Entre vert et bleu, à Calas


Cette randonnée était prévue le 1er avril pour la fête de la randonnée 2022, organisée par Randocabriès ; n’ayant pu y participer en raison de conditions météorologiques incompatibles avec mes problèmes d’allergie, sa présidente m’a fait parvenir le circuit par l’intermédiaire de Yvon R. ; à cause de la carte IGN un peu ancienne, j’ai cafouillé du côté de la nouvelle passerelle au-dessus de la voie rapide et des voies d’aménagement. Je me suis garée à Calas, avenue des romarins, près de la crèche et de l’école.

Le barquiéu, réservoir d’eau situé à l’origine dans le parc et le potager du château de Trebillanne (voir cadastre 1833 ci-contre), alimenté par une source, servait de réserve d’eau pour arroser les terres basses cultivées de « la plaine de Trebillane » ; un abreuvoir pour les animaux de trait et les moutons complétait le système d’irrigation encore visible sur la carte de 1950. Aujourd’hui le bassin vide a conservé ses platanes.

Louis Balthazar Dauphin de Trébillane achète la seigneurie en 1759 et la transmet à son fils Antoine Louis Dauphin de Trébillane ( 1780-1849) ; à la mort des fils, c’est sa fille Marie-Gabrielle Dauphin de TRÉBILLANE (1784-1859), mariée à Antoine Laurent Marie GARAVAQUE, qui devient propriétaire des domaines de Calas (le nom de Calas date de 1859) et de Trébillane ; sa petite fille Louise Claire GARAVAQUE a laissé à Calas le souvenir d’une femme généreuse et impliquée dans le hameau : En 1868/69 Louise construisit l’église, un presbytère auquel elle ajouta un jardin. Elle aménagea le cimetière et vendit des lots aux fermiers afin qu’ils puissent construire les maisons du village. Extrait de la carte archéologique, monumentale et artistique de Calas
En 1869, elle fait donation du domaine à trois arrière-cousins du côté de la demie-sœur de sa mère : Gaspard Gabriel, Edouard Auguste, et Arthur Xavier de Villeneuve-Esclapon, ce dernier enterré à Calas.

Pour rejoindre la colline, j’ai traversé le lotissement par la rue de la lavande puis des romarins jusqu’au rond-point sur l’avenue principale ; en face par la rue Picasso, un sentier rejoint la colline et circule au pied des maisons du ‘domaine de Calas‘. Si près des habitations et pourtant déjà dans la nature ! au loin, le Pilon du Roy.

Il faut attendre 1952 pour que commence une urbanisation rapide et importante du territoire liée à la déprise agricole et à la proximité de Marseille : […] sont construits, particulièrement sur des terres de la famille de Villeneuve-Esclapon de grands lotissements : Lac Bleu, l’Eclair, Le Petit Lac [ndlr : initialement logements sociaux], Chamfleury, le Domaine de Calas, les domaines du Réaltor, de l’Arbois, et plus récemment les Pradelles et le Clos de l’Auberge. […] La commune va alors négocier aux frais du promoteur, la construction d’une école, voisine des logements du Petit Lac, dont elle va prendre le nom.

Cabries.fr p 165 et facebook, la-commune-aux-deux-clochers

Dans les bois près du Domaine de Calas, traversé de petits sentiers, j’ai eu un peu de mal à trouver la sortie vers la D9 ; sans doute aurait-ce été plus facile de rejoindre l’avenue F. Mistral dès que possible puis prendre l’étroite impasse ci-contre. Avec le nouvel aménagement du carrefour, il faut passer sous la route en direction du lotissement du Réaltor.

La piste en direction de Saint-Amand est barrée et privée ; mais le tracé que l’animateur m’a envoyé y passe : je suppose donc qu’il a l’autorisation d’y faire traverser les randonneurs. Ce beau pavot somnifère (à opium) en bordure de champ est considéré comme une mauvaise herbe.

Le domaine de Saint-Amand est un ensemble rural (remises, granges) autour d’une bastide centrale qui appartenait autrefois à Balthazar Dauphin de Trébillane et que son héritière Louise Garavaque a vendu pour construire Calas.

Selon Martine Guionnet du club de randonnées, la chanteuse Barbara a séjourné à Calas ; Raymond Martin, feu maire de Cabriès, s’honorait de son séjour à Saint-Amant dans les années 1990 (Cabriès.fr fiche 57). En 1967, une séquence Au bois de Saint-Amand a été tournée au Château d’If. Mais ses biographes ne pensent pas que le bois qu’elle évoque soit situé ici…

La chanteuse Barbara a séjourné à Calas, au hameau de Saint-Pierre selon les sources, et y a écrit la chanson du Petit bois de Saint Amand, aujourd’hui de l’autre coté de la 4 voies.

Wikimonde

A droite le vallon du Grand Torrent et la tour d’Arbois, terroir de vignes, de prés, de labours et de serres. Un peu plus loin une décharge sauvage comme j’en rencontre souvent. Il reste encore un champ de coquelicots.

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Le long du Réal


Organisée par les Amis de Jouques (contact), cette sortie gratuite (version 1) fut une véritable découverte insolite du Réal ; sans l’association, je n’aurais jamais découvert ce coin (propriétés privées) : nombreux vestiges de moulins, un vieux pont (et peut-être même un autre romain), une ripisylve garantissant une balade à la fraiche malgré les 30° dehors (peupliers blancs, de saules, de frênes et d’aulnes), une température de l’eau ne dépassant pas 20 degrés l’été et convenant donc parfaitement aux salmonidés  ;  encadrée par des spécialistes des sujets abordés (Gilles Cheylan, Gaëtan Congès, Jouques Action Biodiversité, la société de pêche privée le Réal), elle ne pouvait que satisfaire le groupe et la curieuse que je suis.
J’y suis même retournée le 29 juillet par une boucle : ce sera la version 2.

Rien qu’en observant les différentes cartes de Jouques nous apprenons beaucoup de choses :

  • carte de Cassini vers 1760 : sur le Réal on dénombre 5 symboles de moulins ; Pey1 Gaillard s’écrivait Puigaillard ; la chapelle Saint-Jean-de-Ville Vielle, pourtant signalée en état de délabrement en 1739, est représentée sur la carte ;
  • sur le cadastre napoléonien (1810) :
    • section G (Pey Gaillard), Le Réal c’est le ruisseau de Jouques ou de Saint-Bacchi ; Malle Vieille2 s’écrit en deux mots, un aménagement de couleur bleue (barrage) sur la rivière au niveau du pont à Mallevieille ; passant sur ce pont, la carraire de transhumance des Blaquières rejoint le chemin de Jouques à Saint-Paul ; selon moi, cette carraire est une des grandes voies de transhumance, celle de Barcelonnette.

      Citée par Sandrine Krikorian, Les chemins de transhumance dans la Provence du XVIIIe siècle, 2022, la deuxième route de transhumance connue par le Mémoire de la route de l’abeillier qui va dépaître pendant l’été à la montaigne de Larche et celle de Josiers et celle du Chatelas, toutes ces montagnes dans la vallée de Barcelonnette, indiquent que les troupeaux passent par … Peyrolles, Jouques, Saint-Paul, Cadarache, Vinon,… où on arrive le 28 juin, en l’année 1752, parti le 14 juin de la même année, composée de 10402 bêtes.

    • sur la section F Sainte-Trinité, un moulin se trouve sur l’ancien canal de Peyrolles (propriétaire BLANC Jean Honoré dit Bienheureux) et Paradou3 de Séouve4 (propriétaire SANTON J.-Baptiste décédé avant 1810, marié en 1796 à Ricard M.-Elizabeth) et son long canal d’amenée parallèle au ruisseau ;
    • sur la section H2 (Saint-Sébastien), le moulin du Bienheureux (BLANC Jean Honoré dit Bienheureux) à Malle Vieille ;
  • Sur la carte d’état-major (1860), le moulin de Peyrolles s’appelle moulin de Vergne, du nom de son propriétaire ; deux moulins sont repérés Min, mais n’ont plus de nom : cette information est probablement sans intérêt pour l’état-major ;
  • Sur la carte IGN de 1950, restent le moulin du Réal (Peyrolles) sur le canal de Peyrolles et deux symboles de moulin entre Mallevieille et le village ; les moulins en aval n’existent plus.

De nombreux moulins se sont développés depuis la période médiévale.
1335 : 10 moulins ; 1508 : 21 moulins ; 1823 : 11 ; 1923 : 4 dont 2 papeteries. Source : Jouques, Site Patrimonial Remarquable, Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (A.V.A.P.)

Nous suivons le sentier jusqu’à l’endroit où, lors du percement de l’autoroute, la présence d’engins de terrassement a permis le creusement d’un nouveau lit pour le Réal. Ses eaux passent désormais sous l’autoroute et sous le chemin. Extrait de Souvenirs de pêche, société de pêche du Réal.

Sous les frondaisons d’arbres bien hauts, nous nous rapprochons de la rive droite du Réal. Très vite, une première ruine bien cachée, d’où l’on descend en escalier, avec un muret de soutènement, ne figure pas sur le schéma explicatif préparé par P. Doucière en 2015. Moulin ou simple maison ?

L’étroit sentier sinue en sous-bois ; en juillet nous avons parfois été obligés de couper quelques branches au sécateur. Beaucoup d’arbres sont tombés en travers de la rivière.

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Plateau de Vitrolles, mare de Salvarenque


Après une petite visite dans le quartier de Salvarenque avec Anne, j’ai eu envie d’y retourner, étonnée de trouver une mare d’eau sur le plateau de l’Arbois, couvert d’une végétation typiquement méditerranéenne de garrigues à chênes Kermès où l’eau est rare. Je me gare à côté du radar, excellent repère sur le plateau, et qui sert au contrôle aérien de la zone d’atterrissage de l’aéroport de Marseille-Provence.

La météo ce jour à cet endroit :
Avec le vent et la température ressentie

Au loin entre deux arbres, la vue sur une partie des montagnes de la Provence vers l’est : Tête de l’Ost, Tête du grand Puech, Pilon du roi, l’Etoile.

Je suis partie du radar par une large piste en direction de Salvarenque, l’ancien chemin de Vitrolles à Aix. Au carrefour avec la piste menant à Magenta, une cabane de chasse, à moins que ce ne soit les ruines de la ferme de Bellevue isolée au milieu du plateau près desquelles s’est installé un renard roux.

Fin XIXe, la chaumière Bellevue est une campagne de chasse de 48000 m2 (poste à feu pour grives, ortolans, perdreaux, lapins) . Elle possède deux citernes, cultive oliviers, amandiers et arbres fruitiers. La maison d’habitation a 6 pièces.
Elle est mise en vente en 1883, peu de temps après sa construction puisqu’elle ne figure pas sur le cadastre napoléonien de 1831. Le Petit Marseillais, 18 juillet 1883

Accrochées sur la végétation basse, d’impressionnantes toiles d’araignée avec un tube au milieu où l’araignée se cache sans bouger. Un peu plus loin, à l’approche du vallon de Gourgoulousier1, une lavogne créée par l’homme est destinée à recueillir les eaux de pluie pour permettre aux troupeaux de s’abreuver. Mais ça sert aussi pour d’autres espèces…

Elle a attiré en 2020 les espèces suivantes : Ischnure naine, Orthétrum réticulé, Sympétrum à nervures rouges. Le résultat le plus marquant est l’utilisation de la lavogne dès sa première année pour la reproduction des Crapauds calamites, puis, l’année d’après par les Crapauds communs. Dès la première année, des reproductions de libellules ont été constatées Faune-paca.org n°69

Comment font les observateurs qui comptent les crapauds pour ne pas compter deux fois le même ? Je trouve qu’ils se ressemblent tous ; mais non, le motif dorsal est unique pour chaque individu et il varie peu dans le temps à l’âge adulte. La méthode :

Pour chaque individu repéré, le sexe est déterminé (présence ou non de sac vocal) et une photo est prise, bien parallèle au dos. Un recadrage de celle-ci permet de garder une image normalisée utilisable dans des logiciels de reconnaissance automatique. […] L’analyse des photos permet de reconnaitre si l‘individu a déjà été capturé auparavant.

Après le vallon du Gourgoulousier dont les abords verdoyants contrastent avec la sècheresse du plateau, j’arrive dans le quartier de Salvarenque planté d’oliviers. Après les immenses champs jaunis par le soleil, je trouve la fameuse mare de Salvarenque. Située sur un sol argileux, elle est alimentée par une résurgence de la nappe phréatique et par les eaux de pluie. Elle a un profil à double-concavité : une partie s’assèche en été – c’est le cas aujourd’hui – alors que l’autre peut rester en eau. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est de m’y poser et d’observer la vie animale.

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