Le pont-aqueduc romain du Tholonet


Un grand classique que je me décide à reparcourir : c’est la lecture du livre de P. Bernascolle, L’or bleu du Tholonet, LesPressesduMidi, 2019 qui m’a incitée à y retourner, munie d’éléments d’informations nouveaux. Les lieux ont été joliment aménagés par la SCP.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Je suis partie du cimetière du Tholonet où sont enterrés le peintre André Masson (une sculpture de sa pierre tombale symbolise l’union), son ami, l’historien académicien Georges Duby, Barbara et Léo Marchutz.

J’ai sagement suivi le balisage jaune. Une piste rocheuse qui monte jusqu’à l’aqueduc de Doudon, haut sur pied, où l’eau circule à l’air libre. Là deux pistes possibles : la plus à gauche, et celle en contre-bas qui longe l’aqueduc ; toutes deux finalement rejoignent le GR2013. Un champ d’oliviers sur la droite, la crête de Sainte-Victoire qui émerge au dessus des frondaisons puis je quitte le GR au croisement suivant pour une piste plus petite qui se cache dans les bois.

Blocs rocheux empilés, parois de plus en plus hautes, sentier qui se rétrécit : l’atmosphère n’est plus aussi apaisante. Enfin, je découvre ce qui ressemble à un ‘mur’ (pilier du pont) romain percé de trous de boulins traversants destinés à recevoir les boulins horizontaux pour l’échafaudage. Petit manuel des techniques de la construction romaine, Hélène Dessales, Ecole Normale Supérieure. L’appareil est à moellons parallélépipédiques et disposés en assises horizontales encore en assez bon état.
Plusieurs grosses pierres assurent le chaînage d’angle. Le ‘mur’ (pilier) de l’autre côté est identique. La partie du pont au dessus de la rivière n’existe plus. Les archéologues ont imaginé un pont à deux ou trois rangées d’arches (Franc, 1987, Charrière 1978) ; tout en haut passait l’aqueduc romain de Saint-Antonin sur Bayon qui amenait l’eau dans la ville d’Aix.

Des constructions plus récentes, tel le mur en demi-cercle au pied de l’aqueduc percé de deux écluses. C’était le répartiteur des eaux, construit au XVIIe siècle, servant à canaliser les eaux de la Cause vers les fontaines du château du Tholonet (L’aqueduc romain, Les Amis de Sainte-Victoire). Rive gauche un canal encore visible a probablement été creusé au milieu du XIXe pour irriguer le domaine. En regardant en bas, la hauteur des gorges impressionnante (15m) et leur largeur bien étroite (2m au plus étroit) donnent le vertige. Une cascade abondante passe au dessus du mur.
Certains pensent qu’il y a eu ici un barrage romain. C’est vrai que la situation topographique est étrangement ressemblante à celle des 14 barrages romains au nord du Tage (Portugal) :

Importante variation des précipitations annuelles moyennes : c’est le cas pour la Cause. Utilisation continue de l’eau par la mise en place de barrages fonctionnant « au fil de l’eau » (plusieurs barrages sur la Cause) ; la régularité du débit ainsi exploité est obtenue grâce à une alimentation par de petits aquifères latéraux (C’est le cas des nombreux petits affluents de la Cause). Les barrages servent alors à réguler. Selon Barrages romains du Portugal, Types et fonctions, António C. Quintela et José Manuel de Mascarenhasp. 17-38

En 1864, un dessin du peintre Benoit Blanc dit Benoni, amateur de géologie, représente ce mur en grand appareil mais l’a-t-il vu ou imaginé ? Henri Mouren en 1882, évoque un ancien barrage, De Villeneuve un barrage mais pas un pont, et Prosper Mérimée un barrage et un pont-aqueduc. Le lac est envasé depuis longtemps, la cascade alimentait déjà le moulin au XIIIe : avant le barrage Zola les sédiments étaient retenus à ce niveau. Si on ajoute à cela un soubassement de mur en grand appareil, un déversoir de crue, la forme arrondie du mur, les entailles rive droite repérés par P. Bernascolle, un barrage romain existait probablement.
Un tel ouvrage pour quel usage et quelle destination vu que ce ne peut être pour Aix ? des villae, l’irrigation, un complexe industriel ou… le domaine de la Morée (selon P. Bernascolle) ?


Vidéo amateur du pont-aqueduc romain

Je cherche un moment le meilleur endroit pour traverser la rivière mais dans tous les cas, je me mouillerai un peu les pieds tandis qu’un cycliste gaillardement le traverse en m’éclaboussant  au passage ; le canal rive droite file vers le château. Le sentier grimpe raide jusqu’au dessus du château et ses jardins. Puis le sentier longe les restes de l’aqueduc romain dans le talus.

Le sentier descend progressivement jusqu’au chemin de la Paroisse ; dans le château, une vieille roue à augets, une turbine Pelton (merci Emmanuel).

La turbine a été mise en place dans les douves du château pour le 60e anniversaire de la Société : elle avait été bricolée pour créer un jet d’eau. Cette turbine servait à faire de l’électricité depuis une chute d’eau. B. Sabatier, SCP

Rejoindre le parking du cimetière se fera en bordure de la route Cézanne, mais protégé tout de même : d’abord côté droit (sentier le long de la route) jusqu’au château puis côté gauche sur trottoir en passant devant l’église.

A l’entrée du chemin de Doudon, se trouve une effigie de bronze de Paul Cézanne modelé par Gabriel Sterk et incrusté dans ce qui ressemble à une borne. Lors de l’inauguration en 2007, présidée par Andrea Ferreol, une chanson dédiée au peintre, écrite par Franck Thomas et Tony Rallo, a été interprétée par les petits Chanteurs d’Aix.

Le moulin Cézanne employait six ouvriers et produisait 100 quintaux de farine par jour. Ce sont les Compagnons du  Devoir de Marseille qui ont refait la charpente en lattes de sa toiture conique. Guy Ballossier, La Route Cézanne, route classée, Editions Flâneries, 2009

Le premier étage a conservé sa facture ancienne en pierres calcaires. La potence servant à hisser les sacs de farine au grenier est toujours en place avec son anneau, sa tige et son bras de support. Il sert pour les expositions de peintres régionaux.

Une randonnée courte pour les gens pressés et curieux !

Image de l’itinéraire 3km970 1h40 119m dénivelée (+233, -233)

Télécharger la trace

Sur les traces de l’ancien canal du Verdon depuis Puyricard : retour par le castellas


En revenant de ma précédente balade au bord du canal du Verdon, j’aperçois depuis la route du Seuil, sur une éminence côté gauche, une haute ruine émergeant des arbres, étonnante pour un ancien petit village autrefois indépendant d’Aix-en-Provence. J’ai tout de suite eu envie de m’en approcher. Aujourd’hui, je pars donc du lotissement près du château d’eau (parking prévu impasse des cigalons, près d’une pharmacie) et tenterai de m’en rapprocher.

A travers le lotissement et ses impasses étroites entre deux maisons, je rejoins l’ancien canal du Verdon (canal de la Trévaresse aujourd’hui), presque totalement couvert à partir du bassin de régulation de Puyricard. Après avoir coupé le chemin de la Simone, je le retrouve à l’air libre, conforme à ce qu’il est du côté du cimetière du Grand Saint-Jean, avec des parois verticales et peu d’eau. Des tuyaux noirs en travers du canal permettraient-ils de traverser en jouant les équilibristes, comme le pense un enfant passant par là ?

Le tuyau en travers du canal sur la photo 590 permet aux eaux pluviales qui s’accumulent le long du mur de droite de pouvoir franchir le canal et continuer leur chemin le long de la pente générale du terrain. L’ensemble du linéaire de canaux géré par la SCP est protégé du ruissellement des eaux pluviales de cette manière.  Une partie de l’eau transportée étant destinée à la consommation, il est important de protéger nos ouvrages du ruissellement de manière à ne pas dégrader la qualité de l’eau par des apports pluviaux. Bernard Sabatier du service Patrimoine de la SCP

Côté gauche, des escaliers avec une corde en guise de garde-corps, donnent accès à la propriété en contre-bas. Après la martelière, je rejoins le chemin de la Fauchonne traversé par le canal mais barré et fermé à clé à l’endroit de la propriété éponyme : il me faut donc la contourner et le retrouver de l’autre côté sur le chemin de Mikely, très peu passant. Ce sieur Michaëlis, au début du XVIIe, louait ce qui restait du vieux château de Puyricard pour y stocker ses récoltes.

Je retrouve les abords du canal qui traverse des propriétés privées : il ne faut surtout pas s’éloigner de la berge. Un pont permet de passer sur l’autre rive puis la route du Seuil et le portail du domaine de Saint Julien les Vignes.
Cette route bordée de vignes est quand même un peu plus fréquentée que les chemins pris auparavant. Au loin la chaîne de l’Etoile.

Chemin de Plumo gau (plume du coq ?) et l’oratoire de la Vierge Noire daté du XXe siècle.
La Vierge est couronnée, un ange à ses pieds et une rose accrochée au barreau de la niche.

Les vierges noires sont le plus souvent taillées dans du bois sombre ou noirci et génèrent souvent une forte dévotion populaire. Il y en a : dans le centre d’Aix rue Esquicho Coude, à Embrun, Notre Dame de Romigier à Manosque découverte dans un buisson de ronces, Goult, celle du XIIIe en bois de noyer de l’abbaye de Saint-Victor à Marseille, celle de Cogolin déplacée du chemin baptisé du nom que l’on donne aux femmes de petite vertu (chemin de la radasse1) à celui de Notre-Dame-des-Anges, etc. Les vierges noires de Provence

Sur la petite éminence, les ruines d’une haute bâtisse émergent des arbres ; en fond, Sainte-Victoire sous les lignes électriques : celui qui demeurait là bénéficiait donc d’une vue imprenable sur notre montagne ; au pied de celle-ci, des moutons paissent tranquillement enfermés dans une barrière souple. Voilà le castellas, ancien castrum de Puyricard du XIIIe, fouillé par Ariane Aujaleu, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Château Grimaldi, 155, chemin du château d’Alphéran, Archéologie médiévale, 45 | 2015, 164-165, et le château Grimaldi dont l’appellation actuelle est due aux réaménagements tardifs du cardinal de Grimaldi (°1597-+1685).

Héritier d’une illustre famille génoise, Jérôme GrimaldiGirolamo Grimaldi-Cavalleronisuccède à Michel Mazarin. Réputé austère, ami des Arts et de l’Antiquité, il se fait construire un château de proportions considérables à Puyricard ; il était seigneur majeur à Aix, au Puy Sainte-Réparade, Jouques et Puyricard. Il tient des conférences, installe la confrérie de pénitents gris en 1677 et favorise l’installation d’ermites comme celui du Prieuré de Sainte-Victoire :

Messire Jean Aubert, […] ayant eu dessein de renouveller la dévoction quy estoit autreffois de toutte anciennetté à l’hermitage estant sur le rocher apellé vulgairement Ste Venture [ndlr : sainte Victoire], […] d’en establir une nouvelle soulz le tiltre Nostre-Dame de la Victoire, [à faire] retraicte audict hermittage, en suitte de la permission que luy en fut donnée par Monseigneur l’Eminentissime cardinal Grimaldy, Archevesque dud-Aix. 1664-03-05 305 E 243 AD aix Nre reinaud

De la somptueuse demeure de trois étages (quatre niveaux) avec au-dessus une terrasse et deux belvédères, il n’en reste que deux en ruine, et la chapelle dont le maître-autel est dans l’église paroissiale de Puyricard et le tableau du Rédempteur transféré à Saint-Sauveur.

Elle a été construite sur un sanctuaire médiéval (Provence Historique, MMSH1980) dont il restait la chapelle latérale droite avec une pierre datée 1546 ; dans son testament Grimaldi écrit : Je donne Lignane au Séminaire à condition de dire une messe […] dans l’église que j’ai fait rebâtir à Puyricard. Congrès des sociétés savantes de Provence (1906 ; Marseille), Congrès des sociétés savantes de Provence, 1907

Le premier étage, celui du cardinal, comportait des carreaux et cheminées de marbre, un billard à la mode à cette époque. Il y avait également une pharmacie (qui servit à soigner les nécessiteux), une bergerie, une glacière, un pigeonnier (visible depuis la route du Seuil ou depuis le champ), une orangerie et des parterres. Une allée de peupliers faisait le tour du domaine.

Continuer la lecture de Sur les traces de l’ancien canal du Verdon depuis Puyricard : retour par le castellas

Du château de la Barben à la chapelle de Sufferchoix


Juin 2021 : le parking ci-dessous est désormais privé (propriété du nouvel acquéreur du château et du spectacle Rocher Mistral) ; se garer sur le parking du zoo

Départ du parking près du château de La Barben, château que je n’ai jamais visité, me contentant d’un arrêt au zoo juste avant. Le parking du départ de la randonnée se trouve après le zoo et le pont du château sur la Touloubre ; quand j’y suis retournée deux semaines plus tard, le parking était marqué ‘privé’. Ce changement précède sans doute les travaux d’aménagement pour le projet de parc d’attractions ‘le Rocher Mistral’. Le nouveau propriétaire Vianney d’Alançon compte développer des spectacles vivants inspirés de l’histoire du site et d’œuvres d’écrivains et poètes comme Frédéric Mistral, Alphonse Daudet, Jean Giono, Marcel Pagnol. Comme au Puy du Fou, il fera appel à des bénévoles pour les spectacles.

Projet Rocher Mistral sur le journal 20-minutes

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Notre randonnée débute le long du Lavaldenan, une rivière bordée de hauts arbres garantissant la fraicheur ; les abords sont dominés par les classiques chênes pubescents et chênes verts mais plutôt de grande taille. En 1813, le Lavaldenan s’appelait le Vabre : comment est-on passé de l’un à l’autre ? A mi-distance entre deux boucles de la rivière, une petite mais massive construction carrée attise notre curiosité. Ce pourrait être un abri  rustique pour garde assermenté – il en existe encore un à la Barben ou un poste de chasse.

La montée jusqu’au quartier de l’Homme Mort commence raide sur le rocher ; au premier carrefour de pistes, nous continuons vers le nord puis, sur le plateau, en sous-bois, nous prenons le sentier sous la chapelle de Sufferchoix, notre objectif. Bien avant de la voir en grand, on reconnait au loin sa forme ronde et son clocher en forme de pyramide. Dans cet endroit bien isolé, curieuse découverte que cette chapelle moderne, construite sur une butte, dans une ancienne propriété rurale ;  c’est une propriété privée mais toutefois l’autorisation de visiter la chapelle est accordée facilement auprès de la direction .

Selon les périodes, sur les cartes, j’ai trouvé Sufrechon, Sufrachoix ou Sufrechoix, Sufrechoy, Sufferchoix. Peut-on rapprocher ce toponyme du provençal soufrachou (=souffreteux) ou du bailli de Suffren, né dans la commune limitrophe de Saint-Cannat ? au début du XIXe cet ancien domaine rural appartenait à la famille d’André Balthasard Ricard ; à sa mort, le domaine est démantelé entre tous les héritiers (Jérôme, Gilles, Adélaïde fille de Gilles, Louis, Gaspard, André, Jean-Baptiste) ; Gaspard obtient le premier étage d’une maison, Jérôme l’étage d’une seconde, Gilles les deux étages d’une troisième. A côté du bâtiment rural, l’écurie, à côté d’un autre une cour murée et un four qui, d’après le plan, devait se trouver dans la tour ronde devenue pigeonnier. Dans ce contexte le domaine ne pouvait garder longtemps sa vocation agricole.
Depuis 1980, c’est le Foyer de Charité de Marseille qui s’y est installé ; de nombreuses constructions autour du noyau ancien ont transformé le domaine rural en lieu de retraite spirituelle, éloignée de la civilisation et dans le calme de la nature environnante.

La mission principale des Foyers de Charité est de participer à la nouvelle évangélisation par la prédication de retraites spirituelles ouvertes à tous.

Les foyers de la charité au bord de l’implosion

[L’oratoire de la Vierge Marie] date de 1986 et se situe à Sufferchoix. Il fut dessiné par Pierre Gazhanes, construit par Jean Boyer et quelques bénévoles des Amis du Vieux Lambesc. Fait de pierres sèches, sa toiture ressemble à un ancien four à pain. Route des oratoires. Juste en face de l’oratoire sur la petite route allant vers Lambesc se trouve un ancien puits dont l’eau alimente toujours le foyer… Manou a trouvé un ancien rouleau servant à dépiquer1 le grain, bien loin de l’aire de battage qui se trouvait derrière la chapelle. Photos dans la bulle de Manou

Autour de la maison, une vaste étendue de pinèdes et de garrigue offre de nombreux sentiers pour la promenade ou la détente, dans un calme absolu… sauf quand passe le TGV, 20 m en dessous du foyer.

Pour le retour, André propose un sentier qui passe sur l’ancien domaine de chasse des seigneurs de Forbin.

Ils sont propriétaires du château de la Barben depuis le XVe siècle. C’est la femme de Claude Melchior de Forbin la Barben – pour un mariage de raison, il était allé la chercher dans les Alpes-Maritimes – qui hérite des terres en 1854 : elle s’appelait Marie Pauline Véronique du Creps de Saint-Césaire (cadastre napoléonien état de section B). Généalogie de la famille Forbin.

Continuer la lecture de Du château de la Barben à la chapelle de Sufferchoix