Rognes, le Foussa


Petite pluie pour une petite exploration qu’il faut néanmoins faire avec de bonnes chaussures. Le Foussa, avec son ex-voto sculpté dans la pierre que l’on voit de loin, c’est l’emblème de Rognes. Difficile à croire mais j’ai réussi à me perdre, la première fois du moins, je n’ai pas réussi à partir de l’ouest (escalier saint-Martin) et à revenir par l’est (rue du Cégarès). Le toponyme de Foussa (= fossé) n’apparaît qu’au XVIIe siècle, à l’issue du démantèlement de la citadelle ordonné par Henri IV, quand de violentes batailles opposaient protestants, ligueurs et royalistes. Il ne restait plus, à l’époque classique, que le fossé comblé.

L’insécurité du Haut Moyen-Age fait remonter les populations sur les hauteurs, sur  l’actuel Foussa, berceau du village historique. Un autel de marbre du Ve siècle déposé dans l’église paroissiale, prouve que le lieu était occupé depuis longtemps.

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Le Foussa par Saint-Martin (ouest)

Depuis le grand parking à l’entrée en venant d’Aix, avant la chapelle Saint-Denis

On grimpe par un escalier de pierre (Saint-Martin) qui tourne à angle droit vers la gauche puis, vers la droite, passant devant la première maison troglodytique et sa cave, et plus loin sous la Vierge gravée dans la pierre. Le premier rempart était construit sur le rocher au-dessus des maisons. Les trous de boulins sur le mur de la forteresse permettent le scellement des poutres de soutènement de planchers.

La Vierge du Foussa, ex-voto géant, le plus grand du monde (6 m de diamètre) selon l’association Les Amis  de Rognes a été réalisé par Raymond Servian (1903 – 1953), sculpteur monumental. Un comité local présidé par le Père Cottin récolte des fonds pour la réalisation de cette œuvre en 1946 ; les habitants remercient la Vierge de les avoir presque tous épargnés lors de la seconde guerre mondiale. La photo ci-contre a été retouchée : l’accès à la Vierge est protégé par un cordon métallique.
Le sculpteur ne gagnera pas le concours du plus grand monument aux morts à Marseille : celui de la corniche en hommage à l’armée d’Orient et des terres lointaines.

Lors du tremblement de terre du 11 juin 1909, presque toutes les maisons du Foussa, construites sans fondations, s’effondrent. Les sinistrés sont hébergés sur place.

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Découverte de Ponteau, Martigues


Suite à la parution d’un article dans la Provence du 16 mai 2021, nous avons décidé de tenter une visite des ruines du château de Ponteau, racheté en 1964 par l’industriel Naphtachimie (Filiale de Total Raffinage Chimie et INEOS). C’est André qui a préparé le circuit. C’est une zone de raffineries, de hautes cheminées, de vestiges militaires, pylônes à haute tension, qui contraste avec l’environnement naturel. Mais c’est aussi cela les Bouches-du-Rhône. Nous stationnons au croisement du chemin des Crottes1 et de la route de Ponteau.

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On apprend beaucoup de choses en observant la carte de Cassini gravée par Aldring en 1779 : le port et le château de Ponteau existent mais la chapelle romane Saint-Martin est déjà ruinée : le monument est représenté incliné et non debout ! Les trois Martigues (Ferrière, l’Ile et Jonquière), reliées aux ilots de la passe par un ensemble de petits ponts, sont représentées par une sorte de marguerite au cœur rouge. Quatre moulins dans le quartier Saint-Anne, trois près des Ventrons dont un ruiné, deux à l’est de la Marrane : l’un d’eux est visible en parcourant La boucle des vestiges militaires de Cavalas. La tour de Bouc deviendra un fort, l’étang de Caronte un chenal.
A travers bois, nous rejoignons la voie ferrée ; un accès le long de celle-ci amènerait directement au château mais il est marqué propriété de la société ARKEMA, établissement secondaire de Martigues fermé en 2012, qui fabriquait des produits chimiques inorganiques. Le long de la voie, une longue canalisation de couleur verte – même couleur que celle transportant les boues rouges – court vers Lavéra et la raffinerie de pétrole, une des nombreuses canalisations de transport d’hydrocarbures probablement.
Nous traversons la voie ferrée, 200 m à droite se trouvait la gare de Ponteau dont le bâtiment voyageur a été démonté vers 1988. Toutes les gares de la ligne étaient bâties sur le même modèle, ce qui les rend identifiables même quand elles sont désaffectées.
1904 : la commission d’enquête débute son enquête pour savoir où placer les gares, stations et haltes sur la ligne entre l’Estaque et Miramas. Le sous-préfet, trois maires, deux conseillers généraux et l’ingénieur en chef de la compagnie P.L.M. sont présents. Le maire de Martigues propose que la station Ponteau-Saint-Martin soit placée là où la voie prévue croise le chemin vicinal 12 dit de la Réraille. C’est ainsi que ce chemin remis en état deviendra une route pour desservir la gare. Le Petit Provençal, 31/10/1904
La ligne est inaugurée discrètement en 1915 pendant la première guerre mondiale. Elle témoigne d’une époque, entre prouesses technologiques et mouvements sociaux. La Marseillaise, 30/08/2015, La ligne de la Côte Bleue, Cent ans d’histoire

Nous suivons la voie ferrée au plus près dans le sous-bois, avec à notre droite les résidences du quartier Les Olives ; en direct pendant notre déplacement, je surveille sur mon téléphone la carte IGN pour repérer quand nous serons en face du château de Ponteau. Quelques fleurs rarement rencontrées lors de mes balades : le ciste de Montpellier (et non le ciste cotonneux aux fleurs roses fripées) et l’acanthe à feuilles molles (ci-contre) dont la hampe florale est particulièrement décorative. Au travers d’un rideau d’arbres, nous apercevons une ou deux ruines masquées par de hauts arbres.
Après le contournement d’une petite difficulté, nous dominons les carrières de Ponteau, qui ont fait concurrence à celles de la Couronne au XVIIIe, de même nature géologique. Elles ont servi à construire l’arc de la porte d’Aix à Marseille.

En 1783 un négociant marseillais, André Guieu, rachète Ponteau aux moines, se fait construire une bastide sur les murs de la bastide médiévale et acquiert donc les carrières.

Nous arrivons face à un bâtiment austère : c’est la chapelle romane saint-Martin du XIIIe  mais une chapelle devait exister bien avant puisqu’un privilège du pape Léon VIII datant de 963, en faveur de l’abbaye de Montmajour, confirme diverses possessions dont l’église de Saint-Martin. Face à nous, les ruines du château de Ponteau et entre les deux, la voie ferrée qui a coupé le domaine en deux. Deux jeunes y jouent au pistolet à balle ; connaissant bien les lieux, ils proposent de nous guider jusqu’au château. Après avoir longé la voie ferrée sur quelques mètres, nous passons sous la voie pour arriver dans une zone envahie par la végétation. Ils nous mènent face au château de Ponteau dont la façade est impressionnante 22m sur 7.

Deux auteurs, H. Amouric et F. Feracci, dans leur étude sur l’évolution de la bastide du domaine de Ponteau, grâce à un examen des fenêtres, datent la première construction de la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle. Elle s’est embourgeoisée au fil du temps.

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Le pont-aqueduc romain du Tholonet


Un grand classique que je me décide à reparcourir : c’est la lecture du livre de P. Bernascolle, L’or bleu du Tholonet, LesPressesduMidi, 2019 qui m’a incitée à y retourner, munie d’éléments d’informations nouveaux. Les lieux ont été joliment aménagés par la SCP.

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Je suis partie du cimetière du Tholonet où sont enterrés le peintre André Masson (une sculpture de sa pierre tombale symbolise l’union), son ami, l’historien académicien Georges Duby, Barbara et Léo Marchutz.

J’ai sagement suivi le balisage jaune. Une piste rocheuse qui monte jusqu’à l’aqueduc de Doudon, haut sur pied, où l’eau circule à l’air libre. Là deux pistes possibles : la plus à gauche, et celle en contre-bas qui longe l’aqueduc ; toutes deux finalement rejoignent le GR2013. Un champ d’oliviers sur la droite, la crête de Sainte-Victoire qui émerge au dessus des frondaisons puis je quitte le GR au croisement suivant pour une piste plus petite qui se cache dans les bois.

Blocs rocheux empilés, parois de plus en plus hautes, sentier qui se rétrécit : l’atmosphère n’est plus aussi apaisante. Enfin, je découvre ce qui ressemble à un ‘mur’ (pilier du pont) romain percé de trous de boulins traversants destinés à recevoir les boulins horizontaux pour l’échafaudage. Petit manuel des techniques de la construction romaine, Hélène Dessales, Ecole Normale Supérieure. L’appareil est à moellons parallélépipédiques et disposés en assises horizontales encore en assez bon état.
Plusieurs grosses pierres assurent le chaînage d’angle. Le ‘mur’ (pilier) de l’autre côté est identique. La partie du pont au dessus de la rivière n’existe plus. Les archéologues ont imaginé un pont à deux ou trois rangées d’arches (Franc, 1987, Charrière 1978) ; tout en haut passait l’aqueduc romain de Saint-Antonin sur Bayon qui amenait l’eau dans la ville d’Aix.

Des constructions plus récentes, tel le mur en demi-cercle au pied de l’aqueduc percé de deux écluses. C’était le répartiteur des eaux, construit au XVIIe siècle, servant à canaliser les eaux de la Cause vers les fontaines du château du Tholonet (L’aqueduc romain, Les Amis de Sainte-Victoire). Rive gauche un canal encore visible a probablement été creusé au milieu du XIXe pour irriguer le domaine. En regardant en bas, la hauteur des gorges impressionnante (15m) et leur largeur bien étroite (2m au plus étroit) donnent le vertige. Une cascade abondante passe au dessus du mur.
Certains pensent qu’il y a eu ici un barrage romain. C’est vrai que la situation topographique est étrangement ressemblante à celle des 14 barrages romains au nord du Tage (Portugal) :

Importante variation des précipitations annuelles moyennes : c’est le cas pour la Cause. Utilisation continue de l’eau par la mise en place de barrages fonctionnant « au fil de l’eau » (plusieurs barrages sur la Cause) ; la régularité du débit ainsi exploité est obtenue grâce à une alimentation par de petits aquifères latéraux (C’est le cas des nombreux petits affluents de la Cause). Les barrages servent alors à réguler. Selon Barrages romains du Portugal, Types et fonctions, António C. Quintela et José Manuel de Mascarenhasp. 17-38

En 1864, un dessin du peintre Benoit Blanc dit Benoni, amateur de géologie, représente ce mur en grand appareil mais l’a-t-il vu ou imaginé ? Henri Mouren en 1882, évoque un ancien barrage, De Villeneuve un barrage mais pas un pont, et Prosper Mérimée un barrage et un pont-aqueduc. Le lac est envasé depuis longtemps, la cascade alimentait déjà le moulin au XIIIe : avant le barrage Zola les sédiments étaient retenus à ce niveau. Si on ajoute à cela un soubassement de mur en grand appareil, un déversoir de crue, la forme arrondie du mur, les entailles rive droite repérés par P. Bernascolle, un barrage romain existait probablement.
Un tel ouvrage pour quel usage et quelle destination vu que ce ne peut être pour Aix ? des villae, l’irrigation, un complexe industriel ou… le domaine de la Morée (selon P. Bernascolle) ?


Vidéo amateur du pont-aqueduc romain

Je cherche un moment le meilleur endroit pour traverser la rivière mais dans tous les cas, je me mouillerai un peu les pieds tandis qu’un cycliste gaillardement le traverse en m’éclaboussant  au passage ; le canal rive droite file vers le château. Le sentier grimpe raide jusqu’au dessus du château et ses jardins. Puis le sentier longe les restes de l’aqueduc romain dans le talus.

Le sentier descend progressivement jusqu’au chemin de la Paroisse ; dans le château, une vieille roue à augets, une turbine Pelton (merci Emmanuel).

La turbine a été mise en place dans les douves du château pour le 60e anniversaire de la Société : elle avait été bricolée pour créer un jet d’eau. Cette turbine servait à faire de l’électricité depuis une chute d’eau. B. Sabatier, SCP

Rejoindre le parking du cimetière se fera en bordure de la route Cézanne, mais protégé tout de même : d’abord côté droit (sentier le long de la route) jusqu’au château puis côté gauche sur trottoir en passant devant l’église.

A l’entrée du chemin de Doudon, se trouve une effigie de bronze de Paul Cézanne modelé par Gabriel Sterk et incrusté dans ce qui ressemble à une borne. Lors de l’inauguration en 2007, présidée par Andrea Ferreol, une chanson dédiée au peintre, écrite par Franck Thomas et Tony Rallo, a été interprétée par les petits Chanteurs d’Aix.

Le moulin Cézanne employait six ouvriers et produisait 100 quintaux de farine par jour. Ce sont les Compagnons du  Devoir de Marseille qui ont refait la charpente en lattes de sa toiture conique. Guy Ballossier, La Route Cézanne, route classée, Editions Flâneries, 2009

Le premier étage a conservé sa facture ancienne en pierres calcaires. La potence servant à hisser les sacs de farine au grenier est toujours en place avec son anneau, sa tige et son bras de support. Il sert pour les expositions de peintres régionaux.

Une randonnée courte pour les gens pressés et curieux !

Image de l’itinéraire 3km970 1h40 119m dénivelée (+233, -233)

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