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Roubines et drailles


Adaptée d’une nouvelle fiche de randonnée à VTT « La draille1 Nord-Alpilles sur les pas de la transhumance », éditée par la Maison de la transhumance et le parc naturel régional des Alpilles, celle que je vous propose est pédestre. Je me suis garée sur un espace en travaux près de la cave coopérative mais un parking libre se trouve place Jean-Jaurès, dans le centre ville.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Court arrêt devant l’oratoire Notre Dame, le plus ancien, à côté de la cave coopérative. C’est à cet oratoire que les Consuls signataires du Vœu de la Peste se sont arrêtés pour demander la fin de l’épidémie en 1721. Il abrite une niche rectangulaire renfermant une statue de la Vierge avec l’enfant Jésus, œuvre de Daniel CHERESSES, datée de 2001, qui a remplacé la Vierge d’origine très abimée. Sur le toit à double pente, une croix de pierre a remplacé la croix en fer forgé. Chaque année, lors de la commémoration du Vœu de la Peste, les pèlerins s’arrêtent un instant devant le lieu pour prier. Selon lieux historiques, Mairie de Noves 

Pour être certaine de visiter le village sans être fatiguée, j’ai commencé par le  contourner par l’ouest ; je suis passée devant le rempart du XIVe au dessus duquel émerge la curieuse église saint Baudile du XIIe de style roman provençal, mais agrandie plusieurs fois ; son clocher est posé sur une coupole, la toiture est en dalles de pierres ; si, comme moi, vous ne connaissez pas ce saint, c’est qu’il est surtout connu dans le sud, mort en martyr à Nîmes au IIIe siècle.

La porte Aurose ou de bise (c’est par là que s’engouffre le vent du nord)  est en bon état ; aménagée lors de la troisième campagne de construction des remparts au XIVe pour inclure dans l’enceinte les nouveaux quartiers du Marcat et de Malbourguet. J’ai l’impression qu’au dessus de la porte est représentée la tarasque de Noves, l’originale étant visible au Musée lapidaire d’Avignon.

Cette œuvre unique au monde, représente un monstre androphage. [ndlr : ancien peuple nomade de l’Europe de l’Est que l’on dit cannibale]
Date de création : Entre 50 avant J.-C et les premières années du 1er siècle. Taillée dans du calcaire tendre coquillier burdigalien. Elle était à l’origine polychrome […] La Tarasque est reliée à des croyances et valeurs funéraires propres aux celtes. Musée lapidaire d’Avignon

La statue d’Antoine Lagnel, député-maire de Noves fin XIXe, trône sur la place qui porte son nom.

C’est sur cette place, ou au pied du pont de Bonpas (autrefois bac à trailles), que les moutons, chèvres, ânes de Roland Ginoux étaient parqués le 1er juin avant le départ pour la transhumance vers le Devoluy. Départ à 4h du matin, les ânes devant, puis le berger de tête, et le charreton avec les vivres en dernier. 12 jours de voyage à 2 km/h, 4 mois au pied du pic de Bure (Hautes-Alpes). D’après la fiche de randonnée : La draille1 Nord-Alpilles.

Pour s’immerger dans la transhumance du XIXe, je vous suggère de consulter l’œuvre de Théodore Jourdan (1833- 1908) véritablement dominée par l’image d’un animal en particulier, le mouton de Crau. Même Prosper Mérimée, en tournée dans les Alpilles dans le cadre de sa mission d’Inspecteur des monuments historiques, a été frappé par le spectacle des troupeaux, aux Baux par exemple.
J. Jacoupy, la transhumance, coll. Les livres de la nature illustrés, Paris, Stock, 1933. Résumé du livre sur Persée

Ne manquez pas la porte des eaux par où la roubine2 sort du rempart avec le reflet d’une haute maison dans l’eau. La rue Marc Mielly passe sous le rempart du château ; dans un angle une ancienne échauguette, le plus ancien élément appartenant au premier rempart du Xe. Un peu à l’écart du tracé, dans la rue précédent la route d’Eyragues, à gauche, la porte d’Agel, perçée au XIVe, menait par le sud au hameau d’Agellus, ancien fief de l’Evêché d’Avignon. Seul reste de ce quartier : le lieu-dit Piton d’Agel. Trois fiefs de l’évêché d’Avignon. Noves Agel et Verquières des origines à 1481, Marc Mielly, SEDI, Uzès, 1981

Commence une longue partie sur la route d’Eyragues, avec peu ou pas de trottoir ; elle passe au-dessus de l’Anguillon puis vire à gauche dans le chemin du petit pont, un chemin herbeux, contre une haie bien taillée. Agréable cheminement peu fréquenté entre oliviers et friches. Au croisement avec le chemin du Grès, je repère le mas des Gachon qui figurait déjà sur le cadastre napoléonien et appartenait à un dénommé… Gachon. Je retraverse l’Anguillon puis emprunte le petit chemin de Saint-Rémy qui ressemble à un chemin d’exploitation traversant les champs de pommiers. De nombreuses pommes ont roulé au sol et j’en ramasse une pour goûter, un peu ferme tout de même.

Au mas du Vert, le sentier longe la roubine2 du Petit Anguillon avec quelques bosquets d’arbres qui garantissent la fraicheur. Parvenue au bout du sentier, je traverse deux voies d’eau et croise des chasseurs qui me confirment que c’est le jour de l’ouverture de la chasse. Au mas du Grès, j’ai failli rater la draille1 de Sicard de Pouvarel qui passe devant quelques propriétés puis se faufile entre les haies. Elle rejoint le chemin pentu Sicard de Pouvarel devenu route macadamisée sans trottoir.

La draille1 de Chicard de Pouvarel porte vraisemblablement le nom de la propriété traversée par les moutons transhumants. D’après les hypothèques du début du XIXe, ce pourrait être plutôt Sicard ; et ils sont nombreux dans la liste des propriétaires à Noves : Maxime, Jules, Antoine, Marie, Claude, Joseph dit le Boiteux. Pourquoi l’adjonction de Pouvarel qui est un patronyme courant dans les Basses-Alpes ? Je n’ai pas trouvé d’alliance Sicard et Pouvarel dans les bases de données généalogiques. Je n’ai retrouvé ce toponyme que sur un quartier du cadastre napoléonien identifiant généralement le plus grand propriétaire de l’époque.
Rappelons l’arrêté de 1806 qui rétablit les carraires et oblige les propriétaires riverains à les entretenir à leur frais.
En 1872, 400 000 têtes sont parties d’Arles pour les Alpes.

Longue et rude montée sur la route jusqu’à l’ermitage Notre Dame de (Font) Vacquières3 où je m’arrête bien volontiers à l’ombre des grands arbres. Sous nos pieds, protégé par un grillage en mauvais état, ce qui semble être un réservoir. Le site est composé d’un ermitage, d’une chapelle et d’une source qui aurait des vertus bénéfiques contre l’infertilité.  

ND de Vacquières. Il y a très longtemps, un paysan labourait son champ à cet endroit, une vache attelée à la charrue. L’animal s’arrêta devant un objet qu’elle venait de déterrer en passant et repassant : c’était une statue de la Vierge. Sur ce site on a bâti la chapelle de ND de (la) Vacquières. Noves les collines et la plaine

La route d’Eyragues à nouveau puis sur la gauche le chemin des Abéie4 évoquant les grands troupeaux partant en transhumance. Quartier résidentiel situé dans une zone boisée que je traverse avec plaisir parce qu’on peut marcher sur le côté et non sur la route. Dans le virage à droite au début de la descente, la colline du Rougadou offre son lieu de promenade (sentier botanique) et son aire de pique-nique. En bas de la montée du Rougadou, je retrouve la route d’Eyragues.

Chemin du Pont des Dindes, rue de Verdun, Porte des Moulins, seule issue à travers le rempart au début du Moyen Age, rue de la 1ère armée pour sortir par ce qui fut la porte de la Courrège détruite en 1925. Je retrouve le rempart derrière l’église puis la cave de Laure. Lieux historiques (mairie de Noves)

Pasteurs, paysages, Patrick Fabre, Actes Sud, Collection : Beaux Livres, 2016
Hommes de la Crau. Des coussouls aux alpages, Patrick Fabre, Cheminements, 2000
Bergers et moutons de la Crau  à l’Alpe, Sandrine Krikorian, 2021

Une randonnée facile, en partie sur route mais compensée par les sentiers le long des roubines, à travers champs ou sur la colline du Rougadou. Avec la visite de Noves qui garde de beaux vestiges de son patrimoine, c’est une rando qui devrait satisfaire beaucoup de monde puisqu’elle peut être adaptée pour la journée, avec plusieurs variantes : Notre Dame de Pitié (+1km500, 25mn) ; sentier botanique colline du Rougadou (+900m, 15mn) ; prolongement jusqu’à Eyragues ; dans Noves, l’esplanade du château ; OU Boucle n°4 (VTT ou à pied) : La balade des roubines2 ( Noves – Verquières), 15 km 

Image de l’itinéraire 11km200, 64m (+127,-127), 2h45 dépl. (3h15 au total). Variante ND Pitié en violet, à faire au début ou à la fin de la randonnée.
Ajouter les variantes éventuellement.
Télécharger la trace

1draille (terme spécifique aux dialectes méridionaux) : voie de communication des troupeaux se rendant de la Crau aux Alpes pour y passer l’été
2roubine : canal d’irrigation
3Vacquières vient du provençal vaco = vache
4abeié : du provençal désigne les grands troupeaux transhumants

©copyright randomania.fr

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