Flassans sur Issole dans les vignes en automne


11 novembre avec Marie-Françoise aujourd’hui ; nous allons à Flassans sur Issole, en Provence Verte ; j’ai conçu un parcours qui mélange des portions de trois circuits habituellement proposés par l’office du tourisme : le château des Pontevès, le bois de Defens, la voie romaine. Nous nous garons sur le parking d’où partent la plupart des randonnées, en passant sous le pont d’autoroute face au parking des Grands Prés.

L’album photo de Flassans dans les vignes

Le plus difficile c’est maintenant ; nous montons par la voie caladée jusqu’aux ruines du château des Pontevès ; c’est probablement l’ancien chemin qui menait à la chapelle ; le vieil oratoire dédié à Saint-Antoine a perdu la statue de sa niche ; dans le nord de la France, invoqué quand on a perdu quelque chose, combien de fois ai-je entendu Saint Antoine de Padoue, faites-moi retrouver ce que j’ai perdu !

L’idée d’invoquer saint Antoine pour retrouver les objets perdus vient du fait qu’un voleur (qui deviendra un pieux novice) lui aurait dérobé ses commentaires sur les Psaumes et se serait ensuite senti obligé de les lui rendre.  Selon Saint-Antoine de Padoue, wikipedia

Patron des marins, des naufragés et des prisonniers, protecteur des amoureux au Portugal, il est protecteur des trufficulteurs à Flassans !

Etagés sur plusieurs niveaux : les ruines du Vieux Flassans abandonné vers le XVe, les remparts puis le château fièrement restauré par l’association de Sauvegarde du château des Pontevès. La petite chapelle Saint-Antoine, construite à l’extérieur des remparts, est désormais consacrée à Saint-Joseph (?) et contient les outils nécessaires aux travaux d’entretien.

Nous visitons le château dont les parties principales sont désormais expliquées par des panneaux : le four à pain sans cheminée, l’entrée nord qui fut murée par les bergers à l’époque de l’abandon des lieux, la tour de guet devenue donjon et sa citerne semi-enterrée, l’autre tour de guet de l’enceinte Est qui porte fièrement depuis le début du XXe le drapeau occitan que l’on peut voir de loin. Le grand et moderne réservoir détonne un peu si près de ce château en cours de restauration mais j’ai  bien l’impression qu’il va être recouvert de pierres pour moins choquer.

Après presque le tour complet du château, nous passons devant la chapelle Notre Dame de Consolation, plusieurs fois restaurées (la première date de 1559) avant de descendre par le chemin de la chapelle, plutôt route que chemin. Nous montons l’avenue du général de Gaulle puis le chemin macadamisé du Defens qui se prolonge bientôt en véritable chemin.

Dès que nous sommes dans la nature, un arbuste au feuillage rouge anime les bois, sans que nous parvenions à l’identifier. La piste est large et légèrement caillouteuse ; un peu inquiètes après avoir entendu quelques coups de feu, nous interrogeons deux chasseurs pour savoir si nous courons des risques : aucun, affirment-ils en souriant, les chiens chassent le renard ; évidemment, ce n’est pas le but recherché ! Peu avant les lignes à haute tension, en pleine garrigue, des buis taillés : peut-être était-ce autrefois l’entrée principale du domaine viticole de Pique-Roque ? Un cairn pointu signale un virage en courbe et en pente : caillouteux donc un peu casse-cou.

A la limite des deux communes de Flassans et Cabasse, nous partons sur la gauche vers le grand Candumy ; bien que la route soit calme, il est probable que vous préférerez marcher le long du champ à gauche ; cette route suit le probable tracé d’une ancienne voie romaine, la via Aurelia.

Surprise : les premiers champs de vignes aux feuilles rouges puis ce bel arbre qui se cambre comme une danseuse. Après le club du setter anglais, la proximité de l’autoroute A8 apporte son lot de bruit de circulation automobile. Le pont sur l’Issole n’est pas romain, un peu comme à Céreste où le pont de la Baou est encore écrit ‘pont romain’ par l’IGN alors qu’il date du XVIIIe.
La 33e borne milliaire romaine a été trouvée en réemploi, non loin de là, au Grand Camdumy à Cabasse.

La borne milliaire datant de NERON (58 après J.C.) a été retrouvée sur le domaine et se situe actuellement dans notre caveau de dégustation. Une traduction du texte en latin est disponible. Situé sur la VIA AURELIA , le domaine de Campdumy («champs des vendanges» en vieux provençal), dispose d’un riche passé historique , dont témoignent certains vestiges romains : La borne milliaire datant de NERON (58 après J.C.) a été retrouvée sur le domaine et se situe actuellement dans notre caveau de dégustation. Une traduction du texte en latin est disponible. Domaine Gavoty

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Crête de Lure, jas de Mathieu


Claude nous emmène sur sa montagne préférée : la montagne de Lure si belle et tranquille, et pourtant si méconnue. La crête ondule constamment, engendrant des cumuls de dénivelée qui peuvent devenir conséquents.

Les photos de la crête de Lure et du jas de Mathieu

La météo aujourd’hui à cet endroit
Avec la température ressentie

Pour marcher sur le toit du monde (expression de Giono), nous partons du pas de la Graille1 (1597 m), à l’est du sommet de Lure ; c’est un col qui permet de passer d’un versant à l’autre : côté nord vers Noyers sur Jabron et son ambiance alpine, côté sud vers Saint-Etienne les Orgues et la Durance.

Les belles tulipes australes aux couleurs jaune et orangé, sont plus rares que les tulipes sauvages de couleur unie ; les narcisses et l’orchis complètent le tableau printanier. Au loin, nous voyons le sentier sinuer et monter avec quelques rares arbres. Au niveau du croisement avec le sentier qui mène au cairn 2000 – que nous irons voir tout à l’heure – plusieurs lignes de collines se succèdent ; dans le bois de la Fayée2, on ne voit que la piste qui mène dans la vallée du Jabron ; au loin, je reconnais le pic de Bure et sa surface plane enneigée.

La tulipe australe, […] d’une vingtaine de centimètres de haut, et ne diffère extérieurement de sa cousine que par la présence de sépales rouges autour des pétales, qui donnent à la fleur un aspect « flammé » du plus bel effet, un peu comme sur certaines grosses tulipes vendues dans le commerce. Site antiopa

Après le pas de la croix, nous entrons dans une zone boisée de sapins ; l’extrémité du feuillage des arbres est de couleur jaune : sont-ils malades ?
Du pas de Jean Richaud, on peut accéder à Valbelle côté nord et à Châteauneuf Val Saint-Donat côté sud. Je me suis demandée qui était ce Jean Richaud ; un érudit du XIXe ? le notaire royal de Manosque ? ou simplement un berger de Valbelle qui a ouvert le passage pour relier les pâturages de Lure à son jas côté nord ? les Richaud sont si nombreux qu’un hameau porte leur nom !
Un fraisier sauvage se cache dans les herbes. Au loin, côté Sisteron, on dirait qu’une montagne a été fracturée en quatre morceaux en son centre ; après de longues recherches cartographiques je pense qu’il s’agit de la montagne de la Baume et des rochers Saint-Michel.

Dans une clairière ensoleillée, je repère une borne de transhumance à sa dimension et son chapeau de peinture rouge, telle que celle trouvée à la Gueide à Eguilles : c’est sans doute le balisage d’une voie de transhumance menant au jas en contre-bas.
Le cirque de Valbelle, vaste cuvette rocheuse, dresse sa façade de pierre verticale : impressionnante ! D’un point de vue géologique, c’est un anticlinal, pli d’une couche géologique en forme de dôme.

[…] l’anticlinal de Valbelle est un pli assez ample […], dont la voûte comme l’axe plongent vers l’est.
On assiste là à la terminaison par amortissement du mouvement chevauchant par lequel les chaînons des Baronnies méridionales ont été entraînés sous ceux de la Provence septentrionale. D’après geol-alp

Je me retourne : le sommet de Lure semble bien loin avec ses relais émetteurs du monde moderne ; parfois appelé signal de Lure, il rappelle qu’il fut l’un des points géodésiques ayant servi à établir pour la première fois la carte du Royaume de France.

Elle s’avéra 20% plus petite qu’imaginé. Louis XlV aurait dit avec humour à Cassini qui venait de la mesurer : Je vous ai subventionné et vous avez plus réduit mon territoire que l’ensemble des guerres de conquête de mes ennemis.
Les ingénieurs envoyés par Cassini lll et lV vinrent dessiner depuis le sommet de la montagne de Lure des éléments de la première carte de France voulue par Louis XV et achevée sous la Révolution. Selon moimessouliers.free.fr, Claude

Le sentier qui menait au jas de Mathieu n’est plus visible mais nous avons ses coordonnées ; nous suivons tant bien que mal Claude qui sinue entre les arbres avec agilité. Bientôt un repère orange scotché sur un arbre matérialise enfin un chemin envahi par les herbes et couverts de pierres plates ; c’est celui que nous cherchions.

Le jas de Mathieu est en bon état et toujours occasionnellement habité : on y trouve un toit, un puits et un évier, et même un lit ! nous nous installons pour le pique-nique.
Ce coin de la montagne de Lure garde en mémoire l’importance du pastoralisme grâce aux nombreux jas et cabanes de pierre sèche : jas d’Aubert, jas de Siran, de Nordon, jas des glacières, borie de Mathieu,…
Je pars en quête de l’écharpe que Marie-Françoise a perdue en cours de route, pas très loin, elle en est sûre. Le tracé de l’aller enregistré sur mon GPS me permet de faire en sens inverse notre parcours : ainsi, je la retrouve sans difficulté. Mais rappelez-vous que sans repères, cela peut être difficile !

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Céreste côté campagne par le prieuré médiéval de Carluc


Grâce à Yves voici un itinéraire campagnard pour se rendre au prieuré médiéval de Carluc à Céreste ; ma première visite date de 2006, c’était alors une de mes premières randonnées car facile avec un point d’intérêt remarquable.

Mon album photos

L’album d’Yves Provence

L’album de Céline (cliquer sur l’oeil en haut à droite pour les visualiser)

Nous passons devant la chapelle de Piété (propriété privée) devant laquelle un rosier trémière a été planté. L’IGN s’évertue à appeler romain le pont sur l’Encrême, il ne l’est pas ;  le panneau directionnel de la gare le nomme pont roman, il ne l’est pas davantage ; la commune l’appelle pont de la Baou (1740), c’est mieux.

Le pont de la Baou, alterch

Nous passons devant un énorme réservoir puis devant des bâtiments dont la construction est « signée » (toit en triangle, fenêtres entourées de briques rouges, un étage) : nous reconnaissons l’ancienne gare de Céreste, située sur la ligne Cavaillon-Saint-Maime. Côté Vaucluse, l’emprise de la ligne est en partie réutilisée par la véloroute du Calavon. Le projet est, à terme, de relier Avignon à Volx. Sur une carte postale ancienne datant de 1920 le train à vapeur arrive sur Céreste par la vallée de l’Encrême, à un endroit encaissé  : elle est sous-titrée le derrunaou ; selon UnDeBaumugnes, cela viendrait du verbe derruna qui veut dire s’écrouler, s’ébouler, rouler. Faudrait que j’aille sur place pour comprendre ce toponyme.

La section entre Apt et Saint-Maime – Dauphin, est concédée à titre définitif à la compagnie du PLM […] le 26 mai 1883. […] La ligne et l’embranchement, tous deux à voie unique, sont mis en service le . La ligne comporte quinze ouvrages d’art dans son trajet en Vaucluse, et dix-sept dans les Basses-Alpes. Selon wikipedia Ligne de Cavaillon à Saint-Maime

Quand je vous disais que la balade était campagnarde : au loin un troupeau de moutons, au bord du chemin un cheval dans un pré s’approche de nous espérant obtenir quelques caresses ou friandises. La piste de terre est encombrée de cailloux mais rien de difficile. Des champs à perte de vue avant d’arriver à l’ensemble architectural du prieuré de Carluc situé dans un vallon humide. Il a été l’objet de nombreuses recherches et… interrogations. Carluc est une étape sur la voie Domitia romaine signalée sur l’itinéraire d’Antonin, et étape sur le chemin de Compostelle  : cela nous sera rappelé par la coquille dessinée sur les panneaux directionnels.

Quand nous arrivons sur le site, le premier monument que nous découvrons est la chapelle Notre-Dame dont l’abside polygonale prend appui sur les fondations de l’abside romane primitive, semi-circulaire à l’intérieur et pentagonale à l’extérieur. C’est une forme assez rare en Basse-Provence. Ensuite une galerie à fonction funéraire avec des sarcophages de pierre de chaque côté ; à la fin de celle-ci un hypogée, espace rupestre funéraire supposé dédié à des personnalités, une salle couverte d’une coupole [chapelle Saint-Jean Baptiste ?], un appentis couvrant un espace ayant servi de carrière de pierres, une petite cellule creusée dans le rocher et une construction interprétée comme une chapelle [Saint-Pierre ?] qui aurait englobé une cellule rupestre. Dans un rayon de 200 m les tombes foisonnent autour de l’hypogée. Soyons honnête, j’identifie bien mieux le début de la visite que la fin.
Si l’on admet qu’un sanctuaire plus ancien a précédé le prieuré, la source près de la crypte pourrait évoquer une divinité aquatique ou une eau miraculeuse. Selon La Haute Provence monumentale et artistique, R. Collier, Digne, 1987

Vermot-Gauchy L, Le prieuré Saint-Pierre de Carluc, organisation monumentale et administration d’un relais de l’Abbaye de Montmajour en Haute-Provence du XIe siècle au XVe siècle, 2007, master 2, UNSA, sous la direction de Dominique Garcia
Boekholt C., Du nouveau à CarlucARCHIPAL, 61, 2007, pp.55-62

Au pied de l’ensemble architectural, un panneau d’information propose un hypothèse de restitution des lieux faite par J.M. Gassend de l’IRAA/CNRS. L’importance incontestable de Carluc par les dimensions du site, est confirmée par ses liens avec la célèbre abbaye de Montmajour et la quinzaine de prieurés ruraux sous son obédience.

Archinric, scribe de Montmajour dès 973-975, en devint l’abbé en 999 ; […] C’est probablement vers 1010 que l’abbé quitta Montmajour pour se réfugier à Carluc, bien que la nature et la motivation principale de ce retrait ne soient pas connues.

Le prieuré de Carluc, Serge Robert

Au sud de Carluc un lieu-dit Saint-Pierre, à 600 m à vol d’oiseau, a été fouillé en 2011 : on y trouve un bâtiment ayant servi de chapelle ; des tombes en bâtières, dont la datation est traditionnellement située dans les périodes hautes, autour des Ve-VIIe s., des tombes rupestres, des tombes en coffrage de pierres avec ou sans couverture de dalles et des tombes en pleine terre, attribuables aux Xe-XIIIe s. J’ai immédiatement pensé qu’il pouvait faire partie du site de Carluc mais selon la DRAC les hypothèses sur les liens avec le monastère de Carluc, où les textes mentionnent également une chapelle Saint-Pierre, ne peuvent pas à l’heure actuelle être confirmées ou infirmées. En tous cas, ces deux lieux ont la même fonction funéraire…

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