Le grand et le petit Laoucien


Nous nous arrêtons sur l’aire d’accueil au départ d’une boucle autour du plus grand lac à la Roquebrussanne. estoublon m’en avait parlé avec tant d’enthousiasme que j’ai profité de la conférence de l’ASER à Méounes-les-Montrieux (« Histoire de la Provence Verte ») pour aller le visiter.

Un peu d’étymologie sur ce terme de laoucien ou laoutien : sur le cadastre napoléonien (1830), laoucien est écrit avec la lettre « c » et non la lettre « t ». L’origine poétique proposée par papyfred de geoforum me semble plus juste que celle trouvée habituellement sur les sites internet (loucioun = lavabo, cuvette)Lau (diphtongue : *laou) : c’est le lac ; cien-ciencho est le qualificatif : contenu(e), enclos(e). D’où un lac enclos. Même origine laou que la villa du Loou-Sambuc, geocache archéologique toute proche, que jcoud nous invitera à visiter.

le_grand_laoutien09.jpgLes laouciens (ils sont deux : le petit et le grand) présentent l’aspect de cratère mais n’ont rien de volcanique ; leurs eaux sont turquoises comme celles du Verdon, leurs berges abruptes et instables. Leur niveau d’eau peut varier de plusieurs mètres selon les saisons, le petit se trouvant le plus souvent à sec. C’est sans doute pour cela que la végétation n’est pas celle des eaux dormantes, immergée ou flottante. Au mileu d’une plaine  et cultures de vignes, ils ne doivent leur formation qu’à des effondrements successifs au niveau de la nappe phréatique.

Légendes autour des Laouciens, site merveilles du Var

Chroniques souterraines, P. Courbon, revue Speluca 127

En savoir plus sur le grand et le petit Laoucien, blog randomania Plus

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IMG_3851r.JPGNous descendons jusqu’au bord du lac du grand Laoucien, d’abord par un escalier aménagé puis en dérapant sur les feuilles mortes de la pente raide. L’eau est calme, à peine frissonnante par le vent. Quelques arbres, à d’autres moments hors de l’eau, sont totalement immergés aujourd’hui. Si vous regardez alors les bords du cratère, vous verrez que les risques d’effrondrement ne sont pas nuls.
Nous remontons jusqu’en haut pour faire le tour du lac. IMG_3864r.JPGPar endroit, les bords sont abrupts ; les strates inclinées fort apparentes se reflètent comme dans un miroir. estoublon me présente un amadouvier, un jeune et un vieux desséché.

IMG_3859r.JPGAmadouvier (extrait du site botanique.org) : « nom familier donné à un champignon polypore (Fomes fomentarius) qui pousse en parasite sur les troncs de feuillus vivants ou morts comme le chêne et le peuplier, mais aussi sur le frêne, le saule et le hêtre. […] Une coupe transversale de ce polypore montre la présence d’une croûte… sous laquelle on trouve la chair, douce au toucher, dont la consistance a celle de la ouate et d’où l’on tire l’amadou. L’amadou a été utilisé à la fin de la préhistoire pour produire du feu ; les hommes de cette époque l’amorçaient grâce à des étincelles provenant de la percussion d’un morceau de pyrite contre une roche dure (silex) qu’ils dirigeaient sur un morceau d’amadou qui se consumait alors et qui était tout à fait capable d’enflammer de petites brindilles bien sèches. »

Un mur large de 2m au moins, a été construit à quelques mètres du précipice et semble se poursuivre sur la moitié du lac. Murs d’un oppidum ou de protection pour les troupeaux ? C’est en cherchant la cache de papounet83 le grand laoutien que je me suis posé la question… sans trouver de réponse.

limnolegeria_longesita.jpgIl serait aussi l’unique endroit en France (et non au monde) où vit un acarien d’eau (et non une plante subaquatique…) Hydrachnidia Limnolegeria longiseta découvert par Motas en 1928. VonTasha a mené l’enquête et révélé la méprise sur ce forum de biologie ; l’erreur a été reproduite sur tous les sites de tourisme de la région ! Un exemple courant d’erreur à grande échelle sur internet où il est nécessaire de vérifier ses sources auprès d’organismes ou personnes compétentes sur le sujet. Depuis 2006, cet acarien a été découvert également en Sicile. Il se caractérise par de longues pattes et des rangées de longs cheveux qui lui permettent de nager. European Water Mites Research et ce journal de zoologie l’université de Turquie (d’où est extrait le schéma de droite).

Les ruissellements et écoulements naturels ont été organisés de façon à alimenter les laoutiens. Ce lac et une vingtaine de sources majeures alimentent les communes environnantes. Il faut donc les protéger. C’est ce que tente de faire l’Association CLIP de Garéoult

Panorama_Laoutien.jpg
Panorama du grand Laoucien – photo estoublon

Le lac du grand laoutien, fiche DIREN-PACA, site classé mais pas protégé : « Motivation de la protection : L’aspect incongru des deux petits lacs karstiques au milieu d’une vaste plaine cultivée, dont l’un des deux seulement est protégé ».

Papyfred (forum français dédié aux sciences de la terre), que je remercie chaleureusement, explique ainsi leur formation :

le_grand_laoutien01.jpgBeaucoup de gypses dans tout ce secteur sédimentaire… Donc, des évaporites hydrosolubles ! Il s’en suit la présence (souterraine) de nombreuses poches de dissolution… celles des deux Laoutiens, lorsque les terrains (trop minés) qui les recouvraient se sont effondrés, ont atteint la surface.  » […] Ce qui fait la différence ici, c’est que le « cratère » ouvre sur la nappe phréatique.

Lors de forte sécheresse, on peut apercevoir une pierre gravée en provençal que l’on peut traduire par « me voir, c’est pleurer de soif ». IMG_3880r.JPGNous rejoignons le petit Laoucien, lac temporaire, que nous avons la surprise de trouver rempli. « Autrefois, lorsque le petit lac se trouvait à sec en période de sécheresse, on descendait un âne attelé à une charrue pour en labourer le fond, très riche en humus végétal. On y semait des haricots que l’on récoltait avant les pluies ». Espace presse de la Provence Verte. Sur le cadastre napoléonien, il est d’ailleurs découpé en 4 parcelles de terre, tandis que le grand est représenté par une surface bleue.

Itinéraire de découverte grand et petit Laoucien, 2km env., 1h, dénivelée 40m env.

L’aqueduc des Sagnières à Clamensane


Voilà un itinéraire aux paysages variés, bien balisé, dans la fraîcheur des sous-bois. Le sentier, au départ de Clamensane, a été entretenu, les arbres coupés, c’est un plaisir de côtoyer l’eau tout le long du parcours ; les enfants apprécieront sûrement d’y passer à gué. La découverte des Hautes Terres de Provence continue…
IMG_1540r.JPGIMG_1537r.JPGIMG_1538r.JPGLa première passerelle au-dessus du torrent du Vermeil est condamnée ; nous traversons à gué, en se mouillant les pieds. Au loin, on dirait un haut mur de pierre en ruines, fin comme la lame de Facibelle ; il se dresse, solitaire et incongru, dans le paysage verdoyant : serait-ce le rocher de la baume qui sous les poussées tectoniques aurait émergé entre deux failles ? Voir la Géologie à Clamensane, site geo-alp

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IMG_1542r.JPGSous d’épaisses frondaisons, le petit barrage déverse l’eau en cascades, cette eau si précieuse pour toute la partie montagneuse du département. Saviez-vous que la qualité bactériologique des eaux de consommation dans cette région est la moins bonne du département ? mais heureusement, cela ne concerne que 5% de la population. Le nombre élevé de captages (535 contre 145 captages dans les Bouches-du-Rhône), pour une faible consommation d’eau (21millions de m3 prélevés dans le 04 contre 237 millions m3 par an dans le 13) pénalise le département qui doit engager autant de procédures de protection que de captages. Source : la protection des ressources en eau en PACA, 2006

Ce barrage est sans doute un ouvrage de correction torrentielle qui consiste à « transformer le profil naturel du torrent sauvage en une série de marches d’escalier faiblement inclinées vers l’aval. Ces seuils brisent l’énergie du torrent et provoquent le dépôt de matériaux à l’amont de chaque petit barrage, dont la retenue se comble peu à peu. » Extrait des risques naturels en montagne, ministère de l’écologie et du développement durable

Parler d’eau, c’est évoquer Marcel Massot (1899, 1981), député des Basses-Alpes, qui a défendu les droits des agriculteurs au moment de la construction du lac de Serre-Ponçon par l’EDF. Ils craignaient que ceux habitant à l’aval de la réserve ne manquent d’eau pour irriguer leurs terres. Votre texte défavorise les agriculteurs au bénéfice des industriels », a-t-il lancé à l’assemblée le 14 novembre 1963. Et lorsque la propriété du lit [de la rivière] et du droit de pêche a été transféré à l’état, il a négocié des « indemnités pouvant être dues en raison des dommages entraînés par ce transfert. Archives de l’assemblée nationale

IMG_0331r.jpgAqueduc photo Vx murier SigoyerIMG_0337.jpgLe sentier passe dans le canal de l’aqueduc des Sagnières, pont de pierres à plusieurs arches qui ressemble à ceux construits autrefois par la société du Canal du Verdon à Venelles. (auteur de l’aqueduc en automne : propriétaires du Vieux Mûrier). Aucune autre trace de cet aqueduc d’irrigation n’est visible. Peut-être a-t-il été construit pour une activité locale nécessitant de l’eau (ancienne tuilerie ?). Je n’ai acune réponse pour l’instant à mes interrogations.

IMG_1554r.JPGAu delà du pont, dans le ravin des Sagnières, se succèdent trois vastes étendues d’eau stagnantes appelées les Sagnières. Sans doute faut-il voir là une origine provençale, de sagno = roseau. Puis ce sont les Basses Graves avec ses maisons isolées dans de vastes prairies verdoyantes.

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Nous suivons la route pendant quelque temps avant de nous enfoncer dans un sous-bois qui ne ressemble pas au précédent. Les terres noires fines et instables sont de plus en  plus visibles ; un énorme champignon parasite d’un arbre, se fait dévorer par des dizaines d’insectes noirs et jaunes. Merci à Sylvie qui vient de me communiquer le nom de ce coléoptère mycophage de taille moyenne vivant sur les champignons arboricoles, surtout ceux qui parisitent les feuillus : Diaperis boleti, inventorié par Linné en 1758.

IMG_1567r.JPGIMG_1569r_1.JPGNous signalons au cavalier qui tire un second cheval que le sentier s’est affaissé un peu plus loin, laissant peu de place aux sabots des chevaux : il doit l’emprunter pour rejoindre les Basses Graves.

IMG_1566r.JPGIMG_0353r.jpgIMG_1461r.JPGNous approchons de l’ancien cimetière, ses deux anciennes tombes et son ‘rocher qui parle’ (article explicatif à venir). A partir de là, le retour vers le  centre du village est le passage le moins bien entretenu, en forte pente, et non marqué. C’est le seul reproche que l’on peut faire à l’office du tourisme des Hautes Terres de Provence qui ne doit pas avoir de grands moyens pour l’entretien de ses sentiers mais fait de gros efforts pour le tourisme.

 IMG_0341.jpgIMG_0342r.jpgIMG_0343.jpgIMG_0356.jpg

Télécharger la fiche de randonnée de l’office du tourisme de la Motte-Turriers (Hautes Terres de Provence)

Aqueduc_sagnieres_itinéraire 6.450km 2h25 dénivelée 177m

Notre chambre d’hôtes se trouvait Au vieux mûrier à Sigoyer, petit village bien tranquille où nous avons été accueillis chaleureusement dans une ancienne ferme que les propriétaires améliorent toujours, et qui de plus, a obtenu le label ‘Tourisme et handicaps’, c’est assez rare pour être signalé. Les repas étaient dignes d’un grand chef et les discussions animées autour de sujets aussi variés que les produits régionaux, le travail des fonctionnaires internationaux ou l’éducation des enfants en difficulté. Les prix, un peu élevés pour la  région, sont cependant à la hauteur des prestations.

A la découverte du diamant noir


enclave_pape_vaucluse.gifQuelle est cette bizarrerie ? Nous venons d’entrer dans le département de la Drôme du sud vers le nord quand nous nous retrouvons de façon inattendue dans le Vaucluse ! Le canton de Valréas est entièrement enclavé dans la Drôme et partout les publicités nous rappellent que nous sommes dans l’enclave des papes !

Un peu d’histoire pour comprendre. Le 7 août 1316, le deuxième Pape d’Avignon Jean XXII est nommé : c’est un homme chétif, malingre et souffreteux. C’est par une cure assidue des vins de Valréas, dit-on, qu’il se serait assuré guérison et longue vie (il est mort à 89 ans…). Pour être certain de disposer en permanence de son élixir de santé, il achète, dès le 27 septembre 1317, les droits seigneuriaux de la cité de Valréas à laquelle il ajoute bientôt les communes de Visan, Grillon et Richerenches. L’Enclave des Papes est née. Elle est délimitée par des bornes papales que l’on peut encore voir à certains endroits. Randonnée des bornes papales à Valréas (format pdf)

Une petite bande de terrain appartenant au Dauphiné sépare le Comtat Venaissin de la Région de Valréas. Le Pape s’efforce donc de la racheter mais le Roi de France s’y oppose, inquiet de l’avancée du Saint-Siège dans le Midi. Toute communication entre les deux possessions pontificales est donc impossible, sans franchir le territoire français.

L’église hérite des biens des templiers : Richerenches, Visan en 1344, puis Grillon en 1451 complétent cette propriété des papes d’Avignon. Valréas devient une ville commerciale et juridique renommée et prospère.

Le rattachement à la France ne se fait qu’après la Révolution en 1791 lors de l’annexion des biens de l’Eglise. Les habitants de l’Enclave des Papes revendiquent leur identité lors de la constitution du département du Vaucluse : ils veulent rester provençaux ! aucun gouvernement n’a osé modifier son statut d’Enclave ! on comprend mieux pourquoi les descendants des vignerons guérisseurs de Jean XXII tiennent tant à ajouter l’appellation « enclave des papes » à leur vin des Côtes-du-Rhône. Résumé de l’histoire à partir du site Tourisme en Provence une histoire qui rejoint la légende, et du site de la commune de Richerenches

Extrait de Ventoux magazine, 19 novembre 2009, Guerre des appellations : les vignerons de l’Enclave des Papes déboutés :

Il ne peut pas y avoir de vin portant l’appellation « Enclave des Papes » mais seulement celle de « Châteauneuf-du-Pape »…. C’est la conséquence du jugement qui vient d’être rendu la cour d’appel de Nîmes et qui considère que le terme de « Pape » doit être réservé aux seuls vignerons de Châteauneuf-du-Pape, portant ainsi un rude coup à leurs collègues de l’Enclave.
« Cela peut entraîner une confusion avec Châteauneuf-du-Pape », avaient tranché les magistrats donnant ainsi raison aux vignerons de l’illustre vignoble qui, par l’intermédiaire de deux de leurs syndicats, avaient porté plainte pour « usurpation de l’appellation d’origine contrôlée (AOC) Châteauneuf-du-Pape », de « publicité mensongère » et de « commercialisation de vins sous une présentation de nature à créer une confusion ».
Le vin de table Vieux Papes en 1961 et le côtes-du-rhône Le Chemin des Papes en 2005 ont obtenu devant la justice le droit de conserver leur nom. Autant dire que c’est bien un schisme qui divise aujourd’hui les vignerons de Châteauneuf-du-Pape et ceux de l’Enclave des Papes.

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L’arrivée à Valréas, en suivant le GPS, nous amène par le gué sur la Coronne bien loin d’être à sec. A moitié rassurés, nous le passons. A peine arrivés, nous sommes accueillis par notre hôte qui est déjà sur le pas de sa porte. Rapidement, il entre en conversation. Nous attendons le deuxième couple qui, comme nous, va passer un « week-end truffes passion » avec René et sa femme.

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Début de la découverte : le (fameux) marché aux truffes international de Richerenches que j’ai vu plusieurs fois à la télévision en janvier ; mais là, ce n’est pas du cinéma, mais du vrai. Les courtiers ont sagement aligné leur véhicule de chaque côté de la rue, le coffre arrière ouvert cachant la balance, les truffes et les boîtes de billets de banque, de beaux billets verts que je n’ai jamais eu occasion de tenir en main.  Beaucoup de monde, des touristes, des vendeurs de truffes, des acheteurs mais pas de brouhaha, des chuchotements, des coups d’oeil entendus ; on se connait, on se comprend. René fait d’abord le tour du marché pour estimer le cours du jour. Il n’a qu’un petit sac de truffes mais ce sont de belles truffes, grosses et bien noires. L’odeur si caractéristique prend aux narines. Nous serons bientôt capables de reconnaitre à l’odeur la Tuber Mélanosporum de la brumale qu’il vaut mieux manger presque crue. En parcourant l’autre allée réservée à la vente aux particuliers, on détecte les vendeurs peu scrupuleux, ceux qui vendent trop cher des truffes trop petites, ou gelées tout en faisant une publicité tapageuse. Les cours des professionnels varieront autour de 500€ le kg. Les truffes partiront le jour même vers Paris ou les grands retaurants. Acheteurs ou vendeurs, mieux vaut qu’ils soient bien escortés en quittant les lieux.

« Tuber Melanosporum. La truffe appartient à la famille des ascomycètes. C’est avant tout un champignon vivant sous terre. […] il a besoin d’un arbre hôtes et saprophyte car il se nourrit de matières organiques de végétaux en décomposition. La naissance de la truffe est avant tout une symbiose avec l’arbre hôte. Une fructification d’un mycélium se développant au contact de l’arbre. Les arbres hôtes qui lui sont indispensables sont dans notre région les chênes verts (yeuse, kermès) et chênes blancs (pubescent ou pédonculé) ». Informations extraites du site truffes.org sur la truffe et son cycle de reproduction. Un commerce autour des plants truffiers est d’ailleurs florissant ; et comme il faut 10 ans pour qu’il produise, il est probable que les réclamations ne seront guère possibles…

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