Vestiges de la branche nord de l’aqueduc romain d’Arles


Les stéphanois débarquent à l’heure sur le petit parking de l’aqueduc de Barbegal à Fontvieille. C’est Jean-Claude, président de l’association Forez-Jarez  qui animera la visite. J’arrive la première sur le petit parking près du double aqueduc qui mène à la meunerie industrielle romaine de Barbegal déjà visitée plusieurs fois. Ci-contre la carte des aqueducs établie par M. Borely, CNRS.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Dans le vallon des Grands Arcs, certaines arches sont encore debout, à d’autres endroits on voit le canal et même l’enduit. Ultérieurement, l’aqueduc a été consolidé. On voit bien deux aqueducs côte à côte ; au sol la marque en creux d’un assemblage de gros blocs de pierres en queue d’aronde.

A l’approche de la Pèiro Traucado (pierre percée), côté droit la branche de l’aqueduc d’Arles se sépare de l’autre ; ils vont converger un peu plus loin. Le site de la meunerie industrielle de Barbegal, alimentée en eau au 2e siècle, est difficilement identifiable sans la maquette sous les yeux. Elle se situait dans une enceinte dont il reste un bout de mur dans la partie inférieure. Un escalier monumental au milieu et de chaque côté une série de 8 biefs l’un au-dessus de l’autre. Les chambres de mouture abritaient les mécanismes. Selon les niveaux, la meule se trouvait à l’étage supérieur ou inférieur de la chambre, la transmission se faisant de bas en haut ou de haut en bas. Ce dispositif permettait de placer un maximum de chambres dans la pente. Les eaux étaient évacuées par un émissaire voûté long de 20,10 m dans un fossé de 5 m de long à l’extérieur de l’enceinte.

Les moulins, J. Lucas

Dans un travail venant de paraître (2018), cinq chercheurs Gül Sürmelihindi, Philippe Leveau, Christoph Spötl, Vincent Bernard et Cees W. Passchier) , The second century CE Roman watermills of Barbegal : Unraveling the enigma of one of the oldest industrial complexes, Science Advances, September 2018, 4, 8  p. suggèrent une production de biscuits de mer1. Disponible en français sur le site Persée. C’est en étudiant les dépôts de carbonate précipités à partir de l’eau qu’ils ont fait cette déduction :

Les dépôts de carbonate précipités à partir de l’eau pendant le fonctionnement des moulins, forment des moulages sur le bois. Ces moulages sont préservés et fournissent des informations uniques sur la fréquence d’utilisation et de maintenance des moulins, et même sur la structure des chambres de la roue hydraulique. Les séries chronologiques d’isotopes stables des gisements de carbonate révèlent que l’activité de l’usine était régulièrement interrompue pendant plusieurs mois. Cela suggère fortement que le complexe de la minoterie n’était pas utilisé pour fournir régulièrement de la farine à un grand centre de population, comme on le pensait auparavant, mais servait probablement à produire du biscuit de mer non périssable pour les ports à proximité.

Jean-Claude nous emmène 300 m plus loin, sur le lieu du bassin de convergence, soigneusement recouvert après les fouilles (photo ci-contre JCL). Avant la construction des moulins, il assurait la convergence des deux branches de l’aqueduc d’Arles.

Une prise d’eau située à quelques mètres du bassin dérivait vers une nouvelle conduite les eaux venues de la branche orientale désormais affectée aux moulins. […] Contrairement à ce qui avait été proposé à la suite des fouilles de F. Benoit, les moulins ne datent pas de la fin de l’Antiquité, mais sont contemporains de l’apogée de la cité d’Arles. Selon Philippe Leveau, texte publié en 2008 sur le site  du club de randonnées fontvieillois

Par un sentier sinueux et étroit nous rejoignons la route D33 que nous remontons sur quelques mètres : l’aqueduc est parfaitement visible et accessible depuis la route.

Après le pique-nique sous les oliviers, nous prenons la route D82 ; à la croix de Jousseaud, deux policiers s’apprêtent à faire la circulation pour une course cycliste qui doit passer par là. Nous poursuivons sur 600 m ; au deuxième pont, nous obliquons sur une piste qui bientôt en croise une autre grossièrement parallèle à la route. Jean-Claude nous a promis 5 ponts et un mur soit, d’aval en amont, dans le vallon des Raymond(s) (du nom de plusieurs familles propriétaires en 1820) : le pont Rou derrière la villa en bordure de route, puis celui du vallon Peissonniers2, du vallon Portau, le mur-porteur près du chemin de Cadenet, le pont du vallon Charmassonne, le pont du vallon des Sumians. Un seul de ces toponymes attribués au XIXe par A. Gautier s’est perpétué sur la carte IGN d’aujourd’hui.

Le premier, le pont-Rou3, par un simple aller-retour dont vous pouvez vous passer, car on ne voit qu’une masse informe érodée. Les quatre autres ponts aériens sont parfaitement visibles et donc ont gardé leur intérêt.

Le second pont dans le vallon des Peissonniers2, premier pont à l’ouest de la D33. Sa solidité ne nous inquiète pas : nous circulons dans le canal. Une seule arche qui devait laisser passer un écoulement d’eau.

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De Roques-Hautes au hameau du Trou au lever de soleil


Un grand classique, facile, au pied de la face sud de la montagne Sainte-Victoire : un aller par une belle piste tout en ondulations jusqu’au hameau du Trou à Saint-Antonin sur Bayon ; un retour sur des sentiers plus intimistes. Mais l’originalité de ce jour, c’est que nous sommes partis au lever du soleil avec Gilles comme animateur et un groupe qui a accepté de se lever tôt pour ce moment de partage. Le rendez-vous est donné à 6h30, dans la grande prairie de Roques-Hautes où il fait encore sombre. Petit à petit, les membres du groupe arrivent à la lampe de poche.

C’est dans ce parc qu’a été découvert en 1952 un filon important d’œufs de dinosaures.
L’armée y effectuait des entraînements au tir du 30 juin au 30 septembre ; des signaux sonores une demie heure avant et une flamme rouge en haut d’un mât, annonçaient des tirs imminents.

Il fait encore sombre quand nous arrivons au hameau du Trou, commune de Saint-Antonin-sur-Bayon. Avant la visite du hameau, chacun prépare pour le partage ce qu’il a amené. Il y a de tout : thé, café, gâteaux maison, etc. De mon côté, j’ai réservé la veille, par l’application mobile TooGoodToGo, un lot d’invendus du jour à la boulangerie à côté de chez moi.

Pour 4€, je récupère 10€ de marchandises environ ; pas toujours le choix mais ce jour là, mon sac contenait une grande brioche, plusieurs viennoiseries et même du pain. Par solidarité, on peut même offrir son lot à une association pour des personnes dans le besoin. Les restaurants partenaires peuvent proposer un repas, les épiciers des fruits et légumes défraîchis mais parfaitement comestibles. Et pour agir pour le bien de la planète, on amène son sac. Dans tous les cas, un peu de surprise qu’il faut accepter puisque par avance on ne peut savoir ce qui restera à vendre.

Après être passés devant le refuge Cézanne, nous nous installons près de l’aire de battage (bien grande, ayant appartenu en indivision aux habitants),  nous avons tous compris que nous étions dans un ancien hameau agricole, si petit qu’en 1824, la Statistique des Bouches-du-Rhône ne le cite pas encore sous son nom actuel. Quelques ruines de maison, un puits, un four, d’anciennes banquettes de cultures, confirment la vocation du lieu. D’après l’étude Saint-Antonin sur Bayon : Une petite commune du pays d’Aix et son histoire, J. GanneJ. Ganne, 1999, c’est probablement la famille David qui a construit ce hameau à la fin du XVIIe car en 1704 il n’y a que deux maisons. Ces forains1 – au sens étymologique du terme – s’y sont installés à la demande du seigneur Louis de Garnier qui voulait mettre en valeur ses terres. Après 1851, plus personne ne vit au Trou.

Mais surtout, c’est le piton rocheux surmonté d’un calvaire, le rocher en équilibre et la chapelle qui intriguent. Sur aucune carte ancienne, n’y figure le symbole d’un lieu religieux. Elle n’a jamais été consacrée officiellement même si parfois on trouve la mention Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Selon moi, la plus grande maison a été transformée en chapelle après l’abandon du hameau. Quel ermite vivait ici à la fin du XIXe ? Est-ce que ce sont les jeunes de la communauté pénitentiaire de Beaurecueil qui ont installé la croix en haut du rocher ? Mystère…
Un passage couvert et carrelé a été aménagé vers une grotte entre deux rochers à l’est. C’est peut-être cette cavité, ce trou, qui a donné son nom au quartier.

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Istres entre terre et mer


Organisées par la Fédération Française des Sports Populaires, les premières marches populaires internationales m’emmènent à Istres que je connais mal. Je n’ai rien préparé sur mon GPS : je n’aurais donc que le marquage sur le terrain ; le temps est couvert, la matinée a commencé par la pluie et pas de copines pour m’accompagner. Trouver une place de parking gratuite devant la mairie demandera de la patience.

J’arrive vers 10h à l’office de tourisme et il n’y a que moi pour l’inscription. Le temps incertain a dû en faire fuir quelques uns. Les deux personnes qui m’accueillent me remettent un plan et un descriptif dont le parcours est représenté au gros marqueur jaune. Le principe des marches populaires est conservé : je trouverai en cours de route deux stands de ravitaillement qui ne figurent pas sur le plan.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Au pied de la porte d’Arles, deux fontaines basses dites de Saint-Eloi, abreuvoirs pour animaux et approvisionnement d’eau des habitants du Vieil Istres. Les bergers transhumants y passaient autrefois.

Le Portail d’Arles a été édifiée entre 1771 et 1773 à l’emplacement de l’ancienne porte des remparts écroulés. […] De forme légèrement concave, sa face antérieure d’une grande sobriété, est décorée de deux guirlandes fleuries. […] sa clef de voûte est ornée d’un écusson de style Louis XV. D’après l’office de tourisme d’Istres

La chapelle Saint Sulpice datée sans doute du Xe-XIe siècle est fermée à cause des intempéries ; d’art roman provençal, Saint-Sulpice passa sous différents vocables, ceux de la Vierge, de l’Annonciation, de Sainte-Catherine, de la Mère de Dieu et de Notre-Dame.  La chapelle aujourd’hui a pour mission de promouvoir les artistes et les pratiques amateurs. C’est un des trois monuments du département à posséder une lanterne des morts, qui ne ressemble pas aux tours élancées du sud-ouest de la France. La lanterne des morts se situait à l’extérieur, sur la façade à droite de l’entrée actuelle de la chapelle. Sur cette façade, il reste un « trou rond » dans lequel la lanterne reposait. Merci à Luc Fabre, de l’association Les Amis du Vieil Istres pour sa réponse rapide Une randonnée autour de l’étang de l’Olivier, Luc Fabre, 2014, Actilia Multimedia

[…] la chapelle Saint-Sulpice, ne pourra plus tard que renouer avec sa vocation principale […] : celle des veillées funèbres avant l’inhumation. Une lanterne des morts en témoigne. […] Un fanal funéraire brûlait la nuit précédant l’enterrement et signalait la présence d’un mort. […] Un gros cierge au feu purificateur remplaçait les bougies que les premiers chrétiens posaient sur les tombes. Les Amis du Vieil Istres

Le ruban de balisage est identique pour la version courte  ‘Istres, cœur de ville’ et la version longue ‘Istres entre terre et mer’ : c’est à la chapelle que les deux circuits se séparent ; je vais longer l’étang de l’olivier – depuis le XIIIe siècle des cultures d’oliviers bordaient son rivage – surprise par le jet d’eau qui lui donne un petit air de Genève. Le plus haut de France, jaillissant à 50 m de haut.

[…] installé sur un châssis de 6 mètres de côté, immergé à 50 cm sous le niveau de l’eau pour une meilleure intégration dans l’étang. Cette structure métallique, en acier inoxydable, pèse 2200 kilos. La colonne d’eau est alimentée par une pompe […] située à 3,5 mètres sous l’eau. De plus, le jet d’eau est éclairé la nuit par un faisceau de 14 projecteurs. Istres tourisme

Je croise quelques dinosaures dans le jardin méditerranéen, Dinosaur’Istres, inauguré en 2017 pour le plus grand plaisir des enfants. Les quatre dinosaures du bord de l’étang sont vraiment des spécimens aquatiques ; placés dans l’ordre chronologique de leur apparition, accompagnés de textes du paléotonlogue Stéphane Jouve, les dinosaures de l’exposition ont aussi un rôle pédagogique. Pliosaurus, adotodentapus, nothosaurus, tanystropheus n’auront presque plus de secrets pour vous.

Le tour de la colline du Castellan m’amène dans une autre anse de l’étang de l’Olivier où canards et cygnes se dandinent tranquillement ; j’arrive sur le parking privé de la résidence Les Arnavaux : là il faut suivre avec attention le descriptif. [GR2013] La rue Prouvent (et non Proment) porte le nom de l’ingénieur Johan Prouvent qui a creusé le canal de Cascavèu1 (du provençal : grelot, en français : Cascaveau) entre 1650 et 1667 pour mettre en relation les étangs de l’Olivier et de Berre.

Ce fut autrefois un étang salé et fermé où l’on retirait du sel. […] La première récolte connue est datée du 1er août 1540.  […] Mais revenons au XVIe siècle où le sel récolté était chargé au Cargadou […] avant d’être expédié à l’étranger. Suite à l’arrivée du canal de Craponne, les eaux s’adoucirent et la production devint confidentielle […]. Les eaux douces et supplémentaires de Craponne engendrèrent alors des débordements, inondant les bas quartiers et créant des marécages malsains. On prit alors la décision de creuser un canal de 600 mètres pour relier l’étang à celui de Berre dont 400 mètres en souterrain. […] Face à une demande d’irrigation croissante […] on creusa alors le canal de Boisgelin (aujourd’hui des Alpines), toujours alimenté par la Durance. En 1787, il se déversa […] à la plage de la Romaniquette. Suivant vents et courants, la circulation de l’eau entre les deux étangs s’inversait. Les Amis du Vieil Istres, le patrimoine istréen, l’étang de l’Olivier

André qui m’avait emmenée ici en 2018 m’avait indiqué que l’on circulait autrefois en barque dans le tunnel de Cascavèu, reliant les deux étangs. Carte postale extraite de la collection Amis du Vieil Istres

La rue du Redon (du prov. redoun : grosse sonnaille suspendue au cou des béliers conducteurs) traverse le petit parc de la Romaniquette avec sa gloriette jusqu’à la route où le moulin de Cascavèu (1834) domine l’étang de Berre. Il fonctionnait avec le canal de Boisgelin. Pour rester dans le ton, la commune a nommé les allées de ce quartier avec d’autres bruits : allée de la Claparde (du prov. clapardo : grande sonnaille suspendue au cou des chevaux et mulets), de la Clarine (la plus petite des sonnettes à moutons). 200 m à gauche, détour vers le belvédère de Suffren.

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