*** Sur les traces des derniers bergers du Garlaban


Aujourd’hui, invitée par Michel, grand sportif volontiers partageur, je rejoins Gréasque dès 7h30 du matin ; je ne le connais que par mail et site interposés. Pierre, ancien professeur d’histoire, a soigneusement déplié un vieil article de journal et ses notes personnelles sur les gravures des anciens bergers du Garlaban ; Jean-Claude, jeune retraité, se joint à nous. Nous voilà partis par une route tortueuse qui passe devant le domaine départemental de Pichauris, puis atteint Allauch et le parking près du cimetière, un peu après le centre équestre. Un grand chien gris décide de nous accompagner.

Le circuit des gravures décrit par Michel sur son site persoREMY, avec photos et trace téléchargeable

Balisage sur marbre poliLa montée est tout de suite raide sur le bitume ; nous passons sous les pins, dans une zone ombragée bordée de villas résidentielles ; au carrefour de pistes, nous repérons celle de Peynaou par laquelle nous reviendrons. Après la barrière fermée, nous sommes sur la piste DFCI ; sur le rocher de marbre bien poli, les indications concernant le balisage sont bien lisibles ; Mine de bauxite de Cante-Perdrixce qui me frappe ce sont ces zones de terre rouge qui contiennent de la bauxite exploitée autrefois à deux endroits : en contrebas du col de Cante-Perdrix et à la Tête Rouge où l’on peut découvrir l’entrée d’une mine, son chariot rouillé et ses rails tordus, son labyrinthe de galeries ; Michel & Bernadette ont eu la bonne idée d’y placer une cache La mine secrète mais ce n’est pas l’objet de notre randonnée du jour.

Les collines de Pagnol 2.1 : Cante-Perdrix, Ti’Mars… adoptée par PAPOUNET83

Ces gisements de petite taille ont été exploités par la méthode chambres et piliers dans des galeries peu profondes. Ils ont été rapidement épuisés. Extrait de la lithothèque

L’environnement, c’est celui des films de Pagnol, de Marcel et Lili des Bellons, environnement de grottes, de garrigue rase, aujourd’hui déserté ; mais les restanques à l’abandon, les ruines de jas témoignent bien de l’exploitation du XIXe. Dans la Statistique du département des Bouches-du-Rhône, avec Atlas, publiée d’après le vœu du conseil général du Département, tome II, Christophe de Villeneuve, 1824 avait noté qu’on trouve pourtant au haut de la chaîne des plateaux boisés avec des sources appelées ‘Barquious’1, qui sont des espèces de creux toujours remplis, à fleur de terre, d’une eau fraîche qui sert à abreuver les troupeaux.

Garlaban, c’est une énorme tour de roches bleues, plantée au bord du Plan de l’Aigle, cet immense plateau rocheux qui domine la verte vallée de l’Huveaune. Un immense paysage en demi-cercle montait devant moi jusqu’au ciel : de noires pinèdes, séparées par des vallons, allaient mourir comme des vagues au pied de trois sommets rocheux… Marcel Pagnol, La gloire de mon père, 1957

Dalle du soldatAu nord, Michel me montre l’aire de la Moure, rocher proéminent rouge du retardant déchargé par les canadairs en exercice. Du Pas de dei menoun2, Marseille parait tout esquiché. Là mes guides cherchent les premières gravures : ... DE MENOUNcelle du lieu-dit, bien lisible en majuscules d’imprimerie, et à côté la dalle du soldat. Les dessins ne sont plus très visibles sur la dalle calcaire mais Michel a prévu un vaporisateur d’eau qui accentue durant quelques dizaines de seconde, le contraste du trait. Dalle du soldatgravures garlabanUne coiffe militaire, sorte de bicorne surmonté d’un plumet, apparaît : s’il s’agit bien de cela, l’inscription fort dégradée, daterait d’avant 1806 puisque cette coiffe a été remplacée à cette date par le shako. La femme de profil est tout aussi difficile à identifier. Heureusement le découvreur Jean-Luc Grasset en a fait le relevé il y a une trentaine d’années. Sa première communication officielle date de 1990 dans le bilan scientifique régional de la région PACA. A cette date, l’auteur s’interroge sur la motivation profonde qui a conduit probablement des bergers mystiques et solitaires à graver profondément ainsi une partie de leur vie intérieure.

Les collines de Pagnol 2.2 : seuil des bartavelles, Ti’Mars… adoptée par PAPOUNET83

Abri de berger en pierre sècheGrotte du BergerNous reprenons la piste que nous quittons rapidement pour rejoindre 30 m plus haut un large abri sous roche aménagé : une cabane de pierre sèche, des murs bâtis pour se protéger du froid, voilà la baume du berger.

photo barrage les cahiers du sudvasque d'eau près de la source du ChienNous entamons la descente vers le fond de vallon sur un sentier pierreux ; un petit barrage retient l’eau d’un vallon aujourd’hui à sec ; incroyable mais Jean-Luc des Cahiers du Sud a réussi à photographier ce barrage à un moment où l’eau jaillit en cascade (Lire Rando Garlaban) et la grotte de l’Etoile qui recrache une eau abondante ; dans le fond du vallon des Escaouprés3, sous de larges dalles de calcaire sourdent parfois de minces filets d’eau, sources miraculeuses dans ce désert aride l’été. Non loin de là se trouve une petite vasque remplie d’eau de pluie.

Les collines de Pagnol 2.3 : la source du chien, Ti’Mars… adoptée par PAPOUNET83

Nous découvrons : deux ostensoirs, pièces d’orfèvrerie souvent en forme de soleil, reposant sur un pied, destinée à recevoir une hostie consacrée, et une rosace avec une technique de piquetage : ce sont deux œuvres de qualité réalisées avec de bons outils et une technique maîtrisée.

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Oraison, le bois de Saint-Martin


Départ sur le parking du terrain de sport à Oraison, près du camping les Oliviers où les Geocacheurs de Provence avaient organisé une rencontre en 2014. La randonnée est organisée par Yves dans le bois de Saint-Martin et reprend partiellement le circuit n°5 proposé par l’office du tourisme de la commune.

Le long du contre-fosséTêtards

Nous marchons tranquillement pendant un bon moment sur le chemin des plaines de Saint-Martin en contre-bas du canal ; les champs d’oliviers bordent le côté gauche ; dans le fond d’eau du fossé, des milliers de têtards gigotent. Nous profitons de la vue sur la plaine colorée et le village perché de Lurs.

Canal EDFVue sur LursNous passons au-dessus du contre-fossé pour grimper jusqu’au large canal EDF et rejoindre le bois de Saint-Martin, marchant sur le pas des bergers par une des drailles1 qui partaient de la plaine pour rejoindre probablement la voie de transhumance des troupeaux d’Arles dans les plaines de la Basse Montagne aux Mées. Je suis assez surprise de constater qu’il y avait dans ce bois trois drayes1 différentes et presque parallèles (celle du Pont de Mme Marin du Bosquet, celle de la Partie, celle de Saint-Martin). Bois de Saint-MartinLa piste est d’abord confortable puis, sans qu’on s’y attende, Yves la quitte pour un sentier étroit vers le nord, bien à l’ombre, sous les chênes. Petit arrêt après 120 m de dénivelée : il fait chaud ! Nous traversons à gué un modeste affluent de la Font de la Baume.

La Baume est une ancienne et importante ferme du XVII ou XVIIIe siècle qui figure déjà sur la carte de Cassini (1778). Sous la première voûte, une chaise vous attend. Cinq unités d’habitation contiguës y étaient bâties, tout en galets transportés par la Durance d’autrefois ; l’une des habitations prend appui sur le rocher, à l’endroit d’une grotte, d’où le nom de la Baume. Sur les hauteurs, une ancienne voûte a pu protéger une source.

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Revest des Brousses, oppidum Saint-Pierre et Majargues


Paysage typiqueNous retournons à l’oppidum Saint-Pierre et au lieu-dit les Pierres Percées mais en partant du village du Revest1 des Brousses au lieu de Limans (Limans, les Ybourgues et l’oppidum Saint-Pierre). Mêmes paysages : sentier caillouteux, collines ravinées et sous-bois clairsemés.

Le villagecroix au carrefour du chemin Saint-JeanAu premier carrefour, celui de la croix de bois, Yves s’est discrètement absenté pour son travail de geocacheur-poseur. Sur le chemin de Saint-Jean, je regarde en arrière le village concentré autour de son église.

Oppidum Saint-Pierre : la croix de Saint-Jean, Yves Provence

Sur la carte IGN le quartier se nomme Fautriers, du nom d’une ancienne famille de Revest-des-Brousses ayant possédé une grande propriété à cet endroit ; connue depuis le XVIè siècle au moins, cette famille y a toujours des descendants.

Oppidum de Saint-Pierre, l’entre-deux, Yves Provence

pierre percéeC’est là que nous tournons à gauche pour rejoindre le lieu-dit Pierres Percées : je ne suis pas encore certaine de l’origine de ses trous, parfois de part en part, dont la direction ne correspond pas toujours au sens d’écoulement des eaux. Le parc du Luberon contacté par mail, confirme seulement l’environnement karstique ; mais en surface, à l’air libre, c’est la première fois que je vois une telle quantité de pierres percées. Ces morceaux de roches proviennent de calcaires compacts fins et durs. L’eau acide va ronger la roche pour la transformer en véritable gruyère. Je suppose que les eaux de surface ne s’infiltrant pas sur une couche imperméable ont tout loisir d’agir sur la roche calcaire.

Oppidum de Saint-Pierre : les Pierres Percées, Yves Provence

champ de lavandeRuine d'un mur d'oppidumAu champ de lavande, le chemin de Majargues nous mène à l’oppidum dont nous approfondissons la visite : il y a vraiment beaucoup de murs écroulés et des pierres partout que nous devons parfois escalader.

Oppidum de Saint-Pierre, Yves Provence

Borne IGN non recenséevue aerienne st pierrePrès du lieu du pique-nique, nous retrouvons la fameuse borne géodésique que l’IGN n’a pas recensée dans sa base de données géodésie ; j’aurai l’explication en contactant un administrateur du site : il s’agit probablement d’une borne posée par les élèves de l’IGN lors de leur stage de formation à Forcalquier.

Oppidum de Saint-Pierre : la borne IGN perdue, Yves Provence

Cabane de pierre sèche au sommet de la colline St-PierreToit de la cabane de pierre sèchePierre percée posée sur le murA quelques mètres, la belle cabane de pierre sèche est entourée d’un modeste jardin ; sur le muret trône une énorme pierre percée ; derrière, se trouve l’ancien village de Majargues dont il ne reste que des ruines de maisons, un lieu pour les chasseurs de pièces et autres objets abandonnés. Ruine de maison MajarguesCependant, sous la végétation, nous repérons une ancienne cave (?) mais pas de trace de l’église Saint-Pierre qui constituait au Moyen Âge, un des trois pôles religieux de ce secteur le long de la Laye, aux côtés de l’église du village actuel de Limans et de l’église Saint-Vincent, située en plaine et désormais disparue.

L’église de Majargues apparut encore à l’époque moderne, attestant au moins de sa longévité. […].
En revanche, l’éminence de Majargues abrita sans doute une fortification médiévale associée à un sanctuaire. Espace religieux et espace politique en pays provençal au Moyen Age (IXe-XIIIe siècles). L’exemple de Forcalquier et de sa région, Mariacristina Varano, Archeologie et Prehistoire. Universite de Provence – Aix-Marseille I, 2011

Vue sur Lure, Yves Provence

LureVéhicule abandonné...Après le pique-nique, nous reprenons notre chemin par Vironges sans oublier de nous arrêter pour le point de vue sur la montagne de Lure. Rencontre avec les champs de lavande, la retenue de la Laye qui brille au soleil, puis, plus incongrue, avec un vieux véhicule abandonné et rouillé.

Ferme des Hautes PlainesAu niveau du domaine des Hautes-Plaines, Yves coupe à travers champs pour retrouver un carrefour de pistes qui me rappelle un lieu que j’ai déjà vu en 2012, lors d’une randonnée à thème sur la résistance : sur les traces de René Char. Yves auréoléDu point de vue dominant la vallée, je me rappelle bien qu’à l’ouest, sur la commune de Simiane-la-Rotonde, un avion anglais avait pris feu en mai 1944 : ses débris s’y trouvent toujours (pour s’y rendre : le crash de l’avion anglais). J’immortalise Yves, tout auréolé de branches, tel le phénix des accompagnateurs.

Point de vue depuis les Hautes-Plaines

Qui s’est aperçu que nous n’étions pas loin d’une cache ?

Laissant le groupe se reposer, nous rejoignons rapidement la crête de Jacques, posée par Whitedogs qui souhaitait que nous admirions le point de vue.

Revest-des-Brousses, village pauvre des Basses-Alpes, a ouvert très tôt sa première école (1601) ; sans doute ses habitants souhaitaient-ils à leurs enfants une vie moins difficile que la leur, eux qui étaient obligés d’émigrer durant plusieurs semaines, à Marseille, Aix ou leurs environs, le temps des moissons, pour gagner leur vie.

Le ViguierPigeonnier du ViguierRetour par le même chemin mais arrêt au lieu dit le Viguier ; la toponymie nous aide : c’est sans doute dans cette maison qu’habitait le juge qui rendait la justice au nom des comtes, puis du roi. En bien mauvais état, mais je peux identifier un  pigeonnier. Selon le site genobco. Pierre de Mathieu du Revest, seigneur de Le Revest des Brousses vers 1450-1531, marié avec Dauphine de Vachères du Revest vers 1450, était viguier. La famille Mathieu est toujours représentée au village.

Coup d’oeil sur le château de Pontevès avant de rejoindre le parking.

Image de l’itinéraire 13km940, 405m dénivelée (+560, -560), 2h30 déplacement (6h au total)

1Revest : versant d’une montagne privée de soleil