Première marche un peu longue (9km) sur du plat après plus de 2 mois d’inactivité. La randonnée des Amis, figurant au nouveau topoguide Sentiers Vignerons des Bouches-du-Rhône 20 circuits dont 16 adaptés à la marche nordique, FFrandonnée, Editions FFrandonnée 2025 porte le nom du club local de Berre. Commune qui m’est totalement inconnue, elle a l’avantage d’être propice aux promenades faciles et en bordure de la « mer de Berre« .
Le sentier démarre de la cave coopérative des vignerons de Mistral à Berre dont le bâtiment a mal vieilli : les peintures sur le mur extérieur – dont un bâteau à voiles transportant des tonneaux – se voient à peine. Nous passons derrière la coopérative et longeons un grillage dans un champ. Après le chemin revêtu du Terrail, nous prenons celui de Rambouillet1, champêtre, comme je les aime, jusqu’à La Suzanne qui contraste fort : un ilot de maisons et batiments serrés dans un espace carré. J’interroge une habitante sur le toponyme gaffe du Renard : elle dit juste qu’il existe depuis longtemps ; en effet, sur le cadastre napoléonien, ce toponyme existe déjà et sans nul doute, la gaffe était utilisée par les gallo-romains de l’étang de Berre.
Décrite dans Une agglomération rurale gallo-romaine des rives de l’étang de Berre. Le Castellan ch.3, Sous la direction de Frédéric Marty et Brice Chevaux, 2011 par les archéologues, une gaffe en fer à emmanchement à douille dont la partie utile forme un crochet dont la section mesure 0.7cm de diamètre. Ce crochet permet d’attraper du poisson à la manière d’un harpon ou… d’ailleurs tout autre objet dans l’eau comme on peut le lire dans certains romans.
Les géographes et historiens grecs et latins, […] décrivent une technique propre aux populations riveraines des étangs du littoral marseillais et languedocien. Elle consiste, en période de très basses eaux, à harponner avec un trident les muges prisonniers de la vase ou aveuglés par la salinité élevée de l’eau.
Nous passons devant un haut bâtiment à plusieurs étages de 1000m2 au sol, ouvert d’un seul côté par 6 fenêtres (que faisait-on là dedans ?…) et plus loin, une ancienne porcherie, sûrement. A droite de notre chemin, un quartier Trompe-pauvre2 composé de plein de petites parcelles entre l’Arc et la Petite Suzanne.
Puis nous passons dans une zone de prés bien verts, sous un couvert végétal abondant typique de la présence de l’eau avec ses cannes, sur le chemin du Bouquet. Nous sommes au sud du domaine de Palustranne ; déjà en 1833, il possédait de nombreuses pâtures, bois et jardins. Dans un article de La plaine de Berre et l’Arc, Gérard Castel, Méditerranée, Année 1998, numéro 90 une explication peut être envisagée à ce changement de décor.
En 1545 existait un Arc vieux desséché passant au sud de Palustranne alors qu’aujourd’hui le fleuve passe au nord. L’Arc vieux du XIVe siècle se jetait vraisemblablement dans l’étang de Drignon (aujourd’hui les salins) au sud en passant par le « gas de Saytis » (en 1833 Les Seitis,section E3) où le mot gas désigne gaffe… ou gué ; d’après la Carte des fluctuations du cours d’eau sur le territoire de Berre depuis le 1er siècle, et la carte IGN des cours d’eau de 1950, j’ai pu reconstituer le trajet de l’Arc : il passait sur le chemin du Bouquet et par la gaffe de Renard ! La gaffe du Renard désigne plus sûrement un ancien gué sur l’Arc du XVIe.
Cet article nous apprend également que les crues du fleuve étaient nombreuses et que les zones inondées sont celles de la rive gauche, plus basses que celles de la rive droite, entre les deux Arc(s). Le quartier de Trompe-pauvre2 est donc impacté.
Nous passons devant la Palustranne et ses prés bien verts (attention de ne pas suivre le chemin de la bergerie de Bouquet) puis atteignons les bords de l’étang où nous perdons un court instant la signalétique bleue. Un camping-car a réussi à s’installer sur le bord de l’étang.
A nouveau changement de décor : des marais à notre droite, une lagune aux eaux plus ou moins malodorantes, des constructions en dur donnant sur l’étang. Il me faudra prélever plusieurs indices pour comprendre que nous sommes sur la zone de chasse maritime de l’étang de Berre, chasse à la hutte, d’où la limite maritime fixée sur un panneau le long de l’Arc. Une première hutte fixe, puis une seconde, toutes numérotées et déclarées en préfecture pour la chasse au gibier d’eau (oies, canards de surface, canards plongeurs) la nuit. L’association de chasse maritime de l’étang de Berre ACMEB entretient les marais où elle chasse.
156 huttes ; 28 canards prélevés par saison en 2011/2012 sur l’étang de Berre.
Samedi 15 [mars 2025] à l’appel de la fédération française de chasse qui tous les ans lance l’opération « J’aime la nature propre », et comme des milliers de chasseurs en France ceux de l’ACMEB (Association de chasse maritime de l’étang de Berre) ont passé la matinée à ramasser les déchets sur les rives de l’étang de Berre à Rognac et de Saint-Chamas à Istres. La Provence, 21 mars 2025
La chasse à la hutte se pratique avec des appelants, oiseaux élevés et sélectionnés par le chasseur et posés à proximité de la hutte pour attirer ses congénères ; c’est tout une stratégie pour disposer les appelants qui séduiront les oiseaux de passage. Notre première nuit de chasse à la hutte
Plusieurs bassins rectangulaires ont été creusés de main d’homme dans la lagune mais je ne sais pas pourquoi. Est-ce l’oeuvre des chasseurs ? Dans le ciel des échasses blanches (?) luttent contre le vent.
Etang de Berre, GIPREB, syndicat mixte chargé de l’amélioration de l’étang
Nous arrivons à l’embouchure de l’Arc où la rencontre entre les eaux du fleuve et celle de l’étang est plutôt agitée, de deux couleurs différentes ; les cygnes sont bousculés au gré des vagues, nullement incommodés.
Nous longeons l’Arc pendant un long moment, sans toutefois le voir tant la végétation est haute et dense. Le pont de l’avenue André Estève permet de rejoindre Mauran et la rive droite de l’Arc. Un peu plus loin, à l’endroit où l’Arc est plus étroit et dégagé, entre une parcelle de vigne rive droite et une autre rive gauche, je soupçonne qu’un même propriétaire avait installé une passerelle dont il reste le support rocheux.
L’anacycle radié s’adapte au sol limoneux et tolère la chaleur et sécheresse. Le chardon-marie résiste bien aux conditions arides ; son fruit profite de la dispersion par le vent pour coloniser de nouvelles zones. Nous n’avons pas vu beaucoup de vignes : surtout dans le quartier Les Branches et La Planche le long de l’Arc.



Petit tour à la cave Mistral de Berre où je goûte deux rosés IGP Méditerranée ; je craque pour le Baou Tailla (Merlot, Grenache, Muscat, Chenanson, Caladoc, Syrah), 12.5°, 4.75€ en 2025, qui sera idéal pour les soirées d’été autour d’un apéro.
Une randonnée nature idéale, facile, pour ceux qui craignent le dénivelé, mais bien exposée au soleil. Une découverte au cours de laquelle je n’ai pas été incommodée par les installations pétrochimiques que l’on ne voit presque pas.
Image de l’itinéraire en rouge 9km, 3h, 9m dénivelée, 2h35 déplacement (2h45 au total) ; en bleu le tracé de l’Arc au XVIe siècle. Télécharger la trace
1 Rambouillet : peut-être du provençal ramboulh, embroussaillé, enchevêtré car avant d’être défriché, ce devait être le cas
2 Trompe-pauvre : d’un côté, l’Arc a déposé des quantités considérables d’alluvions, favorisé l’agriculture et apporté l’eau par ses canaux ; de l’autre, il a détruit les ressources alimentaires des plus démunis par de fréquentes et massives inondations par débordement ; d’où le toponyme exprimant le découragement Trompe-pauvre, qui existe dans d’autres communes (Béziers, Mazerolles-du-Razès,…).
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tu as bien du talent pour décrire cette randonnee que j ai parcouru il y quelques temps et trouve sans intérêt surtout entre la coopérative et le bord de l etang.
il est vraiment dommage que les cabanes de chasseurs dénaturent ce bord d étang.
l embouchure de l Arc aussi est sale
et la remontée du fleuve côtier sans le voir a peu d intérêt .
qu’est-ce qui faut pas faire pour vendre du vin…