Découverte de Ponteau, Martigues


Suite à la parution d’un article dans la Provence du 16 mai 2021, nous avons décidé de tenter une visite des ruines du château de Ponteau, racheté en 1964 par l’industriel Naphtachimie (Filiale de Total Raffinage Chimie et INEOS). C’est André qui a préparé le circuit. C’est une zone de raffineries, de hautes cheminées, de vestiges militaires, pylônes à haute tension, qui contraste avec l’environnement naturel. Mais c’est aussi cela les Bouches-du-Rhône. Nous stationnons au croisement du chemin des Crottes1 et de la route de Ponteau.

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On apprend beaucoup de choses en observant la carte de Cassini gravée par Aldring en 1779 : le port et le château de Ponteau existent mais la chapelle romane Saint-Martin est déjà ruinée : le monument est représenté incliné et non debout ! Les trois Martigues (Ferrière, l’Ile et Jonquière), reliées aux ilots de la passe par un ensemble de petits ponts, sont représentées par une sorte de marguerite au cœur rouge. Quatre moulins dans le quartier Saint-Anne, trois près des Ventrons dont un ruiné, deux à l’est de la Marrane : l’un d’eux est visible en parcourant La boucle des vestiges militaires de Cavalas. La tour de Bouc deviendra un fort, l’étang de Caronte un chenal.
A travers bois, nous rejoignons la voie ferrée ; un accès le long de celle-ci amènerait directement au château mais il est marqué propriété de la société ARKEMA, établissement secondaire de Martigues fermé en 2012, qui fabriquait des produits chimiques inorganiques. Le long de la voie, une longue canalisation de couleur verte – même couleur que celle transportant les boues rouges – court vers Lavéra et la raffinerie de pétrole, une des nombreuses canalisations de transport d’hydrocarbures probablement.
Nous traversons la voie ferrée, 200 m à droite se trouvait la gare de Ponteau dont le bâtiment voyageur a été démonté vers 1988. Toutes les gares de la ligne étaient bâties sur le même modèle, ce qui les rend identifiables même quand elles sont désaffectées.
1904 : la commission d’enquête débute son enquête pour savoir où placer les gares, stations et haltes sur la ligne entre l’Estaque et Miramas. Le sous-préfet, trois maires, deux conseillers généraux et l’ingénieur en chef de la compagnie P.L.M. sont présents. Le maire de Martigues propose que la station Ponteau-Saint-Martin soit placée là où la voie prévue croise le chemin vicinal 12 dit de la Réraille. C’est ainsi que ce chemin remis en état deviendra une route pour desservir la gare. Le Petit Provençal, 31/10/1904
La ligne est inaugurée discrètement en 1915 pendant la première guerre mondiale. Elle témoigne d’une époque, entre prouesses technologiques et mouvements sociaux. La Marseillaise, 30/08/2015, La ligne de la Côte Bleue, Cent ans d’histoire

Nous suivons la voie ferrée au plus près dans le sous-bois, avec à notre droite les résidences du quartier Les Olives ; en direct pendant notre déplacement, je surveille sur mon téléphone la carte IGN pour repérer quand nous serons en face du château de Ponteau. Quelques fleurs rarement rencontrées lors de mes balades : le ciste de Montpellier (et non le ciste cotonneux aux fleurs roses fripées) et l’acanthe à feuilles molles (ci-contre) dont la hampe florale est particulièrement décorative. Au travers d’un rideau d’arbres, nous apercevons une ou deux ruines masquées par de hauts arbres.
Après le contournement d’une petite difficulté, nous dominons les carrières de Ponteau, qui ont fait concurrence à celles de la Couronne au XVIIIe, de même nature géologique. Elles ont servi à construire l’arc de la porte d’Aix à Marseille.

En 1783 un négociant marseillais, André Guieu, rachète Ponteau aux moines, se fait construire une bastide sur les murs de la bastide médiévale et acquiert donc les carrières.

Nous arrivons face à un bâtiment austère : c’est la chapelle romane saint-Martin du XIIIe  mais une chapelle devait exister bien avant puisqu’un privilège du pape Léon VIII datant de 963, en faveur de l’abbaye de Montmajour, confirme diverses possessions dont l’église de Saint-Martin. Face à nous, les ruines du château de Ponteau et entre les deux, la voie ferrée qui a coupé le domaine en deux. Deux jeunes y jouent au pistolet à balle ; connaissant bien les lieux, ils proposent de nous guider jusqu’au château. Après avoir longé la voie ferrée sur quelques mètres, nous passons sous la voie pour arriver dans une zone envahie par la végétation. Ils nous mènent face au château de Ponteau dont la façade est impressionnante 22m sur 7.

Deux auteurs, H. Amouric et F. Feracci, dans leur étude sur l’évolution de la bastide du domaine de Ponteau, grâce à un examen des fenêtres, datent la première construction de la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle. Elle s’est embourgeoisée au fil du temps.

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Réclavier, vallon du Pin


Départ à côté de la quatrième gare de Meyrargues, celle de Réclavier, halte voyageurs sur la ligne Marseille-Briançon dont le train s’arrêtait ensuite à la première gare de Meyrargues, non loin de l’auberge des 3 gares ; la seconde, devenue propriété privée, c’est le départ de la ligne Central-Var de la Compagnie des Chemins de Fer du Sud de la France Meyrargues-Nice. La troisième gare, c’est le départ de la ligne ‘BdR’ Arles-Meyrargues de la Compagnie des Chemins de Fer Régionaux des Bouches du Rhône. Réclavier n’est plus desservie ; une seule gare demeure en service à Meyrargues sur la ligne vers les Alpes.

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En crapahutant derrière la halte de Réclavier, on peut voir l’entrée du tunnel et ce qui fut probablement un réservoir d’eau pour les machines à vapeur.

Ce tunnel cachait un canon à longue portée sur rail en 1944. Ses obus de 255 kg devaient pilonner la flotte qui tenterait d’attaquer par Marseille (40 km à vol d’oiseau ; un obus ordinaire pesait 5 kg).
Les Allemands firent des tirs de calibration : un observateur sur la côte téléphonait la position des impacts en mer pour parfaire les réglages.
Un témoignage écrit nous apprend que les détonations affolaient le bétail au Puy-Ste-Réparade (8 km à vol d’oiseau).
Bataille de Peyrolles (20/08/1944), montage vidéo par Claude M.

Il faut suivre la route qui longe la voie mais j’ai pu profiter d’un passage entre deux rangées d’arbres ; sur la droite, la carrière de Réclavier, plate-forme de recyclage qui bénéficie, d’une installation spécifique de tri, qui permet d’accueillir et de revaloriser les matériaux de déconstruction du BTP et les bennes à gravats des déchetteries. Durance Granulats

Un peu plus loin, une fontaine Bayard délivre encore de l’eau fraîche par un robinet moderne, bien pratique pour remplir sa gourde. Etait-ce la fontaine publique du quartier ? Elle puise sûrement son eau dans le Grand Vallat. Elle se situe en bordure de la propriété Lameinaud de 1813, mais celle-ci s’écrit l’Ameynaud de l’autre côté du Grand Vallat… puis Lamenaude en 1950. On écrivait les toponymes, comme on les entendait !

Je traverse la voie ferrée sur un passage à niveau non gardé ; la piste n’est fréquentée que par les riverains. Puis c’est la montée par le vallon du Pin le long de propriétés privées bien à l’abri des regards. Enfin, un chemin sans goudron continue de monter jusqu’à la cote 397 où je fais une petite pause. Les gorges du Pas de l’Etroit se devinent derrière les arbres.

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Vestiges de la branche nord de l’aqueduc romain d’Arles


Les stéphanois débarquent à l’heure sur le petit parking de l’aqueduc de Barbegal à Fontvieille. C’est Jean-Claude, président de l’association Forez-Jarez  qui animera la visite. J’arrive la première sur le petit parking près du double aqueduc qui mène à la meunerie industrielle romaine de Barbegal déjà visitée plusieurs fois. Ci-contre la carte des aqueducs établie par M. Borely, CNRS.

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Dans le vallon des Grands Arcs, certaines arches sont encore debout, à d’autres endroits on voit le canal et même l’enduit. Ultérieurement, l’aqueduc a été consolidé. On voit bien deux aqueducs côte à côte ; au sol la marque en creux d’un assemblage de gros blocs de pierres en queue d’aronde.

A l’approche de la Pèiro Traucado (pierre percée), côté droit la branche de l’aqueduc d’Arles se sépare de l’autre ; ils vont converger un peu plus loin. Le site de la meunerie industrielle de Barbegal, alimentée en eau au 2e siècle, est difficilement identifiable sans la maquette sous les yeux. Elle se situait dans une enceinte dont il reste un bout de mur dans la partie inférieure. Un escalier monumental au milieu et de chaque côté une série de 8 biefs l’un au-dessus de l’autre. Les chambres de mouture abritaient les mécanismes. Selon les niveaux, la meule se trouvait à l’étage supérieur ou inférieur de la chambre, la transmission se faisant de bas en haut ou de haut en bas. Ce dispositif permettait de placer un maximum de chambres dans la pente. Les eaux étaient évacuées par un émissaire voûté long de 20,10 m dans un fossé de 5 m de long à l’extérieur de l’enceinte.

Les moulins, J. Lucas

Dans un travail venant de paraître (2018), cinq chercheurs Gül Sürmelihindi, Philippe Leveau, Christoph Spötl, Vincent Bernard et Cees W. Passchier) , The second century CE Roman watermills of Barbegal : Unraveling the enigma of one of the oldest industrial complexes, Science Advances, September 2018, 4, 8  p. suggèrent une production de biscuits de mer1. Disponible en français sur le site Persée. C’est en étudiant les dépôts de carbonate précipités à partir de l’eau qu’ils ont fait cette déduction :

Les dépôts de carbonate précipités à partir de l’eau pendant le fonctionnement des moulins, forment des moulages sur le bois. Ces moulages sont préservés et fournissent des informations uniques sur la fréquence d’utilisation et de maintenance des moulins, et même sur la structure des chambres de la roue hydraulique. Les séries chronologiques d’isotopes stables des gisements de carbonate révèlent que l’activité de l’usine était régulièrement interrompue pendant plusieurs mois. Cela suggère fortement que le complexe de la minoterie n’était pas utilisé pour fournir régulièrement de la farine à un grand centre de population, comme on le pensait auparavant, mais servait probablement à produire du biscuit de mer non périssable pour les ports à proximité.

Jean-Claude nous emmène 300 m plus loin, sur le lieu du bassin de convergence, soigneusement recouvert après les fouilles (photo ci-contre JCL). Avant la construction des moulins, il assurait la convergence des deux branches de l’aqueduc d’Arles.

Une prise d’eau située à quelques mètres du bassin dérivait vers une nouvelle conduite les eaux venues de la branche orientale désormais affectée aux moulins. […] Contrairement à ce qui avait été proposé à la suite des fouilles de F. Benoit, les moulins ne datent pas de la fin de l’Antiquité, mais sont contemporains de l’apogée de la cité d’Arles. Selon Philippe Leveau, texte publié en 2008 sur le site  du club de randonnées fontvieillois

Par un sentier sinueux et étroit nous rejoignons la route D33 que nous remontons sur quelques mètres : l’aqueduc est parfaitement visible et accessible depuis la route.

Après le pique-nique sous les oliviers, nous prenons la route D82 ; à la croix de Jousseaud, deux policiers s’apprêtent à faire la circulation pour une course cycliste qui doit passer par là. Nous poursuivons sur 600 m ; au deuxième pont, nous obliquons sur une piste qui bientôt en croise une autre grossièrement parallèle à la route. Jean-Claude nous a promis 5 ponts et un mur soit, d’aval en amont, dans le vallon des Raymond(s) (du nom de plusieurs familles propriétaires en 1820) : le pont Rou derrière la villa en bordure de route, puis celui du vallon Peissonniers2, du vallon Portau, le mur-porteur près du chemin de Cadenet, le pont du vallon Charmassonne, le pont du vallon des Sumians. Un seul de ces toponymes attribués au XIXe par A. Gautier s’est perpétué sur la carte IGN d’aujourd’hui.

Le premier, le pont-Rou3, par un simple aller-retour dont vous pouvez vous passer, car on ne voit qu’une masse informe érodée. Les quatre autres ponts aériens sont parfaitement visibles et donc ont gardé leur intérêt.

Le second pont dans le vallon des Peissonniers2, premier pont à l’ouest de la D33. Sa solidité ne nous inquiète pas : nous circulons dans le canal. Une seule arche qui devait laisser passer un écoulement d’eau.

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