Voilà une randonnée dont j’ai entendu parler par beaucoup de monde : le webmaster du site queyras.aparcourir.com, la serveuse de ma petite auberge à Molines en Queyras, le syndicat d’initiative de Saint-Véran et quelques randonneurs croisés en chemin le jour où j’ai découvert la mine de cuivre.
Partie avec la navette d’été, je traverse le petit pont de bois sur la Blanche puis monte jusqu’à la chapelle de Clausis, montée progressive sur un chemin large et bien entretenu, mais qui n’est pas aussi facile que le laisse supposer le syndicat d’initiative qui la conseille aux familles. Elle est fermée et je ne peux la voir que l’extérieur. Je redescends de la colline où elle est plantée pour rejoindre le lac de la Blanche. Là encore, le chemin n’est pas difficile. Un âne, accroché à un piquet, attend sagement les randonneurs qui ont loué ses services pour monter jusqu’au lac.
Ce lac est entouré de nombreux champs de linaigrettes, petites fleurs blanches cotonneuses. Son nom scientifique Eriophorum veut dire « porte laine » : après sa floraison (avril-juillet), cette plante se couvre de « coton ». On la trouve jusqu’au Pôle Nord. Les plumets servaient autrefois à garnir les coussins et à confectionner des mèches de lampes.
Le trajet commence déjà dans la voiture, à lui seul il vaut le détour ; des pentes à 10%, l’impossibilité parfois de se croiser, le souffle coupé quand, en haut d’une côte, j’ai l’impression qu’il n’y a plus de route derrière et que je vais basculer dans le vide avec ma voiture ! J’arrive à Méjean par le chemin du tire-cul1. Aucun yacht dans le port : Méjean est resté isolé et c’est ce qui fait son charme. Ne vous garez pas sur les emplacements réservés aux riverains, ils n’aiment pas ça, surtout que le parking visiteurs n’est que cent mètres pour loin (gratuit hors saison). *Itinéraire vers l’Erevine
Il y a des années, ce chemin était réservé aux douaniers ; à l’époque, personne n’aurait eu l’idée saugrenue de marcher pendant une heure sur des sentiers escarpés dans le seul but d’arriver sur une crique paradisiaque. Le Conservatoire du Littoral a aménagé le sentier par des marches bétonnées (parfois un peu hautes), des barrières et des câbles. Quel que soit l’endroit où je regarde, la nature a fait tout son possible pour me séduire. Les collines se découpent dans le ciel. Ne serait-ce pas les falaises de Cassis, Notre-Dame de la Garde au loin ? Les nombreux panneaux « danger, chute de pierres » ne sont là que pour les imprudents qui quitteraient le sentier. Des plongeurs sont déjà installés dans les criques les plus proches du port.
Je traverse le vieux pont de chemin de fer, après le tunnel de Méjean dont les pilastres sont joliment décorés de motifs d’ananas ; de ce côté, le sentier permet d’apercevoir quelques grottes sur la gauche dont une garde jalousement un « trésor » placé par Dédou. Autour de l’île Erevine, surmontée par un phare et un panneau solaire fournisseur d’énergie, trois bateaux de plongée dessinent de jolies courbes dans leur sillage.
Et pour les courageux, au viaduc commence la délicate descente vers la calanque de l’Erevine. Et pourquoi pas rejoindre l’île comme un robinson des temps modernes ?
Au retour, je n’ai pas l’impression de « déjà vu » : de nouveaux paysages, un regard différent sur les flots turquoises et le chemin ne me semble pas pénible malgré les montées et descentes qui se succèdent.
Je passe voir la grotte marine qui est bien sombre en cette matinée d’octobre ; fin mars, par un bel après-midi ensoleillé, le soleil révélait la couleur turquoise de l’eau et ses milles reflets. Avec prudence, je m’approche du niveau de la mer mais en l’absence de soleil, je ne vois qu’un trou de lumière.
Merci Dédou : cette randonnée devrait satisfaire les amateurs de sport, de sensations et de paysages inédits
1Tire-cul : le cul désignant l’arrière du bateau dans le domaine maritime, je suppose que le chemin du tire-cul pouvait servir à sortir un bateau hors de l’eau en le tirant par l’arrière… merci aux spécialistes de la mer de me le confirmer…
Découvert le dimanche des Journées européennes du Patrimoine 2006, ce vieux village nous a accueilli pour le pique-nique. Installés près de l’église Saint-Barthélémy, nous avons continué de discuter avec nos guides de l’association Alpes de Lumière. La journée avait mal commencé : le car qui devait nous déposer près d’un cabanon pointu à Mane, était tombé dans une ornière le long de la route et se trouvait en équilibre précaire. Aussitôt tous les hommes qui pouvaient transporter de grosses pierres, les ont rassemblées près de la roue du car. A la demande du chauffeur, toutes les femmes sont montées à l’avant pour le faire pencher à gauche, tandis que les pierres étaient glissées sous la roue. Le car tanguait mais n’a pu être sorti de cette façon : c’est finalement un tracteur qui réussira la manœuvre. Avec brio, notre organisatrice a réquisitionné quelques chauffeurs qui nous transporteront sur le lieu de la conférence à Ongles (8 hameaux pour moins de 300 habitants, étagés entre 540m et 1310m…).
Et c’est avec un peu de retard, mais tous présents dans le bistrot de pays d’Ongles, que nous avons suivi la conférence de Jean-Yves Royer(1) sur « le sexe des bories et les bories(2) elles-mêmes »… qui ne désignent surtout pas des cabanes de pierre sèche ! Sur le plan cadastral de 1813, seuls les noms de cabanes et chabanons étaient utilisés et à la fin du XIXe siècle, cabanons pointus. jamais, et nulle part (je dis bien : jamais, et nulle part), ces constructions n’ont porté ce nom avant que quelques fumistes et pseudo-érudits s’avisent de les en affubler, bientôt suivis par la foule des gogos…. Homme érudit et plein d’humour, il a séduit son auditoire, installé sur les chaises mises à sa disposition par le cabaretier du village. Pour en finir avec les bories (Présentation de la conférence de Jean-Yves Royer)
[…] Le hameau de Vière se dresse sur un site d’exception, bastion des derniers oliviers dans ce pays de transition vers le Dauphiné. L’association Alpes de Lumière estime que ce site mérite d’être dégagé et consolidé : elle espère convaincre le conseil municipal de se lancer dans une action globale d’aménagement et de valorisation.
Le bourg porte le nom d’Ungula en 1073 et il est entouré d’un mur d’enceinte. Au XIVe siècle, il est dominé par un ordre religieux qui construit l’église Saint-Barthélémy mais les écrits n’en parleront que 200 ans plus tard. En 1586, les huguenots occupent Ongles et démolissent le château par ordre du gouverneur de Provence. Les habitants progressivement descendent dans la vallée, se rapprochent des points d’eaux et colonisent les terres arables de la plaine.
Il ne reste de ce vieux village que des pans de mur dont ceux de l’église dont on a peine à imaginer ce qu’elle fut en entier (L’église est désaffectée en 1841), quelques traces de rues et de plantations d’oliviers. Nous circulons dans les anciennes rues du village, souvent encombrées de pierres et qui n’ont jamais été pavées. Il n’y avait pas de fontaine publique : les eaux de pluie étaient récupérées dans des citernes. Une des maisons était habitée par l’ancien consul Claude Meyronne. En 1763, 58 habitants y vivent encore. La maison dit le Pélican a un mur arrondi au lieu d’être droit. Elle ne ressemble pas à une maison traditionnelle mais plutôt à une tour. Mais pourquoi ce nom ?
La confrérie des Pénitents Blancs est la plus connue (on sait qu’à Ongles, il y a eu plusieurs confréries). La tradition du sud de la France faisait qu’en chaque ville ou village se formaient des sociétés d’hommes, de femmes ou mixtes, se dévouant au bien public avec ou sans but spirituel avoué. Son symbole est celui du pélican s’ouvrant les entrailles pour donner à manger à ses petits. Le Christ est cité dans quelques prières sous la forme de cet animal ; personnellement j’imaginerais bien que dans cette maison les pauvres étaient accueillis par cette communauté. J’ai trouvé trois autres maisons Pélican : une à Bruges, l’autre quelque part en France, une troisième à Banon, près du lieu dit Fouent Créma. Coïncidence ? Mon hypothèse serait-elle la bonne ? Selon Ongles au XVIIIe siècle, la maison de nos grands-mères, A. Lombard & M. Mathieu, Les Alpes de Lumière, coll. les cahiers de Salagon, 2000, cette maison appartenait à Joseph Martin, sonneur de cloches, enterre-mort, ancien procureur juridictionnel ; Marie Peyre était sa femme ; le couple avait 2 garçons et 3 filles. Le Pélican était un personnage important qui était à la fois :
valet de ville(3) proclamant par sa voix les procès-verbaux de la communauté ; pour être crieur public, ne devait-il pas posséder un « grand gosier » comme le pélican ? Serait-ce là l’origine de son surnom ?
sonneur de cloches (lors des baptêmes, mariages, enterrements, angélus et… orages menaçants !),
fossoyeur : il enterra 29 personnes en 1765 (contre 16 naissances seulement),
et dispensé des tirages au sort dans le cadre du recrutement par la milice.
(1)Psychologue de formation et passionné par la culture occitane Jean-Yves Royer s’est tour à tour fait enseignant, berger, comédien, peintre, sommelier, historien, chercheur, conférencier, écrivain et conteur… (2)lou bori : craie à marquer le bétail. En 1878, Frédéric Mistral fait de borie l’équivalent de « masure », « cahute » (3)valet de ville : c’est le crieur public chargé de porter à la connaissance de tous les décisions des consuls et du conseil. Il portait un signe distinctif, le plus souvent une manche de couleur ou une bandoulière aux armes de la ville. Dans les petites communautés, il peut assurer aussi un rôle de police urbaine