cause sur un passage aménagé de pierres plates émergentes. Les enfants Alibert, qui vivaient ici au XIXe, étaient tous des bergers, filles ou garçons, sauf le père qui était agriculteur ; ne vous étonnez pas d’y retrouver encore des troupeaux de moutons.

Plus loin, un second gué rejoint le parking des Cabassols mais il ne faut pas le prendre mais monter vers l’est jusqu’à la jonction avec le GR9.

Ce petit parcours bien agréable n’enlève rien à la difficulté du tracé : vous retrouverez la montée raide et régulière, les parties bétonnées parfois entrecoupées de chemin de terre ; je croise le groupe des chanteurs qui va participer à la messe au Prieuré puis une dame en difficulté qui marche bien lentement mais sûrement. A la cote 710, je pars discrètement faire la maintenance de ma geocache ; je retire le logbook « all-weather writing paper » pour y lire les commentaires tout à fait lisibles malgré les intempéries qu’il a forcément subies : un anglais, des hollandais, un allemand, des autrichiens, un suisse, un tchèque,… et des français de tous horizons, sont passés par là. Presque tous écrivent qu’ils sont contents d’y faire une pause avant le dernier effort vers le Prieuré. Ci-contre un extrait de ce carnet de passage.

Summer #3a : le prieuré, la pause, nicoulina

Dernière partie, dans un sous-bois dans lequel vous apercevrez une stèle portant le nom de Lou ; puis la partie rocheuse, tout en virages aigus, zigzags, avec quelques pièges tant les roches sont hautes ou patinées ; je croise en cours de route un ami qui descend du Prieuré ; à peine le temps d’évoquer la Favouillane, dernière grande bergerie de Camargue, que je repars vers le Prieuré où l’inauguration a lieu dans une demie-heure.
Tous les Amis de Sainte-Victoire (AdSV) portent un brassard fluo les identifiant ; les bénévoles, trop nombreux pour être tous cités ici, connaissent la tache qu’ils ont à faire et, vu leur sourire, je pense qu’ils sont fiers de ce moment qui concrétise leur travail acharné durant plusieurs années.

Vous visiteurs, le temps d’une prière ou d’un échange avec un Ami de l’association, vous découvrirez les nouveaux vitraux de la chapelle et le cloître reconstruit.

Les vitraux ont été conçus par le maître verrier Gérard Tessier, fabriqués par les Passeurs de lumière de Massalia Vitrail, installés par les bénévoles de l’association. Une vidéo des Amis de Sainte-Victoire, des vitraux pour la chapelle, résume les différentes étapes de cette magnifique réalisation. A l’élégante montagne aux couleurs froides près de l’entrée, succède celle aux couleurs chaudes dans le fond de la chapelle.

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Pied d’Aulun et les tulipes d’Hypolite


Le groupe des aixois se retrouve aujourd’hui pour une randonnée au pied du village de caractère de Lurs pour admirer les tulipes précoces qui ont déjà fait l’objet de plusieurs reportages. Elles ne durent qu’un temps, alors j’ai proposé une randonnée incluant cette découverte. Nous stationnons sur le parking au bout du village et déjà, alors que nous enfilons nos chaussures, majolir achète son pain et vegalyre propose d’emblée de prendre un café avant de partir ; notre attroupement incite le bistrotier à ouvrir ; son établissement offre un belvédère sur la vallée de la Durance et les oliviers, sous un ciel tourmenté aujourd’hui ; ce paysage préservé fait l’objet d’une protection de niveau national en tant que site ‘pittoresque’, c’est à dire digne d’être peint.
Quelques minutes plus tard, pleins d’énergie, nous partons pour une visite guidée du cœur du village grâce à deux d’entre nous qui le connaissent déjà : le début du chemin des évêques ponctué de 15 oratoires (1866) – Lurs fut résidence des évêques de Sisteron jusqu’en 1789 – et une partie du chemin des écritures issu d’une proposition des Rencontres Internationales de Lure. En passant devant l’affiche du moulin Masse, Claude nous signale La cascade de Monessargues sur le Lauzon près de Lurs (04) [qui] anime le plus vieux moulin à huile actif du pays depuis 1674. Son occupant refuse l’Appellation d’Origine Contrôlée pour pouvoir garder l’usage de meules en pierre, de scourtins et d’un pressoir à chapelle. Selon Les oliviers de Provence, Claude. Le détour n’est pas prévu aujourd’hui.

L’album photos de Pied d’Aulun

Au sol, le fil d’Arthur : un balisage en grosses lettres incitant à les suivre et formant un mot : BLEU ou ROUGE. C’est vegalyre qui la première a décodé la séquence, terminée par le signe ‘infini’ sur fond sombre.

Au fil des étroites ruelles, nous passons sous les portes du village, notant que la cloche du portail marque toujours les heures ; rehaussé en 1861, il est doté d’une horloge et d’un campanile en forme de cloche.  Sous une arche abritée, le banc des fainéants attendaient les journaliers qui souhaitaient être embauchés pour la journée par les agriculteurs.
L’ancien château épiscopal bâti sur les vestiges d’une forteresse carolingienne, a été maintes fois remanié : il reste près du chemin des évêques la tour ronde du XIIIe qui raccordait le château à son enceinte. Depuis la rue du Barri, la vue s’étend sur les prés où des moutons s’éparpillent donnant l’impression d’un tissu vert à points blancs ; un pigeonnier au pied du village et quelques maisons isolées près desquelles nous passerons au retour.
L’amphithéâtre Marius en plein air (1960), avec ses gradins de pierre, invite au spectacle l’été ; il a été édifié à l’emplacement de ruines ayant appartenu à un certain… Marius.
Dans la sculpture d’Albert Chassagnard, la main de l’artiste en marbre de Carrare, je vois plutôt la petite main protectrice posée sur la tête plutôt que la grande main aux doigts repliés mais l’ensemble donne une impression de sérénité.
La chapelle des Pénitents (XVIIe) a conservé un beau porche avec fronton à volutes.
Nous nous étonnons du nom de baptême de l’église Invention de la Sainte-Croix en raison d’un reliquaire contenant un morceau de la vraie croix ramenée de Terre Sainte par Pierre de Sabran à l’issue d’une croisade.
En 1563, l’évêque de Sisteron, prieur et seigneur du lieu de Lurs, fait exécuter des travaux dans l’église. En 1683 ce n’est plus l’évêque mais la communauté qui prend en charge les travaux. En 1853-1854, ce sont d’importants et surprenants travaux qui vont avoir lieu.

Pour raison esthétique, la voûte de l’église devait être exhaussée ; le conseil de fabrique manquant d’argent s’oriente alors vers une autre solution qu’il pense moins coûteuse en temps et en argent : abaisser le niveau du sol. Joseph Mondet, maçon providentiel, propose de s’en occuper pour un prix modique ; il déblaie toute l’église à 1m30 de profondeur dont une partie de rocher, fournit les carreaux, le sable et la chaux. Il reprend les six piliers et les dix pilastres, s’occupe du dallage, replace les autels, la chaire, les fonds baptismaux qu’on a dû changer de place, ajoute cinq marches à l’entrée et le tout pour 652 Fr ; là où les autres demandaient entre 1500 et 4000 Fr. Et je ne vous parle pas des aléas consécutifs à ces travaux : le retable trop haut, la petite porte de l’église convertie en placard, etc. D’après Le patrimoine religieux de la Haute-Provence : le patrimoine de Lurs, Bulletin de l’association pour l’étude et la sauvegarde du patrimoine religieux n°21, 1998

Quel dommage que certains fils électriques détonnent dans ce décor moyenâgeux si agréable…

Passant devant l’oratoire Sainte-Madeleine, vegalyre nous entraîne sur le chemin des écritures en direction du cimetière : comme nous sommes peu nombreux, on peut déambuler au gré des envies de chacun. Nous passons devant la table de Vox (Conception : Sterenn Bourgeois), classification des caractères en fonction des liens qui les unissent ; elle regroupe neuf familles fondamentales : les humanes, les garaldes, les réales, les didones, les mécanes, les linéales, les incises, les scriptes et les manuaires. Ces familles définissent à leur tour des « types de transition ».

Vox n’était pas seulement typographe mais aussi dessinateur et écrivain : en 1926, il dessine le célèbre logo de la collection de romans policiers Le Masque, les lettrines du Grand Larousse du XXe siècle ; il présente et annote en 1943 la Correspondance de Napoléon, six cents lettres de travail (1806-1810). Selon wikipedia

A l’origine de cette association Les rencontres internationales de Lure en 1952, quatre amis qui se retrouveront chaque été à Lurs : Maximilien Vox, Jean Giono, Jean Garcia et Robert Ranc. Pour découvrir l’écriture latine et la typographie, est créé en 2010, le chemin des écritures composé de cinq installations originales en plein air et en accès libre toute l’année.

La bibliothèque (Conception : Jean-Yves Quellet) regroupe les différents supports de l’écriture : ardoise, plaque de bois, pierre, terre cuite,… Nous n’avons pas le temps de nous attarder sur l’installation qui raconte la naissance de l’écriture. Comme il est impossible de rejoindre le chemin des oliviers à partir du cimetière, nous retournons vers la place au monument aux morts. Télécharger le guide visite.

Les cinq randonneurs présents n’ont pas remarqué les couvertines (Conception : Laurence Durandau et Franck Jalleau), devant la Chancellerie […]. Ce sont des anagrammes de mots courants, qui ont leur signification pour les typographes. Il faudra donc y retourner.

La route des oliviers est en descente raide et sens unique ; veillez à bien rester sur le côté car une voiture qui monte a peu de chance de s’arrêter car elle ne pourra peut-être pas repartir. Au loin, les champs multicolores vont nous servir de repère. Nous pénétrons sur un sentier entre deux champs d’oliviers, traversons la D12 entre l’Hôpital où l’on a trouvé des tuiles romaines, et la Fortune, là où passait la via Domitia autrefois. Au niveau du domaine Hypolite, les voitures se sont arrêtées n’importe où le long de la route.

Sur une pancarte délavée, Luc Boissière, l’horticulteur, demande aux promeneurs de respecter ses cultures ; nous voilà au bord d’un immense champ de tulipes de toutes les couleurs : jaune, rose, trois sortes de rouge, du bicolore, du blanc, et même le violet foncé de la ‘tulipe noire’ (symbole d’un amour intense, mais qui se vit dans la souffrance. L’être aimé peut être loin ou décédé). C’est le même producteur que l’an dernier (voir l’article dans ce blog champ de tulipes) mais les champs ne sont pas au même endroit. Nous décidons d’en faire le tour par le sentier d’exploitation qui l’entoure, boueux par endroit car il a plu abondamment les jours précédents. Les champs ondulent avec grâce pour le plaisir des yeux.
Entretien avec le propriétaire de ‘Haute Provence plein champs’ : il produit en gros des bulbes de tulipes précoces pour la Hollande ; lorsque les fleurs sont arrivées à maturité, elles sont coupées et alimentent le marché des grandes surfaces régionales. Lorsque les feuilles sont sèches, les bulbes sont assez gros pour être récoltés et exportés. Après une année en Haute-Provence, ils peuvent s’acclimater à des régions plus froides que la nôtre.

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