–> Lire la première partie : Train des Merveille rétro : de Nice à Breil-sur-Roya 1
Suite de notre voyage dans le train des Merveilles rétro
Saorge
Pont de Saorge : Son histoire est assez dingue puisqu’il a été construit et reconstruit 5 fois !
Saorge en surplomb des gorges est connu pour son architecture religieuse remarquable : chapelle romane de la Madone del Poggio, église saint-Sauveur du XVe et son orgue de Pavie venu par bateau puis à dos de mulet, un couvent des Franciscains de style baroque que Catherine a réussi à capter au vol après le tunnel du Four à Plâtre, en haut à droite de la photo.
Le château de Malmort, cité dès le XIIIe puis restauré au XVIIe, d’aspect inaccessible, surplombe les gorges de la Roya de près de 500m ; il a défendu vaillamment durant des siècles l’accès à la Haute-Roya contrairement à la citadelle Saint-Georges abandonnée sans combat lors de l’attaque de Masséna en 1794. Une randonnée Malmort au départ de Saorge.
Saorge : 15 mn par la route ; une bonne heure par le GR.
Le bâtiment voyageurs de la gare de Fontan-Saorge, qui abrite un centre de vacances de la SNCF l’été, doit son apparence démesurée à son ancien statut de gare frontière jusqu’en 1947.
Fontan, hameau créé en 1616 par ordonnance de Charles-Emmanuel duc de Savoie pour servir de halte aux voyageurs sur la route royale, a subi l’influence ligure ; le clocher baroque est recouvert de tuiles vernissées.
Les eaux de la Fouze, qui ont reçu le label «Eau de montagne», ont constitué pendant longtemps une des principales ressources du village. L’usine d’embouteillage des eaux de Fontan sur la gauche est fermée depuis peu.
Fontan : 15 mn depuis la gare.
Juste avant de surplomber les gorges de Berghe, le chateau de la Causega (XIXe), après d’importants travaux, est devenu un lieu ressource pour les familles d’enfants malades. La mairie de Menton qui le possédait depuis 1974, l’a mis à disposition de l’association La maison du bonheur. En 2001, il abritait encore le musée privé des Arts et traditions apicoles.
Impossible de voir les gorges de Berghe de schiste rouge puisque nous sommes à cet instant enfermés dans un tunnel mais au moins sa couleur…
Oeuvre de Paul Séjourné entre 1921 et 1923, l’audacieux viaduc de Scarassouï [prononcer scarassouille] en béton, situé dans les gorges de Bergue (Berghe), est l’ouvrage d’art le plus spectaculaire de la ligne Cuneo – Ventimiglia. Long de 125 m, haut de 38 m, avec une rampe de 2,1 % et une courbure de 300 m que l’on voit bien sur une vue aérienne ; il rejoint deux tunnels dont celui de la boucle de Berghe. En avril 1945, les Allemands le sabotent : il faudra attendre plus de 30 ans pour qu’il soit reconstruit.
Afin de détecter les éventuelles chutes de pierres ou d’arbres sur les voies, des filets de fils électriques à faible tension sont tendus aux bords des voies. Dès qu’un câble est coupé, une alerte est déclenchée en gare de Breil et des signaux se mettent au rouge. Selon l’excellent site d’Olivier Koot
Suivons le train dans la boucle de Berghe vidéo Vincent Jacques sur Youtube
Le Tunnel hélicoïdal de Berghe est spectaculaire parce que, depuis le train, on peut voir à la fois l’entrée et la sortie du tunnel quasiment l’une au-dessus de l’autre ; le train avance mais on se retrouve au même endroit quelques minutes plus tard ! Il utilise le principe de l’hélice (ou boucle) pour prendre de l’altitude en douceur sans remonter directement la pente raide de la vallée ce qui, techniquement, était impossible à l’époque des machines à vapeur.
Long de 1 884 m, il permet de gagner 90 m de dénivelé mais en allongeant la distance. On ne ressent pratiquement pas le mouvement circulaire mais on entend que la machine peine.
Bien que toute la ligne soit en voie unique, il a été creusé au gabarit double voie en raison de sa longueur, pour faciliter son aération du temps de la traction à vapeur.
Avant d’entamer la boucle retour, à la sortie du plus long tunnel, 250 m à l’air libre nous séparent du tunnel de Caussagne qui longe la petite route sinueuse menant à Berghe Inférieur ; dans ce laps de temps de quelques secondes, Catherine a réussi à photographier le petit lavoir des Granges de Pairoret. La preuve sur la photo aérienne.
Le train, qui circule dans le tunnel de Berghe à 35 km/h environ, a encore diminué sa vitesse à l’entrée du Tunnel de Paganin composé de 6 tunnels successifs ; c’est à la sortie du Tunnel de la Frontière que se trouvait la frontière franco-italienne avant 1947.
La centrale hydroélectrique de Saint-Dalmas apparaît brièvement depuis le viaduc sur la Roya ; l’équipement hydroélectrique de la Roya s’est développé au début du siècle dernier. En 1947, à la suite du traité de paix, les trois usines les plus au nord ont été rattachées à la France. A partir de l’aménagement de Saint-Dalmas, les eaux sont successivement turbinées par les centrales de Paganin, Fontan et Breil, fonctionnant au fil de l’eau. Au centre des trois impressionnantes conduites forcées d’origine circule un funiculaire permettant leur entretien.
Les deux tunnels forment un « S » géant, toujours sur le principe de prendre de l’altitude, un vers l’Est (Porcarezzo), un vers l’Ouest (Biogna) juste avant Saint-Dalmas ; ils portent un nom italien parce qu’avant le déplacement des frontières, ils étaient côté italien.
Saint-Dalmas de Tende
Avec les déblais du creusement des tunnels, on a formé un vaste terre-plein où a été édifiée la gare de Saint-Dalmas achevée en 1929, dans le style des grands bâtiments de l’époque fasciste. Sa taille gigantesque par rapport à la localité de St-Dalmas s’explique par le fait qu’elle devait montrer la grandeur de Mussolini. Mais il s’agissait aussi d’une gare frontalière. C’était donc la première gare italienne à partir de Nice.
À ce titre, elle abritait un service de police et de douane, ainsi qu’une aire de triage pour le trafic des marchandises de 15 voies ! Elle porte encore les marques des bombardements.
Tunnel hélicoïdal de Rioro 1 et 2, long de 1,800 km, avec une rampe de 1,7 %, un rayon de courbure de 300 m, un dénivelé de 30 m.
Le tunnel hélicoïdal de Rioro, boucle presque parfaite, fait donc gagner 30 m d’altitude à la voie. Il est constitué de deux tunnels successifs de 1257 et 284 m de long reliés par une galerie de protection de 17 m, percée d’une fenêtre qui donnait accès à un emplacement fortifié du Vallo Alpina, c’est-à-dire aux fortifications italiennes chargées de protéger la frontière face à la ligne Maginot française (selon tunnels-ferroviaires.org).
Il a été italien jusqu’en 1947. Il est devenu français suite aux déplacements de frontière.
Pour le voyageur, après quelques minutes dans le tunnel, il se retrouve exactement au même endroit… mais 30 mètres plus haut !
Saint-Dalmas de Tende : 3 mn à partir de la gare.
Après l’hélice, le train passe sur le viaduc de l’Usine électrique, celui sur la Roya, enchaîne avec le tunnel de Levensa, traverse la rivière éponyme puis s’arrête à la Brigue.
la Brigue
En 1947, la commune italienne de Briga Marittima a été partagée par la nouvelle frontière laissant à la France le chef-lieu rebaptisé la Brigue.
Connaissez-vous la brebis brigasque, animal rustique et robuste aux cornes enroulées vers l’arrière, adaptée aux pâturage en pente de la vallée ? de 60000 ovins au début du XIXe, il n’en resterait que 1800.
Côté ouest de La Brigue se trouve le centre des pouvoirs civils et religieux (château de la branche cadette des Lascaris, seigneur de Vintimille et collégiale Saint-Martin).
XIVe siècle, une histoire « pas très catholique » : Ludovic Lascaris est destiné à la vie monastique par son père ; il prononce ses voeux de frère augustin mais s’éprend de Tiburge de Beuil, l’enlève et… eut d’elle trois fils. Exilé à la cour de Naples, il conquit le sympathie de la reine Jeanne par son courage et le pape Grégoire XI lui confère une dispense spéciale : il reconnait son mariage et lui octroie 25 années de liberté avant qu’il ne revienne à ses obligations moniacales. Au château de la Brigue, il s’adonne aux arts ; il meurt peu avant la fin de son temps de liberté… selon Le chemin de fer des merveilles, A. Marcarini, Ed. Rossolis, 2016 traduit de l’italien par les Editions du Cabri
En regardant la Vidéo de J.-M. Delpias, j’ai compris pourquoi la conférencière évoquait Notre Dame des Fontaines avec tant de passion bien qu’on ne la voit pas depuis le train.
Extérieurement Notre Dame des Fontaines ne paie pas de mine : sobre, sans caractère monumental, modeste chœur mais à peine pénètre-t-on à l’intérieur que l’on est frappé d’étonnement : tous les murs sont recouverts de fresques aux couleurs vives (vers 1450) qui n’a quasiment jamais eu besoin de restauration. Le peintre piémontais Canavesio y a peint des scènes violentes ou effrayantes inspirant la crainte aux paysans et aux bergers (ci-contre La pendaision de Judas, photo MOSSOT — Travail personnel, CC BY-SA 3.0).
La Brigue : 10 mn à partir de la gare.
Tende
Plusieurs tunnels autrefois italiens mènent à Tende : en large courbe de 1km584 celui de Bosseglia à la sortie de la Brigue, et trois tunnels de 200m environ : Colombera, Bijorin et Borgonuovo.
Le viaduc de Tende annonce l’arrivée en gare. Il est midi 30, cela me laisse quelques heures pour concocter un programme culturel et sportif.
Tende c’est la dernière commune à avoir été rattachée à la France, par plébiscite, après la Seconde Guerre mondiale. Cela ne fait même pas un siècle qu’elle est française : on y sent fortement l’influence italienne, par ses monuments et les langue parlées.
Un article sera prochainement consacré à Tende.
Tende : 3 mn à partir de la gare.
Galerie d’images de l’association ATTCV 2017
Il est 17h30 quand nous quittons la gare de Tende avec déjà plein de souvenirs.
Catherine est toujours en éveil ; après la halte de Fontan-Saorge, nous entrons dans le tunnel Saint-Roch (c’est donc la sortie du tunnel si l’on considère le sens de la ligne Nice-Tende) ; un autre chasseur d’images capture la scène : était-il là pour notre Caravelle ou pour tenter de retrouver le wagon-ambulance laissé par l’armée française en 1939 ? Il est perché au-dessus du fronton où passait le tunnel routier de l’ancienne route vers Sospel volontairement détruite par les troupes françaises en prévision de l’invasion italienne.
A Nice une heure d’arrêt, juste de quoi manger un sandwich et se dégourdir les jambes. Nous repartons de Nice vers 20h47, le trajet le plus spectaculaire est terminé, la Caravelle file à sa vitesse maximale 100-110 km/h le long de la côte ; les packs de sandwich sont proposés aux voyageurs ainsi qu’une publicité pour une clairette de Die que je trouve inopportune.
Dehors, il fait nuit. Soudain, la Caravelle ralentit, s’arrête, les lumières s’éteignent : pas de panique dans notre wagon. Les bénévoles soucieux s’efforcent de sourire, font quelques allers-retours entre les deux wagons sans donner de précisions sur l’incident. L’un d’eux enfile sa combinaison fluo et, son livre de procédures maintes fois manipulé, descend du train pour établir son diagnostic. Quelques minutes plus tard, il revient, entre sans doute en communication avec la gare de Nice puis nous annonce que la machine a chauffé et que l’on repart en manuel : en effet, on entend régulièrement le passage des vitesses comme dans une voiture.
Nous avons tous eu le temps de remplir le livre d’or ; alors que dans le wagon la fatigue commence à se faire sentir, je vois apparaître du wagon voisin une personne qui interpelle les voyageurs « C’est qui Nicole d’Aix ? » ; je comprends, c’est Catherine du Var, celle qui m’a donné le tuyau du train des Merveilles. Maintenant, on se connait « pour de vrai ». J’adresse mes remerciements à Catherine pour les photos : sans elle (sans elles), cet article n’aurait pu être illustré avec autant de réalisme.
Je descends à plus de 23h à la gare du Cannet ; ma voiture est toujours là. Ouf !
Un parcours riche en paysages et en patrimoine, dépaysant pour celui qui n’habite pas cette région, et déclinable en thèmes : la route du baroque, la route du sel, les fortifications, les villages perchés, les monuments religieux,… au gré des centres d’intérêt de chacun.
Amateurs de beaux paysages, placez-vous près d’une fenêtre (propre) avec un bon appareil photo avec zoom et soyez réactifs aux centres d’intérêt annoncés par la conférencière !
Celle-ci nous a tellement donné d’informations que j’ai dû sélectionner celles que je voulais vous présenter. Les visites commentées se font les week-ends et jours fériés de mai à fin septembre, mais tous les jours d’été dans le train de 9h20. Le train spécial que nous avons pris est géré par la sympathique et active ATTCV.
Dans son livre sur Le chemin de fer des Merveilles, Albano Marcarini a conçu plusieurs itinéraires de randonnée d’une journée les plus proches possibles de la voie ferrée, partant d’une gare et arrivant dans une autre ; vous pourrez passer la nuit sur place ou rejoindre votre gare de départ en reprenant le train en sens inverse. Sospel à Breil, Breil-Saorge, Saorge-La Brigue, La Brigue-Notre Dame des Fontaines, La Brigue-Tende, les autres randonnées sont en Italie.
Il est donc possible de fractionner le trajet sur deux ou plusieurs jours tant il y a de merveilles à découvrir sur le trajet de la vallée des Merveilles.
©copyright randomania.fr
Merci pour cet article. J’inscris ce train dans nos objectifs pour l’année prochaine. Amitiés. DD
bravo pour ton travail de fond, qui a en plus le mérite de nous faire revivre cette super journée