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*** Les menhirs Lambert en passant par le moulin du Collet


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Le décor de notre week-end : Collobrières1, la forêt des Maures et le gite de l’Aurier labellisé « accueil paysan », complètement perdu au coeur de la forêt, auquel on accède par la longue piste des Condamines qui se perd dans le fin fond du vallon de l’Aurier. D’immenses forêts de chataigniers, des arbres aux formes torturées qui nous montrent des visages à faire peur. Le silence, le noir total à la nuit tombée, de l’eau captée à la source, de l’électricité fabriquée, un confort simple mais un accueil chaleureux. Personne ne pouvant nous joindre par téléphone, forcément on oublie les soucis de la ville !

Collobrières par le Petit Pierrot, le maquis des Maures par le Petit Pierrot

La météo aujourd’hui à cet endroit :
Avec la température ressentie

IMG_0168r.jpgimg_0167.jpgNous avons laissé notre voiture près du pont vieux qui enjambe le Réal Collobrier. « Il permettait l’accès au vieux village ainsi qu’au château et servit à protéger la population des épidémies de peste en interdisant l’accès au village. On montait alors des barricades en bois ou en pierre pour barrer l’entrée et un garde surveillait le tout. » Extrait du Petit Pierrot. Une petite source coule toujours près du Pont Vieux ; autrefois, elle a été captée et aménagée avec un petit bassin et un lavoir. En 1993, le lavoir a été supprimé ; si vous regardez de près le bassin qui demeure, vous verrez qu’un des bords est complètement usé par par les aiguisages successifs de outils de paysans.

img_0170.jpgimg_0172.jpgComme toujours dans le Var, les sentiers sont bien balisés et les points de référence marqués avec les coordonnées géographique en latitude et longitude. L’ancienne église paroissiale Saint-Pons (XIIIème remaniée au XVIème siècle), sur la gauche, marque l’approche du début de la randonnée sur le GR90. Ah ! quelle dévotion à la fin du XIXème siècle ! En cas de sècheresse, on faisait une procession solennelle et on invoquait Saint-Pons. Si la sècheresse durait malgré les prières, on portait la statue dans le quartier près de la rivière et on le trempait trois fois dans l’eau pour lui exprimer le désir d’avoir de la pluie et le mécontement qu’on avait contre lui !
Superstitions et survivances étudiées au point de vue de leur origine et de leurs transformations, Béranger-Féraud, Laurent Jean-Baptiste, P., Ernest Leroux, Paris, 1896  

« A partir de 1860, l’église Saint-Pons est trop petite pour accueillir un nombre de paroissiens croissant mais elle est surtout en très mauvais état et difficile d’accès au sommet du village. En 1870, on décide de construire une nouvelle église à l’emplacement de la chapelle Saint-Jean et du cimetière. […]. La construction de cette église de style néogothique dure 20 ans. Ses 29 vitraux sont réalisés par le peintre verrier avignonais Gulbert ». Extrait du blog du Petit Pierrot sur Collobrières

img_0175.jpgIMG_0489.JPGDans une charte de 1288, Guilhem de Fos, co-seigneur de Collobrières depuis que son père avait cédé Hyères au comte de Provence en échange de Bormes, la Môle, Collobrières,… avait octroyé le droit d’aller moudre dans un autre moulin en cas de panne de celui du seigneur. L’accès aux ruines du moulin du Collet (XVIème) et à la cache posée par fafalemarin68 le moulin de Collobrières, est facile à repérer. Il n’en reste pas grand chose à part une portion de tour sans toiture et les marches d’escalier qui menaient à l’étage. C’était le seul moulin à vent de Collobrières à part celui de la chartreuse de la Verne.  Comme partout en Provence, il était composé d’une tour ronde à un étage, coiffée d’une chapelle en bois mobile afin que les antennes puissent prendre le vent et, par les engrenages, faire tourner les meules qui écrasaient le grain. Il remplaçait les moulins à eau pendant la sécheresse. Celui-là a fonctionné jusqu’au XIXème siècle.

img_0180.jpgIMG_0495.JPGAprès le moulin, le sentier se perd dans la forêt. des collines partout, de la verdure partout ! Certains chênes-lièges ont perdu leur écorce. Bien adapté pour eux, le sol de roches schisteuses et le climat chaud et sec. C’est un enfant du pays, Aumeran qui alla chercher en Espagne le secret de la transformation du liège en bouchon. En 1850, on comptait 17 bouchonneries. Son écorce épaisse le protège, sa capacité à produire des rejets à la souche facilite le reboisement. Les meilleurs bouchons se fabriquent dans l’écorce des chênes femelles que l’on ‘démascle’ dès qu’il atteint 10 à 15cm de diamètre. Une douzaine d’années plus tard, la nouvelle écorce pourra être récupérée. Malgré la modernité que je renie pas, je suis de celles qui préfèrent un bouchon de liège sur une bouteille de vin. Le liège revient doucement à la mode, mais cette fois comme isolant thermique ou élément de décoration.

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La boucle qui mène aux menhirs de la ferme Lambert, j’en rêve depuis longtemps. Cette période de l’histoire me fascine, sans trop savoir pourquoi : vous trouverez un tag Mégalithes dans le nuage de tags, si le sujet vous intéresse. Pour rejoindre les deux menhirs isolés dans une immense prairie, il faut passer par dessus le grillage grâce à un petit banc de bois.

Le propriétaire du terrain au début du XXème siècle a redressé lui-même le second à grands frais et grosses machines. Ces deux monolithes, taillés dans le gneiss micacé tout proche (on a retrouvé des excavations de la taille des menhirs), mesurent respectivement 3,15m et 2,82m de haut. On les attribue à une période comprise entre la fin du néolithique et la fin de l’âge de Bronze (environ 2500 à 2000 ans avant J.-C., Homo Sapiens). Pourquoi nos ancêtres les construisaient-ils ? Comme on n’y a pas trouvé d’objets ou d’ossements enfouis, on ne sait pas trop à quoi ils servaient : culte d’une divinité, démonstration de pouvoir d’un groupe d’individus sur un territoire, pierre destinée à reconnaitre un espace sacré ? 

Sur le plateau qui appartenait autrefois au domaine de la chartreuse de la Verne, plusieurs autres surprises :

  • img_0200.jpgune forêt de sapins Douglas plantés à titre expérimental pour le reboisement, hauts et bien alignés, forment une forêt sombre même en plein jour ; apparus en 1842 en France, ils peuvent atteindre 100m de haut et peuvent vivre 500 ans !
  • img_0514.jpgdes eucalyptus au tronc blanc contrastent avec les chataigniers et les chênes-liège que l’on trouve en abondance dans les Maures. Introduits en 1828, ils ont des propriétés désinfectantes et décongestionnantes des voies respiratoires. Dans les années 1970, vous souvenez-vous des cigarettes à l’eucalyptus pour les asthmatiques ou ceux qui voulaient arrêter de fumer ?
  • un berger, ami de nos hôtes, élève des moutons qui participent à l’entretien des pare-feux protègeant la forêt contre les incendies.

Nous apprenons que Mme de Sévigné aimait venir jusqu’à la ferme Lambert, sa fille, la Marquise de Grignan, habitait le château d’Entrecasteaux dans le Var.

img_0207.jpgIMG_0523_1.JPGDébut du canyon de Desteou2. Le seul petit coin de la balade où affleurent de telles coulées grises durcies et abîmées. Sur les cartes IGN actuelles le lieu est nommé « Lave » du desteu : j’admets avec les membres du geoforum que le terme devrait être mis entre guillemets car le mot lave évoque plutôt du chaud et du fondu. Il fait penser à un volcan. Il y a bien eu deux épisodes volcaniques majeurs dans le socle provençal : un dans le Tanneron, les Maures occidentales et le Cap Sicié ; un autre dans les Maures centrales. « La cheminée de la Magdeleine3 a déversé une lave qui s’est mise en place dans un fond de vallée Miocène. Cette coulée est découpée en mesa. Mais cette cheminée […] est accompagnée de deux pointements basaltiques3, dont celui du Destel ! » (Papyfred du forum Geoforum). Un grand merci aux membres du geoforum qui ont accepté de résoudre cette enquête géologique.

La taille de la pierre de lave, lien communiqué par Azogue de geoforum

img_0209.jpgNous prenons la piste B25 à droite et traversons le ruisseau, au-dessus du gouffre du Destéou, par le sentier balisé en vert blanc. Un limnigraphe (photo de droite) permet de mesurer le débit du ruisseau. C’est l’un des très nombreux appareils posés dans la forêt des Maures pour étudier le débit de ses principales rivières. Merci Catherine, c’est dans ton blog que j’ai trouvé le nom de cet instrument de mesure !

Randonnée Collobrières – les menhirs par fouchepate

img_0532.jpgimg_0215.jpgIMG_0533r.JPGAu fond du vallon, nous arrivons au niveau d’un pont de pierre sur un terrain privé. Les rives du ruisseau sont accueillantes et nous nous y installons pour le pique-nique. Le lit de la rivière, composé de roche blanche et lisse, reflète le soleil comme sur de la neige.  Ce sont des gneiss migmatitiques4 (merci Quaternaire de Geoforum pour l’explication) qui  « présentent des traces d’un début de fusion de leurs constituants ».  Dans un stade de fusion avancé les roches fondues se présentent sous forme de lits de couleurs différentes (foncées / claires), comme ici un lit blanc de quartz et  feldspath.

img_0544.jpgimg_0540.jpgNous reprenons le sentier qui longe le vallon de la Malière. Là, changement de décor : nous avons maintenant l’impression de traverser des jardins méditerranéens. Les figuiers portent de gros fruits. La montée est rude. Nous passons devant un oratoire haut perché puis près de la châtaigneraie municipale. Le châtaignier est une des bases de l’économie rurale traditionnelle. Les plus anciens furent plantés il y a plusieurs siècles, en vergers, de préférence sur les pentes septentrionales (ubac), dans les vallons plus humides.

Cassini_collobrieres_200px.jpegSi je trouve Collobrières bien perdue dans le massif des Maures (que pensez-vous de cette carte de Cassini du XVIIIème où on lit à peine le nom de la commune ?), que pouvaient alors penser les premiers touristes de la fin du XIXème siècle ? Dans un guide britannique The South of France – East HalfAdam and Charles Bertram Black, Edinburgh, 1885, l’auteur voyage de Toulon à Collobrières, 50km environ par la route. Pour vous donner une idée de ce que pouvait représenter ce déplacement, voici quelques informations traduites :

La diligence part chaque jour de la place d’Italie à Toulon, traverse la Valette, La Garde et La Crau. A Pierrefeu, les chevaux sont changés. Pour Collobrières, la diligence grimpe dans l’étroite vallée du Réal Collobrier, affluent du Gapeau. L’arrêt se trouve près de l’hôtel Notre-Dame, un bon hôtel propre. Le vin vieux de 4 années fait un agréable vin ordinaire. Pour se rendre à Collobrières, les touristes venant de Hyères doivent attendre la diligence au relais de poste de la Crau où elle arrive à 16h ; ou prennent le train à la station de Cuers puis la malle-poste qui quitte Toulon chaque matin pour Collobrières.

 En 2009, le car met 1h15 pour faire le trajet et coûte 6.80€ ; en 1895 la diligence mettait 4h30 et coûtait 2F50 (8€20 environ ?). Le travail des chevaux dans les diligences

Randonnées accompagnées dans les Maures

Un petit tour à la confiserie azuréenne et au musée de la châtaigne de l’autre côté du pont termine notre week-end. Le marron est une châtaigne dont le fruit non cloisonné ne comporte qu’une seule amande alors que la châtaigne en contient plusieurs séparées par une petite peau (tan) : le marron, gros, régulier et lisse convient donc à la fabrication des marrons glacés.  Confiture de marrons et marrons glacés sont les spécialités de Collobrières : incontestablement la meilleure confiture que j’ai jamais goûtée ! 

Fête de la châtaigne à Collobrières

Collobrières la chataigne

En conclusion : une randonnée assez physique, avec dénivelées successives, des paysages diversifiés et déconcertants dans un espace si petit, de multiples sujets de découverte. Il est également possible de venir jusqu’aux menhirs en partant de la chartreuse de la Verne.

menhirs Lambert itinéraire 11km800-3h20 depl. seul (4h env au total)

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1Collobrières, tire son nom de la rivière Réal Collobrier, ou « rivière de couleuvres », à l’époque où les Romains exploitaient les mines de plomb, de cuivre et de fer

2Prononcez Dèstèou, merci Papyfred pour cette précision

3basalte : roche volcanique à grain fin, généralement noire et pauvre en silice issue d’un magma qui s’est rapidement refroidi au contact de l’air ou de l’eau ; la chapelle Sainte-Madeleine de la Môle est en basalte

4gneiss migmatitique : ils se distinguent [des gneiss] en ce qu’ils présentent les traces d’un début de fusion de leurs constituants […]. Cette fusion partielle arrive à se produire sous des pressions et températures de plus de 15 kilomètres de profondeur (plus de 600°). Dans un stade plus avancé la partie complètement fondue se retrouve dans la roche finale sous forme de lits. Extrait du site géol Alpes, un atlas géologique des Alpes Françaises

©copyright randomania.fr

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3 réflexions au sujet de « *** Les menhirs Lambert en passant par le moulin du Collet »

  1. Bonjour, dans mes recherche pour trouver des sentiers pas trop fréquentés pour nos randonues, j’ai repéré sur la carte un parcours au sud de Collobrières. à tout hasard je tape « Collobrières » sur votre blog et je retrouve exactement le même parcours.
    Ma question est toujours la même : est-ce un parcours pas trop fréquenté pour ne pas importuner les marcheurs textiles ?
    [ndlr] le plateau est assez fréquenté (activités diverses ; plusieurs pistes forestières y arrivent). Mais entre le village et le plateau, ça devrait aller !

  2. on en apprend en lisant ce billet et voilà longtemps que nous ne sommes pas allés au plateau Lambert, la prochaine fois, je pourrais en apprendre à mes petits camarades de rando

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